BESEF adv. est emprunté (1861) à l'arabe d'Algérie bezzāf « en quantité », correspondant à l'arabe littéraire biz-zāf « beaucoup ». On rencontre diverses graphies, dont bezef, bésef et, par exemple chez Courteline, beseff.
❏  Le mot, d'abord employé par les hussards d'Algérie, s'est répandu par l'intermédiaire de l'argot des soldats ayant servi en Afrique (1867) au sens de « beaucoup ». Surtout usité en emploi négatif (pas bésef), et comme intensif dans bono besef « très bon », il a vieilli.
BESICLES n. f. pl., d'abord bezicle au singulier (1400), est l'altération du moyen français bericle « lunette » (1328) emploi métonymique de l'ancien français bericle « béryl » (→ béryl), cette pierre précieuse ayant servi à faire des verres de lunettes et de loupes, encore au XVIe siècle. Le même type d'évolution sémantique se remarque dans l'ancien espagnol beril (pluriel berilles), « lunette(s) », et l'allemand Brille de même sens.
❏  Le mot a d'abord été employé au singulier au sens de « lunette », tantôt au féminin, tantôt au masculin (1399). L'usage du pluriel est relevé à partir de 1555. ◆  Concurrencé par lunettes (→ lune) au XVIIe s., le mot est qualifié de « burlesque » (1680) puis de « familier » (Académie, 1718-1878), puis il devient archaïque ou plaisant.
❏  En dérive BÉSICLARD, ARDE n. familier pour « personne qui porte des lunettes », attesté dans les dictionnaires au milieu du XXe s. (1949), mais à peu près inusité (à la différence de binoclard).
❏ voir BRILLER.
? BÉSIGUE n. m., d'abord bézigue (1859), bezi (1861), puis bésigue (1864), est d'origine obscure, peut-être à rapprocher de l'italien bazzica, nom d'un jeu de cartes (XVIIe s.), attesté dès 1532 par le latin bazeghae. Bazzica serait soit à rattacher au verbe bazzicare « fréquenter », soit à bazza « avantage, gain », terme de jeu d'origine discutée. On peut aussi évoquer le préfixe bis (→ bis), le jeu dont il est question se jouant le plus souvent à deux personnes.
❏  Le mot désigne un jeu de cartes voisin du « mariage », qui fut à la mode à la fin du XIXe siècle.
G + BESOGNE n. f., d'abord bosoigne (v. 1160), besoigne (v. 1165), est la réfection de busunie (v. 1120 selon F. e. w.), également busuine, bosuigne, besonge (v. 1155) ; toutes ces formes sont issues d'un francique °bisunnia n. f. « soin, souci », préfixé du francique °sunnja « souci » (→ soigner, soin). Ce dernier est attesté en latin médiéval comme terme juridique au sens de « excuse légitime alléguée par le défaillant en justice » sous les formes sunnis (VIe s.), sonnis, sunnia, somnis, sonia d'où vient l'ancien français soigne. Le préfixe bi- (→ bivouac) a d'abord exprimé la proximité et a fini par être un moyen pour renforcer le sens du mot. La formation de ce nom féminin est parallèle à celle d'un neutre °bisunni qui a donné besoin (ci-dessous).
❏  Jusqu'au XVIIe s., la structure sémantique de besogne coïncide avec celle de besoin* : le mot exprime la notion de nécessité dans sa généralité et avec de nombreux contenus particuliers dont sortira le sens actuel. Il se dit de la nécessité vitale, physiologique, de la disette, de la misère (v. 1165) et s'applique à toute chose ou personne nécessaire, indispensable. ◆  Selon les domaines de l'activité humaine, besogne désigne spécialement la querelle, le combat guerrier et, d'autre part, les affaires, l'entreprise, d'où, aux XVIIe et XVIIIe s., les affaires commerciales (attesté 1680). ◆  Concrètement, il s'est appliqué à l'ensemble des choses employées couramment par qqn, meubles, vêtements, outils ; de là, viennent ses emplois régionaux pour « ensemble des effets personnels » et, avec une inversion du sens de base, « objets inutiles, jouets ».
■  L'usage classique et moderne a restreint les valeurs de besogne à deux sens particuliers déjà attestés en ancien français : le premier est celui d'« acte sexuel » (1280), devenu usuel aux XVIIe et XVIIIe s. et disparu ensuite. ◆  Le second est celui de « travail exigé (par la profession ou toute autre cause) » (1268) qui, sans être archaïque, relève d'un style soutenu, sauf en locutions : aller vite en besogne (1538) « être expéditif » et au figuré « être trop entreprenant » (1690) ; faire plus de bruit que de besogne (1618) « parler plus qu'on n'agit efficacement » ; aimer la besogne faite (1611, sans article) « ne pas aimer à travailler », de nos jours moins usitée, et s'endormir sur la besogne (1718) « travailler nonchalamment ». ◆  Par métonymie, le mot s'applique concrètement à un ouvrage effectué ou à faire, également dans vous avez fait là une belle besogne, souvent employé avec une intention ironique (1694).
❏  EMBESOGNER v. tr., d'abord au participe passé sous la forme ancienne embesoignié (v. 1175) : « occupé, affairé », puis à l'actif (XIVe s.) « employer, occuper, engager (qqn) », n'a plus cours, sinon comme régionalisme.
BESOIN n. m. étant donné son ancienneté (1050, bozoin), est, plutôt que le déverbal de besogner*, le représentant d'un francique °bisunni (ci-dessus).
■  La forme besoing (v. 1130) est restée dominante jusqu'au XVIIe s. avant d'être supplantée par besoin attesté au XIIIe s. (v. 1250-v. 1280). ◆  Le mot, comme besogne, exprime l'idée de nécessité, d'exigence en général et avec diverses extensions spéciales : il désigne une situation pressante, un moment critique (v. 1090, busun, dans un texte anglo-normand), une situation de détresse (v. 1155) et spécialement d'indigence matérielle (1549). ◆  Le pluriel les besoins recouvre tout ce qui est nécessaire à l'homme pour vivre ou travailler (1665). Par euphémisme, ce pluriel s'applique à la nécessité physiologique d'évacuer l'urine ou les matières fécales (1743, faire ses besoins). L'expression aller aux besoins s'est employée dans ce sens en français de Belgique. ◆  Par métonymie, le mot désigne concrètement une chose dont on ne peut se passer (1721, Montesquieu). Sur le plan psychologique, il s'applique par extension à tout sentiment portant à rechercher des satisfactions morales ou intellectuelles (1704). ◆  Dès les premiers textes, il est fécond en phraséologie courante ; la locution impersonnelle être besoin (1050) « être nécessaire » est surtout employée en français moderne de manière rhétorique avec un sens atténué dans une phrase interrogative (est-il besoin de...), négative (il n'est pas besoin d'ajouter...) et en construction incise, comme le note le dictionnaire de l'Académie en 1740. ◆  La locution personnelle avoir besoin de (1080) est beaucoup plus usuelle, tant avec le sens fort, « éprouver la nécessité de, le manque de », qu'avec un sens atténué, le plus souvent à la forme négative. Une autre locution verbale formée un peu plus tard, faire besoin (v. 1390), est restée vivante dans l'usage régional du sud-ouest de la France, où elle se dit pour « être utile ou nécessaire » et aussi « faire défaut, manquer » (aussi des personnes : elle lui fait besoin). La locution adverbiale au besoin (v. 1175) correspond à « en cas de nécessité, s'il le faut ». ◆  Ultérieurement, la locution les besoins de la cause (d'abord au singulier, 1863) s'applique à ce qu'il est nécessaire de dire à l'appui de la cause qu'on défend.
BESOGNEUX, EUSE adj. et n., d'abord busuinus (1050) et bosoignos, besoignous, bosoinus (XIIe s.), est plutôt dérivé de besoin(g) que de besogne au sens ancien de « nécessité ». ◆  Le sens propre et primitif, « qui a besoin de » et, en parlant d'une chose, « nécessaire », est sorti d'usage de même que les acceptions de « qui est dans la misère (d'une personne) » (v. 1155), encore comprise dans les textes classiques, et de « urgent, pressant » (v. 1470) complètement disparue. ◆  Le sens moderne de « qui travaille péniblement » (1852, Proudhon) témoigne d'un rattachement à besogne, la phonétique l'ayant détaché de besoin.
■  Le dérivé BESOGNEUSEMENT adv. (1886), « laborieusement, avec difficulté », littéraire, correspond à ce dernier sens.
BESOGNER v., avec des formes anciennes parallèles à celles de besogne, d'abord busuigner, besuigner (v. 1120), besoignier (v. 1170), puis besoigner (v. 1275) enfin besogner (1636), est issu d'un francique °bisunnjôn « se soucier de », dérivé du substantif neutre °bisun(n)i, « peine, souci », qui a donné besoin. Ce verbe est parallèle à la forme simple °sunnjôn, correspondant au gotique sunjon « s'excuser » (→ soigner).
■  Le mot a vieilli dans presque tous ses emplois, intransitifs comme transitifs : il a signifié « avoir besoin de », « être dans le besoin » (v. 1120) et, en emploi impersonnel, « falloir, être nécessaire » (v. 1267-1268). Besogner qqn se disait pour « forcer (qqn) à », « chercher à obtenir » et « chercher à prendre (qqch.) » en ancien français. Il se rencontre encore quelquefois avec les sens archaïques de « travailler » (v. 1265) et de « faire l'acte amoureux » (XVIe s.) en relation avec besogne. ◆  Le seul sens vivant est celui de « peiner, trimer », qui relève d'un style soutenu.
Les quelques dérivés attestés en moyen français, BESOGNÉ n. m. (v. 1490), BESOGNEUR n. m. (XVe s.) et BESOGNEMENT n. m. (XVe s.), sont sortis d'usage dès le XVIIe siècle.
❏ voir SOIGNER.
1 et 2 BESTIAIRE, BESTIAL, BESTIOLE → BÊTE
BEST-SELLER n. m. est un emprunt (1934) à l'anglo-américain best-seller (1889) désignant un des livres (de l'année, de la saison) qui ont obtenu le plus grand succès de librairie et, par métonymie, l'auteur d'un de ces livres. Le premier élément est l'anglais best « meilleur », du vieil anglais betest qui, comme de nombreuses formes des langues germaniques, appartient à une base °batistaz, superlatif de °bat-, apparenté à °bot- « remède, avantage ». Le second élément est l'anglais seller « vendeur », et en anglo-américain « livre qui se vend bien », (1895), de to sell « vendre », du vieil anglais sellan, lequel est issu d'une base germanique indoeuropéenne apparentée au grec heleîn et, en celtique, à l'ancien irlandais selaim « prendre ». La notion de best-seller, importante aux États-Unis du point de vue commercial et du point de vue de la popularité liée à la qualité, élément moins évident en Europe, s'est répandue dans le monde entier.
❏  Le mot est repris à la fois au sens large de « produit qui est un grand succès de vente » (une première fois en 1934, puis v. 1960) et au sens particulier de « livre ayant un grand succès de librairie » (1946), plus courant.
❏  Le même mot anglais, dans le composé (the) best of « (le) meilleur de » a été emprunté dans la langue des producteurs de disques, pour « compilation* des meilleures chansons, des plus grands succès (d'un artiste, d'un groupe) ». Cet anglicisme, BEST OF n. m., très critiqué, s'est étendu à d'autres sélections.
1 BÊTA → BÊTE
2 BÊTA n. m. est l'emploi particulier (1838) du nom de la seconde lettre de l'alphabet grec, bêta, lequel est en grec un emprunt à la langue sémitique (araméen bētā « maison »).
❏  Le mot, désignant la seconde lettre de l'alphabet grec, est employé, souvent corrélativement avec alpha, pour désigner le second élément d'une série dans le discours didactique et scientifique. ◆  En astronomie, il désigne la deuxième étoile d'une constellation, en physique, il qualifie une particule émise par certains corps radioactifs, en chimie, il indique une deuxième variété allotropique, le deuxième isomère d'une série. ◆  Enfin, d'après l'allemand bêta en neurophysiologie (1930, H. Berger), il qualifie un rythme cérébral enregistré principalement par l'encéphalogramme sur les régions frontales du cerveau.
❏  L'élément BÊTA- jouit d'une certaine vitalité en chimie organique pour caractériser le second d'une série d'isomères, indiquer la présence d'un atome de carbone séparant deux fonctions à l'intérieur d'un composé, préciser la structure stéréochimique des sucres et stéroïdes.
■  Plusieurs autres composés utilisent bêta- pour « rayons bêta », spécialement en médecine où BÊTATHÉRAPIE n. f. (v. 1950) concerne le traitement des tumeurs, également en sciences dans BÊTATRON n. m. (1940) avec -tron ; BÊTAGRAPHIE n. f. (1972).
■  Un autre élément bêta- représente récepteur adrénergique bêta et s'applique à la catégorie des nerfs responsables de presque tous les effets inhibiteurs de la stimulation sympathique. Cet élément sert à former les composés BÊTA-ADRÉNERGIQUE adj., BÊTABLOQUANT, ANTE adj., BÊTA-INHIBITEUR, TRICE adj., BÊTAMIMÉTIQUE adj., BÊTASTIMULANT, ANTE adj., tous enregistrés dans le Dictionnaire des termes techniques de médecine de Garnier et Delamare en 1972. Le plus connu des profanes est bêtabloquant, aussi employé comme n. m., à propos des substances, des médicaments qui bloquent, inhibent les récepteurs bêta.
+ BÊTE n. f. et adj., longtemps écrit sous la forme beste (1080), est emprunté au latin bestia « animal » (par opposition à l'homme), synonyme populaire de belua, lequel met l'accent sur la grandeur, la férocité ou l'inintelligence (→ belluaire). Bestia, plutôt réservé par les juristes et grammairiens aux animaux féroces terrestres, se dit dans la langue familière de toute espèce d'animal, sauvage ou domestique. Le mot latin est fréquent comme terme d'injure comme de nos jours en italien ; son étymologie reste inconnue. Il s'est transmis au français d'une part par voie populaire sous la forme bīstia (→ biche, par l'ancien français bisse) et d'autre part s'est maintenu sous la forme classique par voie d'emprunt, avec l'intermédiaire d'une forme °bestie.
❏  Beste, bête est un terme générique pour désigner tout être animé, l'homme excepté. Selon les contextes, et comme le latin bestia, il s'applique aux animaux domestiques et spécialement aux gros mammifères d'élevage, aux animaux sauvages et notamment dangereux, au gibier, aux petits animaux et notamment à certains insectes, enfin aux animaux imaginaires. Dans chaque application, des syntagmes et locutions courantes lèvent les ambiguités et désignent des catégories plus précises, voire des individus (la bête de...). Ainsi, au sens général, on parle de grosse bête (voir ci-dessous le figuré), petite bête — avec diverses phrases toutes faites —, pour les animaux dangereux, on a bête sauvage, féroce, de proie (au figuré « personne cruelle »), en ce qui concerne les animaux de la ferme bête à cornes, bête de somme, etc. Dans ce dernier cas, les bêtes, comme le latin bestia (Cf. ci-dessous bétail) s'emploie absolument (rentrer les bêtes). ◆  Un autre emploi non qualifié concerne les animaux féroces des jeux du cirque : être livré aux bêtes. ◆  Dans le domaine des petits animaux, entrent des désignations spécifiques, comme bête à bon Dieu « coccinelle » ; certains emplois sont de nature enfantine (petite bête et par antiphrase grosse bête). Au figuré, chercher la petite bête (attesté chez Barbey d'Aurevilly) correspond à « chercher minutieusement de petits défauts ». Pour les bêtes imaginaires, le mot concerne la connaissance objective et ses limites, quant aux animaux et aux monstres (Cf. ci-dessous bestiaire), et s'emploie dans des cas précis, comme la bête de l'Apocalypse, la bête du Gévaudan. ◆  D'une manière générale, bête est plus affectif, plus populaire, plus évocateur et moins rationnel que animal. ◆  Dès l'ancien français (1160-1170), il s'emploie pour évoquer en l'homme le caractère instinctif, l'absence de raison, la physiologie non maîtrisée. Une phraséologie s'ensuit, par exemple la locution faire la bête opposée à faire l'ange par Pascal, ou la bête humaine, thème repris par les écrivains naturalistes au XIXe s. (Zola). La locution récemment mise à la mode comme une bête est devenue, semble-t-il dès le milieu du XIXe s. (H. Monnier), un intensif pour « extrêmement, avec acharnement ». ◆  La valeur forte de « sauvage », « cruel » par exemple dans bête sanguinaire correspond au sémantisme de bestial (ci-dessous). ◆  Dans un autre registre, bête noire (XIXe s.), précédé par bête d'aversion (1689, Mme de Sévigné), s'emploie pour « personne ou chose détestée ». ◆  Suivie de à ou de, bête appliqué aux humains sert à caractériser une personne par un trait quasi animal d'acharnement, d'obstination : c'est le cas de bête à concours (1874), bête de travail, bête de scène, « comédien puissamment instinctif », etc.
Bête semble s'être employé comme adjectif dès l'ancien français au sens de « stupide » (v. 1220), mais cet emploi avait disparu après l'apparition de dérivés comme bêtement. Réapparu au XVIIIe s. (1763, Diderot), il provient d'emplois classiques du substantif, comme attribut (être bête, à côté de être une bête). ◆  Cet adjectif, au sens de « sans intelligence », est devenu après 1760 très courant, donnant lieu à de nombreuses locutions, telles bête comme un âne, une oie, une cruche, un pot (1850, Flaubert), comme ses pieds ou encore intensives : bête à pleurer (à faire pleurer), à manger du foin. Avoir (au Québec attraper) l'air bête s'emploie pour « être stupéfait, sans réaction ». On emploie aussi rester bête. ◆  L'adjectif est courant au négatif : il, elle n'est pas bête ; pas si bête ! (1782). Il se dit aussi des actions, des paroles et des comportements, parfois avec l'idée de facilité (en locution c'est bête comme chou) ou par affaiblissement, pour « regrettable » (c'est trop bête). Des associations d'adjectifs péjoratifs, appliquées aux personnes et aux actes, ne sont pas rares ; ainsi plus bête que méchant, puis bête et méchant. ◆  Bête est un adjectif neutre dans une série très riche (idiot, crétin, con, nul, etc.) ; il a souvent une valeur affaiblie et quasi affectueuse (Cf. ci-dessous bêta). Les dérivés français ne correspondent qu'à ce sémantisme. ◆  Bête s'applique aussi à des situations, des idées, des événements, avec le sens de « sans intérêt, sans valeur ». À propos de choses concrètes ou non, bête, avant le nom, s'emploie en français de Belgique comme dépréciatif (Cf. pauvre, misérable). ◆  Un autre sémantisme, issu du nom, pour qualifier des personnes est « désagréable, hargneux » en français québécois (un sens de bêtise « méchanceté, insulte » lui correspond). ◆  Au sens d'« inintelligent », le verlan TEUBÉ ou TEBÉ, surtout en attribut, est assez courant.
❏  BÊTEMENT adv., formé sur l'adjectif (une fois au XIVe s., puis déb. XVIIe s., 1606) semble usuel vers le milieu du XVIIIe s. (1743). Tout bêtement se dit pour « tout simplement, tout bonnement ».
■  BÊTISE n. f., d'abord bestise (XVe s. ; repris au XVIe s., av. 1520), exprime le manque d'intelligence (la bêtise) et (une bêtise) une action ou une parole stupide, sans valeur. Il désigne aussi une chose invraisemblable, une blague (1830, c'te bêtise !). ◆  L'emploi du mot en confiserie, d'abord pour une sorte de caramel (1918) puis pour une spécialité de Cambrai, un berlingot à la menthe (1929), s'explique plutôt par référence au sens de « bagatelle » que par allusion à une erreur de dosage dans la recette du bonbon, comme on a pu le croire.
■  Les deux dérivés du mot, BÊTISER v. intr. « dire des bêtises » et BÊTISIER n. m. « recueil plaisant de bêtises rapportées », sont attestés en 1821, mais sont restés rares, surtout le verbe.
1 BÊTA, ASSE adj. et n. est, sous sa forme masculine nom masculin et adjectif invariable, attesté une fois en 1584, puis repris depuis l'édition de 1762 du dictionnaire de l'Académie avec le sens de « niais ». Il est quelquefois employé comme terme affectueux, à rebours du féminin bêtasse (av. 1867) qui a pu être influencé par le paronyme bécasse (→ bec). ◆  C'est de cette forme féminine qu'est dérivé BÊTASSERIE n. f. (1908) « sottise, ineptie ».
BÊTIFIER v. est dérivé de bête adjectif (1777) au moyen du suffixe -fier ; il est littéraire en emploi transitif pour « rendre bête », plus courant comme verbe intransitif au sens de « faire la bête ».
■  En sont dérivés BÊTIFIANT, ANTE adj. (XIXe s.) « qui rend bête, qui abêtit », plus courant que BÊTIFIEMENT n. m. (XXe s.).
BÉBÊTE n. f. et adj., redoublement enfantin de bête, avec la valeur de « petite bête », « bestiole », apparaît en 1808 pour appeler un animal, l'emploi adj. est dans Balzac (1834). Avec la valeur d'« inintelligent », il signifie « un peu bête, niais », et comme nom « petite bête », souvent « insecte ». C'est un mot du langage enfantin.
■  Bébête est modifié en BIBITE ou BÉBITE n. f. en français du Québec, où le mot est sorti du vocabulaire enfantin (il est familier). Bibite à patates s'est dit du doryphore.
■  BIBE n. m. s'emploie en français de Madagascar pour « bestiole », spécialement « parasite ». Au figuré (gros bibe), il prend le sens de « bêta, personne un peu bête ».
ABÊTIR v. tr. apparaît sous la forme abestir (1330-1332) au sens propre de « rendre (l'homme) semblable à la bête » et glisse progressivement (repris mil. XVIIIe s.), sous l'influence de l'adjectif bête, vers le sens de « rendre bête » réalisé à la forme transitive et pronominale (s'abêtir), quelquefois depuis le XVIIIe s. à la forme absolue mais déjà dans la langue classique, alors lié à la renonciation à la raison, et parfois dans un contexte religieux. ◆  Le moyen français a eu une forme concurrente abester de même sens, distincte de abester « mettre les chiens sur la trace du gibier » (v. 1320).
■  Abêtir a produit ABÊTISSEMENT n. m. (1552), rare avant 1842, où il est réintroduit comme un mot nouveau, et ABÊTISSANT, ANTE adj. (1845) qui concurrence bêtifiant.
EMBÊTER v. tr. (1794) s'écarte de l'idée de bêtise et signifie « causer une vive contrariété à qqn » d'où, par extension, « causer de l'ennui à (qqn) » (1820, Stendhal), avec pour intensif familier emmerder. Le pronominal est usuel pour « s'ennuyer ».
■  Le dérivé EMBÊTEMENT n. m. se dit surtout de ce qui cause une contrariété (fin XVIIIe s.) et de l'état de celui qui a des ennuis (1842) plus qu'à l'état de celui qui s'ennuie (1842).
■  EMBÊTÉ, ÉE, le participe passé de embêter, est adjectivé avec le double sémantisme de « contrarié » (1831) et « ennuyé » (1842).
■  Symétriquement, le participe présent EMBÊTANT, ANTE est adjectivé pour qualifier ce qui contrarie (1840), d'où l'embêtant, substantif à valeur de neutre (1876), et ce qui ennuie (1840). ◆  Toute la série, très usuelle, était familière, mais l'est beaucoup moins depuis qu'elle est concurrencée par des termes plus marqués (emmerder, etc.).
Indépendamment des dérivés français, plusieurs emprunts à des dérivés latins sont sentis comme liés à bête.
■  BESTIAL, ALE, AUX adj. est emprunté (v. 1190) au latin chrétien bestialis « qui tient de la bête » (IVe s.), « sauvage » (Ve s.), dérivé de bestia. ◆  Le mot signifie « qui assimile l'homme à la bête », impliquant généralement la violence, la cruauté ou la stupidité et l'aveuglement. Récemment, bestial a pris les valeurs positives d'instinct qui sont réalisées par bête (comme une bête, etc.).
■  De bestial sont dérivés BESTIALEMENT adv. (fin XIIe s.), qui a toutes les valeurs de l'adjectif et BESTIALISER v. tr. (1835) « rendre bestial, avilir ».
■  BESTIALITÉ n. f., d'abord sous la forme semi-populaire bestiauté (XIIIe s.) puis sous la forme savante bestialité (v. 1370), est emprunté au latin médiéval bestialitas « caractère de ce qui est propre à la bête », de bestialis. ◆  Le mot désigne le caractère d'une personne qui se livre à des instincts l'assimilant à la bête. ◆  Il désigne spécialement (1680) le commerce sexuel contre nature avec un animal, autrefois englobé sous sodomie, et dont l'équivalent savant plus tardif est zoophilie.
1 BESTIAIRE n. m. est emprunté (v. 1119) au latin médiéval bestiarium, attesté chez Ugutio de Pise (mort en 1210) et dérivé de bestia, désignant un recueil d'animaux réels ou imaginaires dont on se sert comme symboles d'une signification morale ou religieuse. ◆  Le mot apparaît dans le premier texte français du genre, celui que Philippe de Thaon écrivit pour la cour d'Angleterre. Au XIVe s., les bestiaires de chasse font prévaloir un esprit moins symbolique, plus pratique et plus scientifique. L'emploi du mot, déplacé par les sciences naturelles, est ensuite réservé au passé ; il est renouvelé par la fable classique et, plus près de nous, par J. Renard (1896, Histoires naturelles) et G. Apollinaire (1911, Le Bestiaire ou Cortège d'Orphée). ◆  Par métonymie, le mot désigne l'ensemble des animaux décrits ou évoqués par un écrivain, représentés par une œuvre d'art ou un peintre.
BESTIOLE n. f. est emprunté (v. 1170) au latin bestiola « petite bête, insecte », diminutif de bestia. Le sens est celui de « petite bête », spécialement à propos d'un insecte, mais seulement dans un usage familier et affectif.
■  Un autre diminutif, BESTION n. m. « bestiole » (1520) a désigné à l'époque classique (1690) une figure de proue qui comportait une représentation animale. Tous ces emplois ont disparu.
BÉTAIL n. m., d'abord bestail (XVe s.), est l'altération, par un suffixe masculin, de bestaille (1205), dérivé de beste sur le modèle de l'ancien français aumaille « gros bétail à cornes », lequel continue le latin animalia, de animal. ◆  Parallèlement, l'ancien français a eu le féminin collectif bestiaille (1213), dérivé du radical du latin bestia avec le sens large de « ensemble des animaux de ferme », et dont on a tiré un nom masculin bestial (XIIIe s., bestiall). Celui-ci, encore répertorié en 1611 par Cotgrave et usité de nos jours dans les dialectes du Nord-Ouest et de Normandie, a été évincé par bétail, probablement afin d'éviter l'homonymie avec l'adjectif bestial*. Il s'est maintenu au pluriel bestiaux (ci-dessous). ◆  Bétail désigne l'ensemble des animaux entretenus pour la production agricole à l'exception des animaux de basse-cour ; cette valeur est voisine d'un emploi spécial de bête au pluriel (les bêtes). Le mot s'emploie au figuré, par mépris, dérision ou pitié, à propos d'une collectivité humaine (XVIIe s., La Fontaine), spécialement dans l'argot des proxénètes à propos des prostituées (1905).
■  Le dérivé BÉTAILLÈRE n. f. (attesté 1953) est le nom d'un fourgon automobile servant au transport des animaux de boucherie.
■  BESTIAUX n. m. pl. (XVe s.), à l'origine pluriel de bestial n. m. (voir ci-dessus bétail), se différencie de bétail en tant qu'il désigne l'ensemble des mêmes animaux considéré en tant que somme d'individus (distributivement, successivement) et non en tant qu'ensemble ; de là son choix dans wagon à bestiaux. Comme bétail, il est quelquefois employé péjorativement à propos d'un ensemble d'individus. ◆  Le singulier BESTIAU n. m. désigne dans l'usage rural ou plaisant le bétail, en particulier, une pièce de gros bétail et devient un synonyme familier de bête.
2 BESTIAIRE n. m. est emprunté (1495) au latin bestiarius « gladiateur combattant contre les bêtes fauves au cirque », dérivé de bestia.
■  Le mot est employé en référence aux jeux antiques ; rare avant le XVIIIe s., il subit, dans le style poétique, la concurrence de belluaire*. ◆  Par jeu de mots paronymique avec vestiaire, il désigne quelquefois l'endroit où l'on parque les fauves des jeux du cirque (1883, Hugo).
❏ voir BICHE, BIQUE.
BÉTEL n. m. est emprunté, d'abord sous la forme beteille (1515) par l'intermédiaire de textes italiens, puis sous la forme betel (1572) par le latin, au portugais betel (1500, écrit betele). Ce mot est emprunté au malayalam (langue dravidienne de la côte de Malabar) vettila, nom d'un poivrier grimpant dont les feuilles fournissent un masticatoire tonique et astringent. C'est un composé de veru « simples » et de ila « feuille ».
❏  Le mot désigne à la fois une espèce de poivrier grimpant cultivé en Inde et en Extrême-Orient et, par métonymie, le masticatoire tiré de ses feuilles, utilisé par exemple en Afrique.
1 BÉTON n. m. est la réfection graphique (1671), par conformation à la prononciation et sous l'influence du suffixe -on, de l'ancien français betun (v. 1165). Ce mot est emprunté au latin bitumen « substance combustible liquide » (→ bitume) avec prononciation médiévale de la finale -um, -un (une orthographe savante, betum, est restituée au XVIe s.).
❏  En passant en français, le mot a pris le sens de « ciment, mortier », qui s'est répandu au détriment de l'acception de « boue, fange », plus courante en ancien français et conservée régionalement dans betin (Poitou, Vendée) désignant des terres de mauvaise qualité, mélangées de pierres, de cailloux. La technique moderne a conféré au mot une valeur plus précise, encore caractérisée dans des syntagmes comme béton armé. ◆  Béton a développé des emplois figurés associant les idées de « ville, environnement urbain oppressif » et « solidité, résistance ». ◆  Dans les sports d'équipe, il évoque un système de défense à outrance (1943). ◆  En béton correspond à « solide, indestructible » ; béton lui-même est adjectivé (1985 idée béton) avec la valeur intensive de « imparable, à toute épreuve » (un argument béton).
❏  BÉTONNER v. (1838), « construire avec du béton », a deux emplois figurés. Pris absolument, en football, il signifie « jouer la défense systématique » (1949). Comme transitif, il correspond à « garantir, rendre solide, assurer ».
■  En ont été dérivés BÉTONNAGE n. m. (1838), puis des adjectifs tirés de ses participes, BÉTONNÉ, ÉE (1838) et BÉTONNANT, ANTE (v. 1950), réalisant surtout un sens figuré (des arguments bétonnés). ◆  Bétonnant s'emploie pour « dur, violent » en parlant d'une musique pop (apr. 1970).
■  BÉTONNIÈRE n. f. (1873) et BÉTONNEUSE n. f. (1941) se font concurrence pour désigner la machine dans laquelle on prépare le béton par malaxage des constituants.
2 BÉTON, dans laisse béton, est le verlan de tomber* dans l'expression laisse tomber.
BETTE ou BLETTE n. f., d'abord bete (v. 1119), puis bette (v. 1393), est emprunté au latin beta « plante potagère à feuilles larges et grosses côtes », mot pour lequel on a évoqué un rapprochement avec l'ancien haut allemand bieza et l'irlandais biatuis. La forme devenue plus courante, blette (1379), est empruntée au latin médiéval bleta (IXe-XIe s.) résultat du croisement entre le latin beta et le latin blitum, lui-même repris au grec bliton, d'étymologie obscure. Le type blite (1790) semble être un emprunt direct au latin blitum.
❏  BETTERAVE n. f. résulte de la soudure du nom composé bette rave (1600), de bette et rave*. ◆  C'est le nom d'une plante potagère ou fourragère à racine charnue, riche en sucre. L'importance du mot s'est accrue au XIXe s., quand la fabrication industrielle du sucre, jusqu'alors provenant de la canne, a développé la culture des betteraves dans les pays tempérés, notamment le nord de la France et la Belgique (1800, sucre de betterave).
■  Il a donné BETTERAVIER, IÈRE adj. et n. m. (1839, n.) « relatif à la betterave » et, comme nom, « producteur de betteraves à sucre ».
❏ voir BARBITURIQUE.
BEUGLER v. est l'altération, peut-être onomatopéique (1661), de l'ancien et moyen français bugler « corner » (v. 1150), de l'ancien français bugle, « buffle, bœuf sauvage, jeune bœuf » (v. 1180), par métonymie « peau de buffle », et au figuré adjectivement « stupide ». Ce mot sorti d'usage a été réemprunté de l'anglais avec une acception spécialisée (→ bugle). Il était emprunté au latin buculus « bouvillon », masculin tardif et très rare de bucula « génisse », diminutif de bos, bovis (→ bœuf).
❏  D'abord employé au sens figuré « rendre un son, corner », le verbe s'emploie proprement à propos d'un bovidé qui pousse son cri (1580). ◆  De là, par analogie, il se dit d'une personne ou d'une chose qui émet un son puissant et disgracieux, et d'une personne qui hurle.
❏  À l'exception de BEUGLEMENT n. m., réfection (1690) de l'ancienne forme buglement (1539), les dérivés de beugler sont tardifs.
■  Son participe présent BEUGLANT a été substantivé pour désigner familièrement un café-concert de mauvaise qualité (1864, n. m.), sens vieilli ; BEUGLANTE n. f. désignant autrefois (déb. XXe s.) une chanteuse de café-concert, aujourd'hui une chanson, d'où par extension une protestation criée à tue-tête.
■  BEUGLARD, ARDE adj. et n. (déb. XXe s.) s'est employé très familièrement à propos d'une personne qui ne peut s'empêcher de parler fort.
■  On rencontre quelques exemples très rares de BEUGLEUR n. m. (1853), avec le même sens.
BEUR → ARABE
BEURK → BERK
L BEURRE n. m. est, sous sa forme actuelle beurre (XVIe s.), une variante dialectale de l'Ouest (ou de l'Est, moins vraisemblablement) pour bure (v. 1120) et burres (v. 1200). Ce mot continue le latin bútyrum emprunté au grec boúturon avec maintien de l'accentuation sur l'antépénultième (d'où le provençal buire, l'ancien catalan bure) à côté de la forme à accentuation latine butýrum (Venance Fortunat, Sidoine Apollinaire) à l'origine des formes à t conservé, l'italien butir(r)o, l'anglais butter, le néerlandais boter, l'allemand butter. Le mot grec bouturon, « beurre » et aussi « onguent », est le composé de genre neutre (à côté du masculin bouturos) de bous « bœuf » et « vache », répondant au latin bos (→ bœuf), et de turos « fromage (de vache) ». Turos est indoeuropéen, car le fromage, à la différence du beurre, était connu des Indoeuropéens : par exemple, l'avestique a tuiri- « lait caillé » et le moyen indien tura- « fromage ».
❏  Le mot désigne la matière grasse alimentaire obtenue en battant la crème du lait. Beurre salé (1609) s'oppose à beurre demi-sel et, régionalement, à beurre doux (Bretagne). Pain beurre, pour « tartine beurrée », est usuel en Bretagne. À partir du XVIe s., il s'emploie dans des locutions familières faisant allusion à la consistance du beurre : rentrer dedans comme dans du beurre (récent), fondre comme du beurre (XVIe s.). Le mot suggère une valeur « fondante », un intérêt faible, dans l'ancienne expression dépréciative de beurre (XVIe s.) et aujourd'hui dans compter pour du beurre, ou au contraire à l'aisance, la richesse, par opposition à pain dans promettre plus de beurre que de pain (1690) et dans d'autres contextes mettre du beurre dans les épinards (attesté chez Zola, L'Assommoir) « améliorer l'ordinaire », ou encore du beurre ou des canons (déb. XXe s.) et, récemment, on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. L'assiette au beurre est une source de profit, et faire son beurre se dit pour « avoir des profits ». ◆  L'idée négative de compter pour du beurre se retrouve, mais exprimée par une absence (donc beurre est à la fois scatologique et positif dans pas plus de... que de beurre au cul), avec des variantes inexpliquées, que de beurre en branche, en broche. Passer dans le beurre « à côté de l'objectif, se tromper » est propre au français du Québec.
■  Par analogie d'aspect, le mot a servi à désigner des composés chimiques peu consistants (1704, beurre d'antimoine, d'arsenic) et s'emploie encore, bien que cette appellation soit prohibée par la loi française, à propos de la substance grasse extraite de certains végétaux (1788 beurre de cacao).
■  Beurre de... désigne aussi (en français d'Europe) une pâte formée d'une substance écrasée dans du beurre (1845 beurre de piment ; 1807 beurre d'anchois). ◆  Beurre, par extension, vaut pour pâte alimentaire. Beurre de karité (français d'Afrique). Beurre d'arachide, beurre de pinotte (calque de l'anglais peanut butter) sont usuels au Québec. La même substance est appelée beurre de pistache aux Antilles, en Nouvelle-Calédonie. Beurre rouge (Antilles) « condiment, pâte de couleur rouge pour les sauces ». Aux Antilles également, on appelle la margarine beurre blanc. ◆  Le syntagme beurre frais, en France, qualifiait traditionnellement les gants en peau claire pour homme (1815), avec une connotation ironique de solennité petite-bourgeoise aujourd'hui archaïque.
❏  BEURRER v. tr. a remplacé burrer (XIIIe s.), au sens de « étendre du beurre sur », spécialement en pâtisserie « faire tremper dans du beurre » (1680). ◆  Au figuré, en peinture, il signifie « donner du corps à » (1840, Balzac in T. L. F.).
■  Le verbe s'emploie par extension, en français québécois, pour « recouvrir d'une substance pâteuse », « enduire d'une substance grasse », d'où « salir ». Au figuré, toujours au Québec, beurrer qqn peut valoir pour « le soudoyer » et aussi, par une autre métaphore, « le tromper » ou « le calomnier, salir sa réputation ».
■  Le participe passé BEURRÉ, ÉE est adjectivé (XIIIe s.) avec les sens correspondant au verbe. ◆  Il s'emploie familièrement pour « ivre » (déb. XXe s.), par paronymie avec bourré. De là se beurrer « s'enivrer ». L'expression intensive beurré comme un petit Lu fait allusion à une marque de biscuits, dits petits-beurres (→ petit).
■  Il est substantivé et BEURRÉ n. m. désigne, par allusion à sa consistance, une sorte de poire fondante (1536).
■  BEURRÉE n. f. (1585), pour « tartine beurrée », s'emploie de nos jours surtout dans un usage régional français (Ouest et Centre), ainsi qu'en français du Canada. Le mot, comme le verbe beurrer, a parfois pris un usage extensif (une beurrée de pâté, de mélasse...). ◆  Au figuré, il désigne familièrement un état d'ivresse (prendre une beurrée), d'après beurré « ivre ».
■  BEURRAGE n. m. (1815), terme de cuisine pour « action de beurrer (un moule) », se dit au figuré de l'aspect d'une peinture « beurrée » (1883, Huysmans). ◆  En français québécois, d'après un sens de beurrer, « fait de salir ».
■  BEURRIER, IÈRE n. et adj., d'abord burier (1270), a désigné la personne (1337) qui fait ou vend du beurre. ◆  Comme adjectif, il qualifie ce qui concerne le beurre (1547) et le nom désigne couramment un récipient dans lequel on conserve le beurre (un beurrier). ◆  BEURRIÈRE n. f. a désigné en français classique celle qui vend du beurre, appelée plus tard crémière.
■  BEURREUX, EUSE adj. (XVIe s.), qui qualifiait une chose ayant la consistance du beurre à côté du terme didactique butyreux, est archaïque.
■  BEURRERIE n. f., « lieu de fabrication et de conservation du beurre » (1836), est d'usage plus technique que crémerie et laiterie et ne s'emploie plus pour le magasin où l'on vend du beurre.
BABEURRE n. m. (1530), composé de bas et de beurre, est un terme technique ou régional pour désigner le liquide qui reste après le barattage de la crème ; on dit aussi lait de beurre.
❏  EMBEURRÉE n. f. est dérivé (1908) du verbe régional embeurrer « mettre du beurre dans (une préparation culinaire) », de en- (em-), beurre et suffixe verbal. Le nom s'emploie régionalement (Anjou, Vendée, Poitou) au sens spécial de « chou blanchi, puis étuvé au beurre ». Il s'est répandu en France dans le langage de la restauration, pour « légume fondu dans du beurre » (à propos de poireaux, endives, etc.).
❏ voir BUTYRO- ; PETIT (PETIT-BEURRE).
BEUVERIE → BOIRE
BÉVUE → VOIR
BEY n. m., d'abord Bay (1423) puis bey (1519), les deux fois dans un nom propre, est emprunté au turc bey, antérieurement beg (→ bégum) « prince, gouverneur ».
❏  Le premier emploi, comme nom autonome pour « gouverneur d'une ville, d'une province dans l'ancien Empire ottoman », est relevé en 1554.
❏  BEYLIK ou BEYLICK n. m. est emprunté sous la forme beglic (1624) puis beilik (1689) au dérivé turc beglik, beylik « rang ou fonction de bey », « juridiction d'un bey ». ◆  Le mot désigne la province que gouvernait un bey et la charge assurée par le bey (1689), concurrement à beylicat.
■  En sont dérivés BEYLICAL, ALE, AUX adj. (1887) « relatif au bey » et BEYLICAT n. m. (1922), « souveraineté du bey », qui empiète sur le sens de beylick « division administrative soumise à l'autorité du bey ».
❏ voir BERGAMOTE.
BÉZOARD n. m. a été emprunté au XVe s., sous la forme bezaar et par l'intermédiaire du latin médiéval (1490), à l'arabe bāzahr, lui-même du persan pādzahr « ce qui préserve du poison ». La forme moderne bezoar (1548), écrite bezoard (1581) sous l'influence du suffixe -ard, est elle-même empruntée, par l'intermédiaire du latin médiéval bezoar (1246-v. 1320), à l'arabe bezuwār, forme maghrébine de bāzahr.
❏  Le mot désigne une concrétion pierreuse qui se forme dans le corps de certains animaux et à laquelle on attribuait autrefois des vertus curatives et magiques. Elle était notamment réputée comme contrepoison. ◆  En pathologie humaine, il s'applique à un corps étranger au tube digestif.