❏
Bio- est peu productif avant le
XIXe s. : il entre cependant dans
BIOGRAPHE n. (1693, Ménage), formé de
bio- et de l'élément
-graphe*, à rapprocher du latin
biographus, attesté au même sens, « auteur qui écrit la vie d'une personne », dans Du Cange.
■
Le substantif correspondant, BIOGRAPHIE n. f., attesté ultérieurement (1721), est directement emprunté au grec tardif biographia (v. 500), tout comme l'anglais biography.
◆
Le mot désigne le fait d'écrire une vie et le récit d'une vie, un ouvrage portant sur la vie d'une personne et le genre littéraire que constitue ce type de récit. Ce genre, qui existe depuis l'antiquité gréco-latine (Suétone, Plutarque), est illustré en France d'abord par les vies de saints et depuis la Renaissance, d'artistes, de savants, de personnages historiques. Dénommé en Angleterre vers la fin du XVIIe s. (Dryden, 1683, biography) et en français au XVIIIe s., le genre devient encyclopédique et universel au XIXe s. (1811, début de la Biographie universelle de L. G. Michaud) en même temps que l'intérêt se porte moins sur la rhétorique sociale et plus sur l'individu, avec le romantisme.
■
Il a pour dérivé usuel BIOGRAPHIQUE adj. (1800), qui a lui-même servi à former BIOGRAPHIQUEMENT adv. (1876).
■
BIOGRAPHIER v. tr. (1832), semble inusité.
◈
Le préfixé en
auto-*, AUTOBIOGRAPHIE n. f. (1836, L. Reybaud, mais antérieur) semble emprunté à l'anglais (1809, Southey) au sens actuel ; le mot a signifié aussi en français « biographie manuscrite », sens rapidement disparu. La valeur moderne, illustrée dès le
XVIIIe s. par les
Confessions de Rousseau, se développe avec le romantisme. De nos jours, le genre est commenté dans la mesure où il met en cause le rapport de l'énonciateur à son énoncé, du narrateur au récit.
■
AUTOBIOGRAPHIQUE adj. (1832) correspond aux connotations successives du mot.
◆
Voir aussi bibliographie (biobibliographie).
◈
Le sens et la fortune de l'élément
bio- sont liés au succès du mot
BIOLOGIE n. f. apparu en 1802 chez Lamarck en même temps que l'allemand
Biologie, mot forgé par le naturaliste allemand G. R. Treviranus dans
Biologie oder die Philosophie der lebenden Natur (« philosophie de la nature vivante »), à partir des éléments grecs
bio- et
-logos (→ -logie). Biologie répond au besoin de nommer l'étude générale des organismes vivants, après la constitution d'une botanique et d'une zoologie scientifiques ; on parlait auparavant de
physiologie générale ; le mot est en rapport avec l'importance prise par la notion d'organisation et d'organisme, avec le concept de cellule et de tissu vivants.
Biologie a d'abord été compris comme le nom de la science générale des êtres vivants, incluant celle des plantes, des animaux et de l'homme. Lorsque les diverses branches de ce domaine d'études ont eu des noms usuels,
biologie a désigné spécifiquement la science ayant pour objet l'étude générale des phénomènes vitaux et spécialement leur étude dans la cellule, dans l'individu et dans l'espèce (fin
XIXe s.).
◆
Le mot a évolué selon l'histoire du concept, passant de l'idée initiale de « science des êtres vivants », réalisée dans
biologie animale, végétale, à celle qui s'applique aux conditions générales de la vie, au niveau de la cellule
(biologie cellulaire) du dynamisme de la variation dans l'individu et dans l'espèce, vers la fin du
XIXe s., en relation avec
embryologie, puis
génétique, les modèles se rapprochant au milieu du
XXe s. des réalités physico-chimiques
(biologie moléculaire).
◈
L'adjectif dérivé
BIOLOGIQUE adj. (1832) a suivi l'évolution du concept de biologie, de même que
BIOLOGISTE n. (1832), qui a remplacé
BIOLOGUE n.
◆
L'adjectif a servi à former l'adverbe
BIOLOGIQUEMENT (1826).
■
BIOLOGISME n. m. (1936, Sartre) s'applique à une explication sociologique ou psychologique par la biologie, souvent opposée au culturalisme.
◆
Biologie entre comme second élément dans des composés désignant des branches de la biologie (agrobiologie, astrobiologie, radiobiologie, sociobiologie, etc.).
■
Par ailleurs, plus récemment, les emplois de biologique au sens de « naturel », « sans traitements chimiques », dans le contexte de l'agriculture, a donné naissance à un BIO, adj. et n. (apparu vers 1970), devenu très courant : produits bio, par extension magasin bio, adverbialement manger bio.
◆
Enfin, biologique s'est enrichi sémantiquement et détaché de biologie, avec des emplois comme mère, parents biologiques, ou, dans un tout autre contexte, armes, guerre biologique, utilisant des organismes vivants pathogènes. C'est à ces emplois que se rattachent des composés récents (voir ci-dessous).
◈
De nombreux composés préfixés dénomment des aspects particuliers des sciences de la vie.
◈
AÉROBIOLOGIE n. f. (1968) s'applique à l'étude des micro-organismes en suspension dans l'atmosphère terrestre (pollens, spores, acariens...). De là
AÉROBIOLOGIQUE adj.
◆
EXOBIOLOGIE n. f. (v. 1960) désigne l'étude scientique des possibilités de vie dans l'univers, en dehors de la Terre et de son atmosphère, notamment dans d'autres planètes.
◆
GÉOBIOLOGIE n. f. (1955) dénomme la science qui étudie les rapports entre l'histoire géologique de la Terre et l'évolution de la vie dans ce milieu. Le mot s'applique aussi à l'étude de l'influence des phénomènes terrestres (tellurisme, magnétisme, etc.) sur les êtres vivants. On a interprété le
feng shui chinois comme
géobiologique.
◈
Dans le premier tiers du
XIXe s.,
bio- sert à former des noms de sciences ou de domaines scientifiques liés à la biologie. Après
BIOMÉTRIE n. f. (1833) « étude de la durée de la vie », sens archaïque, et
BIOMÉTRIQUE adj. (id.), apparaissent des noms de disciplines.
■
BIOCHIMIE n. f. (1842) et BIOCHIMIQUE adj. (d'où BIOCHIMISTE n., 1920) correspondent à l'analyse du domaine trop extensif de la chimie.
■
BIODYNAMIQUE n. f. (1838-1842), « dynamique des formes vitales », est aujourd'hui terme d'histoire des sciences.
■
BIONOMIE n. f. et BIONOMIQUE adj. sont aussi enregistrés dans le Complément de l'Académie (1838-1842).
■
À la même époque, apparaît BIOSPHÈRE n. f. au sens disparu de « globule supposé à l'origine de tous les corps organisés », sens archaïque, le mot étant repris (1900) pour « portion du globe — croûte superficielle et couches basses de l'atmosphère — qui abrite la totalité des organismes vivants sur la Terre ».
■
BIOMAGNÉTISME n. m. est attesté dès 1858.
■
BIOCÉNOSE n. f. est un emprunt (1908) à l'allemand Biokönoze (K. A. Mœbius, 1877), du grec koinos « commun », mot correspondant au latin cum (→ co-), et se dit des populations d'êtres vivants dans une portion définie du milieu (biotope le concurrencera).
■
Après BIONOMIE n. f. (1842), « étude des rapports des êtres vivants avec leur milieu », et BIOGÈNE adj., d'abord employé en botanique (1842) puis (XXe s.) pour « qui engendre ou stimule la vie », sont attestés BIOGÉNIE n. f. (1866), vieilli, BIOGENÈSE n. f. (1899) « genèse, origine de la vie », d'où BIOGÉNÉTIQUE adj. (1899 ; 1898, dans un autre sens).
■
BIOGÉOGRAPHIE n. f. « géographie des phénomènes vivants » et BIOGÉOGRAPHIQUE adj. sont enregistrés dans les dictionnaires généraux en 1907.
■
BIOTHÉRAPIE n. f., formé avec thérapie*, « thérapeutique par des organismes vivants » (1909), a produit plus tard (v. 1950) BIOTHÉRAPIQUE adj.
■
Depuis le début du XXe s., de nombreux phénomènes physiques observés chez les êtres vivants sont dénommés grâce à l'élément bio- : BIOLUMINESCENCE n. f. (1905), BIOÉLECTRIQUE adj. (1925), BIOÉNERGÉTIQUE adj. (1911) semblent bien antérieurs aux substantifs correspondants comme BIOÉLECTRICITÉ n. f. (v. 1970).
■
BIOMÉCANIQUE n. f., qui existait déjà (1898) pour désigner ce que l'on appelle aujourd'hui biochimie et biophysique, est repris (mil. XXe s.) à propos de la science des effets extérieurs sur la cellule.
◆
BIOPHYSIQUE adj., emprunté à l'anglais biophysics (1892), est substantivé (la biophysique) au XXe s. (1938, Garnier et Delamare).
■
BIOTYPOLOGIE n. f. (1925) concerne l'homme, alors que BIOTYPE n. m. est un concept de biologie générale (Johannsen).
■
Les années 1950-1970 voient apparaître de nombreux composés désignant des disciplines nouvelles appliquant des connaissances scientifiques spécifiques au domaine du vivant : BIOACOUSTIQUE n. f., BIOASTRONAUTIQUE n. f. (1966), BIOCLIMATOLOGIE n. f. (1960) avec BIOCLIMAT n. m. et BIOCLIMATIQUE adj. (1966), à propos des éléments du climat qui influent sur la flore et la faune (d'une région), d'où BIOCLIMATOLOGIE n. f. ; BIOCYBERNÉTIQUE n. f. (1964), BIO-ÉLECTRONIQUE n. f. (1970), BIOMATHÉMATIQUE adj. et n. f. et BIOMATHÉMATICIEN, IENNE n. (v. 1970), BIOMÉDECINE n. f. (v. 1970) d'où BIOMÉDICAL, ALE, AUX adj., BIOMÉTÉOROLOGIE n. f., BIOPSYCHOLOGIE n. f., BIOPOLITIQUE n. f., BIOSPÉLÉOLOGIE n. f., BIOSYSTÉMATIQUE n. f. qui entrent dans les dictionnaires généraux entre 1964 et 1969 et concernent tous les applications de la science désignée par le second élément aux phénomènes vitaux ou aux êtres vivants.
■
Les composés désignent aussi des opérations, comme BIOCATALYSE n. f. (d'où BIOCATALYSEUR n. m.), BIOSYNTHÈSE n. f. (1950) ainsi que des substances : BIOSTIMULINE n. f. (v. 1965).
■
BIOCOMPATIBLE adj. (v. 1970) qualifie une substance tolérée par un organisme.
■
BIODÉGRADABLE adj. (1966), devenu courant dans le contexte de l'écologie, qualifie une matière que les micro-organismes peuvent détruire (de là BIODÉGRADATION n. f., 1966).
■
BIO-INDUSTRIE n. f. (av. 1979 in Robert) et BIOTECHNOLOGIE n. f. (1980) anglicisme probable substitué à BIOTECHNIQUE n. f. (d'abord « psychotechnique biologique », mil. XXe s.), et BIOTECHNOLOGIQUE adj. sont devenus relativement usuels. Ces valeurs nouvelles attachées à bio- ont suscité de nouveaux composés à partir des années 1980, par exemple autour des risques que présentent les biotechnologies : BIOSÉCURITÉ n. f., BIOVIGILANCE n. f.
◈
Longtemps après
biocénose (ci-dessus) apparaissent
BIOTOPE n. m. (1947) et
BIOMASSE n. f. (1966 in
T. L. F.).
◈
Parmi les anglicismes (très nombreux) certains se confondent avec des formes composées en français. C'est le cas de
BIORYTHME n. m., emprunté (1972) à
biorythm.
◈
BIOPSIE n. f. est formé (1879) de l'élément
bio-* et du grec
opsis « vue »
(→ optique).
◆
Ce mot de médecine désigne le prélèvement d'un fragment de tissu ou d'organe sur un être vivant pour analyse. Il est devenu relativement courant en tant que procédé d'examen (dépistage du cancer...).
■
Le dérivé BIOPSIQUE adj. (v. 1920) est plus didactique.
◈
Dans certains cas, l'élément
bio- ne vaut pas pour « vie », mais pour « biologie ». C'est le cas pour quelques-uns des composés signalés plus haut, et plus clairement, pour
BIO-ÉTHIQUE adj. et n. f. (1982), qui concerne les problèmes moraux liés à la recherche biologique, génétique et médicale, ou
BIOTECHNOLOGIE n. f. (1980) « ensemble de techniques de biologie appliquée ».
◈
De très nombreux composés sont apparus dans la seconde moitié du
XXe s., notamment :
◈
BIONIQUE n. f., mot-valise, de électro
nique (1958), est le nom d'une science interdisciplinaire s'inspirant des modèles observés chez les animaux pour l'échange de messages, en vue d'une application à l'électronique, par l'élaboration d'automatismes inspirés du monde vivant.
◆
BIOCIDE n. m. (1969 de
-cide, élément de composés) s'applique à tout produit, fongicide, herbicide, pesticide, etc. qui détruit des êtres vivants.
◆
BIODESIGN n. m., emprunté à l'anglais, de
bio- et
design (→ design), se dit (1987) d'un type de création de formes s'inspirant du vivant, notamment du corps humain, sans angles vifs.
◆
BIOCARBURANT n. m. (1977 ; de
carburant) s'applique aux carbutants d'origine végétale, comme l'éthanol, les esters de colza, de tournesol, le biodiesel...
◆
BIOGAZ n. m. désigne tout gaz combustible produit par la fermentation de déchets animaux ou végétaux.
◆
BIODIESEL n. m., de (carburant)
diesel, est le nom (années 1990) d'un biocarburant tiré de matières grasses organiques.
◆
BIODIVERSITÉ n. f. (v. 1985) désignant la diversité des espèces vivantes dans un milieu donné (y compris les micro-organismes) est devenu un mot courant, dans le contexte de la disparition de plus en plus rapide d'espèces vivantes avec l'exploitation humaine.
◆
BIOÉNERGIE n. f. (v. 1975) emprunt à l'anglais, de
energy, désigne une thérapie visant à libérer l'énergie vitale d'une personne. En français, le mot est très postérieur à
BIOÉNERGÉTIQUE adj., attesté dès 1911 avec une valeur plus large, pour qualifier tous les processus modifiant l'énergie dans les tissus vivants.
◆
BIO-INFORMATIQUE n. f. (1995) s'applique à l'informatique appliquée aux données quantitatives fournies par la biologie.
◆
BIOMATÉRIAU n. m. (1969) désigne les substances libérées par l'organisme et qu'on peut utiliser pour les prothèses.
◆
BIOMOLÉCULAIRE adj. (1986), emprunt à l'anglais
biomolecular, qualifie ce qui relève de la biologie moléculaire.
◆
BIOPUCE n. f., calque (années 1980) de l'anglais
biochip (1981), s'applique à un support garni de fragments d'ADN pour des analyses de mélanges complexes.
◆
BIORÉACTEUR n. m. (1982) s'applique à un dispositif où s'effectuent des réactions biochimiques.
◆
BIOSCIENCES n. f. pl. (1982) est le nom rarement employé, donné à l'ensemble des sciences de la vie (appliquées, par exemple, à l'étude globale de l'environnement).
◆
BIOSÉCURITÉ n. f. (1990) désigne la prévention des risques liés au développement des biotechnologies, comme le génie génétique, les cultures transgéniques
(voir OGM)... Cf. biovigilance.
◆
BIOTERRORISME n. m. (attesté 1998) s'applique à l'utilisation des armes biologiques (germes pathogènes, etc.) par le terrorisme.
◆
BIOVIGILANCE n. f. (1989) dénomme la surveillance sanitaire des organes, cellules et tissus vivants utilisés à des fins médicales (greffes, transplantations...). Un autre sens donné au mot est « surveillance des cultures de végétaux génétiquement modifiés (OGM, notamment) ».
◈
BIOTIQUE adj. est un emprunt (1845) au bas latin
bioticus, lui-même pris au grec
biôtikos « qui permet la vie », de
bioun « vivre ».
◆
Cet adjectif, synonyme disparu de
vital, a été repris (attesté 1966) pour qualifier des organismes vivants et ce qui permet la vie, alors opposé à
abiotique (→ antibiotique).
◆
PRÉBIOTIQUE adj. semble emprunté (vers 1970) à l'anglais
prebiotic (1958) pour « qui précède l'apparition de la vie sur la Terre », s'appliquant notamment à la chimie des molécules conduisant à la chimie organique. En physiologie, l'adjectif qualifie une substance qui résiste à la digestion et permet l'existence de la flore intestinale.
◆
PROBIOTIQUE adj. est un emprunt (1987) à l'anglais
probiotics (1965) à propos d'un aliment contenant des micro-organismes exerçant un effet bénéfique sur l'organisme qui les ingère.
◈
-BIE, élément suffixal formé d'après la finale de
amphibie* emprunté au grec, ne se trouve que dans
AÉROBIE adj. et n. m. (1875), d'où
ANAÉROBIE adj. et n. m. (1863), employés à propos d'organismes vivants qui se développent dans l'air ou dans un milieu privé d'air ; on en a tiré
ANAÉROBIOSE n. f. (v. 1890) et
ANAÉROBIQUE adj. (
XXe s.). Les dates d'attestation laissent à penser que
anaérobie a été formé (sur
an- [
a- privatif],
aéro- et
-bie) avant
aérobie.
■
NÉCROBIE n. f. (1867), d'où NÉCROBIOTIQUE adj. (1867), est archaïque.