BERLAUD, BERLOT → BRELOT
BERLE n. f., réfection (v. 1465) de belle (XIIIe s.), forme isolée à rapprocher de la forme dialectale normande bêle, est emprunté au bas latin berula (Ve s., Marcus Empiricus) « variété de cresson ». Celui-ci est un mot d'origine celtique à rapprocher du gallois berwr « cresson de fontaine ». L'ancien provençal berla et l'espagnol berro « cresson » remontent au même étymon.
❏  Le mot est encore usité dans plusieurs dialectes pour diverses plantes mangées en salade et croissant dans des terrains humides.
BERLINE n. f., accueilli par le dictionnaire de l'Académie en 1718, est dérivé du nom de la ville allemande de Berlin où cette voiture fut construite et mise à la mode vers 1670 par un architecte du prince électeur de Brandebourg.
❏  Le mot a désigné une voiture hippomobile suspendue à quatre roues et à deux fonds. Par analogie de forme et de fonction, il s'est appliqué à une benne roulante pour transporter la houille dans les mines (1877). ◆  Comme la plupart des autres termes de carrosserie hippomobile, il s'applique à l'automobile, conduite intérieure à quatre portes et quatre glaces latérales (av. 1928).
❏  Le nom de véhicule 1 BERLINGOT n. m. (1739) est dérivé, par attraction cocasse de 2 berlingot*, de berlingue, altération de berline probablement sous l'influence de mots issus de l'ancien haut allemand °bretling « petite planche » (→ brelan). Il a désigné une voiture ressemblant à une berline mais ayant un seul fond et, par extension, s'est dit d'une mauvaise voiture à cheval, passée de mode (1851). Le mot a disparu.
2 BERLINGOT n. m., d'abord berlinguaux (1618), est probablement emprunté à l'italien berlingozzo, « macaron » (XVe s.), à rattacher à l'italien berlengo, « table où l'on prend les repas » (1557), de même qu'à l'italien de Romagne-Émilie berlénc, « galette », au toscan berlingaccio (à suffixe péjoratif), « jeudi gras », et au verbe berlingare, « se mettre à table ». L'italien berlengo est lui-même emprunté à l'ancien français brelenc « table sur laquelle on joue aux dés », conservé sous la forme brelan*. L'ancien provençal berlingot, également emprunté à l'italien, est attesté depuis 1511.
❏  Le mot, repris pour désigner une « pâtisserie » dans un texte traduit de l'italien, est devenu au XIXe s. le nom d'un bonbon de forme tétraédrique fait avec du sucre auquel on ajoute divers parfums. ◆  Par analogie de forme, il désigne aussi aujourd'hui un emballage utilisé pour les liquides (1948), notamment le lait.
■  Berlingot a désigné en argot le membre viril (1662) par une figure obscure (s'il s'agit du même mot), puis le clitoris. De là vient la valeur argotique pour « sexe féminin » et enfin, plus répandu dans cet emploi, « pucelage » (1925).
❏  Dans ce dernier sens, il a pour dérivé régressif la forme BERLINGUE n. m. (1927).
? BERLUE n. f., modification (1536) de bellue (XIIIe s.), est d'origine obscure : Diez y voyait le déverbal du moyen français belluer (XIVe s.), « éblouir », « tromper, duper », formé du préfixe péjoratif bes- (du latin bis) et de °-lucare à côté de lucere (→ luire), d'après les verbes latins dérivés de lux « lumière » (interlucare, sublucare). Cette hypothèse se fonde sur l'existence en ancien français de esluer « glisser, s'évanouir », de erlue « tromperie » et de tresluer « tromper », treslue (voir F. e. w., article lux). Par une hypothèse rendant mieux compte de l'ensemble de cette famille (→ bluette), on a proposé de voir dans berlue le représentant d'un latin populaire °bisluca, forme qui serait issue à la fin de l'Empire par substitution du préfixe bis- à la syllabe initiale du bas latin fanfaluca « bulle d'air, bagatelle » (→ fanfreluche). Selon cette hypothèse, belluer serait dérivé de bellue, ce qui est en accord avec la chronologie des attestations. P. Guiraud dissocie les types bellue et berlue ; il renvoie le premier à bluette* et fait du second un composé de bar-, préfixe exprimant la divergence et que l'on retrouverait dans baril, barque, barguigner, barder, baratin, etc., et d'un gallo-roman °-lucare. La forme brelue rencontrée dans les Mémoires de Vidocq (1828) est une altération de berlue par métathèse.
❏  Lorsqu'il est attesté au XIIIe s., le mot concerne une fable, un discours merveilleux et trompeur. ◆  Il réapparaît au XVIe s. en médecine, désignant un trouble de la vue déformant la réalité ou faisant percevoir des objets imaginaires (1536). Cette acception a vieilli, donnant naissance au sens figuré courant d'« impression visuelle trompeuse », surtout dans la locution familière avoir la berlue (XVIIe s.), dont la variante ancienne, avoir la berlue pour qqn, exprimait aussi à l'époque classique le fait d'en être ébloui, épris.
❏  Le composé ÉBERLUER v. tr. a eu en emploi intransitif la valeur de « être ébloui » et n'a conservé que le sens de « donner la berlue à (qqn) » (1567) ; il semble avoir été abandonné après 1611 avant d'être repris au XIXe s. (1841, Boiste).
■  Le participe passé ÉBERLUÉ, ÉE, est adjectivé (1585) avec le sens correspondant de « qui a la berlue », au propre puis surtout au figuré.
❏  Le dérivé se BERLURER v. pron. est d'abord attesté régionalement, dans le nord de la France, puis dans l'usage populaire, pour « se tromper, se faire des illusions ».
BERME n. f., une première fois barme (1611), puis berme (1676), est emprunté au moyen néerlandais barm « accotement au bord d'une rivière, d'une digue, d'un rempart » (néerlandais berme). Ce mot est probablement apparenté à l'ancien norrois barmr « bord », au moyen haut allemand brem (allemand Bräme, Brähme) et à l'anglais brim (de cheminement obscur). Ces mots correspondent à un terme germanique °berm-, °barm-, dont le sens originel était peut-être « bord surélevé », lui-même de la racine germanique °ber- « porter », qui se rattache à la racine indoeuropéenne °bher- que l'on a dans le grec pherein (→ -phore), le latin ferre (→ -fère). L'emprunt a eu lieu à une époque où les militaires des Provinces Unies commençaient à être connus pour leur art de construire des fortifications.
❏  Relevé une première fois au sens de « berge d'une rivière », le mot s'est spécialisé (1676) comme terme de fortifications pour « chemin étroit entre le pied d'un rempart et le fossé ». Par extension, il se dit aussi d'un passage entre une levée et un canal, un fossé au bord d'une route, entre la route et le talus. À côté de ses emplois techniques, dans plusieurs usages régionaux français, tant dans l'Ouest (Normandie, Bretagne, Vendée) que dans l'Est (Champagne, Ardennes) du pays, le mot est d'usage courant pour « bas-côté, accotement (d'une route, d'un chemin) ». Dans le nord-est de la France, en Belgique, en Suisse, le mot désigne le terre-plein séparant les deux chaussées de certaines routes. Dans ce sens, le mot est aussi altéré en 3 BERNE n. f.
❏ voir 1 BERNE ; RISBERME.
1 BERNACHE n. f. (1600), avec la variante BERNACLE (1532), est un emprunt probable au celtique d'Irlande bairnech, qui a donné aussi BARNACHE n. f. (1762), l'ancien français barnacle remontant au XIIIe s. C'est le nom d'une oie sauvage. ◆  Une croyance ancienne faisant naître l'oiseau d'un coquillage, le mot (barnacle 1721, bernacle et bernache peu après) désigne un coquillage en forme de bec spatulé évoquant celui de l'oiseau.
2 BERNACHE n. f. est, en français régional du centre de la France (1875), une variante de brenèche (mil. XVIIIe s.). L'aspect trouble du liquide a incité Wartburg à rattacher le mot à la racine gauloise °brenno, « son » (→ bran). Le nom, attesté surtout dans le centre-ouest et l'ouest de la France, mais aussi dans l'Allier, désigne le vin nouveau, non filtré, qui n'a pas fini sa fermentation (appelé ailleurs vin bourru).
BERMUDA n. m. est emprunté (1958, P. Daninos) à l'anglo-américain bermudas (1953), emploi elliptique pour Bermuda shorts, du nom des Bermudes, îles touristiques de l'Atlantique situées au sud-est de la Floride où les Nord-Américains en vacances ont d'abord porté ce type de long short, volontiers bariolé.
BERNARD-L'HERMITE ou BERNARD-L'ERMITE n. m. inv. est probablement emprunté (1554) à l'occitan languedocien bernat l'ermito. Le premier élément du nom est probablement un emploi du nom propre Bernard, très usité comme sobriquet pour désigner différents animaux (bernat-blanc « héron aigrette » ; bernat-pescaire « héron » ; bernat-pudent « animal exhalant une mauvaise odeur »), à rapprocher également de l'emploi péjoratif de bernard « sot, niais ». L'hypothèse d'un étymon celtique °bern-at-os, dérivé de °bernis « aqueux, marécageux » avec assimilation au suffixe latin -atus, est satisfaisante du point de vue sémantique pour bernat-blanc, bernat-pescaire « héron », mais elle n'est pas convaincante pour d'autres composés, comme bernat-pudent. Le qualificatif d'ermite* est dû au fait que ce crustacé solitaire s'installe dans une coquille comme dans un ermitage.
❏  Le mot, cité comme un terme du Languedoc par Paré au XVIe s., est le synonyme commun de pagure, nom d'un crustacé à corps mou et fragile, qui se loge pour se protéger dans la coquille d'un gastéropode.
? 1 BERNE n. f. (1676) est peut-être, comme semble l'indiquer le doublet berme (1728, dans un dictionnaire français-néerlandais), une extension de sens propre au français à partir du néerlandais berm « bord » (→ berme), avec délabialisation de l'-m-. On a tenté de rendre compte de l'évolution sémantique en évoquant le fait que le pavillon glisse le long du mât comme le promeneur le long d'une berge, ou que le pavillon, roulé sur lui-même, prend l'allure d'un bord, d'un ourlet.
❏  Dès les premiers textes, le mot s'emploie dans la locution adverbiale en berne (mettre le pavillon en berne) en marine et, par métaphore, en parlant d'un drapeau signalant le deuil.
? BERNER v. tr. est d'origine incertaine, probablement dérivé avec métathèse (1486) de l'ancien français bren « son » (→ bernique), avec une évolution sémantique menant de « vanner le blé » (1549) à « faire sauter en l'air (la personne dont on se moque) ». J. Orr, s'appuyant sur le fait que le sens de « vanner » est postérieur à celui de « moquer » et donnant une interprétation scatologique très plausible de l'expression chez Rabelais, part de bren au sens d'« excrément » et donne à berner le sens primitif de « souiller d'excréments » (Cf. breneux, embrener).
❏  Berner a d'abord désigné l'action de se moquer de qqn, notamment en le faisant sauter sur une couverture tendue par plusieurs personnes (1508, sous la forme latine bernare). De nos jours, le verbe s'emploie seulement au figuré pour l'action de se jouer de qqn, de le tourner en ridicule (1611).
❏  Le déverbal 2 BERNE n. f. (1611), « van, crible », désigne ensuite la couverture sur laquelle on fait sauter celui dont on veut se moquer (1646) et, par métonymie, cette brimade (1680). ◆  Il s'est probablement confondu avec le mot du moyen français bergne (1532), berne (1534), nom d'un manteau de femme, lui-même emprunté à l'espagnol bernia de même sens (1490). Ce dernier est soit issu par aphérèse de Hibernia, nom latin de l'Irlande où ce type de manteau est encore en usage, soit d'origine arabe.
■  BERNEMENT n. m. (1661) et BERNEUR, EUSE adj. et n. (1664) ne se sont guère répandus.
? 1 BERNIQUE interj. (1756), d'abord brenicle (1725), est d'origine obscure. L'hypothèse la plus vraisemblable est celle d'une forme normanno-picarde dérivée de bren, bran « partie grossière du son » (1205-1215), supplantée en ce sens par son au XVIIIe s. (mais conservée par l'emprunt anglais bran) puis « boue, lie » (déb. XIIIe s.) et « excrément » (1306), usitée comme interjection marquant le mépris (1532). Ce mot est lui-même issu d'un latin populaire °brennus « son », attesté sous la forme brinna « son, nourriture pour chien » (VIIIe-IXe s.), d'origine inconnue, sans doute préromane et peut-être gauloise (mais les correspondants dans les langues celtiques ne sont probablement pas autochtones). La métathèse bernique est à rapprocher des dérivés emberniquer, déberniquer répandus dans le nord-ouest et le centre de la France. Un croisement est possible avec d'autres interjections d'emploi similaire au XVIe s., comme brique, euphémisme pour bren, et nique*. L'hypothèse voyant dans bernique le même mot que bernicle, « coquillage » d'où « objet sans valeur », est probablement à rejeter, de même que celle qui le rattache au nom d'un jeu de cartes connu en Picardie, le jeu de barnik ou bernik (le perdant ayant bernique : rien) rapproché lui-même de bernicles « instrument de torture » (XIIIe s.) et de béricke « lunettes » (→ besicles).
❏  Cette interjection familière exprimant le désappointement, courante au XVIIIe et au XIXe s., est devenue archaïque.
❏ voir BERNER.
2 BERNIQUE ou BERNICLE n. f. est tiré du breton bernic.
❏  Le mot désigne un mollusque, ailleurs appelé patelle ; il est attesté en français depuis 1741.
BERTE ou 1 BERTHE n. f. vient du latin populaire barrum, devenu berta en latin médiéval (1414, centre de la France) et désignant une hotte servant au transport des raisins de la vendange, et aussi de la terre, du fumier. Au XIXe siècle, le mot, écrit Berthe d'après le prénom féminin, s'applique au récipient de métal pour le transport du lait (appelé bouille ailleurs).
2 BERTHE n. f., ainsi nommé en hommage à la reine Berthe, mère de Charlemagne, a désigné (1847 jusqu'au milieu du XXe s.) un grand col arrondi porté par les femmes sur un corsage ou une robe décolletée.
BÉRYL n. m., d'abord beril (1125), est emprunté au latin beryllus « aigue-marine », lui-même pris au grec bêrullos. Le mot a été introduit avec la pierre qu'il désigne à l'époque hellénistique et vient de l'Inde (prâkrit veruliya-, métathèse de veluriya-). C'est une forme dravidienne, vraisemblablement de Vēḷur, nom d'une ville de l'Inde méridionale ; il a été emprunté sous la forme bêrullion d'où a été tiré ensuite bêrullos. L'ancien français a déformé le mot en bericle (XIIe s.) en lui adjoignant la finale de l'ancien français escabocle « variété de grenat rouge » (→ escarboucle), variante ayant à son tour donné besicle ; cette variante a disparu (→ besicles).
❏  Le mot désigne une pierre précieuse, formation naturelle de béryllium et d'aluminium (c'est un métasilicate) à variétés transparentes et colorées (aigue-marine, émeraude).
❏  De béryl est dérivé BÉRYLLIUM n. m. (1838), terme de chimie désignant un métal gris d'acier, léger, toxique, reconnu en 1828 comme l'un des éléments du béryl, et utilisé plus tard comme élément d'alliage, puis comme modérateur dans les piles atomiques et fenêtres de rayons X.
■  Béryllium a donné BÉRYLLIOSE n. f. (XXe s.), terme de médecine désignant une maladie pulmonaire provoquée par l'inhalation de poussières contenant du béryllium.
❏ voir BESICLES, BRILLER.
BERZINGUE (À TOUT) loc. adv., vient peut-être d'une altération de brindezingue.
❏  Attestée par écrit en 1935, l'expression signifie « à toute vitesse » et au figuré « au maximum, à fond ». Elle a vieilli.
L BESACE n. f. est issu (v. 1200) du bas latin bisaccia, pluriel neutre pris comme féminin singulier (VIIe s.) de bisaccium, de bis « deux fois » (→ bis) et saccus (→ sac). Le provençal biasso, beasso, d'où procède l'occitan biasse, vient du même mot, par l'ancien provençal beasa.
❏  Le mot désigne un sac dont les extrémités forment deux poches et, par extension, un grand sac.
❏  Le dérivé BESACIER n. m. (1524) s'est dit familièrement de celui qui porte une besace, spécialement d'un mendiant, par allusion au fait que les mendiants et ordres mendiants portaient souvent la besace. Déjà archaïque à l'époque classique (La Fontaine l'emploie par effet stylistique), il est à peu près sorti d'usage.
Le français a lui-même formé sur sac le préfixé bissac (→ 1 sac).
L BESAIGUË n. f., d'abord besagüe (1160) puis biesagüe (av. 1188), est issu du latin (ascia) bisacuta « (doloire) à double tranchant ». Bisacuta est attesté comme substantif féminin en latin médiéval au sens de « hache » (IXe-Xe s.). Il est formé de bis « deux fois » (→ bis) et de acutus (→ aigu).
❏  Le mot désigne dès le XIIe s. un outil de charpentier taillant par les deux bouts, ainsi qu'une arme médiévale en forme de serpe ou de hache à deux taillants opposés, sens disparu.