BASTINGUE n. f. est emprunté (1634) au provençal bastengo, terme de marine, féminin de bastenc « cordage de sparterie », lui-même dérivé du verbe basti, « bâtir », et aussi « tisser, tresser », notamment « empailler des chaises ». Le verbe de l'ancien provençal bastir (→ bastide) avait lui-même le sens de « tisser » (v. 1000). L'hypothèse parfois proposée d'un emprunt du français à l'italien bastinga est à écarter, ce mot étant au contraire un gallicisme de la langue écrite.
❏
Le mot, qui désigne comme son étymon une toile matelassée tendue autour du plat-bord, pour se protéger des balles, est sorti d'usage avec la chose.
❏
Bastingue a servi à former
BASTINGUER v. tr. (1634) « munir de bastingues », la forme pronominale
se bastinguer « se protéger par des bastingues » prenant dans l'argot des marins le sens de « se cacher ». Ce verbe a disparu, à la différence de son dérivé
bastingage.
◈
BASTINGAGE n. m. (1747) est d'abord un collectif désignant l'ensemble des bastingues c'est-à-dire une protection contre le feu de l'ennemi. Il s'applique ensuite au système de filets doublés de forte toile bordant un navire de guerre et auquel on suspendait les hamacs de l'équipage.
◆
Il est devenu le nom du parapet bordant le pont d'un navire de guerre, puis de tout navire, seule acception vivante, et s'emploie quelquefois par analogie pour « rambarde, parapet » (
XXe s.).
BASTION n. m. est emprunté (XVe-XVIe s.), à l'italien bastione, attesté au sens de « fortification » en latin médiéval (1447 à Piacenza). Le mot est dérivé, avec le suffixe -one à valeur augmentative, de bastia, attesté en latin médiéval (1238, charte de l'empereur Frédéric II), participe passé féminin substantivé de bastire (→ bâtir) pour bastita, propre à l'italien septentrional. L'hypothèse selon laquelle l'italien bastia serait emprunté au moyen français bastie est moins probable, étant donné la rareté de ce mot et son attestation assez tardive en français (1429).
❏
Le mot désigne un ouvrage de fortification faisant saillie dans l'enceinte d'une place forte, et, par extension, un lieu assurant à des combattants une protection suffisante pour résister à des attaques répétées. Il s'emploie par métaphore, surtout qualifié par un adjectif ou un complément en de, pour ce qui défend efficacement qqch. (une abstraction).
❏
Le dérivé
BASTIONNER v. tr. (1611) « garnir de bastions » est technique et concurrencé à partir de 1870 par un préfixé.
■
EMBASTIONNER v. tr. s'est employé au sens figuré de « protéger efficacement », dans un style littéraire (XIXe s., Balzac) ; il est rare.
BASTON, BASTONNADE → BÂTON
BASTOS n. f. est l'emploi comme nom commun (1916) de Bastos, nom d'un fabricant de cigarettes algérois, par une comparaison entre le paquet de cigarettes et le paquet de cartouches.
❏
Le mot a d'abord servi à désigner, dans les troupes d'Afrique du Nord, un paquet de cartouches, puis a pris en argot le sens actuel de « balle (de fusil, de revolver) » (1925).
?
BASTRINGUE n. m. et f. (1794) est d'origine discutée, la finale -ingue suggérant une provenance germanique. L'étymon néerlandais bas drinken « boire beaucoup », où drinken, correspondant à l'anglais to drink, remonte à la racine germanique °dreŋkan (→ trinquer), fait difficulté, ce syntagme ne semblant pas usuel. L'hypothèse d'un emploi par plaisanterie à partir du terme technique bastringue, « machine à imprimer les toiles », proposée par Ferdinand Brunot, fait difficulté : il est au contraire probable que le mot désignait d'abord la danse tapageuse et qu'il a servi à dénommer la machine à cause du bruit qu'elle faisait. L'hypothèse de P. Guiraud, qui propose de faire de bastringue une variante de bastingue (→ bastingage) « barricade de bois », suppose des spécialisations de sens non attestées. L'ordre d'apparition des deux premiers sens pourrait n'être lié qu'au hasard des attestations.
❏
Avec l'idée de rythme bruyant, le mot désigne un air populaire de contredanse, d'où, par métonymie, un bal populaire (1800) et, par extension, un désordre bruyant (1866).
◆
Au féminin, il sert aussi (1799) à dénommer une machine à imprimer les toiles au cylindre : il semblerait que les ouvriers de la manufacture des toiles de Jouy, dirigée par Oberkampf, soient à l'origine de cette appellation pour la nouvelle machine construite par Samuel Widmer, neveu d'Oberkampf.
◆
L'idée d'« ensemble désordonné » l'emporte dans les emplois extensifs concrets et abstraits (1900), en synonymie partielle avec bordel.
❏
BASTRINGUER v. intr., d'abord au participe passé bastringué (1809) appliqué à une toile de Jouy imprimée à la « bastringue », a eu la valeur de « fréquenter les bals populaires » (1805).
L
BÂT n. m., d'abord bast (1265) écrit tardivement bât (1740), est issu d'un latin populaire °bastum, substantif verbal de °bastare « porter » (→ baste). °Bastum a totalement éliminé le latin classique clitellae, -arum ; d'abord utilisé dans les régions méditerranéennes, il est ensuite remonté vers le Nord, supplantant somme (dans bête de somme), attesté dans le nord de la France depuis le XIIe s. (v. 1130) en particulier au sens de « bât » aux XIIIe et XIVe siècles.
❏
Le mot, qui désigne le dispositif que l'on attache sur le dos des bêtes pour leur faire porter une charge, s'emploie par métaphore dans la locution c'est là que le bât blesse (v. 1357, le bast m'en blesse) « là réside la difficulté », avec l'idée de « contrainte ».
◆
La locution cheval de bât (1740), appliquée autrefois à un homme dépourvu d'intelligence puis à un homme chargé des grosses besognes, a disparu.
❏
Les dérivés remontent au moyen français.
■
BÂTIÈRE n. f., d'abord bastiere (1283), a disparu au sens de « coussinet placé sous l'arçon d'une selle », gardant dans certains dialectes (Normandie, Anjou, Centre) celui de « selle rembourrée » (1555).
◆
Par analogie, il désigne en architecture un toit à deux pentes (1856).
■
BÂTIER n. m., d'abord baatier (av. 1292), désignait autrefois le sellier spécialisé dans la fabrication et la vente du matériel d'équipement des bêtes de somme.
■
BÂTER v. tr. (1549), « mettre un bât à (une bête) », s'est répandu sous la forme du participe passé adjectivé bâté, dans la locution figurée âne bâté en parlant d'une personne lourde d'esprit.
■
BÂTINE n. f., probablement dérivé (1549) de bât plutôt qu'emprunté à l'italien bastina attesté en 1688, a désigné une selle rembourrée couverte d'une grosse toile ; le mot a survécu dans certaines régions (Berry).
◈
EMBÂTER v. tr. (
XVe s.) exprime le fait de mettre son bât à une bête (d'où
EMBÂTAGE n. m., v. 1870) tandis que
DÉBÂTER v. tr., apparu lui aussi au
XVe s., se dit de l'opération inverse.
❏ voir
BASTE, BÂTON.
?
BATACLAN n. m., attesté depuis 1761, est d'origine obscure, probablement formé sur une onomatopée imitant le bruit d'objets qui tombent, que l'on déplace. Il semble que l'on ait d'abord eu pataclan, forme répandue en picard (« bruit d'un corps qui tombe »), devenu bataclan sous l'influence de battre*. Ceci interdit d'évoquer le latin populaire bataculare, d'où bâiller et l'onomatopée bat-.
❏
L'idée originelle de « bruit » s'est perdue au profit de celle d'« attirail encombrant et composite ». La locution et tout le bataclan signifie « et tout le reste », de manière péjorative (Cf. et tout le bordel).
L
BATAILLE n. f. est issu (1080) du bas latin battalia (Ve-VIe s.), altération de battualia, pluriel neutre attesté au sens de « combat d'escrime » (IVe s.), dérivé de battuere (→ battre).
❏
En français, le mot désigne le combat que se livrent deux armées ou deux individus. Par extension, il s'applique à un échange entre plusieurs antagonistes, au propre et au figuré (v. 1176).
◆
Par métonymie, il a désigné un corps de troupes (v. 1176), sens usuel jusqu'au
XVIIe s., époque à laquelle il est éliminé par
armée, troupe, etc., et dont procède la locution
en bataille, en bataille rangée (1606), en parlant de l'ordre d'une armée disposée en ligne pour combattre.
Bataille navale est dans Rabelais (1542).
◆
Le sens initial a donné quelques emplois figurés surtout dans des expressions comme
cheval de bataille, au figuré « sujet favori »
(Cf. cheval), plan de bataille, et la locution
en bataille dont le sémantisme initial d'« ordre » tend à s'inverser en « désordre », par exemple dans la locution
mettre son chapeau en bataille (1858) et dans divers emplois (
les cheveux en bataille, etc).
Après la bataille (
venir après la bataille, 1552) « quand il n'est plus temps, lorsque tout est fini », est resté usuel.
■
On appelle bataille un jeu de cartes aux règles très simples et bataille navale un jeu de société.
❏
BATAILLER v. intr., d'abord
bataillier (v. 1130) « livrer bataille, combattre », a vieilli en ce sens dès le
XVIIe siècle. De nos jours, il s'emploie surtout au figuré avec l'idée de « lutter avec ardeur pour persuader » (1690), déjà en germe dans un emploi métaphorique du
XIIIe s. dans un contexte de rivalité amoureuse. Plus ou moins senti comme lié à
se battre, batailler a pris le sens second de « se bagarrer, échanger des coups ».
■
Ses dérivés, BATAILLERIE n. f. (1858) et BATAILLANT, ANTE adj. (1860), se sont peu répandus.
■
BATAILLEUR, EUSE n. et adj., d'abord batallierre (v. 1200) et bataillor (1267-1268), du verbe batailler, a éliminé le doublet batailleros, bataillerus (v. 1170), dérivé de l'ancien français bataillier « guerrier » (v. 1200), lui-même de bataille.
◆
Il qualifie celui qui aime se battre puis une chose destinée à la bataille (av. 1450), sens disparu. Son emploi substantivé pour celui qui se bat (1280) a eu du mal à s'implanter ; considéré comme un « vieux mot » par Trévoux mais repris par Rousseau à la fin du XVIIIe s., il reste peu usité. Repris comme adjectif, il qualifie une personne, un enfant qui aime à se battre. Cf. bagarreur.
■
Son synonyme, BATAILLARD, ARDE adj. (1832), a disparu.
❏ voir
BATAILLON, BATTELLEMENT, BATTLE-DRESS.
BATAILLON n. m. est emprunté (1543) à l'italien battaglione « grand escadron de soldats » (1500-1525), dérivé de battaglia, de même sens et de même origine que bataille*, avec le suffixe augmentatif -one. L'espagnol batallón (1539), emprunt à l'italien, ne peut être la source du mot français.
❏
Le mot désigne une troupe et, dans l'organisation moderne de l'armée, un corps d'infanterie composé de plusieurs compagnies : chef de bataillon correspond à commandant.
◆
L'Académie a accueilli en 1835 le sens figuré de « grand nombre, troupe », déjà attesté au XVIIe s., en le qualifiant de « familier ».
◆
L'expression figurée et familière inconnu au bataillon, issue de l'appel militaire, signifie « inconnu, impossible à identifier, à retrouver ».
❏
Bataillon a produit BATAILLONNAIRE n. m. (1915) et BAT' D'AF n. m. pl. (1885), abréviation de bataillon d'Afrique et terme d'argot militaire se référant aux unités disciplinaires françaises qui étaient stationnées en Afrique, appelées aussi joyeux.
?
BÂTARD, ARDE adj. et n., d'abord bastard (1089), bâtard au XVIIe s. (1680), est attesté en latin médiéval sous la forme bastardus (1010) dans le domaine catalan (une grande partie de la Catalogne étant incluse dans la Marche d'Espagne à l'intérieur de l'Empire franc) et comme surnom appliqué à Guillaume le Conquérant (1074-1076). Bastardus est d'origine obscure. L'hypothèse la plus recevable est celle d'un emprunt au germanique °banstu- à travers les formes propres au domaine germanique de la mer du Nord : ancien frison, ancien saxon, formes qui ont subi la chute nasale ; il conviendrait alors de poser à côté de l'ancien frison bōst une forme à voyelle non assourdie °bast. Ce germanique °banstu-, qui aurait pu signifier « mariage avec une seconde femme de rang plus bas » (type d'union très fréquent dans la haute noblesse sous les Capétiens et les Carolingiens), appartient à la racine indoeuropéenne °bhendh- « lier » (→ 1 bande). À ce radical aurait été ajouté le suffixe -ard des anthroponymes germaniques qui a développé une valeur péjorative peut-être due à la condamnation de la polygamie germanique par la morale chrétienne. V. Günther préfère expliquer bastard par l'ancien norrois °bástr. L'hypothèse de bastard issu du syntagme fils, fille de bast (XIIIe s.), littéralement « conçu ou né sur un bât », c'est-à-dire au hasard de la vie des muletiers, altéré ultérieurement en fils de bas par attraction du latin bassus (→ bas), fait difficulté car le suffixe -ard et les plus anciennes attestations plaident pour une origine germanique et non pas méridionale ; de plus, elle paraît incompatible avec les plus anciennes attestations latines, qui sont neutres. Pour cette même raison, l'hypothèse d'un étymon germanique °bansti « grange » (restitué par le gotique bansts) ne convient pas, étant donné la position sociale des fils que les grands nobles avaient d'une seconde femme.
❏
Le mot désigne et qualifie celui qui est né hors mariage, d'abord comme anthroponyme (avec majuscule) et, de bonne heure, comme nom commun (v. 1150). Dès cette époque, il reçoit une valeur péjorative, voire insultante, sauf quand il s'agit de grandes familles, où le mot est parfois intégré au nom
(le Bâtard d'Orléans).
◆
Par extension, il s'applique à une chose concrète ou abstraite qui est intermédiaire entre deux genres différents, a subi une transformation qui amoindrit (1265) : de là, ses emplois spéciaux en paléographie (1529,
lettre bâtarde), en armurerie (
XVIe s.,
épée bâtarde), en marine (
XVIe s.), en architecture et au
XXe s. en boulangerie (
pain bâtard, d'où
un bâtard).
◆
Par analogie, il s'applique également à un animal ou à un végétal qui tient de deux espèces (1690), un hybride.
■
En français familier et dans l'usage des jeunes de banlieues, bâtard est devenu une insulte courante. Cet usage a été précédé par celui du français des Européens « pieds-noirs » d'Algérie, avant son indépendance.
❏
BÂTARDISE n. f. (av. 1560), « état de bâtard », a éliminé l'ancien français
bastardie (v. 1155), encore vivant au
XVe s., ainsi que les doublets
bastarderie n. f., bastardage n. m. et
bastardaille n. f. propres à l'ancien français.
◈
ABÂTARDIR v. tr. est attesté dès le
XIIe s. au sens propre d'« altérer en faisant perdre les qualités de la race, d'un groupe social, d'une personne » ; par extension, il se dit aussi au figuré avec l'idée d'« avilir ».
■
En est dérivé ABÂTARDISSEMENT n. m. (1495), employé au propre et au figuré.
❏ voir
BATARDEAU.
?
BATARDEAU n. m. est probablement (1409) de même origine que bâtardeau, terme d'armurerie (1386, couteau bastardeau) qualifiant le petit couteau auxiliaire de la dague, ensuite substantivé. Il est dérivé du moyen français bastard (→ bâtard) employé spécialement à propos d'une digue considérée comme « bâtarde » par opposition à la rive naturelle, établie pour mettre à sec un endroit où l'on veut bâtir. Cette hypothèse convient mieux que celle qui propose un dérivé de baste, bâte « support », dérivé de bâtir*. La graphie actuelle sans accent (1680), qui a fait suite à bastardeau (encore attesté en 1718), a triomphé de la forme régulière bâtardeau (1740).
❏
Le mot, d'usage technique, désigne un barrage provisoire établi dans le lit d'un cours d'eau afin de pouvoir exécuter à sec certains travaux. Par analogie de fonction, il désigne le caisson que l'on applique à la coque d'un navire afin de la mettre à sec et de la radouber.
1 BATAVIA n. f. est l'emploi comme nom commun (1771) de Batavia, nom latin de la Hollande (297) d'après celui de la peuplade germanique (les Bataves) qui s'installa peu avant l'ère chrétienne à l'embouchure du Rhin et de la Meuse. Ce nom ethnique viendrait selon certains du germanique Batawoz, dérivé d'une racine bat-, « meilleur », que l'on retrouve dans l'allemand bessere et l'anglais better, et que Fick et Klüge rapprochent du sanskrit bhadrá-s « salutaire, bienfaisant ».
❏
Le nom désigne une salade à larges feuilles gaufrées et croquantes.
❏
Il est distinct de 2 BATAVIA n. m. qui a désigné un type de cigare d'Indonésie à la fin du XIXe s. et qui est l'emploi comme nom commun de celui de la ville de Batavia, appellation coloniale de cette possession hollandaise.
1 BATEAU n. m., d'abord batel (1138), forme attestée jusqu'au XVe s., puis bateau (v. 1220), est le dérivé en -ellus de l'anglo-normand bat « bateau » (v. 1121-1122), terme rare, encore attesté au début du XIVe s. dans le domaine normand sous la forme du latin médiéval battus. L'anglo-normand, de même que l'ancien norrois bátr, sont empruntés au vieil et moyen anglais bat (anglais boat) qui se rattacherait à un germanique °baito-, peut-être apparenté à °bit- (→ bitte). Le suffixe du mot français a moins ici une valeur diminutive qu'il ne sert à donner du corps au monosyllabe.
❏
Le mot désigne une construction flottante destinée à la navigation, d'abord à la navigation fluviale puis en général, développant une valeur générique. Il sert de terme classificatoire en emploi déterminé, notamment dans
bateau à voiles ; bateau à vapeur (1816), calquée de l'anglo-américain
steamboat et
steamer, et
bateau-mouche (1870)
[→ mouche]. Par une image naturelle,
manquer le bateau se dit au Québec pour « manquer une occasion ».
■
Le mot a pris quelques acceptions concrètes tardives, fondées sur une analogie de forme : en raison du rapport existant entre les souliers et l'eau, le pluriel bateaux désigne, d'abord en argot (1841), des chaussures de grande pointure. La locution en bateau est employée dans la description médicale d'un ventre creusé en longueur (1877) et dans décolleté en bateau (1925) d'où décolleté bateau.
◆
En termes de menuiserie (1841), de géologie et de travaux publics, le mot désigne une dépression allongée, par exemple celle de la bordure du trottoir aménagée pour le passage des véhicules (1881). En français mauricien, se dit d'un morceau allongé de viande de volaille (synonyme de blanc de poulet).
■
Si dans plusieurs locutions figurées telles mener en bateau, monter un bateau, il est originellement identifié à son homonyme 2 bateau, le développement du sens figuré, « idée trop souvent utilisée, lieu commun » (1957), est obscur : un rapprochement avec 2 bateau est vraisemblable, par l'intermédiaire de l'ancienne expression être bateau « être ennuyeux » (1900), laquelle procède de l'idée de « fatiguer par une plaisanterie, une affirmation trop répétée ». En procède un emploi adjectif (c'est bateau, un truc bateau).
❏
Les dérivés ont été formés sur le radical de l'ancienne forme
batel.
■
BATELÉE n. f. (XIIIe s.), désignant proprement la charge d'un bateau puis, au figuré, une multitude de gens rassemblés et inconnus (1545), est sorti d'usage.
■
BATELIER, IÈRE n., d'abord batillier (1275) puis batelier (1292), dénomme la personne qui conduit un bateau, plus souvent au masculin qu'au féminin (1500-1550). Comme adjectif, il a qualifié ce qui est relatif aux bateaux (1571).
■
1 BATELER v. tr., attesté une première fois en emploi intransitif pour « aller en bateau » (XIVe s.), a été repris comme verbe transitif pour « transporter par bateaux » (1704).
■
BATELET n. m. (1300-1350), « petit bateau à rames », a disparu.
■
1 BATELAGE n. m., « service de bateaux assurant la communication de navires entre eux » (1443), désigne ensuite (1752) le droit ou le salaire payé au batelier.
■
1 BATELLERIE n. f. désigne d'abord (batelrie, 1390) la corporation des bateliers.
◆
Sorti d'usage, il a été repris à propos de l'ensemble des bateaux qui font le service sur les cours d'eau et l'industrie du transport fluvial (1863, Littré).
◈
À ces dérivés s'ajoutent, au
XIXe s., les quelques noms composés comptant
bateau- comme premier élément :
BATEAU-PORTE n. m. (1808) « caisson mobile fermant une cale de radoub, une écluse »,
BATEAU-FEU n. m. (1887) ou
BATEAU-PHARE n. m. « bateau, ponton portant un phare »,
BATEAU-PILOTE n. m. (→ pilote), BATEAU-CITERNE n. m. (tous trois dans les dictionnaires depuis 1866),
BATEAU-POMPE n. m. (1882) et
BATEAU-LAVOIR n. m. (1886), appliqué comme nom propre aux ateliers d'artistes d'une maison de Montmartre (détruite en 1970), au début du
XXe s., où de nombreux peintres (parmi lesquels Picasso) travaillèrent.
❏ voir
BOAT-PEOPLE, FERRY-BOAT, PAQUEBOT.
?
2 BATEAU n. m., terme d'argot (1866), est probablement le même mot que l'ancien français baastel, bastel (v. 1220) probablement « marionnette » d'où « instrument d'escamoteur » et, par extension, « escamotage », dont les dérivés bateleur* et bateler* (ci-dessous), toujours vivants, ont pu favoriser l'émergence du mot argotique. Bastel est d'origine obscure, peut-être à rapprocher de l'ancien français baiasse « servante », issu d'un gallo-roman °bacassa, d'origine pré-indoeuropéenne, apparenté à l'ancien provençal bagassa « prostituée » (XIIe s.) d'où bagasse (av. 1581) : « femme de mauvaise vie ». Au XIXe s., le mot est forcément interprété comme une métaphore de 1 bateau.
❏
Bateau réalise l'idée de « mystification », surtout en locutions. Poussée de bateaux (1866), « chose vantée d'avance et trouvée inférieure à sa réputation » et « besogne ridicule et sans profit », est sorti d'usage à la différence de monter un bateau (1867), emprunté aux saltimbanques (monter ayant le sens d'« organiser, mettre sur pied »), mais interprété comme « être emmené dans un bateau » (→ 1 bateau). Le rapport avec d'anciennes locutions comme estre estonné du bateau, être étourdi du bateau (XVIe-XIXe s.), antérieurement jouer des bateaux (XIVe-XVe s.), n'est pas clair. La variante mener en bateau (1872), où mener se rattache au sémantisme « promener qqn » au sens figuré de « lui donner le change », issue du croisement de promener avec monter un bateau, témoigne de la confusion avec 1 bateau. Cette expression a signifié dans l'argot des voleurs « donner le change à la justice, l'égarer sur une fausse piste » (1881).
❏
BATELEUR, EUSE n., d'abord
batelleur (
XIIIe s.), le plus souvent
basteleur (
XIIIe s.) jusqu'au
XVIe s., est dérivé de l'ancien français
baastel, bastel.
◆
Le mot désigne une personne qui fait des tours d'adresse ou de force dans les foires et sur les places publiques ; par extension, il s'est appliqué par péjoration à un bouffon. Le mot est archaïque ou historique.
◈
Du même
baastel, bastel est dérivé
2 BATELER v. tr., d'abord
basteler (1526) « faire des tours d'adresse », aujourd'hui quasiment sorti d'usage de même que ses dérivés
2 BATELLERIE n. f., d'abord
bastellerie (1540), et
2 BATELAGE n. m. (1580).
?
BATH adj., relevé en 1804 chez Stendhal en emploi interjectif et depuis 1846 en emploi adjectif, est d'origine très controversée. On a évoqué un emploi comme nom commun du nom de la station anglaise Bath, prisée par la haute société anglaise au XVIIIe s., cette hypothèse étant la seule à rendre compte de la graphie. On a aussi proposé une apocope de l'argot batif « joli », attesté plus tard que l'exclamation (1837, Vidocq), et considéré comme issu de battant dans le syntagme battant neuf, qualifiant un tissu fraîchement battu, tout neuf (→ battre). On a vu aussi dans l'interjection une onomatopée exprimant l'étonnement, comme bah !
❏
Le mot, d'usage familier et aujourd'hui un peu vieilli, se dit de ce qui est beau, joli, bon ou agréable. L'argot l'a employé dans les locutions faire bath « arrêter (un voleur) » (1887) et être bath « être arrêté » (1887), qui correspond à être fait, refait (Cf. pour le sens, être bon).
◆
Un emploi substantivé aujourd'hui éteint (1897) lui a fait désigner un papier à lettres d'excellente qualité, qui a joui d'une grande vogue à la fin du XIXe siècle.
BATHYSCAPHE n. m. a été créé en 1946 ou 1947 par le professeur A. Piccard, auteur d'un ouvrage intitulé Au fond des mers en bathyscaphe (1954). Le premier élément est BATHY- « profond » et « profondeur », existant aussi sous la variante BATHO-, productif aux XIXe et XXe s., surtout en océanographie et, dans une moindre mesure, en médecine et en zoologie. Il est calqué du grec bathu- qui figure lui-même dans près de cent composés et qui représente bathus « profond », qualifiant un fossé, un gouffre, un rivage, un enclos, la végétation. Cet adjectif était courant au figuré avec une idée d'abondance, de puissance, et, en grec hellénistique et de période romaine, pour indiquer la solidité du caractère. L'origine du mot est discutée, Szemerényi évoque la racine indoeuropéenne attestée dans le grec baptein (→ baptiser). Le second élément, -scaphe, est emprunté au grec skaphê « barque » désignant toute sorte d'objets creux : bassin, baignoire, pétrin, jatte, tombe ; il se rattache au verbe skaptein « creuser », d'où « creuser la terre, fouiller, sarcler » (→ scaphandre).
❏
Le mot désigne un appareil destiné à conduire des observateurs dans les grandes profondeurs sous-marines.
?
BATIFOLER v. intr., attesté depuis 1539-1541 et, indirectement, depuis 1532 par un dérivé (ci-dessous), est d'origine obscure. L'hypothèse la plus vraisemblable est celle d'une dérivation de l'ancien provençal batifol « moulin à battre les draps, l'écorce », attesté dans le domaine français en 1280 et au XVIe s. dans des textes de la Vienne, voisins du domaine occitan. On rapproche de ce mot l'ancien italien battifol « moulin » (XIVe s.). Cet ancien provençal batifol est peut-être une formation tautologique composée de formes verbales de batre « battre » (→ battre) et de folar « fouler » (→ fouler). Cependant, à cette hypothèse, proposée par P. Guiraud, s'oppose le fait que la voyelle de l'ancien provençal ne peut venir du latin °fullare. L'influence de follis (→ fou) est probable.
❏
Batifoler, qui semble d'abord employé dans un contexte rural (Furetière signale qu'il se dit de paysans), signifie « folâtrer, gambader ». Il se dit, par analogie, d'animaux et, par extension, exprime le fait de s'amuser à de petits riens (quelquefois par dépréciation).
❏
BATIFOLAGE n. m., d'abord écrit
batisfolagiis (1532, Rabelais) « action de batifoler », était plus souvent péjoratif que le verbe. Il est archaïque.
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BATIFOLEUR, EUSE n. et adj., accueilli par le dictionnaire de l'Académie en 1835, est peu répandu.
BATIK n. m. est emprunté (1845) d'un mot javanais désignant une espèce de soie peinte et signifiant littéralement « peinte, dessinée ». L'anglais a le mot batik, battik depuis 1880.
❏
Batik, attesté une première fois en 1845 dans une relation de voyage en Chine, est repris et répandu, avec le procédé qu'il désigne, au moment de l'Exposition parisienne de 1900 où des danseuses javanaises eurent un grand succès.
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Par métonymie, le mot désigne une soie peinte à la mode javanaise et une pièce de cette étoffe, utilisée en Indonésie pour la coiffure, puis pour le procédé et l'étoffe, où que ce soit. Par extension, le mot désigne le procédé de réserve à la cire pour des tissus de coton, les dessins résultant et le tissu.
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En français d'Afrique, le mot désigne un vêtement, pagne, boubou, fait de ce tissu.
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De batik dérive BATIKER v. tr. (1928) « décorer par le procédé du batik ».
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BÂTIR v. tr., d'abord bastir (av. 1105) puis bâtir (1680), est selon l'hypothèse la plus répandue, emprunté au francique °bastjan, lui-même dénominatif d'un °basta « fil de chanvre ». Ce verbe signifierait donc proprement « traiter les fils de chanvre » et aurait développé diverses acceptions techniques en couture dont « faufiler » et « tisser », sens attesté en ancien provençal. Par analogie, il se serait appliqué à la construction d'une clôture constituée de pieux entrelacés de brindilles, procédé utilisé dans l'Europe de l'Ouest à l'époque carolingienne, spécialement dans les domaines catalan et provençal. De là, il serait devenu synonyme de « fortifier » comme semble l'indiquer le latin médiéval de Provence bastimentum « ouvrage fortifié, château fort » (v. 1020) et aurait pris le sens de « construire, édifier ». L'explication de ce développement sémantique par cheminement de « tisser » puis par la valeur abstraite « faire, confectionner », jusqu'à « construire », est moins probable (bien qu'elle corresponde à la chronologie du mot français) ; le mot ne semble en effet autochtone ni en italien, ni en espagnol et doit vraisemblablement son extension dans la Romania à la diffusion de la civilisation carolingienne. Schuchardt dissociait les sens de « faufiler » et de « construire », faisant remonter le premier au germanique °bastjan et le second à un latin populaire °bastare « suffire » (→ baste), mais l'évolution sémantique est alors peu vraisemblable. L'ancienneté du mot dans les langues romanes et la généralité du sens moderne en construction font supposer à P. Guiraud une dérivation tardive du latin basis (→ base) par l'intermédiaire d'un °basitare > °bastare puis avec un changement de suffixe problématique °bastire, mais cette hypothèse n'est pas corroborée.
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L'emploi du mot comme terme de couture est attesté dès les premiers textes « judéo-français » avec le sens de « coudre à grands points », peu attesté au XIIIe s. et dont procède le sens actuel de « faufiler avant de coudre » (1530).
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De bonne heure (v. 1150), bâtir a aussi le sens de « composer, arranger, (qqch.) », d'abord suivi d'un complément désignant un inanimé abstrait.
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Un peu plus tard, le verbe est attesté à propos d'un ouvrage de construction (1265). Si l'on excepte un autre exemple au XIIIe s., ce sens est rare jusqu'au XVIIe siècle.
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Par analogie de forme, d'usage et de technique, le verbe a pris quelques acceptions spéciales en chapellerie (1680, également bassetir), en menuiserie (1701), en horlogerie (1752), en imprimerie et en coiffure.
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BÂTIMENT n. m., qui correspond à l'ancien provençal
bastiment (1174), apparaît dans un texte judéo-français (1187) pour « action de construire, édifier » (au propre et au figuré), emploi vivant jusqu'au
XVIIe siècle.
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Le sens concret, « édifice, construction », attesté lui aussi au XIIe s. (1187), l'a emporté, surtout à partir du XVIe s., s'affranchissant après le XVIIe s. de la valeur métonymique de « résultat de l'action de construire ».
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Par métaphore, le mot est passé en marine, désignant un navire de fort tonnage (1662, Colbert).
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Le mot désigne aussi les industries et les métiers de la construction des édifices, d'où peintre en bâtiment (1835) et quand le bâtiment va, tout va.
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Les dérivés verbaux REBÂTIR v. tr. (XIIe s.) et DÉBÂTIR v. tr. (XIIIe s.) ont été créés dès l'ancien français, le second produisant tardivement, en couture, le substantif d'action DÉBÂTISSAGE n. m. (1929).
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Rebâtir « bâtir à nouveau (ce qui avait été endommagé ou détruit) » peut aussi s'appliquer aux sens spéciaux de bâtir, et est assez courant au figuré (rebâtir le monde). Sa valeur est très proche de celle de reconstruire.
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BÂTISSAGE n. m., relativement tardif (1538), est apparu avec la valeur abstraite de « formation (de l'homme) », sortie d'usage au
XVIIe siècle.
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Il a été repris avec le sens d'« action de bâtir » (1645), sorti d'usage, puis par spécialisation technique, « action de façonner le feutre des chapeaux » en chapellerie (1753). C'est un terme courant de couture (1845).
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BÂTISSE n. f., lorsqu'il apparaît au sens d'« action de bâtir » (1636), constitue une altération du moyen français bastissement (1384, jusqu'au XVIe s.) lui-même dérivé du radical du participe présent de bâtir.
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Il a disparu comme substantif d'action de bâtir, prenant par métonymie (comme bâtiment) le sens concret de « partie en maçonnerie d'une construction » (1762), d'où « bâtiment de grandes dimensions » parfois avec une idée de laideur (av. 1850).
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BÂTISSEUR, EUSE n., d'abord bastisseur (1539), désigne la personne qui bâtit ou fait bâtir un édifice. Il est employé par dérision, note déjà Furetière (1701), puis équivaut à « mauvais architecte » (1813), valeur quasiment sortie d'usage.
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BÂTISSABLE adj. s'emploie (1866) en droit, où terrain bâtissable équivaut à terrain à bâtir, usuel.
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Le participe passé de
bâtir a été substantivé au masculin,
BÂTI n. m. (1699), en menuiserie et en charpenterie pour un assemblage de montants et de traverses ; il s'emploie aussi en couture, désignant une couture à grands points pour assembler provisoirement les pièces d'un ouvrage (1751).
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Bâti est aussi adjectif. Le qualificatif physique bien bâti, en parlant d'une personne au corps bien fait, n'a pas été lexicalisé comme son antonyme mal bâti, qui a abouti au composé MALBÂTI, IE adj. et n. (av. 1493, malbasty), dit familièrement d'une personne mal faite.
❏ voir
1 BASQUE, BASTIDE, BASTINGUE, BASTION.
BATISTE n. f., d'abord sous la forme picarde batiche (1401 en Flandre), est probablement dérivé du radical de battre*, bien attesté en ancien français au sens d'« arçonner (la laine) ». Le suffixe -isse (-iche dans le dialecte picard), est le féminin de -eiz, -iz (du latin -aticius, -iticius), fréquemment attesté dans la terminologie textile pour former des adjectifs dérivés de verbes : bourre laniche, lanice (de laner, de laine), bourre tondice (de tondre), laine jettice (de jeter). La forme moderne batiste (1590) est due à un rapprochement populaire avec le prénom Baptiste prononcé Batisse ; on le voit d'après toile de baptiste (1536). Batiste est donc une forme hypercorrecte pour batisse. L'hypothèse traditionnelle d'une dérivation de Baptiste, qui aurait été le nom du premier fabricant de ce textile, ne repose sur aucune base historique.
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Le mot a d'abord été employé adjectivement dans soye batiche (1401), thoiles batiches (1499). Par l'intermédiaire de toilee de baptiste (1536), il a été substantivé (1590) pour désigner une toile fine et blanche de lin ou de chanvre ; il continue de s'employer dans batiste de soie, batiste d'Écosse, tissus très fins imitant la batiste de lin. Par métonymie, il désigne une pièce de lingerie en cette matière.