G 2 BISE n. f. (v. 1130) est d'origine germanique : certains dialectes gallo-romans (wallon, lorrain, franco-provençal) de même que plusieurs formes du nord de l'Italie supposent clairement un prototype °bisia, qui a fait supposer une base commune, le germanique °bîsjō « vent du nord-est », à rapprocher de l'ancien saxon bīsa, de l'ancien haut allemand bǐsa et du moyen haut allemand bīse (allemand Bise). Cette hypothèse paraît préférable à celle d'un emprunt direct au francique °bîsa ; en effet un latin médiéval biza « bise » est attesté dès 768 par Aetius Ister.
❏  Le mot désigne un vent froid qui souffle du nord ou du nord-est. La langue poétique classique l'a employé par métonymie pour « hiver » (Cf. autan). L'expression régionale bise noire s'applique au vent du nord apportant la neige. Dans le centre de la France aussi, le mot désigne la direction du vent, le nord (à bise, en bise). Cependant, avec l'expression fendre la bise « aller très vite », le mot, très vivant régionalement, retrouve un usage familier ; de même pour à toute bise « à toute allure », fréquent dans le centre de la France.
❏  BISANT n. m., que l'on trouve en 1925 chez Pourrat à propos d'un vent froid soufflant du nord, est probablement un dérivé de bise, peut-être selon un procédé analogue à celui de l'argot brisant « vent », issu de brise*. ◆  Le bisant cité par Esnault dans Villon (Ballades de la coquille) pourrait être une forme de jargon pour biseau* au sens de « coin enfoncé dans le brodequin ».
? BISEAU n. m. (1451) est d'origine incertaine, probablement dérivé de biais* par l'intermédiaire d'une forme °biaiseau prononcée comme bieseau par suite du déplacement de l'accent, puis biseau. Une dérivation à partir de l'adverbe bis* « deux fois » est inexplicable du point de vue morphologique, la forme attendue en roman étant bes ; cependant, selon P. Guiraud, les arguments sémantiques sont si forts en sa faveur que l'on devrait admettre l'existence d'un gallo-roman bis, résultant soit d'un °bīs, doublet expressif de bĭs, par allongement de la voyelle, soit d'un gallo-roman °biseus « formé de deux parties », avec fermeture de l'-e- ; biseau lui-même remonterait alors à un diminutif °bisellus.
❏  Le mot, d'abord attesté en orfèvrerie à propos d'un chaton taillé en biais servant à enchâsser l'émail d'un bijou, se dit de tout bord taillé obliquement (XVIe s.), notamment dans la locution adverbiale en biseau « en angle aigu ». ◆  Ses emplois techniques en imprimerie et en menuiserie (Furetière en 1690) correspondent à des spécialisations du sens général usuel.
❏  BISEAUTER v. tr., d'abord écrit bizotter (1743), signifie « tailler en biseau » ; par analogie, il est employé par les tricheurs avec le sens de « marquer la tranche de certaines cartes à jouer d'un signe secret » (1846), d'où le sens figuré de « truquer », aujourd'hui vieilli.
■  Le verbe a pour dérivés BISEAUTÉ, ÉE adj., BISEAUTEUR, EUSE n. (1852), rare, et BISEAUTAGE n. m. (1863).
1 BISER → BAISER
2 BISER → BIS, BISE
BISINGUE → BIZINGUE
BISMUTH n. m., d'abord bismuot (1562) et bissemut (1597), bismuth depuis 1690, est emprunté, par le latin moderne, à l'allemand Wismut (1495 in Kluge), bas allemand wesemode (1497), nom d'un métal blanc jaunâtre, tendre et cassant, à structure lamellaire, connu et décrit par Paracelse en 1526 sous le nom de wiusmat. L'allemand a été latinisé en bisemutum vers 1530 par le minéralogiste allemand Agricola (1494-1555). Son étymologie est inconnue, l'hypothèse d'un emprunt à l'arabe iṯmid, « antimoine », manquant de fondement.
❏  Le mot a été emprunté en minéralogie pour désigner le métal décrit par le terme allemand. ◆  Par métonymie, il est employé en médecine pour nommer les sels de ce métal, utilisés notamment pour opacifier le tube digestif depuis la fin du XIXe s., et dans le traitement d'affections gastro-duodénales.
❏  La dérivation consiste en quelques termes d'usage didactique (chimie, médecine) : BISMUTHIQUE adj. (1838), BISMUTHINE n. f. (1845), BISMUTHÉ, ÉE adj., BISMUTHISME n. m. et plusieurs composés comme BISMUTHOMANIE n. f., BISMUTHOTHÉRAPIE n. f.
BISNESS → BUSINESS
BISON n. m. est emprunté (1307) au latin bison, -ontis, nom d'un bœuf sauvage, attesté depuis le Ier s. après J.-C., chez Sénèque et Pline. Ce mot, comme le grec bisôn, attesté chez Pausanias au IIe s. et auquel il a servi d'intermédiaire, est emprunté à un germanique °wisund, °wisand (type de masculin fort) dont proviennent l'ancien haut allemand wisunt, -ant, -int (allemand Wisent), le vieil anglais wesend (l'anglais bison est repris d'après le latin), l'ancien norrois visundr. Cet étymon °wisund repose sur °v̭is-onto, dont la racine se retrouve dans des noms de personnes (moyen haut allemand Wisent, Wirnt) et de lieux (Visontium, espagnol septentrional) ; le mot est apparenté au vieux prussien wis-sambrs « aurochs ». Il semble, selon Kluge, que l'animal soit nommé d'après la forte odeur musquée que sa crinière répand à l'époque du rut : la racine °vis- se retrouve selon lui dans le latin populaire °vissio, « puanteur », qui a donné le nom de la belette (→ vison), et dans le latin visire, « péter », dont une variante populaire a donné l'ancien français vessir (→ vesse). Du point de vue sémantique, le mot latin se réfère à un bœuf sauvage également nommé bonasus (bonasos en grec, chez Aristote) et urus chez César (→ aurochs), celui que le français appelle aujourd'hui aurochs.
❏  Bison désignait donc l'espèce de bœuf sauvage connue des Anciens et répandue en Europe, y compris en Grande-Bretagne, où bison, d'abord en latin au pluriel bisontes (1398), a ce sens. Cet animal ne survit à l'état naturel, en Europe, qu'en Pologne et dans le Caucase.
■  Ultérieurement, le mot s'est appliqué (1757) au bœuf à bosse répandu en Amérique et nommé en anglais buffalo, d'après ses ressemblances avec l'ancienne espèce européenne. Cet emploi est seul usuel en français moderne. ◆  D'après l'emploi du mot dans des surnoms donnés à des chefs amérindiens, un système français de détermination d'itinéraires, pour combattre la paralysie routière, a été dénommé Bison futé.
❏  1 BISONNE n. f. (1867), « femelle du bison », est peu répandu.
? BISQUE n. f., attesté depuis le début du XVIIe s., peut-être déjà chez Meslin de Saint-Gelais (mort en 1558), qui joue sur bisque et bisquer (selon le Dictionnaire de l'Académie des Gastronomes), est d'origine incertaine, peut-être à rapprocher du mot normand bisque « potage aigre », dont la dérivation du radical de Biscaye, nom d'une province espagnole, ne s'impose cependant pas. P. Guiraud suppose une origine méridionale et le rapproche du provençal bisco répertorié par Mistral sous deux entrées de son dictionnaire du provençal : bisco « potage » (selon lui de l'espagnol pizca « miette »), et bisco « biseau, petit morceau ». Selon Guiraud, il s'agirait du même mot, à rattacher au latin bis (→ 1 bis) par des dérivés exprimant la notion de divergence, de biais, avec le cheminement « morceau coupé, taillé en biais » d'où « potage garni d'éléments solides coupés » ; il appartiendrait au même groupe que biseau, bis, bise, bisquer, bizut, besigue, biche, bistre, bistouri et bistro, mots rassemblés par Guiraud sous la même racine.
❏  Le mot désigne d'abord un potage fait de « pigeons, poulets, beatilles (petits abats), jus de mouton, et autres bons ingrediens, qu'on ne sert que sur la table des Grands Seigneurs » (Furetière). ◆  Une variante connue dès le XVIIIe s., dite bisque de poisson, contenant des hachis de carpes, leurs œufs et des écrevisses, est à l'origine du potage moderne qui consiste en un coulis de crustacés (dans l'Académie en 1835).
? BISQUER v. intr., d'abord attesté dans une édition tardive du Virgile travesti de Scarron (1704-1706), et peut-être déjà dans un poème de Meslin de Saint-Gelais (Cf. ci-dessus bisque), est d'origine obscure. Une dérivation du provençal bisco « mauvaise humeur, fâcherie, impatience », lui-même emprunté à une forme dialectale italienne (Émilie) biscare, « s'emporter », est insuffisamment appuyée. P. Guiraud, revenant à une ancienne étymologie qui faisait de bisquer le dérivé du dialectal bisco « chèvre » — sans rapport avec bique —, fait remonter les deux mots à un roman °bisicare « aller de biais, de travers », dérivé de la base bis-. En s'appuyant sur le sens de « chagrin, méchant » du provençal biscaïn « de Biscaye », on a aussi émis l'hypothèse d'une dérivation de ce radical, ce qui donnerait crédit à l'hypothèse de Wartburg citant un texte selon lequel les Biscayens avaient au XVIIe s. une mauvaise réputation.
❏  Le mot, qui signifie « enrager, éprouver du dépit », a longtemps été considéré comme « point français » (1807), « mot trivial » et « barbarisme » (1821). Il est d'emploi familier et entre dans des formules de moquerie enfantine (bisque, bisque, rage !).
BISSAC → 1 SAC
? BISSAP n. m. désigne en français d'Afrique une plante, variété d'hibiscus, dont les feuilles et les sépales verts ou rouges sont consommés en légumes et utilisés en médecine traditionnelle. La plante est aussi appelée oseille de Guinée.
BISSE n. m. est la forme prise en français régional du Valais de bis ou biss, mot dialectal correspondant au français bief. On a des attestations écrites de biss dès 1529, bisse en 1812.
❏  Le mot désigne en français de Suisse (Valais) un canal d'irrigation, ainsi que le sentier qui longe un bisse. Levée de bisse : « ouverture des écluses d'alimentation d'un bisse, au printemps ». Garde-bisse : « gardien affecté à une ou plusieurs écluses d'une bisse ». Le mot est connu en Suisse romande, hors du Valais.
BISSEXTIL, ILE adj. est emprunté (1549) au bas latin bisextillis (IVe s.), dérivé de bissextus, substantivé pour désigner le jour intercalaire des années qui comptent un jour supplémentaire. Ce mot, qui signifie « deux fois sixième », est formé de bis « deux fois » (→ bi-, 1 bis) et de sextus « sixième », de sex (→ six), parce que le jour intercalé tous les quatre ans dans le calendrier julien, placé après le 24 février, était le sixième jour avant les calendes de mars et doublait ce jour. Bissextus lui-même était représenté en ancien français par bissexte n. m. (v. 1121) et bissêtre (1611), réfection de l'ancien français besistre « événement malencontreux », ce jour étant regardé comme néfaste.
❏  L'usage a réduit le mot à l'expression année bissextile (on relève, au masculin, ans bissestilz en 1549). Jour bissextil est exceptionnel.
BISTOUILLE → BISTRO
? BISTOURI n. m., d'abord bistorit (1464), bistorie au féminin (1468) jusqu'à la fin du XVIe s., puis bistouri au masculin (1680), est d'origine douteuse. Il est probablement emprunté d'une forme d'italien septentrional où le suffixe -ino se réduit à -i, et qui serait une variante de l'italien bistorino, bisturino. Ce dernier serait une altération par changement d'initiale mal expliquée de pistorinio, attesté plus tard (XVIIIe s.), « de Pistoie », du latin Pistorium, nom de cette ville et, par métonymie, « dague, poignard (fabriqué originellement à Pistoie) » (→ pistolet). A. Paré, qui emploie ce couteau comme instrument chirurgical, hésite d'ailleurs entre les deux formes pistolet et bistorie, certainement issues d'un même mot. ◆  P. Guiraud, interprétant le mot comme le nom d'un couteau courbe, y voit le dérivé d'un adjectif °biste « courbe », du radical latin bis (voir son hypothèse sur biseau) croisé avec une forme de participe passé qui pourrait être hourer « tailler » ou tourer « déchirer » (in Godefroy).
❏  Bistouri a désigné un poignard, avant de se spécialiser en chirurgie (v. 1560, Paré) à propos d'un instrument en forme de couteau servant à pratiquer les incisions.
❏  Les verbes dérivés BISTORIER (1546, Rabelais), BISTOURIER (av. 1848, Chateaubriand) et BISTOURISER (1941, Gide) sont à peu près inusités.
BISTOURNER → TOURNER
? BISTRE n. m. et adj., attesté depuis le début du XVIe s., est d'origine incertaine. On peut le rapprocher de bis « gris » (→ 2 bis), à condition qu'il existe des intermédiaires (P. Guiraud évoque un °biste) et d'expliquer la présence inattendue de l'-r-. Un rapprochement avec une série de mots germaniques comme l'ancien norrois bistr « en colère » (suédois, danois bister « en colère, rageur, féroce »), le néerlandais bijster « interdit, stupéfait », le bas allemand biestert « égaré » et « sombre, triste », fait difficulté quant au sens. Un rapprochement avec l'ancien français behistre, beïstre, variante de besistre (→ bissextile), s'appuie sur la réputation de jour néfaste du « jour bissextile de février » ; toutefois, cette hypothèse rend mal compte du sens moderne et manque de fondement historique.
❏  Le mot désigne une substance colorante d'un brun noirâtre, faite de suie détrempée mêlée de gomme. Il est adjectivé pour qualifier une couleur d'un brun noirâtre (v. 1570).
❏  BISTRÉ, ÉE adj. (1809) est synonyme de bistre adj. ; il se confond avec le participe passé du verbe BISTRER v. tr. (1835), « donner la couleur du bistre », dont dérivent BISTRURE n. f., « teinte bistre » (1871), et BISTRAGE n. m. (1890), termes rares relevés dans Goncourt.
? BISTRO ou BISTROT n. m., d'abord bistro (1884) puis également bistrot (1892), est d'origine discutée. L'hypothèse souvent invoquée d'une adaptation du russe bystro « vite » dans une anecdote selon laquelle les cosaques occupant Paris en 1814 prononçaient ce mot pour être servis rapidement au cabaret, doit être écartée pour des raisons chronologiques, en l'absence d'attestations du mot pendant près de trois quarts de siècle. On a supposé aussi un rattachement au poitevin bistraud, « petit domestique », qui aurait désigné l'aide du marchand de vin d'où, par métonymie, le cabaretier, sens premier en français. On a aussi évoqué un rattachement à bistingo « cabaret » (1845), « hôtel où couchent les bohémiens » (1848) et à bistringue, attesté ultérieurement au Canada au sens de « cabaret » et variante de bastringue*, tous mots d'origine obscure. P. Guiraud, partant du sens de « cabaret », propose une dérivation régressive de bistrouille, variante de BISTOUILLE n. f. (fin XIXe s.), mot familier désignant un mauvais alcool, une mauvaise boisson, et, en français de Belgique et du nord de la France, un café mêlé d'eau-de-vie (1901). Prononciation locale : bistoul'. L'origine de ce mot est incertaine, peut-être de bis-* et touiller* « mélanger deux ou plusieurs fois ». Selon Guiraud, le bistro (de même que le bistingue ou bistringue) est le lieu où l'on « bistrouille », c'est-à-dire où l'on fabrique et l'on boit un mauvais vin avec un mélange de produits chimiques. Enfin, une dérivation populaire de bistre, pour « lieu sombre, enfumé », peut aussi être évoquée, faute de mieux.
❏  Le premier sens attesté, « cabaretier », a vieilli au profit de celui de « café, généralement petit et modeste » (1901). ◆  Le mot est devenu ensuite symbolique du petit café à la française, s'appliquant souvent, surtout à partir des années 1980, à des restaurants de style simple mais pouvant être coûteux. ◆  Style bistrot, du mobilier, des objets imitant le style des bistrots parisiens du début du XXe s.
❏  BISTROTE n. f. (1914) désigne familièrement la femme qui tient un café.
■  BISTROQUET n. m. (1926) est un mot-valise résultant de bistro croisé avec troquet* ; il est peut-être antérieur si on estime qu'il est supposé par bistroqu' « cabaretier », mot employé par Bruant (1901) qui le donne comme « vieux de vingt ans ». Si cette remarque et la notation phonétique sont exactes, l'étymologie de la série devrait être reprise ; mais les documents font défaut.
BIT n. m. est emprunté (1959) à l'anglo-américain bit, terme d'informatique désignant le chiffre binaire et l'unité élémentaire d'information. Lui-même est un mot-valise combinant bi-, première syllabe de binary (→ binaire), et -t, dernière lettre de digit « chiffre » (→ digital).
❏  Le mot, qui a gardé le sens de l'étymon, appartient au vocabulaire de l'informatique.