L + BAYER et BÉER v. intr., d'abord baer (v. 1121) puis baier (v. 1190), bäeir (déb. XIIIe s.) avant bayer (1662), graphie distinctive par rapport à bâiller, est issu d'un latin tardif batare, attesté dans une glose du VIIIe s., verbe onomatopéique évoquant le bruit que l'on fait en ouvrant la bouche (on trouve l'onomatopée bat à basse époque). Le mot s'est répandu dans les parlers gallo-romans (surtout dans des dérivés) donnant l'italien badare « lanterner, faire attention », l'ancien provençal badar « rester bouche bée », en français le verbe bâiller*, par l'intermédiaire d'un latin populaire °bataculare. Parmi toutes les variantes que comptait le mot en ancien et moyen français, la forme béer s'est maintenue jusqu'à nos jours, surtout dans les dérivés.
❏  Bayer signifie « ouvrir tout grand », en particulier « ouvrir la gueule » pour un animal et « ouvrir la bouche » pour un être humain (1173). ◆  De ce dernier emploi procèdent le sens abstrait d'« aspirer à, désirer ardemment » (v. 1190) et de « demeurer la bouche ouverte dans une attitude passive d'étonnement, d'admiration » (déb. XIIIe s.). Depuis le XVIIe s., souvent confondu avec bâiller, bayer a presque cessé de s'employer sauf dans la locution bayer aux corneilles (1662) « rêvasser, perdre son temps à regarder en l'air niaisement », littéralement : « en regardant une chose aussi insignifiante que l'est la corneille pour le chasseur » ou « le fruit du cornouiller pour l'amateur de fruits » car la valeur propre de corneille n'est pas claire ici. L'interprétation moderne de cette locution par bâiller la conduit vers le sens de « s'ennuyer ».
■  La forme BÉER v. intr., usuelle au XVIe s., mais moins usitée que bayer aux XVIIe et XVIIIe s., a été reprise au début du XIXe s. (Chateaubriand) et se trouve encore dans la langue littéraire, surtout à l'infinitif, au présent et à l'imparfait de l'indicatif.
❏  Si l'on excepte 3 baie, déverbal de l'ancien verbe baer (bayer), les dérivés attestent la prédominance de la variante béer sur bayer.
■  3 BAIE n. f. (v. 1119) désigne une ouverture pratiquée dans un mur ou dans la charpente d'un édifice pour y mettre une fenêtre ; il donne lieu à des syntagmes comme baie vitrée. Par extension, il se rapporte à l'ouverture réservée dans la caisse d'une voiture pour la portière. ◆  En électronique, le mot désigne un châssis métallique destiné à recevoir un appareillage.
■  BÉANT, ANTE adj., du participe présent de béer (XIIIe s.), a triomphé de bayant, attesté exceptionnellement dans les mêmes emplois. Béant, employé en ancien français au sens figuré de « qui aspire à qqch. », n'a gardé que le sens propre de « largement ouvert » (1552-1560), avec des métaphores. ◆  En est dérivé BÉANCE n. f. (v. 1200) dont le sens figuré de « désir, intention » a disparu au XVe s. et qui a été repris avec son sens concret, spécialement en pathologie (1865). ◆  Le mot a retrouvé récemment des valeurs métaphoriques sur le thème de l'ouverture, du vide impossible à combler.
■  BÉEMENT n. m. (1285-1300) « ouverture » est sorti d'usage au début du XVIIe s. et a été repris sous la forme BAYEMENT n. m. (1884) à propos de l'état d'un tissu mal tendu.
■  Il ne reste du participe passé de baer, béer que BÉE adj. f. et n. f., lequel s'emploie seulement de nos jours dans les expressions gueule bée et surtout bouche bée « la bouche ouverte d'étonnement, d'admiration ».
■  À son tour, bée a produit ABÉE n. f. (1444), forme agglutinée de la bée « ouverture donnant passage à l'eau qui tombe d'un moulin », et est entré dans la formation de bégueule (→ gueule).
❏ voir BABA, BADAUD, BADIN, 1 et 2 BAIE, BÂILLER, BALISE, BALIVEAU, BÉER, BÉGUEULE, ÉBAHIR.
1 BAYOU n. m., attesté sous les formes bayouk (1699), baijou (1740), est un mot français des Cajuns (Acadiens de Louisiane), emprunté du choktaw (langue indienne) bajuk « rivière ».
❏  Le mot désigne les eaux mortes ou peu profondes et à faible courant (bras de rivières) du Bas-Mississippi et de Louisiane. Il est passé en géographie en se généralisant (1869).
2 BAYOU n. f., emprunt à l'indonésien bayu « sœur aînée », terme d'adresse, s'emploie en français de Nouvelle-Calédonie pour « femme de ménage, indonésienne ou non » (d'où faire la bayou « la bonne ») et pour « Indonésienne » (ce mot assez xénophobe tend à vieillir).
BAZAR n. m., d'abord noté bathzar (1432) puis bazar (1546), souvent bazare au XVIe s., est emprunté au persan bāzār « marché public ». L'idée d'un intermédiaire portugais est à exclure en raison de la localisation des premières attestations en français ; le mot portugais n'est d'ailleurs attesté que depuis 1544. L'anglais bazaar, relevé une première fois vers 1340, a été emprunté au turc, lui-même repris du persan par un canal italien ; les langues européennes ont d'ailleurs pu s'échanger le mot.
❏  Il désigne le marché public des pays orientaux. Longtemps terme « de relation » exotique, il s'est répandu au XIXe s. ; par extension, probablement sur le modèle de l'anglais bazaar (1816, Soho Bazaar), il désigne un magasin où l'on vend toutes sortes d'objets (1816) : en 1823, Harmand note qu'« à l'imitation des bazars de Londres », on a établi un bazar 21 boulevard des Italiens et que deux simples magasins (19 rue Cadet et 223 Palais-Royal) se sont également donné le nom de bazar. ◆  Le mot ne tarde pas à s'appliquer familièrement à un ensemble d'objets plus ou moins hétéroclites (1842, d'un mobilier), à un lieu, une maison où tout est pêle-mêle (1866). ◆  Son emploi à propos d'une maison de tolérance (1841), euphémisme pour bordel, qui a des sens figurés analogues, et pour « lieu de travail » (lycée ou bureau ; Cf. boutique) est sorti d'usage. ◆  Dans les zones francophones où le français est au contact de l'arabe, le mot s'emploie avec sa valeur initiale de « marché », et par métonymie « denrées vendues sur un marché » (Madagascar, Réunion, Maurice). En français du Maghreb, « ensemble de boutiques vendant des produits artisanaux ».
❏  De bazar au sens figuré est dérivé BAZARDER v. tr., d'abord d'usage argotique écrit basarder au sens de « vendre à vil prix » (1846) et, par extension, « se débarrasser de qqch. » (1866).
■  Ce verbe a donné BAZARDAGE n. m. (1872) plus courant que BAZARDEMENT n. m. (1907), et BAZARDEUR, EUSE n. (1883).
Du sens de bazar en français de l'océan Indien (ci-dessus) viennent les formes dérivées BAZARIER, IÈRE n. et BAZARDIER, IÈRE n. « marchand, marchande de fruits et légumes, de poisson », tandis que BAZARISTE n. m. s'applique en français du Maghreb au commerçant d'un « bazar ».
BAZOO ou BAZOU n. m., prononcé bazou, se dit au Québec soit d'une vieille automobile délabrée, soit d'un modèle ancien, de collection. Attesté en 1929, le mot est peut-être apparenté à l'argot nord-américain bazzo (→ bazooka).
BAZOOKA n. m. est un emprunt (1945) à l'anglo-américain bazooka, employé pour la première fois pendant la Seconde Guerre mondiale pour un lance-fusées antichar mis au point par les Américains. Le mot est une spécialisation du nom d'un instrument de musique en forme de tuyau de poêle, inventé par Bob Burns en 1935. Bazooka est dérivé du mot argotique bazzo « mirliton » (1877) d'origine inconnue, peut-être du néerlandais bazuin « trompette ».
❏  L'anglicisme existe à côté de lance-roquettes, terme officiel dans l'armée française.
B. C. G. n. m., épelé, se dit pour « vaccin bilié de Calmette et Guérin, antituberculeux ».
BEACH n. m., prononcé à l'anglaise, bitch, se dit par anglicisme en français d'Afrique, à propos du quai, dans un port fluvial, ou du rivage plat d'un fleuve. Des emplois inexistants en anglais concernent l'endroit d'un gué, ou le point de la rive d'où l'on peut traverser un fleuve et, par extension, une ville basse, près d'une rive, où peut se trouver le centre commercial de l'agglomération.
BEAN ou BINE n. f. ou m., par emprunt oral à l'anglais bean « haricot », s'emploie en français québécois familier, pour « haricot sec ». ◆  Au figuré, la locution envoyer aux beans signifie « repousser, renvoyer sans ménagement » (Cf. envoyer promener). Avoir les yeux dans la graisse de beans évoque de manière pittoresque un regard vague, éperdu, énamouré, comme en français de France les yeux de merlan frit.
+ BÉAT, BÉATE adj., une première fois beate au masculin (1267-1268) puis beat au XVIe s., est emprunté au latin beatus. Ce dernier semble avoir d'abord signifié « comblé de biens, n'ayant rien à désirer », avant de prendre le sens de « riche » (appliqué à des hommes et à des choses) et, sur un plan moral, « heureux, bienheureux ». Cette valeur morale a prévalu en latin ecclésiastique, où beatus traduit le grec makarios « bienheureux ». Beatus est la forme de participe passé, traitée comme un adjectif, de beare « combler (les vœux de) » d'où « rendre heureux, gratifier, enrichir », mot qui paraît appartenir à la langue familière et dont l'étymologie n'est pas claire : le lien supposé avec bonus (→ bon) est très lâche.
❏  Le mot a été introduit en français avec sa signification chrétienne, qualifiant notamment des religieux et religieuses. Il est passé dans l'usage en se laïcisant, pour « heureux, bienheureux » (1553) mais ce sens a vieilli et, comme pour d'autres mots archaïques, s'est infléchi au XVIIe s. vers la valeur péjorative de « qui témoigne d'une satisfaction un peu niaise » (1680). ◆  La substantivation (1680) s'appliquait à une personne affectant la dévotion (1690, faire son béat, sa béate).
❏  Le dérivé BÉATILLES n. f. pl. (1492) désignait proprement les menus objets confectionnées par les religieuses « béates » ; par extension, il s'est dit des ornements de la coiffure des dames (v. 1500), puis de friandises (1585), se spécialisant en cuisine pour les morceaux délicats dont on garnit les pâtés ou que l'on sert à part (1680) ; il est sorti d'usage.
■  BÉATEMENT adv. est attesté tardivement (1860) avec la valeur familière de « avec un ravissement un peu niais ».
BÉATITUDE n. f. est emprunté (1267-1268) au dérivé latin chrétien beatitudo, -inis « bonheur céleste », déjà attesté en latin classique (Cicéron), mais peu usité, avec le sens de « bonheur parfait ».
■  Le mot, repris en théologie, s'applique au bonheur parfait dont jouissent les élus ; il n'a pas subi la même dévaluation que béat, et il est passé dans l'usage commun pour désigner la sérénité qu'apporte, par exemple, la contemplation (1611). Les dictionnaires du XVIIe s. ont accueilli le syntagme biblique les huit béatitudes (1680) par allusion aux perfections exaltées par le Christ dans le Sermon sur la Montagne pour accéder à la félicité. Ils enregistrent aussi l'emploi du nom comme titre honorifique donné aux évêques, puis au pape (1690), titre aujourd'hui réservé aux patriarches orientaux.
BÉATIFIER v. tr. est emprunté (1370) au latin chrétien beatificare, « rendre heureux », « magnifier, déclarer bienheureux » (866), de beatus et facere (→ faire). ◆  Terme religieux pour « proclamer bienheureux », le verbe est passé dans l'usage général au sens de « rendre heureux » (1565) ; cet emploi littéraire ou plaisant est demeuré rare.
■  BÉATIFICATION n. f. est emprunté (1374) au latin médiéval beatificatio, -onis, « action de proclamer bienheureux » (1163-1164), du supin de beatificare. ◆  Le mot est essentiellement employé avec son sens religieux en dehors de quelques rares emplois métaphoriques.
BÉATIFIQUE adj. est emprunté (av. 1450) au dérivé latin beatificus « qui rend heureux », spécialement employé dans une perspective religieuse par les auteurs chrétiens.
■  L'adjectif a signifié « relatif au bonheur éternel », puis a été repris pour « qui rend heureux » (fin XVe s.). Dans vision béatifique (1527), il correspond à « qui procure la béatitude ».
BEATNIK n. est emprunté (1959, L'Express) à l'anglo-américain beatnik (1958), composé hybride de beat « foutu, paumé » et de -nik, suffixe yiddish d'origine slave indiquant le lien d'une personne à une chose, son engagement (→ refuznik, spoutnik). Beat lui-même est la réduction de beaten « battu, éreinté, épuisé », participe passé de to beat « battre », verbe qui, de même que ses correspondants germaniques, serait apparenté à la racine du latin confutare, refutare (→ réfuter).
❏  Le mot se dit d'un jeune homme ou d'une jeune fille en révolte contre la société bourgeoise, vivant d'expédients et sans domicile fixe. Il a été très employé avant de reculer au profit de hippie après 1968.
❏  BEAT-GENERATION n. f. est l'emprunt culturel (1960) de l'expression américaine beat generation (1952), formée de l'adjectif argotique beat « foutu », ou de l'élément beat (détaché de beatnik), et de generation, correspondant à génération*, sur le modèle de lost generation « génération perdue ». L'expression, réinterprétée par les adeptes d'après beat « rythme de jazz » ou beat(ific), recouvre un mouvement de jeunes Américains révoltés, à tendance mystique, prônant le nomadisme. Elle a eu peu de succès en français.
■  BEAT lui-même a fourni un adjectif et un nom invariables (v. 1966) pour tout ce qui se rapporte aux beatniks et à leur mouvement.
+ BEAU, BEL (devant un nom commençant par une voyelle ou un h muet et dans quelques locutions), BELLE adj. et n. est issu, d'abord sous la forme bel (v. 881) puis biau, beau, du latin bellus. Celui-ci est un diminutif familier et ancien de bonus (→ bon) dont la forme la plus ancienne, encore attestée à l'époque archaïque, était duenos, duonos. Bellus, en langue classique, a surtout qualifié des femmes et des enfants avec la valeur de « mignon, joli, charmant, adorable », ne s'appliquant aux adultes que par ironie. Le rapport avec bonus est sensible dans certains emplois où l'adjectif signifie « en bon état », « en bonne santé », et le rapport avec bene (→ bien) est manifeste dans la locution impersonnelle bellum est et infinitif : « il est bien de ». En raison de son caractère affectif, bellus a tendu dans la langue populaire à remplacer pulcher « beau » et, dans une moindre mesure, decorus qui exprimait la beauté décente, parée (→ décorum). L'adjectif n'est passé que dans une partie du domaine roman (italien bello), l'autre partie accueillant les représentants du latin formosus (espagnol hermoso, portugais formoso, roumain frumos). Dans les parlers français méridionaux, il a subi la concurrence de mots jugés plus expressifs tels que brave, gent, gentil, poulit (français poli), mais en langue d'oïl, il l'a emporté sans conteste.
❏  La parenté étymologique entre les notions de « beau », « bon » et « bien », sensible en latin, continue d'éclairer la structure sémantique de bel, beau en français. Dès les premiers textes, le mot qualifie ce qui plaît aux yeux, en parlant d'un être (v. 881), d'une chose (v. 980), d'un phénomène naturel (1080), d'un mouvement. Le sentiment esthétique peut être causé également par une perception auditive. Dès le Xe s., sémantiquement affaibli et indéterminé, beau est employé comme terme flatteur à l'adresse d'une personne estimée (v. 980), usage qui explique son rôle dans la formation de termes de parenté (beau-père, beau-frère, etc.). À propos des humains, le mot s'est spécialisé au sens de « bien vêtu, paré, apprêté », aussi au féminin, dans se faire beau, se faire belle, en français québécois se mettre beau. Dans le même usage, faire beau « produire un bel effet ». ◆  Une expression familière d'accueil est (tiens), voilà le plus beau, la plus belle ! ◆  La beauté pouvant éveiller un sentiment de supériorité, d'admiration et ayant son pendant dans les qualités intellectuelles ou morales (selon la tradition platonicienne), l'adjectif s'emploie dans la sphère intellectuelle, morale et sentimentale (ces trois domaines étant attestés en 1080), ne tardant pas à développer la valeur antiphrastique de « mauvais » (v. 1155), emploi ironique resté bien vivant. ◆  L'opposition à mauvais se réalise aussi, en français du Canada, à propos d'une voie « en bon état » (le chemin est beau, « praticable »). ◆  Dans le langage de la haute société qui s'élabore aux XVIe et XVIIe s., beau acquiert la valeur de « noble, distingué, brillant » qu'il réalise notamment dans des locutions parfois ironiques elles aussi. Ainsi bel esprit, d'abord appliqué de manière élogieuse à une personne cultivée, a développé en l'espace de quelques années, au milieu du XVIIe s. la signification seconde de « pédant maniéré ». ◆  Très tôt, par une confusion de la qualité et de la quantité, beau qualifie une chose d'importance et marque l'intensité, la grandeur, le grand nombre (1080).
■  L'affaiblissement et même la perte du contenu sémantique du mot se constatent dans des expressions figées comme un beau jour où il n'a guère qu'une valeur affective de renforcement (« un jour certain » puis « un jour parmi d'autres ») ; c'est aussi le cas dans la locution à belles dents « avec les dents », témoin d'un type usuel en moyen français (XVIe s.) formé avec beau et un nom d'organe. ◆  Avoir beau, suivi d'un verbe à l'infinitif, s'emploie pour « faire qqch. inutilement, sans effet », par ex. dans il a beau dire et beau faire. Il ferait beau voir, « ce serait étrange, incroyable », est archaïque. En français québécois, avoir beau, avoir bien beau de, à (et infinitif) « avoir la possibilité, pouvoir ».
Le substantif BEAU n. m. (1172-1175) a développé parallèlement ses valeurs abstraites et concrètes, non sans une certaine indétermination qui, en ancien français, fait de bel le synonyme de « bonne volonté » et de belle celui de « désir ». Comme nom de qualité, le beau a été concurrencé et supplanté par beauté, mais s'est spécialisé comme concept esthétique, se répandant à l'époque classique, puis au XIXe s. avec la diffusion de la philosophie esthétique allemande, en relation avec la valeur alors nouvelle du mot art. ◆  Le féminin substantivé BELLE, employé au sens de « femme belle », avec des emplois qui se sont spécialisés (belle de nuit, par exemple). Le mot a pris une valeur spéciale pour désigner, au jeu, une partie qui doit départager deux joueurs ou deux équipes, succédant à la revanche. Dans l'usage populaire ancien, il a désigné une occasion favorable (1672) et servi à former l'expression l'avoir belle (1798), « avoir la chance de... ». ◆  L'argot des détenus lui a donné la valeur d'« évasion » (1860), notamment dans faire, se faire la belle « s'évader ». La belle, au sens d'« évasion », tend à se lexicaliser. ◆  Au sens de « femme ou fille belle », l'appellatif ma belle peut s'employer comme terme amical ou affectueux pour une femme, partout en français de France, mais a en Provence une fréquence particulière. Ma toute belle est un peu affecté.
L'emploi adverbial de beau est attesté dès l'ancien français avec la locution bel et bien (1285 ; bien et bel, bien et beau, jusqu'au XVIe s.). ◆  Il se développe au XVIe s., dans la locution verbale de sens adversatif avoir beau (faire, dire...) (1566 sous la forme avoir bel à et infinitif) et dans tout beau « doucement », surtout dit pour arrêter et calmer, et de plus belle (1570, de plus beau) dont le sens premier, « de nouveau », s'est nuancé en « plus fort encore ». Tout beau « doucement », archaïque ou dialectal, s'est employé concurremment à bellement.
Une substantivation au pluriel, les BEAUX n. m. pl. s'emploie en français d'Afrique pour « belle-famille » (beau au singulier peut s'employer pour « beau-frère, beau-père »).
❏  Le dérivé BELLEMENT adv. (v. 980) ne s'est jamais bien implanté au sens de « avec beauté » ; il a développé le sens intensif de beaucoup mais il est moins courant que joliment.
■  BEAUTÉ n. f., d'abord beltet (v. 1080) dérivé de bel ou représentant d'un latin vulgaire °bellitas, -atis, désigne le caractère de ce qui est beau, en particulier d'une personne. ◆  Par métonymie, une beauté se dit d'une femme belle (1250-1300). ◆  Mon, son... genre de beauté, au figuré « de mon, de son goût », renforce c'est, ce n'est pas mon, son genre. ◆  À la différence de beau, il n'a guère développé de valeurs autres qu'esthétiques, mais on parle cependant de beautés morales.
EMBELLIR v. tr., d'abord embelir (v. 1155), anbelir (v. 1165-1170), composé en en-, em-, bel et du suffixe verbal, a eu en ancien français l'emploi intransitif de « plaire, être avenant, agréable », auquel répondaient les emplois transitifs de « donner des agréments, des chances de succès à », au figuré « justifier » (v. 1360). ◆  Ces acceptions ont disparu, et embellir n'a gardé que le sens de « rendre beau, plus beau » (v. 1165-1170) au propre et au figuré.
■  En sont dérivés EMBELLISSEMENT n. m. (1228), spécialisé par métonymie, surtout au pluriel, pour « choses, parties embellies, améliorées », et EMBELLIE n. f., participe passé féminin substantivé, employé en marine avec un sens proche d'« accalmie » (1753) puis couramment avec le sens d'« éclaircie du temps » (1862).
BEAUCOUP adv. existe dès le XIIIe s. sous la forme disjointe biau cop, composé de beau et coup*, pour désigner une grande et belle chose, avant d'être soudé en beaucoup (1379) et de supplanter au XVIe s. à la fois l'adverbe beau dans l'un de ses emplois et l'adverbe moult.
■  Il exprime l'idée de grande quantité, employé avec un nom précédé d'un verbe (1379) ou associé à un nom introduit par de (v. 1360). Son emploi devant un adjectif positif, usuel en langue classique, vit encore régionalement (il est beaucoup gentil, etc., par exemple dans l'usage méridional) et se rencontre à l'occasion en littérature avec des participes passés.
Dès le XIIIe s., beau, pris comme terme de courtoisie, se combine avec un terme de parenté (→ famille, fille, fils, frère, maman, mère, parent, père, sœur).
Deux autres mots sont dérivés de bel.
■  BELLÂTRE adj. et n. est attesté une première fois en 1546 chez Rabelais sous la forme bellastre avec le sens de « assez beau ». Le sens moderne péjoratif, suscité par la valeur générale du suffixe, est accueilli par l'Académie en 1740 ; il correspond à « homme d'une beauté fade et convenue, qui correspond à un modèle social de séduction jugé vulgaire ».
■  BELLOT, OTTE adj. et n. est un autre diminutif de bel, beau (1552) appliqué familièrement à un enfant mignon, aimable (Cf. bébé). Le mot, de nos jours d'usage régional, s'emploie aussi en appellatif, surtout au féminin (ma bellotte). Cf. aussi belette.
Le féminin belle a fourni le premier élément de quelques termes de sciences naturelles.
■  BELLE-DAME n. f., enregistré par Cotgrave (1611) comme terme d'entomologie pour une sorte de papillon, est devenu l'un des noms de la belladone (1752), calque de l'italien belladonna (→ belladone).
■  BELLE-DE-NUIT n. f. (1676) appartient, avec BELLE-DE-JOUR n. f. (1762), à la nomenclature populaire des plantes. Par métaphore, le premier (1776) et, par symétrie, l'autre désignent des prostituées travaillant de nuit ou de jour.
■  BELLE DE FONTENAY n. f. sert à nommer une variété de pomme de terre oblongue, à peau jaune pâle, à chair ferme de saveur délicate. L'expression est attestée depuis 1935.
❏ voir BELETTE, BELLADONE, MIRABELLE ; BELOTE, BELVÉDÈRE, FRÈRE, MÈRE, PARENT, PÈRE, SŒUR.
BEAUCERON, ONNE adj. et n. est dérivé du nom géographique Beauce, d'origine gauloise (Belsa en latin médiéval, chez le poète Fortunat, au VIe s.). Le mot vient très probablement de la racine celtique °bel- « clair », appliquée à une terre déboisée pour la culture. Le nom La Beauce, désignant la plaine céréalière de France, a été appliqué au Canada à une plaine analogue, ce qui donne à l'adjectif beauceron deux références différentes, selon qu'il est employé en français de France ou du Québec (différenciées, cependant, à l'oral par l'allongement, en général diphtongué, du o en québécois).
BEAUJOLAIS n. m. est l'emploi comme nom commun, attesté tard (1881, Huysmans), du nom géographique Beaujolais issu de l'adjectif latin bellijocensis (ager), dérivé de Bellojocum nom de ville (aujourd'hui Beaujeu). Ce dernier est composé de bellus « beau » et jugum (→ joug), au sens de « sommet », par l'acception « chaîne ou ensemble de montagnes » (comparé à un joug), et modifié d'après jocus « jeu ».
❏  Le mot désigne le vin du Beaujolais, qui comprend plusieurs appellations (Moulin-à-vent, Chiroubles, Saint-Amour, etc.) et suscite des syntagmes comme beaujolais village (provenant d'une série de communes définies) ou beaujolais nouveau, emploi devenu usuel. ◆  Le mot a des dérivés argotiques, outre l'abréviation BEAUJO (attesté 1981 par écrit), dans la mesure où le beaujolais est en France l'un des symboles du vin rouge agréable et relativement peu coûteux (un petit beaujo).
❏  BEAUJOLPIF n. m. (1952, Esnault) semble un croisement de beaujolais et de l'argot olpif (1918) ou holpif, « beau, excellent », d'origine obscure. Beaujol et la resuffixation beaujolpince semblent venir de beaujolpif (le premier peut-être directement formé sur beaujolais).
BEAUPRÉ n. m. est, sous sa forme actuelle (1516), l'altération d'après beau* et pré*, du moyen français bosprete (1350), modifié en bropié (1382), pour bouspret. Ce dernier est emprunté au moyen anglais bouspret, terme de marine désignant le mât horizontal ou oblique placé à la proue d'un bâtiment à voiles. Ce mot, attesté depuis 1296 sous la forme bowsprit, n'est pas autochtone comme le montre l'apparition tardive de l'anglais bow « proue du navire » (1626) et l'hésitation entre les formes bew-, bough-, boe-, bos-, révélant que pour les marins anglais le rapport avec bow n'était pas évident. L'anglais est en fait emprunté au bas allemand bôchsprêt, seulement attesté en 1465 mais certainement bien antérieur, et correspondant à l'allemand moderne Bugspriet, de Bug « proue » et Spriet « livarde ».
❏  Ce terme de marine a repris le sens du mot anglais, « mât de proue, horizontal ou oblique ».
BÉBÉ n. m., malgré son attestation tardive (v. 1755), est une formation française onomatopéique et se rattache à de nombreux termes dialectaux, comme babi (Bas-Maine), bibi (Picardie, Centre, Midi), bobée (Reims), babré, bobré (Moselle). Le vocalisme est une variante de -a- (→ babiller, babine) peut-être sous l'influence du be- de bêler* ou même de bel* (de nombreux dialectes disent bellot pour l'enfant). Terme affectif interlinguistique, comparable à papa, maman, le mot est culturellement un anglicisme : c'est à partir du XIXe s., une francisation de l'emprunt BABY n. m. (1842), mot déjà cité dans Clarendon (1704), qui a eu sa vogue en France dans la seconde moitié du XIXe s. dans les milieux sociaux élevés, conjointement à nurse. Ce baby, repris à l'anglais baby (XIVe s., babi), également babe, est probablement issu d'une contraction du vieux mot baban, babbon (v. 1230), onomatopée du langage enfantin. ◆  On s'étonne qu'un mot aussi courant lié à une réalité aussi précise soit entré si tard dans l'usage ; le français disposait de nourrisson et de poupon depuis le XVIe s., de (enfant) nouveau-né depuis le XIIe s., mais aucun de ces mots n'est synonyme de bébé qui semble avoir pris une place linguistiquement vide, partiellement occupée par enfant (Cf. J.-J. Rousseau, Émile, livre I). Bébé s'est répandu au détriment de baby, lequel ne reste vivant qu'en composition (ci-dessous).
❏  Bébé est d'abord attesté comme un terme d'affection, celui que donnait le roi Stanislas Ier (Leszczyński), lequel, chassé de son trône, émigra en France en 1736, à son nain Nicolas Ferry (1739-1764) qui eut à l'époque une grande célébrité. Mon bébé (1793), appellatif, s'adresse à un être cher. ◆  Le mot semble lexicalisé au sens de « petit enfant » depuis le milieu du XIXe s. (1858, Goncourt) ; il a d'abord désigné un jeune enfant (de moins de 10 ans), puis spécialement l'enfant en bas âge (fin XIXe s.) : le « costume de bébé », fréquemment porté dans les bals masqués (« depuis une trentaine d'années », précise Larchey en 1880) l'atteste. ◆  Par métonymie, il se dit d'une poupée représentant un petit enfant (1880), emploi supplanté par baigneur. ◆  Quant à l'expression Bébé Cadum, elle provient d'une marque déposée (→ cade). ◆  D'après l'anglais, il se dit du petit d'un animal (v. 1960), donnant lieu, sur le modèle de l'anglais, à des syntagmes composés du type bébé-chat, bébé-girafe, bébé-phoque. ◆  Le syntagme bébé-éprouvette, de nature entièrement différente, est une lexicalisation de bébé de l'éprouvette, attesté en 1947 chez Binet. ◆  La fréquence supérieure et les emplois différents de baby en anglais donnent au français bébé, par emprunts successifs, d'autres usages, comme l'appellatif bébé ! adressé à une femme, qui correspond à « chérie », ou la locution (elle aussi calque de l'anglais) jeter le bébé avec l'eau du bain « se débarrasser en bloc d'un problème, sans tenir compte des éléments positifs ».
❏  L'anglais baby (ci-dessus) entre dans des composés pris à l'anglais américain.
■  BABY-DOLL n. m. (v. 1960), de doll « poupée », désigne une chemise de nuit féminine très courte.
■  BABY-SITTER n. (1950 au masculin, puis 1953 aux deux genres), de sitter, de to sit « s'asseoir (auprès de qqn) » se dit d'une personne qui, moyennant rétribution, garde de jeunes enfants en l'absence des parents. Il est (rarement) en partie francisé en BABY-SITTEUR, EUSE n. ◆  BABY-SITTING n. m. (1960) se dit de la garde par un ou une baby-sitter.
■  BABY-FOOT n. m., de baby « miniature » et foot, pour foot-ball*, désigne (1951) un jeu de football de table où des joueurs de bois, montés sur des tringles mobiles, sont manipulés par deux ou quatre adversaires.
■  BABY-FOOD n. m., emprunt (v. 1957) à l'américain baby-food « aliments (food) pour bébés », désigne des aliments diététiques pour nourrissons.
■  BABY-BOOM n. m. est emprunté (1954) à une expression américaine, de boom « hausse très forte », d'abord « explosion » et baby. Le mot désigne une forte augmentation de la natalité. ◆  Il a pour dérivé BABY-BOOMER n. « personne issue d'un baby-boom ». ◆  Tous ces mots sont sentis comme des anglicismes avérés, sauf peut-être baby-foot, plus populaire et lexicalisé.
BABY-CAR n. m., faux anglicisme, nom de marque d'une fourgonnette Renault, s'est dit en français de Nouvelle-Calédonie (années 1960) d'un autobus, puis spécialement (années 1980) d'une camionnette transportant des ouvriers, et de ce qui est appelé minibus en France.
❏ voir PÈSE-BÉBÉ (à PESER).
BÉBELLE n. f., mot régional appartenant à une série d'initiale beb- désignant des jouets, s'emploie au Canada et en Louisiane.
❏  Le mot désigne un jouet d'enfant et, au figuré, une chose insignifiante, correspondant alors à babiole.
BÉBÊTE n. f. → BÊTE
BE-BOP n. m. est emprunté (1948) à l'anglo-américain be-bop (1945) ou plus simplement bop, pure onomatopée évoquant un élément rythmique. Le mot recouvre un style de jazz qui commença de se développer dès 1942 à New York, parmi les jeunes musiciens (Charlie Christian, Thelonious Monk, Kenny Clarke) fréquentant le cabaret Minton's à Harlem, ainsi que chez Dizzy Gillespie et Charlie Parker du côté de la 52e rue. Ce jazz, qui atteignit son apogée en 1946, se caractérise par une mélodie librement découpée, au débit capricieux, accueillant les trouvailles virtuoses de la batterie qui viennent la troubler et la relancer.
❏  Le français, qui a aussi employé BOP, surtout en usage chez les musiciens, a adopté le mot et le style de musique qu'il recouvrait, en vogue en Europe après la redécouverte du jazz classique et du swing, surtout entre 1960 et 1970. La forme BE-BOP, plus populaire, s'est surtout employée pour désigner la danse.
+ BEC n. m. est issu (v. 1119) du latin beccus « bec d'oiseau », seulement attesté depuis Suétone qui l'emploie comme nom de personne sous la forme Becco. Beccus se rattache peut-être au radical celte bacc- « crochet » avec un changement de voyelle radicale ; il a supplanté le mot latin rostrum (→ rostre) qui se disait également en médecine, là où le français emploie bec.
❏  Le sens de « partie cornée et saillante de la bouche des oiseaux » a donné quelques locutions figurées comme avoir le bec dans l'eau, altération d'un ancien tenir le bec dans l'eau à qqn (fin XVIe-déb. XVIIe s.), ou encore avoir bec et ongles puis se défendre bec et ongles « avec acharnement ». Le bec jaune des oisillons a donné naissance à béjaune (ci-dessous). ◆  Par extension, bec a pris le sens de « bouche humaine » (1217), d'où divers sens métonymiques, comme « visage », « personne » et, en Suisse comme au Canada, au Québec, l'emploi familier pour « baiser », par exemple dans donner un bec (attesté 1867). Le mot, en Suisse, est d'abord attesté sous la forme patoisante notée bet en 1864 ; il est alors déverbal d'un verbe régional écrit becquer, pour « baiser, embrasser ». Toujours en Suisse, bec entre dans des formules de congé, comme gros becs !, bons becs ! (équivalant au français de France gros bisous). ◆  Ce type d'emploi, sur lequel se greffe le sens métaphorique de « nez », est fécond en expressions relatives à la nourriture (avoir le bec salé) et à la parole (prise de bec). ◆  Par extension, le sens de base a aussi donné celui de « bouche d'un animal », en particulier « bouche de poisson » (v. 1393, becque).
■  Dès le milieu du XIIe s., on rencontre les premiers emplois de bec pour désigner un objet pointu dont la forme évoque celle du bec de l'oiseau (v. 1150). Ce sens, réalisé dans quelques acceptions spéciales, en géographie pour une pointe de terre (1345), en anatomie, en architecture, etc., donne lieu à des noms composés, formés avec un nom d'animal comme bec d'âne (ci-dessous bédane), bec-de-cane, etc. (ci-dessous).
■  Une autre valeur spécialisée (1821) concerne le brûleur d'une lampe à gaz, à l'origine comparé à un bec. De là bec Bunsen, bec à gaz, remplacé par bec-de-gaz (ci-dessous), qui peuvent avoir plusieurs valeurs.
❏  La dérivation de bec, notamment par le jeu des dérivés secondaires, est importante.
■  BECQUER v. tr. (fin XIIe s.) est apparu sous la forme attendue bechier mais celle-ci, soit par influence des formes picardes, soit par réfection sur bec, a été supplantée par bequer (v. 1330). Le verbe signifiait « prendre par becquées, prendre du bec, frapper à coups de bec » ; il a quasiment cessé de s'employer après le XVIe s., sauf en fauconnerie en parlant du jeune faucon qui prend la becquée à plein bec (1690) et avec des valeurs régionales : « bégayer » et « embrasser » (Canada, encore vivant en Acadie, voir ci-dessus le sens canadien de bec).
■  BECQUET n. m. (2e moitié du XIIIe s.), réfection sur bec de l'ancienne forme bechez (v. 1170), signifiait « petit bec » ; il demeure vivant dans quelques emplois analogiques, fournissant un nom du brochet (1250-1300) et quelquefois du saumon, puis désignant un objet pointu. ◆  Béchet (1808), puis becquet, désigne en imprimerie un petit morceau de papier portant une correction, puis (av. 1850) un fragment de scène ajouté pendant les répétitions à une scène de théâtre. On écrit parfois béquet.
BÉCASSE n. f. est dérivé de bec (fin XIIe-déb. XIIIe s.) par allusion au long bec de cet oiseau. La bécasse étant l'un des gibiers à plumes les plus recherchés, le mot évoque souvent la chasse (Cf. Les Contes de la bécasse, de Maupassant). Par une analogie fréquente entre noms d'animaux, bécasse de mer est le nom courant de poissons à long rostre. ◆  Par analogie de forme, il s'emploie aussi pour désigner un poisson (1611), un coquillage (1752), ainsi qu'en vannerie un outil pointu (1680), en métallurgie une sonde mesurant la descente de la charge dans les hauts fourneaux (1806). ◆  Par ailleurs, depuis le début du XVIe s. (av. 1510), le mot, comme beaucoup de noms d'oiseaux, sert de désignation péjorative à l'adresse d'une femme sotte, niaise ; il est aussi adjectif. La communauté d'initiale avec bête a pu jouer un rôle, mais bêtasse est très postérieur.
■  Le nom d'oiseau a donné BÉCASSEAU n. m. (1537), BÉCASSIN n. m. (1552), remplacé par BÉCASSON n. m. (1564) « jeune bécasse » et, au figuré, « jeune personne sotte », et BÉCASSINE n. f. (1552) qui désigne un autre oiseau, voisin de la bécasse. Pour ce dernier, le sens figuré de « personne niaise » (1943) provient du prénom de l'héroïne bretonne de bandes dessinées dont les premières aventures furent publiées à partir de 1905 dans La Semaine de Suzette, ce nom venant lui-même de l'emploi figuré de bécasse.
BECQUETER v., d'abord biqueter (1223), verbe de parole, a signifié « critiquer » jusqu'au XVIe s. puis « tourmenter » (1590), sens isolé. ◆  De nos jours et depuis le XVe s., il signifie « mordiller, donner des coups de bec » (1451), ou encore « manger », spécialement en fauconnerie (1690) et par figure dans l'usage familier (1707), alors parfois noté becter (voir les dérivés). ◆  La valeur d'« embrasser » (1860), également à la forme pronominale se becqueter, a vieilli (Cf. bécoter, ci-dessous).
■  On en a dérivé les substantifs BECQUETEUR n. m. (1571) littéralement « celui qui donne des coups de bec », usité comme nom d'une petite hirondelle (1832), mais vieilli, BECQUETAGE n. m. (av. 1857), peu usité.
■  BECQUETANCE n. f. (1880), également sous la forme bectance (1916), tiré de becqueter et becter « manger », est un synonyme argotique puis familier de « nourriture ».
Le préfixé ABÉQUER v. tr. s'emploie en français de Suisse (attesté en 1820) pour « placer (qqch.) dans une position élevée, précaire ou d'accès malaisé ». Le participe passé ABÉQUÉ, ÉE adj. correspond à « perché, juché ».
■  D'après le sens de « manger » a été formée la série DÉBECQUETER ou DÉBECTER v. tr. « vomir » (1883) sens disparu (Cf. dégueuler), d'où au figuré « dégoûter » (1892), DÉBÉQUETANT ou DÉBECTANT, ANTE adj. (1883) « dégoûtant », DÉBÉQUETAGE ou DÉBECTAGE n. m. (1910) « vomissement, nausée », et DÉBECTANCE n. f. (1901). ◆  Dans cette série argotique, puis familière, seul débectant est usuel.
■  REBECTER ou REBÉQUETER v. tr. signifiait en argot « réconforter, remettre dans une bonne situation » (1881), et aussi « réconcilier » ; de là REBECTAGE n. m. qui a désigné les soins pour remettre d'aplomb, et aussi une réconciliation (1873 ; 1895) et REBECTANT, ANTE adj. « encourageant » et, en contraste avec débectant, « appétissant » (1920). Tous ces emplois ont vieilli, alors que les composés en dé- continuaient à s'employer.
■  REBÉQUER (se) v. pron., qui est dans Villon (XVe s.), est formé sur bec, au figuré pour « protester » (on note la paronymie avec se rebeller). Le verbe était encore en usage à la fin du XIXe siècle.
RÉBECCA est dérivé du verbe rebéquer, avec jeu de mots sur le prénom biblique dans faire sa rébecca (1807), précédé par faire la rébecca (1781) et concurrencé par le déverbal régulier dans faire de la rebèque (1918). On a dit aussi aller au rébecca « protester ».
1 BÉQUILLON ou BECQUILLON n. m., attesté une fois sous la forme baikillon « petit bec d'un objet » (v. 1300), a été reformé pour désigner le bec des jeunes oiseaux de proie (1549). Au figuré, il se dit d'une petite feuille sans largeur qui finit en pointe (1701).
■  Il semblerait que le mot ait donné BÉQUILLE n. f. (1611), dont le développement sémantique et le suffixe s'expliqueraient par l'influence de anille, « béquille », et par comparaison entre la traverse supérieure de l'objet et le bec d'un oiseau. ◆  Béquille a développé par analogie de forme ou de fonction de nombreux sens techniques, en agriculture (1782), en serrurerie (1867), en navigation fluviale, en chirurgie. ◆  Il s'emploie en français du Canada pour échasse (attesté 1930).
■  À son tour, il a produit 2 BÉQUILLER v. (1656) « marcher avec des béquilles ; boiter » qui a pour homonyme 1 BÉQUILLER (1602) « attaquer, donner des coups de bec » d'où « dissiper », verbe sorti d'usage.
■  Béquille a aussi pour dérivé un diminutif 2 BÉQUILLON n. m., attesté une fois en 1768, puis avec ses divers sens techniques avant la fin du XVIIIe siècle.
BECQUÉE n. f. (1543) ou BÉQUÉE est la réfection de béchie (fin XIVe s.), forme attestée jusqu'au XVIe siècle. ◆  Le mot désigne la quantité de nourriture contenue dans le bec d'un oiseau et, par extension, se dit familièrement (1866) d'une bouchée de nourriture. Donner la becquée s'emploie au propre et au figuré.
Deux composés soudés apparaissent en moyen français.
■  BÉJAUNE n. m. (1390-1407) résulte de la soudure de bec jaune (v. 1306), au figuré « niais » dans l'ancienne locution avoir le bec jaune (v. 1280) par allusion à la couleur du bec des très jeunes oiseaux. Il ne s'emploie plus qu'en fauconnerie.
■  BÉDANE n. m., d'abord besdane (1596), résulte aussi d'une agglutination : il vient de bec d'asne (1371), déjà relevé v. 1281 sous la forme altérée bat d'asne « broc à eau ». Dans ce composé, asne est l'altération de l'ancien français ane, « canard » (→ canard). ◆  De nos jours, le mot désigne un ciseau à bois étroit (1438) et un burin de même forme utilisé spécialement en serrurerie.
■  D'autres composés ont conservé leur forme intégrale. ◆  BEC-DE-CANE n. m., de cane (→ canard), a désigné un clou à crochet, un outil à travailler les moulures (1881). Il se dit plus couramment de la poignée qui manœuvre une serrure de porte et, en argot (1905, Bruant), d'un pistolet. ◆  Une analogie de forme le fait désigner (1845) une variété d'aloès. En français de Nouvelle-Calédonie, c'est le nom d'un poisson de mer à museau en forme de bec d'oiseau, très apprécié.
■  BEC-DE-CORBIN (ou BEC-DE-CORBEAU) n. m. désigne (1743) un pommeau de canne sculpté en bec d'oiseau et plusieurs outils en forme de bec.
■  Les autres composés, formés avec un nom d'oiseau, désignent soit des outils, des armes (bec de faucon, bec de perroquet, qui se dit aussi d'une excroissance osseuse des vertèbres), soit des plantes (bec d'oiseau, de grue, de héron, de pigeon).
■  BEC-DE-LIÈVRE n. m.,bec désigne la bouche d'un animal, est employé en pathologie (1560, Paré) pour désigner une malformation congénitale de la face humaine, où la lèvre supérieure est fendue. Par métonymie, il se dit de la personne affectée de cette malformation.
■  BEC-DE-GAZ n. m., au sens spécial de bec « brûleur d'une lampe à gaz », s'est lexicalisé pour désigner (1821) l'extrémité du brûleur, puis, vers la même époque, un lampadaire à gaz sur la voie publique. Dans ce sens, la désignation s'est conservée pour tout appareil d'éclairage public. L'expression figurée tomber sur un bec de gaz « sur une difficulté » a vieilli, remplacée par tomber sur un bec. ◆  BEC-EN-CISEAUX n. m. est le nom courant (non zoologique) d'un oiseau noir et blanc du genre Rhynchote, dont le bec a une partie inférieure orange, plus longue que la partie supérieure.
BEC-FIGUE ou BECFIQUE n. m. est le nom courant de plusieurs petits oiseaux passériformes migrateurs, comme le gobe-mouche. Depuis le XVIe s. (1539), par emprunt à l'italien beccafica, de beccare « becqueter ». ◆  BEC-SCIE n. m. se dit d'un canard plongeur, dont le bec dentelé se termine en crochet. Le mot s'employait en français de France, au moins régionalement, mais sa première attestation écrite provient du Canada (fin XVIIe s.) ; il est courant au Québec.
BLANC-BEC n. m., enregistré par Trévoux en 1752 avec son sens moderne, fait allusion au jeune homme dont la bouche n'est pas encore assombrie par la moustache ; ce sens a bénéficié de celui qu'avait depuis longtemps béjaune (ci-dessus) ; blanc-bec est resté vivant, mais tend à vieillir, sauf dans un registre soutenu.
BÉCOT n. m., dérivé de bec avec le suffixe diminutif -ot (1787), est un équivalent familier de baiser (Cf. ci-dessus bec) dont est dérivé BÉCOTER v. tr. (v. 1830), synonyme familier d'embrasser (aussi se bécoter), d'où BÉCOTEMENT n. m. (1863), relevé chez Flaubert, BÉCOTAGE n. m. (1879) et BÉCOTEUR, EUSE adj. et n. (1887, becquoteur), ces trois dérivés étant peu employés.
BECFIGUE n. m. est l'adaptation (1539), à côté des formes bequefigue (fréquente au XVIe s.) et beccafigue (encore chez Furetière), de l'italien beccafico (déb. XVIe s.), nom d'une variété de passereau. Ce mot est composé de becarre « becquer », lui-même du correspondant italien de bec*, et de fico, répondant au français figue*.
■  Le mot désigne un oiseau se nourrissant notamment de figues en automne.
BICHER v. est un terme familier d'origine dialectale (1845), correspondant à une forme dérivée du latin beccus « bec. » ◆  La valeur intransitive, « aller bien » (le plus souvent dans le tour impersonnel ça biche), vient peut-être du langage des pêcheurs où ça biche, « ça mord » en parlant du poisson (1867), viendrait lui-même d'emplois régionaux du type du lyonnais se bichi « se donner des coups de bec, se mordiller, se disputer ». Mais cette valeur ne convient pas à l'emploi figuré. ◆  En revanche, bicher a signifié « embrasser » (1889), emploi attesté dans le centre de la France (Nivernais, Bourbonnais) ; il a probablement influencé la forme biser (→ 1 baiser).
■  On rencontre le dérivé BICHEUR, EUSE n. et adj. pour « celui, celle qui cajole » (1910).
❏ voir PIMBÊCHE, peut-être BÉCANE, 2 BÊCHER.