BICHER → BEC (dernier dérivé)
BICHON, BICHONNER → BARBE (BARBICHON)
? BICOQUE n. f. est emprunté (1576) à l'italien bicocca. Ce dernier peut être le toponyme La Bicocca, nom d'un écart de la commune de Niguarda (banlieue de Milan). Ce nom aurait été connu en France après la bataille livrée en ce lieu en 1522 et où François Ier fut battu par les Impériaux (Furetière rappelle que cette bataille est connue sous le nom de la journée de la Bicoque). Bicocca peut aussi être le même mot employé comme nom commun pour désigner un petit fort (av. 1457 ; dès 1360, en latin médiéval). Il est en tout cas d'origine obscure, peut-être apparenté au correspondant italien de coque* ; le premier sens en français suggère « double (bis) coque », à moins qu'il ne s'agisse d'un homonyme.
❏  Employé au XVIe s. à propos d'une coquille d'huître, et alors inexpliqué, le mot désigne (1611) jusqu'au XVIIIe s., une place forte peu fortifiée et sans défense, valeur cohérente avec un récit de bataille perdue. ◆  Le glissement vers le sens actuel de « petite maison sans valeur », à comparer à baraque, est constaté en 1798 par le dictionnaire de l'Académie. ◆  Par une extension habituelle (Cf. bagnole, godasse, pinard, etc., et, dans le même domaine, baraque), le mot s'applique familièrement à toute habitation, à une maison quelconque, sans péjoration.
BICORNE → CORNE
1 BICOT n. m., terme raciste, est l'aphérèse d'arbicot, dérivé de arbi → arabe.
❏  Terme injurieux (1892), adressé aux Maghrébins. Il a vieilli, mais l'abréviation bic s'est employée plus longtemps.
2 BICOT n. m. → BIQUE
BICYCLETTE → CYCLE
BIDASSE n. m. est l'emploi comme nom commun (1900) du nom propre Bidasse, repris du titre d'une chanson de Polin, Avec l'ami Bidasse, décrivant deux troupiers du nord de la France (« natifs d'Arras »). Bidasse s'inscrit dans la série des patronymes à consonance ridicule avec l'initiale bid- (Cf. bidet, bidon) et le suffixe péjoratif -asse. Ainsi bidard, adjectif signifiant « heureux au jeu », qui serait tiré du nom d'un certain Bidard qui emporta le gros lot d'un tirage au sort créé à l'occasion de l'Exposition universelle de 1878, exploite des connotations similaires.
❏  Bidasse désigne un soldat du contingent, d'abord considéré comme un jeune paysan simple et docile.
BIDE → BIDON
? BIDET n. m. (1534) est d'origine douteuse, probablement à rattacher à l'ancien français bider « trotter » (XVe s.), lui-même d'origine incertaine : une forme rabider « accourir en hâte » (déb. XIVe s.), doit être apparentée mais n'explique rien. L'hypothèse d'un emprunt à l'italien bidetto « petit cheval » est à écarter : l'italien est au contraire emprunté au français. P. Guiraud regroupe bidet, bider, bide, bidasse, bidon, bidule sous une même racine expressive bid-, féconde en argot, évoquant l'idée de ce qui marche de travers, échoue.
❏  Le mot, d'abord employé par Rabelais à propos d'un âne, désigne un petit cheval de selle (1564), sens de nos jours archaïque ou plaisant. ◆  Il a aussi servi à désigner (XVIe s.) un petit pistolet de poche ayant un ou plusieurs canons.
■  Par métaphore, le nom du cheval est devenu celui d'un petit appareil sanitaire sur lequel on s'assoit à califourchon et qui sert aux ablutions intimes (1739). De l'usage hygiénique du bidet pour les femmes, notamment dans le contexte de la prostitution, proviennent au XXe s. quelques locutions argotiques comme chevalier du bidet « souteneur », sortie d'usage, rinçure de bidet « avorton », terme d'injure, et, familièrement, eau de bidet « chose sans valeur ».
? BIDOCHE n. f. (1829) est d'origine obscure ; le mot est peut-être à rattacher à bidoche, « engin de carton à tête de cheval » (1826), lequel est peut-être en rapport avec bidet*, « petit cheval », altéré avec le suffixe argotique -oche.
❏  Le mot, d'abord entendu à l'asile des mendiants de Saint-Denis (selon Esnault), désigne une viande de mauvaise qualité et par extension une viande quelconque, dans un usage populaire puis familier. Par extension, il se dit de la chair humaine (1881, Richepin, édition augmentée de La Chanson des Gueux), comme viande.
? + BIDON n. m. et adj., relevé depuis le XVIe s. (1523 ; une attestation du XVe s. devant probablement être écartée), est d'origine obscure. On admet généralement l'hypothèse d'un emprunt à l'ancien norrois °biđa « récipient », qui n'est attesté que par l'islandais bida « baquet de lait », et le norvégien dialectal bide « baratte » ; cet étymon, en accord avec la localisation de la première attestation (Normandie) et avec l'emploi du mot comme terme de marine jusqu'à la fin du XVIIIe s., est cependant très douteux, du fait de la date d'entrée du mot en français. L'hypothèse d'un emprunt au grec par l'intermédiaire de l'italien bidone fait difficulté, car ce dernier ne paraît pas attesté avant le XIXe siècle. ◆  P. Guiraud apparente bidon à une série de mots à base bid- (et big-, bik-), étroitement liée pour le sens, selon lui, à celle de bar- (→ baril) et de bis- (→ biseau), exprimant l'idée d'une forme, d'une démarche oblique ou de travers, d'où un mauvais fonctionnement.
❏  Le mot désigne un petit récipient portatif et fermé, fait de bois ou de métal, d'abord utilisé à bord d'un navire (encore attesté en 1771), puis dans toutes sortes de contextes. ◆  Par analogie de forme et attraction probable de bedon, il sert de désignation familière à un ventre rebondi (1883).
■  Le sens aujourd'hui inusité de « drap plié de manière à gonfler, à former un ventre, et faisant illusion » (1887) explique le développement du sens familier de « bluff » (v. 1900) dont procède l'emploi adjectivé pour « faux, simulé » (1952), devenu très usuel dans la langue familière.
❏  BIDONNER v. (1842) a eu l'emploi intransitif de « boire avec excès ». ◆  D'abord parmi les écoliers du lycée de Brest, selon Esnault, se bidonner (1888) a pris le sens familier de « rire », c'est-à-dire, probablement « secouer son ventre ». ◆  D'après bidon « bluff, boniment », le verbe transitif a développé la valeur de « tromper volontairement, illusionner » (1926).
■  BIDONNANT, ANTE, le participe présent de bidonner, est adjectivé avec le sens de « qui provoque l'hilarité » (v. 1950) fournissant un synonyme à marrant, poilant, etc.
■  BIDE n. m., apocope de bidon (1885), s'est répandu dans le langage populaire parisien puis dans toutes les provinces (1900) comme désignation familière du ventre, notamment dans avoir du bide. ◆  Un bide a pris le sens de « échec, désillusion » (1950), se disant spécialement d'un échec à la scène, d'abord dans l'argot des comédiens (1958). Ce sémantisme est distinct de celui de la tromperie, qui ne concerne que bidon et bidonner.
Bidon, au sens concret, en se soudant à ville* a donné BIDONVILLE n. m., employé d'abord (1953) en parlant des agglomérations de fortune au Maroc. Ce composé a pu utiliser le sémantisme lié au nom propre Bidon V (cinq), donné dans les années 1930 à une étape saharienne. Ce mot, chargé d'une signification sociologique et politique très dense, signifie « groupement misérable et insalubre d'habitations de fortune, souvent à la périphérie ou dans certains quartiers des grandes villes ».
■  Il a produit les dérivés BIDONVILLIEN, IENNE adj., BIDONVILLISÉ, ÉE adj. (1970) et BIDONVILLISATION n. f. (v. 1970), demeurés exceptionnels, sauf en français du Maghreb, où ces mots peuvent s'appliquer à un habitat dégradé.
? BIDULE n. m., attesté tardivement (1940), est d'origine obscure. D'après Esnault, il serait originaire du nord de la France, peut-être de bidoule « mare boueuse » (Pas-de-Calais), variante de berdoule (en patois rouchi) : de la notion de « boue » serait issue celle de « désordre », « complexité ». En 1946, des lycéens parisiens employaient le mot, alors peu connu, en relation avec le nom de Sir Francis Biddle, procureur britannique au procès de Nuremberg (témoignage privé).
❏  Le mot a d'abord eu cours dans l'argot militaire pendant la Seconde Guerre au sens de « désordre », alors voisin par le sens de bordel. ◆  Par extension, il est passé dans l'usage courant, désignant familièrement, comme machin, truc, un petit objet quelconque (1944-1945), peut-être d'abord chez les élèves du lycée Saint-Louis. ◆  Il se dit spécialement du voyant lumineux d'un taxi (à Paris), en argot de métier, et aussi de la longue matraque des unités de maintien de l'ordre.
❏  Le dénominatif BIDULER v. tr. « se servir (d'un appareil) », d'usage familier, est attesté indirectement en 1954 par le dérivé BIDULEUR « bricoleur fantaisiste », lequel n'est guère usité.
■  Avec changement de suffixe, le verbe a donné BIDOUILLER v. tr. « arranger en bricolant » (1975 ; 1974 au p. p.) et, spécialement dans l'argot des informaticiens, « faire fonctionner avec ingéniosité ». Le verbe, aussi employé métaphoriquement, est devenu usuel.
■  Il a pour dérivés BIDOUILLEUR, EUSE n. (1975), également familier, et BIDOUILLAGE n. m (1976).
G BIEF n. m., d'abord bied (v. 1135) et bié (1248) puis bief (1635, répandu au XXe s.), est très probablement issu, de même que ses correspondants de l'Italie septentrionale, d'un gaulois °bedul « canal, fosse », restitué par le gallois bedd, le breton bez « tombe ». Le f final de la forme actuelle représente le traitement de -d- final (d'abord intervocalique) dans un certain nombre de mots anciens d'origine germanique ou celtique (→ emblaver, fief ; Cf. le toponyme Elbeuf, représentant le traitement du germanique -bodu).
❏  Le mot a désigné, jusqu'au XIVe s., le lit d'un cours d'eau. Il s'est spécialisé techniquement, désignant le canal qui amène l'eau à la roue d'un moulin (1248, bié). ◆  Bief s'est spécialisé à propos d'un canal à écluses, désignant l'intervalle compris entre deux écluses (1834, biez).
❏  Il a produit SOUS-BIEF n. m. (1871).
? BIELLE n. f., d'abord dans un texte anglo-normand (1527), est d'origine inconnue. Un diminutif de °bie, correspondant français du provençal biga, « poutre étroite », s'explique mal du point de vue sémantique. L'espagnol dialectal biela « fourche servant à vanner le blé », attesté dans la province de Guadalajara et correspondant au castillan bielda de même sens, dérivé de bielare, fait également difficulté du point de vue sémantique. ◆  On pourrait aussi voir dans bielle, selon une acception ancienne, un doublet phonétique de vielle* qui, par métonymie, aurait désigné la manivelle de l'instrument de musique : cependant les formes en b- de vielle ne sont possibles que dans les parlers du Sud-Ouest alors que le mot est d'abord attesté en français d'Angleterre. ◆  Selon P. Guiraud, bielle représenterait un dérivé de °bigella, « placée en travers, en biais », ce qui est la position de la bielle par rapport à la pièce qu'elle entraîne, mot qu'on suppose être dérivé de °bigus « attelé deux à deux, double ».
❏  Le mot, après avoir désigné une manivelle de vielle et une manivelle de tournebroche (1566), désigne dans l'usage technique et courant la tige de métal rigide qui sert à communiquer le mouvement entre deux pièces mobiles (1684). Le système bielle-manivelle, qui permet la transformation d'un mouvement rectiligne alternatif (par exemple, un piston) en mouvement circulaire (roue), est plus ancien que le mot. Évoquant jusqu'au milieu du XXe s. la locomotive à vapeur, le mot s'applique souvent au moteur d'automobile (bielle qui cogne ; couler une bielle).
❏  BIELLETTE n. f., diminutif tardif de bielle (1927), désigne une petite bielle, un levier en forme de bielle, notamment en armurerie.
L BIEN adv., adj. inv. et n. m. est issu (Xe s.) du latin bene, adverbe correspondant à bonus (→ bon), fonctionnant comme le mot français en opposition à male (→ mal), employé dans la langue familière avec un adverbe ou un adjectif pour en renforcer simplement le sens.
❏  Les valeurs actuelles de bien sont présentes dès le XIe s. en ce qui concerne l'adverbe : bien exprime une manière satisfaisante selon les critères culturels, individuels et collectifs du temps, dans les domaines intellectuel, esthétique ou moral (v. 1050). Adverbe d'intensité, il s'emploie avec un verbe, un participe passé, puis également un adjectif (v. 1050) pour marquer un haut degré, par exemple dans nous voilà bien ! (1671), en général ironique. ◆  Adverbe de quantité, il indique une quantité importante mais indéterminée avec un nom introduit par de (bien des...), et, par extension, un numéral (1174). Il sert également à renforcer une affirmation (fin Xe s.). ◆  L'usage de bien comme conjonction concessive (1164) a été supplanté par bien que (XIVe s.). ◆  Bien est entré dans plusieurs locutions courantes telles que fort bien, très à la mode aux XVIe et XVIIe s., de bien en mieux, qui a été supplantée au XVIIIe-XIXe s. par de mieux en mieux ; bien plus « plus encore, beaucoup plus », bel et bien (Cf. beau). ◆  L'emploi interjectif de bien, surtout dans eh bien au XVIIe s. (1690), entre alors dans les dictionnaires.
■  Dans ces emplois, la forme bien est concurrencée par BEN, transcription attestée depuis le début du XIXe s. pour une prononciation certainement plus ancienne. Elle marque un usage rural ou familier (ben quoi ?) et se généralise dans la seconde moitié du XXe s. (bon, ben...). L'emploi de cette forme est beaucoup moins marqué en français du Canada, où il a la plupart des emplois de bien.
■  L'usage de bien, adjectif invariable, est attesté dans les textes depuis 1271. Il est resté usuel, tant comme attribut que comme épithète (des gens bien, très bien) surtout dans l'appréciation sociale et morale.
Le substantif bien, d'abord attesté dans un contexte chrétien (v. 980, Vie de saint Léger), recouvre la notion morale de ce qui est juste, honnête, louable (le bien et le mal), réalisée dans l'expression gens de bien qui a supplanté l'ancien emploi métonymique du pluriel les biens de l'ancien français.
■  Un bien, des biens est défini concrètement avec la valeur de « chose matérielle susceptible d'appropriation ou effectivement possédée » (v. 1050), notamment au pluriel (1268), valeur spécialisée en économie au XIXe s., notamment par opposition à service, et qui s'est conservée. ◆  Bien a eu également la valeur plus générale de « bienfait » (1164).
❏  L'adverbe bien a eu pendant plusieurs siècles une grande vitalité dans la formation de substantifs, avec un second élément qui est le plus souvent un infinitif ou un participe substantivé, exceptionnellement un substantif ou un infinitif (plusieurs composés sont traités à l'autre élément : voir la liste finale).
BIENVENIR v. tr., formé de bien et de venir*, est d'abord employé à la voix passive dans être bien venu (v. 1170) avec le sens de « être bien accueilli », encore vivant dans un usage assez littéraire. ◆  Ce verbe, dont on relève quelques emplois conjugués au XVIe s., est tombé en désuétude, puis a été repris au XIXe s., enregistré par Littré (1863) selon qui il est seulement usité dans la locution se faire bien-venir dans / de la société, de style littéraire (Mallarmé, Bloy, un peu plus tard, écrivent se faire bienvenir).
■  Son participe passé BIENVENU, UE est substantivé de bonne heure en parlant d'une personne bien accueillie et son féminin est substantivé un peu plus tard (→ venir).
BIENVEILLANT, ANTE adj., aussi bienvoillant, est composé (v. 1175) de bien et de voillant, veillant, participe présent ancien de vouloir*, d'après le latin classique bene volens, « qui veut du bien, favorable », substantivé pour désigner un ami dévoué. ◆  Le mot a fonctionné comme substantif en ancien français mais ne s'est maintenu que comme adjectif (1267-1268), opposé à malveillant Le féminin, les Bienveillantes, sert de titre à un livre célèbre (2006) par allusion aux Érinyes.
■  BIENVEILLANCE n. f., d'abord bienvoillance (v. 1175), en a été dérivé sur le modèle du latin benevolentia, « disposition favorable envers qqn ». Il a éliminé le type savant emprunté benevolence, benivolence, en usage du XIIe au XVIe siècle. ◆  L'usage courant du nom tend à faire passer la vertu morale au second plan derrière la disposition favorable dans les relations de personne à personne, en particulier de supérieur à inférieur (1680).
■  Tiré de bienveillant, l'adverbe BIENVEILLAMMENT, proposé en 1845 par Richard de Radonvilliers, est attesté dans les textes à partir de 1866.
BIENFACTURE n. f., de bien et facture d'après bienfait (→ faire), est un composé formé en Suisse romande (1777) pour « exécution soignée, facture excellente (d'un ouvrage) ».
BIEN-PARLER n. m., de bien et parler* (1557), s'emploie comme bien-dire, à propos de l'expression élégante et juste. Il s'est maintenu à la différence de l'adjectif bien parlant, ante (v. 1175), bienparlant (1554) qui qualifiait une personne éloquente.
■  BIEN-AISE n. m. et adj., de bien et aise*, est attesté une première fois en 1604 et de nouveau en 1740, mais reste rare juqu'au XIXe siècle. Qualifié de « familier » par l'Académie en 1842, il est au XXe s. de style soutenu ou littéraire pour désigner la satisfaction physique ou morale, quelquefois en emploi adjectivé. ◆  BIENAISETÉ n. f., mot régional que l'on rencontre chez G. Sand (1853), ne l'a pas supplanté.
■  BIEN-PENSANT, ANTE adj. et n., de bien et pensant, participe présent de penser* (1798), d'abord « qui a la pensée juste », s'est chargé au XIXe s. de la valeur péjorative de « conformiste, conventionnel dans sa pensée » avec l'idée de bonne conscience.
■  BIEN-ALLER n. m. inv. (1859), de bien et aller*, est un terme de vénerie désignant l'air de trompe annonçant que la chasse se passe bien. ◆  Le moyen français avait formé, avec le participe passé allé, le substantif bien allée qui signifiait « repas d'adieu », « départ », « frais de voyage ».
■  BIEN-FONDÉ n. m., de bien et du participe passé de fonder* (1886), désigne la conformité au droit d'une cause, d'une prétention et, par extension, le caractère de ce qui a un fondement légitime.
■  BIEN-MANGER n. m., de bien et manger*, atteste par sa datation tardive (1933) la vitalité relative de la forme bien dans l'usage littéraire.
❏ voir BÉNIN, BIENTÔT, COMBIEN, DIRE (BIEN-DISANT), 1 ÊTRE (BIEN-ÊTRE), FAIRE (BIENFAIT), FOND (BIEN-FONDS), HEUR (BIENHEUREUX), SEOIR (BIENSÉANT). Avec l'élément latin bene- : BÉNÉDICITÉ, BÉNÉDICTIN, BÉNÉDICTION, BÉNÉFICE, BÉNÉVOLE.
BIENNAL, ALE, AUX adj. et n. f. est emprunté (1550) au bas latin juridique biennalis, « de deux ans », de bi- « deux fois » (→ bi-) et annalis « relatif à l'année » (→ annale).
❏  Le mot, qui qualifie ce qui se renouvelle tous les deux ans, vaut pour deux ans, n'apparaît dans les dictionnaires qu'en 1762. ◆  Il est substantivé au féminin (une biennale) pour désigner une manifestation artistique, culturelle ayant lieu tous les deux ans (1936, à propos de la première biennale de Venise qui eut lieu en 1934).
BIENTÔT adv. résulte de la soudure (1636) de l'ancien syntagme adverbial bien tost (v. 1380), composé de bien* et de tôt*. Un texte du XVe s. atteste isolément bientoust.
❏  Bien tost, bientôt a renchéri sur le sens ancien de tôt, « promptement », suggérant une extrême rapidité dans l'accomplissement d'une action, et ce sans valeur de futur. Ce sens s'est maintenu dans l'usage soutenu et littéraire, par exemple dans avoir bientôt fait de, mais il a reculé dans l'usage courant au profit d'une autre valeur, « dans un proche avenir à partir du moment présent » (1538), accompagnant le plus souvent un verbe au futur, au conditionnel, plus rarement au passé (1643, Corneille). Avec cette valeur, il est entré dans les syntagmes adverbiaux bientôt après, attesté dès le XIVe s. sous la forme dissociée bien tost apres, mais qui n'est enregistré par les dictionnaires qu'en 1835 sous sa forme moderne. Plus familièrement et par redondance, on emploie très bientôt. ◆  À bientôt (1835), salutation exprimant que l'on reverra ou que l'on désire revoir sous peu la personne dont on s'éloigne, est devenu une formule de politesse usuelle.
❏ voir AUSSITÔT, PLUTÔT, SITÔT, TANTÔT ; TOAST.
G 1 BIÈRE n. f. est issu (XIe s.) du francique °bëra « civière » (allemand Bahre de même sens), déverbal de beran « porter », verbe qui appartient à une racine germanique °ber-, rattachée à la racine indoeuropéenne °bher- représentée par le sanskrit bhárati, le grec pherein (→ -phore), le latin ferre (→ -fère). L'italien bara vient du longobard bâra qui correspond, avec une autre voyelle, au francique.
❏  L'évolution sémantique de ce mot reflète l'histoire sociale du mode d'ensevelissement des cadavres au moyen âge ; du Ve au VIIIe s., la coutume était en Europe occidentale et centrale d'enterrer les morts à même le sol, quelquefois sur une planche, très rarement dans un réceptacle. Originellement, bière désigne la civière sur laquelle on portait les malades, les blessés et spécialement les morts, et que l'on abandonnait fréquemment comme couche avec ces derniers. Quand l'usage du cercueil, d'abord réservé aux grands (Cf. sarcophage) se répandit, bière commença par métonymie à désigner un cercueil de bois (fin XIIe s.). Avant le XVIe s., il abandonna à civière son sens étymologique de « brancard » tout en le conservant dans certains dialectes de l'Est. ◆  Le sens de « funérailles » est isolé en moyen français, mais également connu du rhéto-roman ; celui de « tombeau » (XVIe s.) disparaît au début du XVIIe siècle.
2 BIÈRE n. f. (1429), est un emprunt d'origine germanique qui a évincé cervoise, d'origine gauloise, au XVe siècle. Le mot nouveau correspondait à une technique nouvelle, la bière avec houblon. Il est malaisé de déterminer si l'emprunt a été fait au moyen haut allemand bier ou au moyen néerlandais bier, les bières allemandes semblant alors fort connues et la brasserie ainsi que les cultures de houblon étant développées en Flandre et dans les Pays-Bas ; quant au mot, l'influence néerlandaise paraît cependant prépondérante. Les mots moyen haut allemand et moyen néerlandais, auxquels répond le vieil anglais beor (anglais beer), remontent au latin monastique biber, « boisson », substantivation de biber, forme tronquée de l'infinitif bibere (→ boire).
❏  Le mot désigne une boisson alcoolisée fermentée faite avec de l'orge germée (malt) et aromatisée avec des fleurs de houblon. Le mot entre dans des syntagmes : bière blonde, brune, rousse, de mai, etc. ◆  Il se dit parfois de boissons analogues, telles la bière de mil (usuel en français d'Afrique), la bière d'épinette canadienne (traduisant l'anglais ginger beer). On distingue dans la restauration la bière en bouteille de la bière pression (au Québec, bière en fût). En français du Viêtnam, bière de riz se dit pour un alcool de riz (Cf. alcool de jarre). ◆  La locution figurée familière c'est (ce n'est pas) de la petite bière (1790) « c'est (ce n'est pas) une chose, une personne sans importance » se rattache à l'expression petite bière (XVIIe s.) qui, par opposition à forte bière, désigne une bière faible brassée avec le grain ayant déjà servi à faire la bière.