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3 BARDER v. intr. est à l'origine un terme d'argot militaire (1889), et paraît devoir être rattaché, par une évolution obscure, à un verbe barder, surtout vivant dans les dialectes, en anglo-normand moderne, au sens maritime de « drosser, affaler » (1908), à Paris en parlant d'un cheval qui court vite, d'une voiture qui va de côté et d'autre (1920), dans l'Est à propos d'un véhicule dont les roues glissent de côté sans tourner (1925). Ce verbe paraît dériver d'un type °barrum « boue » bien représenté en provençal depuis la fin du XIIe s. (→ bardane), le sens originel étant alors « glisser comme dans la boue » (Cf. embarder ; bardeau sous 1 barde). Il n'est pas exclu cependant que le verbe argotique procède au moins partiellement de l'autre verbe 1 barder « charger », dérivé de bard*, par l'intermédiaire du sens de « être lourd, peser » en argot (1846) avec passage au sens figuré de « peiner » ; dans un exemple relevé en 1925, la voiture barde lorsqu'elle est trop chargée, barder « glisser » et barder « peser » ont pu être confondus, ce dès le XIXe siècle.
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Le verbe s'est employé dans l'argot des casernes à propos d'une personne qui travaille dur, qui trime, et d'une chose qui devient pénible, difficile (1894).
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Avec une nuance d'appréhension, de menace, il signifie aujourd'hui « devenir dangereux, prendre une tournure violente », notamment dans des formules du type ça va barder !, seul emploi usuel, d'ailleurs concurrencé par des synonymes très familiers (ça va chier, etc.).
BARDIT n. m. est emprunté (1644) au latin barditus, « chant de guerre des anciens peuples germaniques » (Tacite), mot germanique d'origine inconnue. Un rapprochement avec le latin bardus (→ 2 barde) fait difficulté en raison de l'origine gauloise de ce dernier mot. L'hypothèse d'une altération de barritus « barrissement » (→ barrir) est peu vraisemblable étant donnée l'origine germanique de barditus et dans la mesure où barritus est attesté postérieurement (Apulée) ; en outre, il ne connaît guère que le sens secondaire de « cri de guerre » et se présenterait plutôt lui-même comme une altération de barditus d'après barrire.
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Le mot, employé par latinisme au XVIIe s. dans une traduction de Tacite, est un terme d'histoire. Son emploi pour « chant composé par des bardes » est dû à l'attraction normale de 2 barde.
BARDOT n. m. est emprunté (1367), de même que l'italien bardotto « mulet » (1612) et l'espagnol albarda « bât », à l'arabe barda῾a « couverture de selle » (→ barda, 1 barde), peut-être par l'intermédiaire du provençal bardo, dont on a le dérivé bardel « bât » avant 1234. La finale a été adaptée avec le suffixe -ot. L'hypothèse selon laquelle bardot serait issu du provençal °bordot, lui-même emprunté au bas latin burdonem « mulet » (ayant donné l'ancien français bordon, burdun « bardot », v. 1170), ne semble pas à retenir ; les très rares formes du type bordot relevées par Wartburg (Aveyron, Die) sont plutôt des formes issues de bardot par assimilation vocalique.
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Le mot désigne techniquement l'animal hybride né de l'accouplement du cheval et de l'ânesse, alors que le mulet provient d'un âne et d'une jument, dite mulassière. Par extension, il s'emploie quelquefois à propos d'une bête de somme, et spécialement du mulet marchant en tête et portant le muletier, qui était affranchi des droits de péage, d'où l'ancienne locution figurée passer pour bardot « sans payer » (XVIe s.). Le sens figuré de « personne sur laquelle on se décharge, souffre-douleur » (1740) a disparu.
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La même idée dépréciative est réalisée dans la spécialisation technique de « papier de rebut » en typographie (1704).
BARÈME n. m. est l'emploi comme nom commun, avec altération graphique (1803), du nom propre de François Barrême (1640-1703), mathématicien, expert pour les comptes à la Chambre des comptes à Paris et auteur d'un ouvrage Les Comptes-Faits du grand commerce (1670).
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Le mot désigne un recueil de calculs tout faits et de tableaux numériques facilitant une consultation rapide et sûre dans des domaines précis.
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BARÉMIQUE adj. s'emploie en français de Belgique pour « relatif à un barème » (échelle barémique des salaires).
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BARGUIGNER v. intr., attesté au XIIe s. sous plusieurs formes : bargaignier (v. 1165-1170), barguaignier (1165), barguignier (v. 1165), est d'origine discutée. Selon une hypothèse communément reçue, le mot, attesté en latin médiéval sous la forme barcaniare « faire du commerce » (IXe s.), et indirectement par son dérivé barganaticum (752-768) « impôt sur les marchandises », est emprunté à un verbe francique, °borganjan, issu du croisement de deux verbes franciques, °borgen (allemand borgen « prêter, emprunter ») et °waidanjan (→ gagner). Le passage de bargaignier à barguignier, barguigner s'est peut-être fait par attraction de engigner « tromper » (XIIe s.), ancien dérivé de engin*. Une autre hypothèse, proposée par Gamillscheg (et reprise par P. Guiraud), fait remonter les formes du latin médiéval à un °barwaniare, issu d'un francique °warbanjan, dérivé du substantif °warb, lequel est déduit du moyen haut allemand warb, « action de tourner, affaire, métier », de l'ancien danois hrarv « industrie, métier », et des verbes d'ancien haut allemand hwerfan et hwerban « se tourner, s'en retourner, exercer (une profession) » d'où l'allemand werben « rechercher » ; cette hypothèse suppose la métathèse (phonétiquement régulière) de °warbanjan en °barwanjan ; mais le sens de l'étymon orienterait plutôt vers l'activité du producteur que vers celle du client acheteur. L'ancien français bargaignier a été emprunté par l'anglais to bargain.
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Le verbe, qui signifie « marchander longuement », n'est plus guère usité à partir du XVIIIe siècle.
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Par référence à la longueur de certains marchandages, il a pris le sens de « hésiter » (1234), probablement dès le XIIe s. (ancien français bargaigne, « hésitation », v. 1195). Ce sens a survécu dans la locution sans barguigner « sans hésiter » (1400-1422).
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Les dérivés ont suivi le même développement de sens.
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BARGUIGNEUR, EUSE n. (XIVe s.) a cessé de se dire de celui qui marchande pour s'appliquer à celui qui hésite (1635).
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BARGUIGNAGE n. m. (1580), BARGUIGNADE n. f. sont passés de l'idée de « marchandage » à celle d'« hésitation » (1740).
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Tous sont archaïques ou ont disparu en français d'Europe.
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BARGUINER v., simplification phonétique de
barguigner, s'emploie en français du Canada pour « marchander », en emplois intransitif et transitif.
BARIGOULE n. f. est un emprunt (1742) au provençal barigoula, désignant des champignons.
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Le mot, qui a désigné l'agaric, ne survit que dans l'expression culinaire à la barigoule, où des artichauts sont évidés (on les compare alors à des agarics), farcis et cuits à l'huile.
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BARIL n. m., d'abord écrit barril (v. 1170) puis baril (déb. XIIIe s.), est l'adaptation du latin médiéval barriclus « petit tonneau » (v. 800), lui-même contraction d'un gallo-roman barriculus, probablement diminutif de °barrica (→ barrique). Un rapprochement avec un latin populaire °barra (→ barre) ne s'explique pas sémantiquement. P. Guiraud distingue deux bases qui ont pu être confondues : l'une en barr- (latin médiéval, espagnol et ancien provençal barril) apparentée à barrique* et à barre*, l'autre en bar-, postulée par baril et l'italien barile, représentant °barus « divergent, cagneux » avec un dérivé roman possible °barilis « bombé ». Selon P. Guiraud, la racine °bar- serait la même dans baratin, barouf, berlingot, etc.
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Le mot désigne un petit tonneau et, par métonymie, son contenu. Il a récemment acquis quelques emplois techniques en marine, en astronomie, en chimie, en photographie, passant dans le vocabulaire de la métrologie pour une unité de mesure du pétrole (1913) d'après l'anglais barrel, lui-même repris du français au XIVe siècle.
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BARILLET n. m. (1180-1190) « petit baril », sens disparu, s'est spécialisé pour désigner un dispositif de forme cylindrique dans divers domaines techniques (1680 en horlogerie).
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Il est devenu courant à propos du cylindre tournant dans lequel se logent les cartouches des revolvers.
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1 BARROT n. m. (1323), du radical de
baril, avec un suffixe
-ot, est un terme technique pour « baril à anchois ».
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BARILLAGE n. m. (1532) s'est dit en droit de l'action de faire arriver du vin en barils et dans tous les petits récipients (moins d'un huitième de muid), bouteilles, cruches.
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Le mot a été reformé (1845) pour « action de fabriquer des barils » et, par métonymie, « ensemble de barils ».
❏ voir
BARRIQUE.
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BARIOLÉ, ÉE adj., d'abord barrolé (1546), barriolé (1617), est d'origine incertaine. On le considère traditionnellement comme le composé tautologique de deux mots d'ancien français de même sens : barré (XIVe s.), dérivé de barre*, et riolé (1380), de riule « instrument servant à régler » (XIIe s.), remontant au latin regula (→ règle). P. Guiraud, refusant cet étymon à la fois sémantiquement et parce qu'il est incompatible avec les formes dialectales baricolé, braigolé, bergolé, brigolé, y voit la forme francisée d'un mot occitan barigola par chute du -g- intervocalique. S'appuyant sur un verbe provençal moderne, il postule un étymon roman °bariculare « qui est de deux couleurs opposées », « qui va d'un côté à l'autre » avec, peut-être, une influence de varius (→ varié).
❏
L'adjectif qualifie ce qui est peint de diverses couleurs, produisant un effet violent et de mauvais goût, et s'emploie quelquefois avec la valeur figurée de « composite ».
❏
Il a pour dérivé
BARIOLER v. tr. (1690) dont il devient en français moderne le participe passé, et qui correspond exactement à l'adjectif pour le sens.
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BARIOLAGE n. m. est antérieur au verbe (bariolaige, XVIe s. ; puis barriolage, 1694).
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Les dérivés tardifs BARIOLURE n. f. (1808) et BARIOLIS n. m. (1883) sont peu usités.
BARJAQUER v. intr. est un mot du français de Suisse (1820), tiré du radical de jacasser, avec un élément initial mal expliqué.
❏
Le verbe correspond à jacasser, bavarder de manière indiscrète. De même que son dérivé, il s'emploie aussi dans le sud-est de la France, jusqu'en Provence.
❏
BARJAQUE n. f. (1820 en Suisse) désigne la personne qui barjaque.
BARJO n. et adj. est le verlan (déb. XXe s.) de jobard, mais n'a pas conservé le sens de ce mot.
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Il correspond aux sens faibles de « fou » et équivaut à « cinglé ».
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On écrit aussi barjot et son abréviation, courante s'écrit BARGE (il, elle est complètement barge).
BARKA ! interj., emprunt à l'arabe algérien, s'emploie aussi en français du Maghreb au sens de « assez ! », pour exprimer qu'on met fin à la discussion, à une situation (Cf. basta !).
BARLONG, ONGUE ou BERLONG, ONGUE adj. est probablement issu (fin XIIe-déb. XIIIe s.) d'un latin populaire °bislongus, littéralement « deux fois long », c'est-à-dire « deux fois plus long que large » et, par extension, « très long », attesté par Du Cange au XIVe s., et composé de bis (→ bis) et de longus (→ long). Les premières attestations en français font état de beslong. La forme berlong (1400), de même que la forme barlong (1597) représentent un traitement dialectal (picard) ; le a de barlong provient de l'évolution phonétique régulière de er + consonne.
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Le mot qualifie ce qui a la forme d'un quadrilatère plus long que large (il a désigné, substantivé au masculin, un tel quadrilatère, 1690). Il pallie l'absence d'un adjectif spécifique lorsqu'il est employé pour décrire un vêtement plus long d'un côté que de l'autre.
❏ voir
1 BÉLON.
BARMITSVA n. f. inv. est un emprunt (attesté par écrit, en français en 1927) dont l'usage a dépassé celui des communautés juives francophones, certainement bien antérieur. Le mot est formé de bar « fils » et mitsva « commandement ».
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Le terme désigne l'accès de jeune garçon au statut d'adulte et la cérémonie qui marque cet événement.
BARNUM n. m. est l'emploi comme nom commun (1855) du patronyme de Ph. T. Barnum, homme d'affaires américain (1810-1891) possédant le génie de la réclame, qui dirigea un cirque et exhiba toutes sortes de phénomènes.
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Le mot s'est dit d'une personne, généralement un forain, qui exhibe des phénomènes à sensation à grand renfort de publicité.
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Par métonymie, l'accent étant mis sur les méthodes tapageuses et d'après le sens figuré de cirque, il est devenu un synonyme familier de « désordre, tohu-bohu » (1915).
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Il s'est appliqué aussi à une grande tente de camelot (1939), rappelant la tente d'un cirque, puis à l'abri d'un vendeur de journaux.
G
1 BARON, ONNE n. est issu (Xe s.) comme titre féodal, après l'invasion de la Gaule du Nord (Ve s.), d'un francique °baro, d'abord sacebaro, employé pour désigner un fonctionnaire subordonné au comte (Loi salique), puis un noble du royaume (856) et un vassal issu de la noblesse (1038). Sacebaro est formé de l'élément sace-, peut-être à rattacher à l'ancien norrois saka « accuser, lutter », d'où « litige », « procès » (ces fonctionnaires germaniques étant surtout chargés de percevoir les amendes judiciaires), et de baro. Ce dernier, qui désigne proprement l'homme libre, le guerrier, se rattache à l'ancien norrois berja « frapper, tuer », remontant à la racine indoeuropéenne °bher- « couper, fendre » (→ burin, férir, forer). Ce mot, introduit dans la Romania par les mercenaires germaniques, est attesté en latin par Isidore de Séville, et employé dans la Loi salique au sens de vir « l'homme », opposé à mulier « la femme ». Il est lui-même passé en ancien français (1080, ber cas sujet, et baron cas régime), désignant un homme brave, valeureux, un saint, puis l'époux (fin XIIe s.), ce dernier sens étant conservé en picard et encore répertorié aux XVIIe-XVIIIe siècles. L'espagnol varón « homme fort, mâle », ainsi que le portugais varao, ont gardé le sens ancien tandis qu'en français, le titre de noblesse l'a supplanté dans la France féodale.
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À l'époque féodale, baron a désigné un grand seigneur du royaume, puis n'importe quel noble de rang élevé, y compris l'empereur, avec une connotation de vaillance. La valeur de « grand seigneur vassal d'un souverain » survit en histoire. Il désigne aussi plus spécialement (XIIe s.) celui qui possédait une terre avec le titre de baronnie et se plaçait au-dessous du comte dans la hiérarchie nobiliaire.
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Depuis la Révolution, il ne désigne plus que le noble possédant ce titre (Monsieur le baron, le baron X).
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Par analogie, il se dit d'un homme puissant, important (XIXe s.), et s'applique, en argot puis familièrement, à un complice qui fait mine d'être un client et permet au meneur de jeu de tromper les véritables clients (1901).
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Au XXe s., la valeur historique de « haut vassal » a été reprise en politique (les barons du gaullisme).
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La dérivation s'est faite en deux temps.
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BARONNAGE n. m., réfection de barnage (fin XIe s.), forme fréquente en ancien français ainsi que bernage (encore dans Cotgrave, 1611), désigne le titre, la qualité de baron et, collectivement, l'ensemble des barons (v. 1080).
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BARONNIE n. f., d'abord écrit baronie (v. 1138), senti comme doublet de baronnage avec les sens de « ensemble des barons » et de « condition de baron » (v. 1175), ne se dit plus en histoire que de la seigneurie et terre d'un baron. Il a eu en ancien français le sens moral de « vaillance » (v. 1150).
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BARONNERIE n. f., d'abord barunerie (1160-1174) « assemblée des grands seigneurs » et « qualité de baron » (v. 1395), a cessé de s'employer après le XVIe s., évincé par baronnage et son homonyme baronnie.
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BARONNE n. f., féminin de baron, a d'abord existé comme synonyme de « femme, épouse » (v. 1300), sens demeuré rare.
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Il n'est enregistré que tardivement pour « femme possédant une baronnie » et « femme d'un baron » (1611).
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L'adjectif BARONNIAL, ALE, AUX, d'usage didactique (1836, baronial), est un terme d'histoire.
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Les verbes dérivés de
baron, d'emploi rare, apparaissent plus tard.
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BARONISER v. tr., relevé une fois au XVIIe s., repris en 1875, et BARONIFIER v. tr. (av. 1800) signifient, souvent par dérision, « faire baron ».
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BARONNER v. tr. (1905) est un verbe argotique pour « servir de compère ».
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BARONNET n. m. est emprunté (1660) à l'anglais
baronet (
XIVe s.), diminutif de
baron, lui-même emprunté à l'ancien français
barun, baron*. Le mot anglais, proprement « jeune baron », s'est d'abord appliqué, selon Spencer, à ceux qui furent convoqués à la Chambre des lords par Edouard III, puis aux possesseurs d'un titre héréditaire créé par Jacques I
er en 1614.
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Le mot désigne la personne possédant ce titre de noblesse anglais, différent de celui de baron.