L +
BÉNIR v. tr. est issu (1080) du latin benedicere, par amuïssement du d, d'abord sous la forme en trois syllabes bénéir. Le verbe latin est formé de bene (→ bien) et dicere (→ dire), proprement « dire du bien ». Le verbe latin, construit avec le datif, a pris le sens de « louer » ; en latin chrétien, il signifie « louer Dieu, lui rendre gloire » ; par inversion des rôles, avec Dieu pour sujet, il signifie « répandre ses bienfaits sur qqn » ; puis, il se dit d'un ministre de Dieu, d'un chrétien qui invoque l'assistance divine sur son prochain, en particulier au moment d'un départ, avec le sens secondaire de « saluer, dire adieu », ainsi que d'un prêtre qui appelle la protection divine sur une chose, la consacre par un acte rituel.
❏
Le verbe a repris les valeurs du latin chrétien avant la fin du XIIe s. : il se dit de Dieu qui répand sa bénédiction, du prêtre qui appelle les bienfaits de Dieu sur les hommes et, par extension, d'un laïc qui souhaite solennellement bonheur et prospérité à son prochain.
◆
Parallèlement, un psautier (v. 1120) atteste l'emploi du mot au sens de « louer et glorifier (Dieu) pour le remercier » puis d'« exalter (qqch.) » pour exprimer sa satisfaction (1150-1200).
◆
Un détournement ironique des sens laïcs a été renforcé par l'emploi péjoratif de dérivés (ci-dessous, bénissage, bénisseur).
❏
Le développement d'un substantif d'action dérivé de
bénir a été entravé par la concurrence de l'emprunt latin
bénédiction*.
■
BÉNISSEMENT n. m. (XIIe s.), dérivé du participe présent de bénir, a cessé d'être employé au XVIe s., repris au XIXe s. littérairement (1853, Flaubert) ; il reste rare.
■
Il en va de même pour BÉNISSAGE n. m. que l'on rencontre aussi sous la plume de Flaubert (1872) et qui est vaguement péjoratif.
◈
Le verbe avait aussi emprunté son participe passé au latin
(→ benêt, benoît) au
XIIe siècle. L'ancien français
benëit (v. 1225), qui a évolué en
BÉNIT, ITE adj. (1493), a été formé d'après le latin
°benedīctum (
i long), altération de la forme régulière
benedĭctum (
i bref) qui, par l'intermédiaire de
benëeit, a donné
benoît. Par amuïssement ultérieur du
t, le
c qui le précède ayant donné
y, et d'après les participes passés en
-i où le
t n'était pas appuyé par une consonne (type
finitus-finit-fini), il a donné
BÉNI, IE adj.
◆
La répartition des emplois entre
bénit et
béni, élaborée au
XVIIe s., ne s'est imposée qu'au
XIXe s.,
bénit se disant de certaines choses
(pain, eau) sur lesquelles la bénédiction du prêtre a été donnée avec les cérémonies prescrites,
béni assumant toutes les autres significations du verbe et se disant surtout de personnes.
◈
BÉNITIER n. m. est une réfection tardive (1680), d'après
eau bénite, de l'ancien français
benoitier (1288),
benestier (1307). Ce dernier est issu de
eubenoitier (1281),
eaubenoitier (1352), soudure de l'ancien français
ewe [eau]
benëeite, benëoite (v. 1190) avec le suffixe
-ier.
■
Le mot désigne le vase contenant de l'eau bénite ; il a donné quelques expressions figurées d'usage familier (grenouille de bénitier « bigote », diable de bénitier, pisser au bénitier).
◆
Par analogie de forme, le mot désigne la coquille de quelques grands mollusques, d'ailleurs utilisée comme bénitier dans les églises, notamment à l'époque classique (XVIIe-XVIIIe s.).
◈
BÉNISSABLE adj. (1569) n'est pas très usuel, mais
BÉNISSEUR, EUSE n. et adj. (1863), surtout péjoratif, s'emploie au figuré.
❏ voir
BÉNÉDICITÉ, BÉNÉDICTIN, BÉNÉDICTION, BENÊT (et BENOÎT), BÉNICHON.
BENJAMIN, INE n. est l'emploi tardif (déb. XVIIIe s.) comme nom commun de Benjamin, nom propre du plus jeune fils de Jacob et son préféré, dans la Bible.
❏
Le mot désignait autrefois l'enfant préféré de ses parents et, par extension, l'élève préféré d'un maître.
◆
De nos jours, il se dit du plus jeune enfant d'une famille (1808), celui-ci étant souvent le plus choyé. Par extension, il désigne le plus jeune d'un groupe, spécialement un jeune sportif appartenant à la catégorie d'âge de dix à onze ans (1969 dans les dictionnaires généraux).
BENJOIN n. m., d'abord benjuyn (1479) et benioin (1538), est emprunté au catalan benjuí (1430). Ce dernier est emprunté à l'arabe lubān-ǧāwi, « encens de Java », avec perte de la syllabe initiale lu, confondue avec l'article catalan lo. L'origine est confirmée par la localisation géographique de la première attestation dans les Comptes du Roi René, les rapports entre l'Aragon et le Royaume d'Anjou ayant été très étroits. Il a existé en outre une forme bengin (1515) de même origine arabe, entrée en France par l'intermédiaire du portugais et de l'italien. Le latin botanique benzoe, proposé comme étymon par Dauzat, est au contraire une latinisation de benjoin (→ benzine).
❏
Le mot désigne une substance résineuse aromatique à odeur vanillée et le parfum qui en est tiré. Au XVIe s., Rabelais l'utilise par jeu de mots implicite comme un composé français (bien joint), maujoint « mal joint » se disant alors du sexe de la femme.
BENZINE n. f. est un emprunt (1833) à l'allemand Benzin, nom d'un corps chimique découvert et dénommé en 1833 par Mitscherlich à partir de l'élément benz- (ci-dessous) tiré de benzoïque* avec le suffixe -in (français -ine) pour remplacer bicarbure d'hydrogène, traduction du nom donné à ce produit par Faraday, qui le découvrit en 1825.
❏
Ce terme de chimie désignait un hydrocarbure liquide, volatil, obtenu par distillation de goudrons de houille. Remplacé en ce sens par benzène, il est couramment employé pour désigner le mélange d'hydrocarbures vendu dans le commerce, utilisé comme détachant ou dissolvant.
◆
Le sens d'« essence », calque de l'allemand Benzin, est vivant en Suisse romande (1909) mais est sorti d'usage en français de France. En Suisse, on emploie benzine en concurrence avec essence.
❏
BENZOÏQUE adj., qui se dit de certains corps de la série du benzène, et
BENZOATE n. m., « sel ou ester de l'acide benzoïque », ont été formés (1787) par Guyton de Morveau en même temps que d'autres termes essentiels de la nomenclature chimique. Les deux mots dérivent du latin des botanistes
benzoe, radical de
benzoinum (1751), latinisation de
benjoin*.
■
Le premier élément BENZ- entre dans la composition de nombreux termes de chimie où il marque la parenté avec l'acide benzoïque ou avec le benzène.
■
Le seul devenu courant, avec benzine, est BENZÈNE n. m. (1835), nommé Benzin par Mitscherlich ; cet hydrocarbure est un dissolvant des corps gras.
■
Le mot, outre son dérivé BENZÉNIQUE adj. (1878), fournit des noms de composés pour nommer des produits utilisés dans l'industrie des colorants ou la fabrication des explosifs : NITROBENZÈNE n. m. (1838) ou NITROBENZINE n. f., formé avec nitre*, désigne un dérivé nitré du benzène utilisé en parfumerie et dans la fabrication d'explosifs.
■
Parmi les composés chimiques de la série du benzène, dont l'importance pour les applications industrielles fut reconnue dès le XIXe s., le plus usuel est la dénomination commerciale BENZOL n. m. (1840), dont dérive par exemple BENZOLISME n. m. (1938) en médecine et le préfixé DÉBENZOLER v. tr., terme technique, s'emploie (1922) pour « traiter (le gaz de houille) pour supprimer le benzol », opération dite DÉBENZOLAGE n. m. (1922).
■
Plus récemment ont été formés BENZÉDRINE n. f., nom déposé (1942) d'une amphétamine, et BENZITE n. f. (v. 1950), nom d'un explosif puissant.
BÉOTIEN, ENNE adj. et n. est un emploi par synecdoque (1715) du nom ethnique Béotien, « habitant de la Béotie, province centrale de la Grèce » (1530, sous la forme du pluriel Beociens), dérivé de Béotie. Le grec boiôtos « de Béotie » (Iliade, 17, 597), est déjà attesté avec le sens péjoratif de « lourdaud » ou de « glouton » ; il est dérivé de Boiôtia, « Béotie », que les Anciens expliquaient comme « terre à bœuf » en tirant le mot de boôtês (→ bœuf et beurre). C'est probablement là une étymologie populaire, et elle ne rend pas compte de la diphtongue. On en a aussi rapproché le nom de montagne Boīon, -oros dans le nord de l'Épire.
❏
Le mot, d'abord relevé comme adjectif chez Lesage, puis aussi employé comme substantif (1831-1832), s'emploie à propos d'une personne à l'esprit lourd, indifférente à l'art. Caractéristique de l'époque romantique, l'adjectif qualifie souvent le bourgeois, et s'oppose à artiste.
◆
Par extension, il se dit, moins péjorativement, d'une personne profane dans un domaine (je suis [un] béotien en musique).
❏
En est dérivé BÉOTISME n. m. (1832) « lourdeur, grossièreté de béotien », rare et qui a eu un doublet, BÉOTIANISME n. m. (1835), employé par Balzac.
BEQU- (BÉQUILLE, etc.) → BEC
BER ou BERS n. m. est une spécialisation technique de l'ancien français bers (berz, v. 1150) qui a donné berceau*, peut-être d'origine gauloise (→ bercer).
❏
Le mot est attesté au début du XVIIe s., parallèlement à ses emplois dialectaux au sens originel (→ bercer), au sens technique de « ridelle de charrette ».
◆
En marine, il désigne (av. 1805, bert) le support en « berceau » sur lequel repose un navire en construction et qui glisse avec lui, avant de s'en détacher, lors du lancement ; on dit aussi berceau.
◆
En français québécois, on a employé ber au sens de « berceau », du XVIIe au milieu du XXe s., et pour « ridelle de charrette », de 1904 à la seconde moitié du XXe s.
❏ voir
BERCER.
BERBÈRE adj. et n., attesté comme nom à partir du XVIIe s. (Bereberes, 1667, Berbères, 1688), semble emprunté à l'espagnol, lui-même pris à l'arabe barber, berber, dont le rapport avec le latin barbarus n'est pas établi. L'adjectif est attesté au XIXe s.
❏
Le mot qualifie et désigne le peuple autochtone du Maghreb, établi avant la conquête arabe, et ce qui s'y rapporte. Les populations de Kabylie, les Touareg, sont berbères, sont des Berbères. Culture, musique berbère. Le berbère n. m. désigne la langue des Berbères, ensemble de parlers chamito-sémitiques (afro-asiatiques) dont le nom autochtone est amazigh ou tamazigh.
❏
BERBÉRITÉ n. f., « caractère berbère ; identité collective, culturelle des Berbères », se distingue de
BERBÉRISME n. m. « mouvement identitaire des Berbères (en Algérie) », d'où
BERBÉRISTE n. et adj.
◆
BERBÉROPHONE adj. et n. (1905), « (personne) dont la langue maternelle est un parler berbère », s'emploie surtout en contraste avec
arabophone, à propos du Maghreb (surtout Algérie et Maroc).
◈
PROTO-BERBÈRE n. et adj. s'emploie en anthropologie, en histoire, à propos des populations venues du Sahara, entre le III
e et le I
er millénaire avant l'ère chrétienne et établies en Égypte et vers l'ouest (parmi eux les Numides, Gétules, Maures pour les Romains).
BERCAIL n. m. est issu (1535), avec changement de suffixe d'après bétail*, de bercal (1379), forme normanno-picarde qui s'est imposée en France probablement par l'intermédiaire de la traduction de la Bible par Olivetan, originaire de Noyon. Bercal est issu d'un latin populaire °berbicale, dérivé du bas latin berbex (→ brebis). L'ancien français avait un type bercil, bergil issu (XIIe s.) d'un latin populaire °berbecile ou °berbicile, dérivé de berbex.
❏
Le mot a désigné le bétail, l'ensemble des brebis, valeur collective sortie d'usage au XVIIe siècle.
◆
Le sens de « bergerie » (1609), assumé jusque-là par l'ancien type bercil (v. 1120), est qualifié de « vieilli » par Furetière en 1690 ; cette acception évoquait la bergerie comme le point vers lequel il faut conduire les moutons. Il a donné le sens figuré de « sein de l'église où les fidèles trouvent sûreté et paix » (1690), d'après la métaphore biblique liée à celle du « pasteur » (par exemple Jean, X, 16), réalisée en latin par ovile, « bergerie », dérivé par l'intermédiaire de l'adjectif ovilis de ovis « brebis ».
◆
Par extension, bercail, dès lors démotivé, s'emploie à propos de la maison, du foyer (1832) envisagé comme le toit sous lequel on retourne ; le mot s'emploie familièrement avec quelques verbes (conduire, ramener, retourner, revenir... au bercail).
❏ voir
BERGER.
?
1 BERCE n. f. (1694) est d'origine controversée. L'allemand Bartsch, terme de l'est de l'Allemagne lui-même emprunté au polonais barszcz, désigne la même plante, mais fait difficulté des points de vue phonétique et géographique, étant limité à une aire très orientale. Le moyen haut allemand berz, birz, barz (1533) satisfait phonétiquement, mais désigne une autre plante. L'hypothèse selon laquelle le mot serait issu de berce « berceau » (1366) à cause de la forme de la graine n'emporte pas la conviction.
❏
Berce désigne une plante à fleurs blanches qui croît dans les lieux humides. Il est employé en chimie pour des essences tirées de cette plante et, par ailleurs, dans bière de berce nom d'une boisson très alcoolisée fabriquée en Pologne, Russie et Lituanie par la fermentation de graines et feuilles de berce (allemand Bartsch).
BERCER v. tr., d'abord bercier (1220), est dérivé de l'ancien français bers (v. 1150, écrit berz) « berceau », lequel est issu d'un latin populaire °bertium, indirectement attesté par son diminutif berciolum (VIIIe s.) qui a donné l'ancien français berçuel (v. 1165). °Bertium serait d'origine gauloise, comme semble l'indiquer son extension géographique dans les do maines gallo-roman, catalan et portugais, où il a évincé le représentant du latin cunae n. f. pl. (dont le singulier cuna est chez Varron). Il est moins satisfaisant de considérer les substantifs romans comme des déverbaux, en prenant comme base, avec Bloch et Wartburg, un verbe latin populaire °bertiare, formé sur un radical celtique °berta, à rattacher à l'irlandais bertaim « je secoue, je brandis », et qui permet d'ailleurs lui aussi d'évoquer le gaulois. L'ancien français bers ou berz, progressivement évincé par berceau, est sorti d'usage au XVIIe s. (« vieux mot », dès 1611) ; il subsiste dans les dialectes de l'Ouest, les formes ber*, bers s'étant spécialisées.
❏
Bercer signifie « balancer dans un berceau » et, par extension, « balancer doucement ».
◆
Les sens figurés apparaissent aux XVIe et XVIIe s. : au passif « être bercé de » correspond à « bien connaître, être imprégné de » (1537) ; à l'actif, bercer, à « tromper » (1611) notamment dans bercer (qqn) d'illusions, et « apaiser, calmer » (1666) ; ils viennent de deux développements de l'idée d'engourdissement du corps et de l'esprit provoqué par le mouvement oscillant du berceau.
◆
La forme pronominale se bercer de est employée pour « entretenir une idée chère ou une illusion » (1667).
◆
Concrètement, se bercer signifie « marcher en se balançant latéralement » en termes de manège (1751).
◆
En français du Québec, le verbe s'emploie intransitivement, à propos d'un siège, pour « se balancer » (voir berceur et berçant, ci-dessous). Le pronominal s'emploie pour « se balancer sur un tel siège ».
❏
BERCEAU n. m. (1472) est, comme
bercer, dérivé de l'ancien français
bers qu'il a éliminé au
XVIIe s. (sauf au Canada,
→ ber), de même que
berçuel.
◆
Le mot désigne le petit lit où l'on balance les enfants nouveau-nés pour les endormir. Les extensions de ce sens datent du
XVIIe s. ;
au berceau, dès le berceau (1600-1612,
durant le berceau) signifie « dans le premier âge » ; de là viennent les valeurs de « début, commencement » (1659) et de « lieu d'origine (d'une personne, d'une chose) » (1680), d'emploi littéraire.
◆
Par analogie avec l'arceau du lit d'enfant, le mot a développé des sens techniques, désignant en horticulture un treillage en voûte (1538) et, en architecture, la voûte engendrée par un arc (1680,
voûte en berceau).
◆
Berceau de la Vierge désigne la clématite des haies, par référence à sa végétation en berceau (1845).
◆
Par analogie avec le mouvement oscillant du lit d'enfant, le mot a pris des valeurs spéciales en typographie (1690), en gravure (1751) et en termes de mines, où il désigne la table oscillante servant de crible pour laver certains sables métallifères (
XIXe s.).
◈
Les dérivés de
bercer sont réguliers.
2 BERCE n. f. déverbal pour « berceau d'enfant » s'est surtout maintenu en français de Belgique.
■
BERCEMENT n. m., d'abord « action de bercer » (1584), semble ne s'être répandu qu'au XIXe s. avec en outre un sens figuré et littéraire, « apaisement » (1885, Hugo).
■
BERCEUSE n. f., tardif (1835), a pris la place du moyen français berceresse (XVe s., bercerece encore bercheresse, au XVIe s.) qui désignait la nourrice chargée de bercer l'enfant.
◆
Ce sens est sorti d'usage, le mot désignant (depuis 1838) une chanson au moyen de laquelle on endort un enfant et un siège sur lequel on peut se balancer (1848 en français du Canada, variante barseuse 1834 ; chaise berceuse 1821), Cf. ci-dessous berçante.
■
BERCEUR, EUSE adj., attesté seulement au XIXe s. (1859, Lamartine), est peu usité, de même que le participe présent adjectivé BERÇANT, ANTE (XIXe s.) qui s'emploie cependant de manière usuelle au Canada dans chaise berçante ou BERÇANTE n. f. pour « chaise à bascule » (1824), façon d'éviter l'anglicisme rocking-chair*.
❏ voir
BER, BERCE.
BÉRET n. m., d'abord attesté sous la forme berret (1819), encore attestée en 1847 puis écrit béret (1835), est emprunté au béarnais berret désignant le couvre-chef plat et sans bord porté par les paysans du pays. Ce mot est une spécialisation de sens de l'ancien provençal beret « bonnet » (fin XIVe s.), issu du bas latin birrum « capote à capuchon » (en usage dans toutes les classes de la société sous les derniers empereurs : mil. IIIe s.). Ce mot est peut-être d'origine celtique comme l'indiqueraient l'irlandais berr, le cymrique byrr « court ». Le grec birros « courte capuche à capuchon » est probablement repris du latin.
❏
Béret, d'abord nom de coiffure locale (Béarn et Pays basque), désigne par extension diverses coiffures molles et plates caractérisées par leur origine qui suppose des formes spécifiques (béret basque, béret alpin) ou par leur fonction : béret militaire, béret de parachutiste, d'où béret vert, béret rouge, désignant les soldats eux-mêmes, par une métonymie habituelle. Cette coiffure est devenue symbolique de l'habillement du Français moyen vu par certains étrangers (Anglo-Saxons notamment).
❏ voir
BARETTE, BURNOUS.
BERGAMOTE n. f., d'abord berguamotte (1536), est emprunté à l'italien bergamotta (XVIe s.), nom d'une variété de poire, puis (fin XVIIe-déb. XVIIIe s.) d'une espèce d'agrume. Ce mot est d'origine controversée : selon les uns, il serait emprunté au turc beg armudi, littéralement « poire du bey, du prince » (→ bey). Le mot se serait répandu au XVIIIe s. à la faveur de la culture de cet agrume le long de la mer Ionienne ; ce type de dénomination est corroboré par l'allemand Fürstenbirne « poire (Birne) du prince (Fürsten) » et le turc Mustafa bey armudi qui désigne une espèce de poire. Selon d'autres, bergamotta serait issu de Bergama, forme arabo-turque de Pergamo, ville d'Asie Mineure (→ parchemin), origine qui s'appliquerait seulement au premier sens de l'italien.
❏
Le mot désigne d'abord, comme son étymon, une espèce de poire fondante.
◆
Le nom de l'agrume (1740), indirectement attesté dès 1694 par essence de bergamotte, serait dû, selon Pomet (Remarques très-curieuses, in Arveiller) au fait que le fruit serait à l'origine greffé sur un « poirier de bergamote ».
◆
Par métonymie, le mot désigne une confiserie (sucre d'orge) parfumée à la bergamote, spécialité qui aurait été créée à Nancy aux alentours de 1850 par le confiseur Jean Lillig ; ce dernier aurait introduit la bergamote, en vogue à l'époque romantique, à la demande d'un amateur de parfum. Le mot se lit depuis 1930 environ sur les boîtes de ces bonbons.
❏
De bergamote est dérivé BERGAMOTIER n. m. (1810), désignant l'arbre qui produit la variété d'agrume appelée bergamote.
?
BERGE n. f., d'abord berche (1380) puis berge (1403), est d'origine incertaine, peut-être issu d'un latin populaire °barica d'origine celtique, à rapprocher du cymrique bargod « bord ». P. Guiraud postule un latin populaire °barica qu'il dérive, avec le sens de « côtés opposés », de la racine romane bar-, ber- (→ barque).
❏
D'abord appliqué au bord escarpé d'une fortification,
berge désigne couramment le bord exhaussé d'un cours d'eau (1403) et, par métonymie, le chemin qui suit le cours d'eau. Par analogie, il se dit du bord relevé d'un chemin, d'un fossé et, par extension, d'un flanc de montagne escarpé.
■
L'argot BERGE n. f. « année » est un autre mot (→ berges).
L
BERGER, ÈRE n., d'abord bergier et berchier (fin XIIe s.), est issu d'un latin populaire °vervecarius, °verbecarius dérivé de vervex (→ brebis), attesté sous la forme birbicarius « pâtre, pasteur » vers 600 et sous la forme berbicarius en 698, puis au IXe s. (Gloses de Reichenau). Le féminin est attesté au XIIIe s. sous la forme bergiere.
❏
Le mot désigne la personne chargée de garder les moutons et s'emploie quelquefois avec la valeur figurée de « gardien » (fin XIIe s.), spécialement de « guide spirituel » par allusion à la parabole biblique ; dans ce sens, il a été éliminé par le synonyme pasteur. Au sens de « gardiens d'animaux », le mot a, en français d'Afrique, la valeur élargie de « gardien d'un troupeau de bovins ».
◆
L'ancienne connotation péjorative de « manant, homme lourd et grossier », courante en ancien français, a disparu, cédant la place au XVIIe s. à l'image littéraire du berger de poésie pastorale, évoquant la simplicité (parfois raffinée) des mœurs champêtres et la sincérité des sentiments (voir ci-dessous bergerie). De là l'expression l'heure du berger « moment favorable de l'amant », puis plus généralement « moment favorable, occasion » (1690). La locution contemporaine, la réponse du berger à la bergère « celle qui clôt la discussion », vient du même contexte littéraire.
◆
L'emploi régional du mot pour désigner un oiseau (1838) est due au fait que l'oiseau ainsi dénommé suit les moutons. Le sens de « chien gardant les troupeaux » a donné lieu à plusieurs noms de races canines (berger allemand, berger des Pyrénées, etc.).
◆
1 BERGÈRE n. f. s'emploie familièrement comme une dénomination métaphorique de l'épouse, de la maîtresse, voire de la fille facile : c'est là une allusion (XIXe s.) au personnage de la bergère amoureuse dans les ariettes pastorales du XVIIIe siècle.
❏
BERGERIE n. f., dérivé (fin
XIIe s.) de
berger, est à rapprocher du latin médiéval
bergaria (1082) « endroit où logent les moutons ». Le mot a désigné jusqu'au
XIVe siècle l'activité du berger. De nos jours, il désigne l'endroit qui abrite les ovins (v. 1220).
◆
En littérature (et aujourd'hui en histoire littéraire), il se dit d'une poésie traitant des amours des bergers (1548), d'abord par imitation de la poésie pastorale gréco-latine.
■
BERGERETTE n. f., diminutif de bergère désignant proprement une petite bergère (1240-1270), s'est spécialisé pour désigner un oiseau (v. 1375), emploi aujourd'hui régional.
◆
Le mot s'est appliqué à une pièce de poésie pastorale pratiquée au XVe s. et voisine du rondeau (1461).
◆
Par métonymie, il s'est dit d'une boisson faite de miel et de vin, que l'on buvait à Pâques en chantant des « bergeries », chansons de berger (XVIe s.) ; ce sens a disparu en français classique.
■
BERGERONNETTE n. f., autre diminutif de bergère par double suffixation en -on et -ette (1240-1270), a signifié comme bergerette « petite bergère », sens disparu. Le mot, comme bergerette, mais demeuré usuel en français central, désigne un oiseau (1549 ; 1530, bergieronnet).
■
BERGEROT n. m., diminutif de berger (XIIIe s.) au sens de « petit berger », a surtout été employé au XVIe s. ; répertorié depuis 1752, il est marqué comme « régional ».
■
BERGERON n. m. (XIIIe s.), autre diminutif de même sens, est sorti d'usage.
■
BERGERADE n. f. (1845, Bescherelle) s'est dit des tableaux de genre représentant des scènes de bergers dans le goût du XVIIIe siècle.
◈
2 BERGÈRE n. f. s'est spécialisé comme terme d'ameublement (1741 au Canada) et de modes (1752), lié à la mode des bergers au
XVIIIe s. : son emploi pour désigner un fauteuil, favorisé par celui de
duchesse, est dû aux scènes de bergers représentées sur les tapisseries garnissant ces sièges.
❏ voir
BERCAIL.
BERGES n. f. pl. est emprunté (1836) à berj « an », mot de la langue tzigane (romani), avec adaptation graphique d'après berge.
❏
Le mot, toujours au pluriel, est un terme argotique très usité pour exprimer les années, notamment les années de détention (1850), puis les années d'âge (1885).
BÉRI-BÉRI ou BÉRIBÉRI n. m., d'abord berber (1617) puis Beré bere (1701), est un emprunt au cinghalais où ce mot, attesté depuis le XVIe s., serait d'origine malaise ; le portugais berebere (1568) a probablement servi d'intermédiaire.
◆
Sous sa forme moderne beriberi (1665), béribéri (1686), le mot français serait un nouvel emprunt au malais par l'intermédiaire du néerlandais, le mot étant attesté dans un texte latin du médecin hollandais Bontius (av. 1631). Le malais, qui possède des formes à redoublement, connaît un biri-biri « mouton, brebis » qui pourrait être le même mot, plusieurs textes notant la ressemblance entre la démarche d'une personne atteinte de cette maladie et celle d'un mouton.
❏
Le mot désigne une maladie caractérisée par des troubles nerveux, causée par la consommation exclusive de riz décortiqué et fréquemment observée sur les navires, interprétée de nos jours comme une carence en vitamines B.
BERK ou BEURK interj. est attesté par écrit, noté berg (1952) après la forme régionale de Saintonge et d'Aunis beurque « fi ! », attestée en 1922, pour exprimer le dégoût. L'onomatopée s'est répandue dans l'usage familier (années 1960).