? BÉCANE n. f., attesté depuis 1841, est d'origine obscure. L'hypothèse qui y voit la substantivation d'un féminin populaire (du type géane pour géante) de l'argot bécant, participe présent substantivé de becquer (→ à bec) et désignant un oiseau de basse-cour, repose sur une assimilation entre le bruit de la machine et le cri de l'oiseau ; mais le mot d'argot est postérieur (1878). On peut évoquer aussi l'ancien français ane « canard », conservé dialectalement, l'élément bec s'y associant facilement. P. Guiraud voit dans bécane le représentant du dialectal bicaner « boiter » (Centre), d'où bicane « mauvais cheval » (Yonne), avec l'idée de « machine marchant de travers en tressautant ».
❏  Le mot s'est d'abord dit d'une mauvaise locomotive et, plus généralement, d'une machine (1870), sens repris pour certaines valeurs spéciales de machine (par exemple « ordinateur »). ◆  L'acception dominante est cependant « bicyclette » (1888) et, par extension, « moto » (v. 1960), traduisant alors l'anglais bike (de bicycle « bicycle »).
BÉCARRE n. m., d'abord becarre (1425) et aussi beaquarre (fin XVe s.), est l'adaptation de l'italien bequadro, terme de musique désignant le signe placé à gauche d'une note précédemment altérée pour lui rendre sa tonalité naturelle (le terme italien n'est attesté que depuis le XVIe s.). Bequadro est composé de be (b) par référence à la notation médiévale où la lettre b à panse carrée, b quadratum ou durum (v. 1240) indiquait le si naturel — par opposition au b à panse arrondie b rotundum ou b molle (→ bémol) —, et de quadro « carré » (→ cadre). Le latin médiéval convient moins bien que l'italien à l'explication des formes françaises.
❏  Ce terme de musique est égalemement employé adjectivement après le nom d'une note.
BÉCASSE, BÉCASSINE → BEC
BECAUSE prép. et adv., prononcé en partie à l'anglaise bicoze, parfois écrit bicause (Carco) s'emploie en langue argotique (attesté en 1928), puis familière, pour « à cause de, parce que ». ◆  Il a été altéré plaisamment en BISCOTTE.
BEC DE... → BEC
BECFIGUE → BEC
BÉCHAMEL n. f., d'abord dans turbot à la Béchamelle (1735), puis béchamel (1742), est tiré du nom de Louis de Béchamel (1630-1703) ou de Béchameil, marquis de Nointel. Ce financier enrichi avait acheté l'importante charge de maître d'hôtel de Louis XIV ; les mémoires apocryphes de la marquise de Créqui, fabriqués au XIXe s., attribuent l'invention de cette sauce blanche au marquis ; elle fut probablement le perfectionnement d'une recette plus ancienne que son cuisinier dédia, selon la coutume, au maître d'hôtel du roi.
❏  À l'origine réduction d'un velouté fortement additionné de crème fraîche, la béchamel se prépare aujourd'hui en mouillant avec du lait bouillant un roux blanc de beurre et de farine. ◆  Le mot s'emploie aussi avec le sens figuré de « situation confuse » dans la langue familière (XXe s.), par influence probable de mêler, et peut-être de tête-bêche.
BÊCHE-DE-MER → BICHLAMAR
? 1 BÊCHER v. tr., d'abord beker (fin XIIe-déb. XIIIe s.), est d'origine douteuse : il pourrait être issu d'un latin populaire °bessicare, dérivé du latin bessus « bêche », attesté en latin médiéval (IXe s.) et auquel remontent l'ancien provençal bessa (fin XIIIe s.), le moyen français besse (XVe s.) et le lorrain basse, bosse. L'origine de bessus est obscure ; on y a vu une forme de °bissus, féminin °bissa, dérivé de l'adverbe latin bis « deux fois » (→ bis), avec le sens d'« instrument à deux points ». Une origine celte est écartée pour des raisons phonétiques. L'hypothèse selon laquelle bêche viendrait d'un latin populaire (pala) °biseca « bêche à deux tranchants », formé à partir de secare « couper » (→ scier) sur le modèle de bifidus « fendu en deux », obligerait à dissocier du groupe bêcher / bêche le groupe formé par l'ancien provençal bessa et le moyen français besse.
❏  Le verbe signifie « retourner (la terre) avec un instrument composé d'une large lame de fer aplatie et tranchante adaptée à un manche de bois ».
❏  1 BÊCHE n. f., d'abord besche (déb. XIIe s.), déverbal de bêcher, désigne l'instrument au moyen duquel on bêche ; par analogie, il se dit d'un insecte au corps luisant comme le fer de la bêche (1223, repris en 1740) et, en artillerie, à l'appareil en forme de bêche qui s'ajuste à la crosse d'un affût de canon de campagne (1908).
■  Comme nom d'outil agricole, bêche a produit plusieurs diminutifs, BÊCHETTE n. f. (1823), BÊCHON n. m. (1823), BÊCHELON n. m. (1832) et BÊCHETON n. m. (1845), peu usités.
1 BÊCHEUR, EUSE n., d'abord bescheur (1453), a cessé d'être attesté après 1611 pour être repris en 1867.
■  1 BÊCHAGE n. m. (1611) ne semble pas employé jusqu'à la fin du XIXe s. (1878).
Le verbe transitif, argotique puis familier, 2 BÊCHER (1837) est plus probablement un emploi figuré de bêcher qu'un dérivé des formes dialectales correspondant à becquer, « frapper du bec », de bec, selon un développement sémantique qui serait analogue à celui de biner, « sarcler », donnant débiner, « calomnier ». ◆  Le verbe signifie « injurier » d'où, par affaiblissement, « mépriser, critiquer » et, de nos jours, « snober ».
■  Il a produit 2 BÊCHEUR, EUSE n. (1833) « médisant », d'où « snob », toujours usuel. Le sens antérieur de bêcher « charger, médire de » a fourni l'argot bêcheur pour « magistrat accusateur, avocat général ».
■  Le déverbal 2 BÊCHE n. f. (1898), mot plus rare, désigne une moquerie, une plaisanterie.
■  2 BÊCHAGE n. m. (1895) n'est pas beaucoup plus vivant.
2 BÊCHER → 1 BÊCHER
BÉCOSSE n. f., emprunt francisé à l'anglais backhouse, de back « derrière, en arrière » et house « maison », s'emploie en français du Canada (1857) pour « cabinet d'aisance à l'extérieur, à la campagne » et, par extension, « cabinets, toilettes ». Le mot est rare au singulier ; on dit le plus souvent les bécosses.
BECQUETER → BEC
BECTER, BECTANCE → BEC
BEDAINE n. f. est probablement (1400), après boudaine (XIVe s.), une altération de l'ancien français boudine « nombril » (fin XIIe s.) et, par métonymie, « ventre » (fin XIIIe s.). Ce mot appartient à une famille de termes expressifs (le simple boude, peu attesté en ancien français, s'est maintenu en Champagne) dérivés de la racine onomatopéique °bod- évoquant une chose boursouflée (→ boudin, bouder). L'hypothèse faisant de boudine une réfection de boudaine « panse » (correspondant au provençal boudeno de même sens), lui-même d'un gallo-roman °boddena probablement d'origine gauloise, est difficilement acceptable, la finale étant douteuse et le provençal étant emprunté au français. L'hypothèse selon laquelle boudine, boutine serait issu d'un gallo-roman °buttina, lui-même du gaulois °butta (répondant au cymrique both « partie du bouclier faisant saillie ») avec le suffixe de °pectorina, fréquent pour désigner les parties du corps (narine, babine, poitrine), n'explique pas les formes en -d-.
❏  Le mot a aussi désigné jusqu'au XVe s. un vase à grande panse, sens encore répertorié dans les dictionnaires des XIXe et XXe s., et un gros boulet d'artillerie (1552, Rabelais). ◆  Le sens de « ventre rebondi » (XIVe s.) s'est répandu dans l'usage familier et il est resté en usage.
❏  S'il n'est pas directement formé sur bedaine, BEDON n. m. (av. 1404) appartient au même radical expressif bod- ; le recours à l'intermédiaire d'un °boudon, lui-même dérivé de l'ancien français boude « nombril » (répertorié comme hapax par Godefroy), ne paraît pas nécessaire. ◆  Le mot a servi à désigner un gros tambour, sens sorti d'usage au XVIIe s. sauf régionalement. Par analogie, il a pris comme bedaine le sens de « ventre rebondi » (1462), s'appliquant par métonymie à un homme ventru et replet (1690 ; déjà en 1546, Rabelais, comme terme d'amitié envers qqn : mon bedon).
■  De bedon est dérivé BEDONNER v. intr. qui a signifié « résonner » (1507) et « jouer d'un instrument de musique » (v. 1525), sens disparus. ◆  Il a été reformé comme intransitif pour « prendre du ventre » (1868) et, en parlant d'un vêtement, « faire paraître ventru ».
■  Le participe présent BEDONNANT, ANTE est adjectivé (1865) avec le sens de « ventru, replet ».
■  BEDONNEMENT n. m. (1878), rare, désigne le fait de prendre du ventre.
BEDONDAINE n. f., renforcement expressif de bedon à l'aide de l'élément -daine de bedaine selon l'alternance des refrains comme faridondon, faridondaine, est un doublet vieilli de bedon et de bedaine attesté au XVIe s. et de nouveau à partir du XVIIIe siècle. ◆  Bescherelle l'enregistre en 1845 avec le même sens technique que bedaine en artillerie, et en musique pour une sorte de cornemuse à grosse panse.
BÉDANE → BEC
BÉDÉ → BANDE
G BEDEAU n. m., d'abord bedel (1160-1174) puis bedeau (XIVe s.), est issu d'un francique °bidil « représentant de l'ordre, officier de justice ». Celui-ci correspond à l'ancien haut allemand bitil, bitel, moyen haut allemand bitel « prétendant », mais, pour le sens, est plus près de l'ancien haut allemand butil et de l'anglo-saxon bydel « héraut ». Ces formes viennent d'un germanique °budil-, radical dérivé d'un verbe °biud-an qui est représenté dans le vieil anglais beodan (d'où, par croisement avec un autre verbe, to bid), l'ancien haut allemand biotan (allemand bieten) avec un développement sémantique allant de « présenter, offrir » à « annoncer, informer, proclamer » et « commander ». Ce verbe appartient à la racine indoeuropéenne °bheu-dh- dont le sens propre doit être « être éveillé, comprendre » et à laquelle correspond le participe sanskrit buddha- « éveillé, illuminé » (→ bouddha). L'iranien a développé l'idée de « sentir », le baltique celle de « punir » et le germanique de « commander, ordonner ». L'ancien français bedel représente une assimilation au suffixe latin -ellus (latin médiéval bedellus, av. 1143) ; par la suite, le mot français a été emprunté par d'autres langues européennes, y compris par l'anglais beadle (dont les formes archaïques bedel, beadel répondent à des acceptions spéciales) où il a supplanté le type local bydel.
❏  Jusqu'au XVIe s., conformément au sens de son étymon, le mot a désigné un sergent de justice opérant dans les justices subalternes. ◆  Il est passé dans l'administration de l'Église pour désigner l'employé laïque chargé du bon ordre dans une église pendant l'office et de précéder le clergé dans les processions (1530). Par analogie, on a appelé bedeau d'université l'huissier chargé de précéder le recteur, etc. dans les cérémonies publiques ; le mot a été remplacé par appariteur.
1 BÉDOUIN, INE n. et adj., d'abord noté bedoïns (fin XIIe s.) puis besdouyn (XVe s.), bédouin, est emprunté à l'arabe badawīn, pluriel badawīy « habitant du désert », dérivé de badw « désert ». Le mot a d'abord été adopté dans les langues européennes sous la forme du pluriel à partir de laquelle on a formé un nouveau singulier (pour la conservation de la flexion du pluriel de mots arabes ou hébreux, Cf. assassin, chérubin, rabbin, séraphin).
❏  Le mot désigne un Arabe nomade du désert et qualifie ce qui se rapporte à lui (XIVe s.). Par métonymie, il réfère spécialement à la langue parlée par les Arabes du désert (XVe s.). ◆  Un sens figuré et péjoratif, « individu brutal et grossier », est analogue à celui qu'avait connu Arabe dans la langue classique ; il a disparu. Cependant, en français du Maghreb, de Djibouti, le mot peut avoir des connotations péjoratives, comme nomade et broussard en français d'Afrique, pour une personne d'aspect et de comportement rural, mal dégrossie, à côté des références positives aux mœurs simples et à la langue pure de ces Arabes du désert.
■  Peut-être en raison du fait que le mélampyre des blés pousse de façon sauvage dans les champs de blé, 2 BÉDOUIN n. m. désigne cette plante (1791, en Berry).
BÉER, BÉANT, BÉE → BAYER
BEFFROI n. m., d'abord beffroy (av. 1465), est issu par métathèse de berfroi (v. 1155), emprunt au francique °bergfripu. Ce mot correspond au moyen haut allemand bërovrit, bërvrit, dont le sens littéral est « préserve la paix » et qui est composé des mots correspondants à l'allemand bergen « sauver, mettre en sûreté » et Frieden « paix ». Cependant, l'hypothèse d'un emprunt au moyen haut allemand fait difficulté du point de vue phonétique. Il semble qu'il faille écarter l'étymon °bis-fridare composé du préfixe péjoratif be-, ber- sur le modèle de ex-fridare (→ effrayer) menant à un °berfreer d'où proviendrait berfroi, littéralement « effroi, cloche servant à donner l'alarme » : les attestations d'un verbe berfreer manquent. La diphtongue du mot français montre que l'emprunt est assez ancien ; au temps des Carolingiens, les Francs pratiquaient déjà des fortifications assez importantes.
❏  Le mot désigne d'abord la tour mobile en bois que l'on utilisait pour s'approcher des remparts sans risque et pour saper les murs dans le siège d'une ville. ◆  Il est devenu le nom d'une tour de ville servant à faire le guet et à sonner l'alarme à l'aide d'une cloche (déb. XIIIe s.), désignant aussi par métonymie cette cloche (av. 1465). ◆  Par analogie, il s'emploie en charpenterie à propos de la charpente destinée à porter une cloche et à l'isoler des murs qu'elle risquerait d'ébranler quand elle est en mouvement (1441). ◆  En français contemporain, le mot est usuel dans le nord de la France où il désigne en général une tour urbaine ; dans le reste du pays, il ne s'applique à ce monument qu'en parlant de la Picardie et des Flandres.