?
BITE n. f., attesté depuis 1584, est d'origine incertaine. L'hypothèse d'un rattachement au terme de marine bitte* ne convient pas pour le sens : la bitte de marine, à cette époque, est en général faite de poutres courtes entrecroisées ; le pilier de fonte, d'allure phallique, est bien plus tardif : Littré ne mentionne en 1864 que l'assemblage de charpentes. Cependant, le sens de « poutre » a pu alimenter une métaphore, au moins dans les emplois anciens (fin XVIe s.).
◆
Bite peut aussi être une formation régressive à partir du verbe ancien français abiter « s'approcher, toucher à » (v. 1050), après croisement avec l'ancien français habiter (→ habiter) qui signifiait spécialement « avoir un commerce charnel avec (qqn) » (av. 1250). L'ancien français abiter est un terme normand dérivé de biter à « toucher à », attesté seulement en 1452, mais vraisemblablement antérieur, étant donné l'ancienneté de son dérivé abiter dans la même aire géographique. Biter lui-même semble emprunté à l'ancien norrois bíta « mordre », qui correspond au vieil anglais bitan (anglais to bite), à l'ancien saxon bitan (néerlandais bijten), à l'ancien haut allemand, au gotique beitan. Tous ces mots (→ 2 bitter) viennent d'un terme germanique commun, °bitan, rattaché à une racine indoeuropéenne représentée par le sanskrit bhidyáte « il est fendu » et le latin fid-, findere « fendre » (→ fendre, fissi-, fissure). Cette hypothèse suppose l'intermédiaire d'un verbe ancien biter non attesté.
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Le mot, dont on est sans attestation entre 1611 et 1881 (peut-être par un simple effet de tabou), est un nom très familier — considéré en général comme vulgaire — pour le membre viril ; on écrit aussi bitte : la reprise (1881) peut être causée par le changement de sens de bitte* (d'amarrage).
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Il est quelquefois pris au sens figuré de « difficulté imprévue, accident » (1936, Céline) ; Cf. couille.
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Il donne lieu à des locutions, comme avoir les yeux en trou de bite « petits, à peine fendus ».
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BITER v. tr. (1864) ou BITTER, dérivé de bite sur le modèle pine / piner, est un mot vulgaire pour « posséder charnellement ».
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Par extension, il a eu le même développement figuré que l'euphémisme baiser, exprimant l'idée de « duper, tromper, posséder » (1928 ; d'abord « punir », 1905). Dans l'argot scolaire, il a pris le sens de « comprendre », seulement en tournure négative (ne rien biter), donnant les adjectifs BIT(T)ABLE adj. « compréhensible » et (plus courant) IMBIT(T)ABLE adj. « incompréhensible », d'argot scolaire devenu familier.
BITOS n. m. (s prononcé) est peut-être apparenté à bite ou à bitte.
❏
Ce mot argotique, qui reprend (1926) avec la finale populaire -os la forme bitau (1896), signifie « chapeau ».
BITTE n. f., relevé en 1382 dans un texte de Rouen, est emprunté à l'ancien norrois biti « poutre transversale dans le toit d'une maison », auquel correspondent l'islandais moderne biti, le norvégien bite. Ce mot appartient à une base germanique °bit-, représentée en moyen haut allemand par bizze « piquet de bois », apparentée à la base °bait- que l'on trouve dans l'anglais boat (→ bateau).
❏
Le mot désigne en marine la pièce de bois sur laquelle s'enroulent les câbles d'amarrage d'un navire ; il s'est étendu (XIXe s.) à la borne servant sur le quai à amarrer les câbles, sens qui a pu déterminer la reprise de bite*. Le syntagme bitte d'amarrage est devenu usuel du fait de la gêne à employer le mot depuis que le mot érotique bite s'est répandu.
❏
1 BITURE n. f., dès sa première attestation dans la locution technique
prendre biture (1515-1529), abandonne la graphie étymologique
bitture (1771), très rare. C'est le nom de la partie d'une chaîne élongée sur le pont et qui file avec l'ancre lors du mouillage.
◆
L'expression populaire et vieillie
à toute biture « à toute vitesse », doit se rattacher à cette valeur du mot.
Cf. à toute blinde, à toute bise.
■
2 BITURE n. f., « excès de boisson, de nourriture » (1835, Esnault), mot familier, est peut-être une extension de sens née dans l'argot des marins par l'intermédiaire de syntagmes tels que prendre une biture « s'en donner tout son soûl », l'arrivée au port étant l'occasion de ripailles, beuveries, etc. Cf. bordée. Mais on y a vu une altération de boiture « boisson, débauche de boisson » (XVe s.), peu attesté, lui-même du moyen français boite de même sens (XVe s.), du latin bibita (de bibere ; → boire), ce qui pose un problème phonétique.
■
Le nom a fourni SE BITURER v. pron. « s'enivrer » (1834), et le mot d'argot scolaire, en Belgique, BITU, UE adj. « soûl ».
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BITTON n. m. (1552, Rabelais) désigne une petite bitte servant à amarrer les manœuvres sur un plateau.
■
1 BITTER v. tr. (1643) se réfère à l'opération consistant à fixer le câble de l'ancre sur la tête de la bitte. L'homonymie l'a rendu archaïque.
❏ voir
DÉBITER.
2 BITTER n. m. pourrait être emprunté oralement sous l'ancienne forme pitre attestée de 1721 à 1771 chez Trévoux, avant réfection graphique (1834), à l'allemand Bitter, « liqueur apéritive à base de genièvre et de substances amères », substantivation de l'adjectif bitter « amer ». Ce mot, qui a des correspondants dans les autres langues germaniques (anglais bitter, néerlandais bitter, gotique baitr), vient probablement d'une racine °bit- que l'on trouve dans le verbe °bîtan « mordre » (anglais to bite ; → bite) ; le développement sémantique mène de l'idée de « coupant », « mordant » à celle de « cruel, violent » et ultérieurement à celle d'« âpre, amer ». Sous sa forme actuelle, le mot français pourrait être repris au néerlandais bitter, également attesté comme substantif, cette liqueur étant aussi fabriquée au XIXe s. en Hollande.
❏
Le mot désigne une liqueur apéritive amère. Vieilli dans ce premier emploi, il a été à nouveau emprunté (XXe s.), cette fois à l'anglais bitter, pour une variété de bière blonde anglaise.
BITUME n. m. est emprunté (v. 1160, betumoi) au latin bitumen, -inis, « substance combustible liquide », mot d'origine incertaine ayant donné 1 béton. Plusieurs arguments penchent en faveur d'un emprunt au gaulois concernant le mot latinisé betulla (→ bouleau) : en Gaule, le bitume était tiré du bouleau et plusieurs noms celtiques sont apparentés, comme Bitumos, Bituno, Bitunus, Bituollus ; enfin on peut faire un rapprochement formel avec titumen « armoise » (mot gaulois dans Pseudo-Apulée). Le mot a d'abord eu la forme betumoi par adjonction du suffixe ancien français -oi indiquant une étendue, puis betume (1190) et, par l'intermédiaire du latin bitumen (XVIe s.), bitume (1575).
❏
Le mot désigne une substance minérale composée de divers hydrocarbures.
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Par métonymie, d'après l'utilisation de cette substance comme revêtement des chaussées, il désigne le sol lui-même, et spécialement le « trottoir », notamment comme lieu de racolage (1841).
❏
BITUMEUX, EUSE adj. (fin
XIIIe s.) qualifie ce qui contient du bitume, qui ressemble à du bitume ; il subit la concurrence du doublet savant
BITUMINEUX, EUSE adj., emprunté (1330) au latin
bituminosus, de
bitumen, et, dans une moindre mesure, de
BITUMINIFÈRE adj. (
XXe s.), formé scientifiquement avec l'élément
-fère*.
■
BITUMÉ, ÉE adj., dont la forme actuelle (1575) a corrigé la forme antérieure altérée et isolée batumé (1544) « enduit de bitume », est repris sous la forme du verbe BITUMER v. tr. (1840), qui remplace bituminer v. tr. (1611) emprunté au dérivé latin bituminare ; en dérive BITUMAGE n. m. (1866).
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BITUMINISER v. tr. (1835), du radical de bitumen, signifie « transformer en bitume » ; il a pour dérivé BITUMINISATION n. f. (1814) ; ces mots pourraient avoir été formés d'après l'anglais to bituminize (1751) et bituminization (1804).
BIVOUAC n. m., réfection (1690) de bivoie (1650), est emprunté à une langue germanique, probablement par l'intermédiaire des mercenaires combattant dans les armées françaises au XVIIe siècle. Ce mot pourrait être le moyen bas allemand biwacht « garde extraordinaire, service de garde auxiliaire », ou le suisse alémanique beiwacht « garde supplémentaire », qui aurait été employé à Aargau et à Zürich pour désigner une patrouille de citoyens assistant parfois les effectifs ordinaires de la vigile nocturne. Bloch et Wartburg optent plutôt pour un emprunt au néerlandais bijwacht (1651) « garde secondaire », par opposition à la garde principale (hoofdwacht). Dans chacune de ces langues, le premier élément (bi-, bei- ou bij-) est une préposition marquant la proximité (→ besogne), puis les moyens ou l'instrument (Cf. l'anglais by) ; il appartient à un type germanique °bi, probablement identique à la seconde syllabe du grec amphi (→ amphi-) et du latin ambi- (→ ambi-). Le second élément, wacht, désignant l'action de surveiller, de monter la garde, est dérivé d'un verbe qui appartient au type germanique °wakaejan, dont la racine °wak- représente un thème pré-germanique que l'on trouve également sous la forme °weg- dans les mots latins vegere « exciter ; être actif », vigere « être vigoureux » (→ vigoureux), vigil « éveillé » (→ vigilance). Ce thème vient peut-être de l'indoeuropéen °aweg- représenté dans le latin augere « croître » (→ augmenter), le gotique aukan « augmenter » et, avec une extension, le grec auxanein « accroître, augmenter ». En anglais, il se retrouve dans deux verbes : to wake « éveiller, être éveillé » et to watch « être en éveil », d'où « surveiller, regarder ».
❏
Le mot, taxé de « nouveau » par Furetière (1690), est un terme de guerre qui a désigné la garde nocturne d'un camp jusqu'au XVIIIe siècle. Le sens actuel de « campement provisoire pour un rassemblement de personnes en marche » est attesté depuis 1805.
◆
Il a donné par métonymie le sens de « lieu de campement » (1835) et par extension celui de « campement d'alpinistes » (1865) ou de « campeurs ».
❏
BIVOUAQUER v. intr. (1791), également bivaquer (1793), encore chez Huysmans (1906), d'après l'ancienne forme bivac (1755), signifie « s'installer en bivouac », pour des soldats et, par extension, des alpinistes (1886).
BIZARRE adj. est emprunté (1572 ; av. 1544, sous la forme bigarre) à l'italien bizzaro « coléreux » (1300-1313) puis « extravagant » (déb. XVIe s.), lui-même d'origine discutée : il ne peut être emprunté à l'espagnol bizarro, attesté plus tard (1526), qui est au contraire pris à l'italien et qui est à l'origine du sens de « brave » attesté en français au XVIe s. ; il n'est pas non plus emprunté au basque bizar « barbe », qui aurait désigné métonymiquement un homme énergique. En français, la forme du mot ne s'est pas fixée tout de suite : à côté de bigearre, bigarre, croisement avec bigarré* (Cf. bigearre « diversement coloré », chez Olivier de Serres, et bigarré « singulier », chez Brantôme), on relève bizarre et bizerre chez E. Tabourot des Accords, dans son livre Les Bigarrures (1572).
❏
Le mot est d'abord employé à la fois substantivement au féminin (une bizarre) avec le sens d'« extravagance, singularité » et adjectivement pour qualifier une personne ou une chose singulière, étrange (av. 1544), puis capricieuse, irrégulière. Les sens d'« irritable », par italianisme, et de « brave » par hispanisme ont disparu, comme le substantif, après le XVIe siècle.
◆
Le mot s'est répandu plus tard, aussi substantivé (le bizarre), donnant naissance à des locutions au XXe s. (comme le fameux vous avez dit bizarre ? du Drôle de drame de Carné-Prévert et qui a été souvent réemployé avec d'autres adjectifs et noms).
❏
BIZARRERIE n. f. « caractère de ce qui est bizarre » (1555) a évincé les doublets
bizarreté et
bizarderie (
XVIe s.).
■
BIZARREMENT adv., d'abord biserrement (1587), également bijarrement (XVIIe s.), signifie « capricieusement » puis aussi « étrangement ».
■
BIZARROÏDE adj. (d'abord bizarroïd, 1893 chez Alphonse Allais ; av. 1922, Proust), composé plaisamment de bizarre et du suffixe scientifique -oïde, a dû se répandre dans les milieux scientifiques (argot de écoles ?).
◈
La forme aberrante
BIZARDE adj. f., faite sur le modèle des adjectifs en
-ard/-arde, s'est employée en vénerie (probablement vers le
XVIIIe s.) pour qualifier une tête de cerf dont les bois sont mal formés.
BIZINGUE ou BISINGUE (DE) loc. adv. est l'abréviation de formes patoisantes, du type bizingois, bisengoin, que Sainéan rattache à brindezingue, ce qui est douteux.
◆
De bizingue, « de travers, de biais », est attesté en français de Suisse depuis 1820.
?
BIZUT ou BIZUTH n. m., attesté en 1843 dans l'argot de Saint-Cyr, est d'origine obscure, aucune des hypothèses avancées n'étant satisfaisante. Une création à partir de bisogne « recrue, soldat nouveau », mot emprunté à l'espagnol et employé du milieu du XVIe au début du XVIIe s., est invraisemblable. Un emprunt au patois de Genève bésu « niais » et bésule « élève nouveau » (Esnault) semble aussi évoqué pour les besoins de la cause.
❏
D'abord terme d'argot scolaire, le mot désigne un élève de première année d'une école : après Saint-Cyr, Centrale et Normale supérieure (1896), les écoles primaires supérieures (1917), l'École supérieure d'électricité (1939), etc. Par extension, il s'emploie dans un lycée à propos d'un élève nouveau-venu dans l'établissement (1921) et, plus généralement, pour un débutant, un novice (1961). Il équivaut à bleu.
❏
BIZUTER v. tr. « brimer » et BIZUTAGE n. m. « série de brimades infligées au bizuth » sont dérivés de bizut(h) (1949, dans les dictionnaires généraux) ; leur vitalité est assurée par la tradition lycéenne et les rites d'initiation dans les classes préparatoires, souvent dénoncés comme humiliants, voire sadiques.
BLABLA n. m. est une onomatopée, seulement attestée à l'écrit en 1945 (1947, pour blablabla), mais probablement antérieure à l'oral. Elle évoque le mouvement continu des lèvres qui bavardent, se rapprochant du radical bab- de babine* ; un rapport avec blaguer*, « tenir des propos ridicules, en l'air », n'est pas exclu. L'anglais blah est antérieur.
❏
Le mot s'emploie familièrement à propos de paroles creuses destinées à masquer le vide de la pensée et à faire impression sur l'auditeur. On l'écrit aussi bla-bla.
❏
BLABLATER v. intr. « bavarder » est apparu dans le langage étudiant.
BLACK n. et adj. est un emprunt à l'anglais black « noir ».
❏
Le mot s'est rapidement répandu en français, à partir des années 1980, parce qu'il répondait à la difficulté d'emploi que présentent les termes usuels, noir, métis, etc. et au désir d'éviter le mot nègre*, pour les locuteurs blancs. Adjectivement, dans un exemple de presse, en 1989, « des ados blacks, blancs, beurs ».
❏
D'autres emplois du mot anglais sont passés en français, par exemple, travailler au black « au noir ».
❏
Outre blackbouler et black-out, plus anciens, quelques composés sont passés en français, BLACK BASS n. m., de bass « perche », désignant un poisson d'Amérique du Nord (achigan en français du Canada) ; BLACK BOTTOM n. m., de bottom « derrière », désignant une danse nord-américaine sur un rythme de fox-trot, à la mode entre 1925 et 1935 ; BLACK JACK n. m. nom d'un jeu de cartes où l'on mise de l'argent.
BLACKBOULER v. tr., attesté indirectement en 1834 par le substantif black-bull, puis en 1837, est emprunté à l'anglais to blackball (1770) « voter contre l'admission d'une personne dans un club, un cercle, en plaçant une boule noire au lieu d'une boule blanche dans l'urne ». Le verbe est dérivé de blackball, « boule de couleur noire » avec laquelle on manifestait son opposition, mot attesté seulement en 1869. Lui-même est composé de l'adjectif black, « noir » (v. 890), mot germanique d'origine inconnue, et de ball (→ balle). Après quelques hésitations orthographiques au moment de l'emprunt (Balzac écrit blackboller, 1836), le mot a été à moitié francisé par le remplacement de ball par boule : le mot actuel se trouve partiellement motivé en français par le verbe bouler (envoyer bouler qqn « le repousser »).
❏
Le verbe a signifé « mettre (qqn) en minorité dans un vote » puis est passé dans l'usage familier au sens de « refuser (un candidat) à un examen, coller » et par extension « évincer, repousser rudement ».
❏
BLACKBOULÉ, ÉE, le participe passé de
blackbouler, est employé adjectivement et substantivement (1860).
■
BLACKBOULAGE n. m. (1866), substantif d'action, est peu usité.
❏ voir
BLACK-OUT.
BLACK-OUT n. m. est emprunté (1941 chez Aragon ; doit apparaître en 1940) à l'anglais black-out (1935), terme de théâtre désignant l'action d'éteindre les feux de la rampe pour augmenter l'effet de scène. Le mot anglais s'est employé dès le début de la Seconde Guerre mondiale à propos de l'obscurité totale au-dehors en vue de dépister les raids aériens nocturnes. Il est composé de black « noir » (→ blackbouler) et de out « hors de, dehors » (→ outsider), employé figurément avec l'idée de « suppression ».
❏
Ce mot ne s'est pas vraiment répandu en France. Il s'emploie par allusion à Londres, pour désigner l'obscurité totale requise par la défense passive.
◆
Il a pris le sens figuré de « secret, silence gardé sur une affaire par une décision officielle » (1946), notamment en style journalistique.
BLAFARD, ARDE adj., d'abord blaffart (1342), blaffard (1549), est emprunté, avec assimilation de la première voyelle à la seconde, au moyen haut allemand bleichvar « pâle (couleur) ». Le premier élément est l'adjectif bleich (ancien haut allemand bleih, allemand bleich) « pâle », qui a des correspondants dans les autres langues germaniques : ancien norrois bleikr « brillant, blanc », ancien saxon blek, vieil anglais blac (anglais bleak). Ces mots répondent à des formes verbales qui appartiennent à une base germanique °blaik- « blanc », laquelle se rattache à la racine indoeuropéenne °bhel-, °bhleg- « briller », représentée en latin (→ flamme, foudre) et en grec (→ flegme, phlox). Le sens de l'adjectif allemand réalise une mutation de « blanc par excès de lumière » à « blanc par défaut, pâle ». Le second élément est l'adjectif var, de l'ancien haut allemand faro, dérivé d'une base germanique °farhwa- « coloré », qui contient -ṷo- comme plusieurs noms de couleur, blau (→ bleu), gelb « jaune » et grau « gris », de même qu'en latin fulvus « fauve », helvus « jaunâtre ».
❏
Le sens moral, « amolli, affaibli », a disparu dans la seconde moitié du XVIe siècle.
◆
Seul le sens concret de « pâle, de couleur atténuée » (1549) s'est implanté, donnant lieu à d'autres transpositions abstraites avec la valeur de « triste, morne », d'où la Blafarde, nom argotique de la mort (1881), sorti d'usage.
❏
BLAFARDEMENT adv. (1575) est peu usité.
BLAFF n. m. est pris au créole antillais, où il est peut-être une altération de l'anglais de la République dominicaine braff, lui-même de l'anglais broth. Le mot, en français des Caraïbes, désigne un ragoût de poisson au court bouillon, épicé.
BLAGUE n. f. (1826), d'abord blaque (1721), est emprunté au néerlandais blag « gaine, enveloppe », également « dépouille, peau (surtout d'un oiseau) ». Ce mot, attesté antérieurement en moyen néerlandais sous la forme balch, a des correspondants dans l'anglais belly « ventre » (vieil anglais baelz, puis baeliz), l'ancien haut allemand balg, l'ancien norrois belgr « peau, sac », le gotique balgs « gaine, poche ». Tous ces mots remontent à un germanique °balgi-z « sac », proprement « chose gonflée », formé sur belgan, au passé balg « être enflé, gonflé ». Ce verbe se rattache à une racine indoeuropéenne °bhel-, °bhl-, formation sans doute onomatopéique exprimant l'idée de « souffler » et de « gonfler », bien représentée en latin (→ enfler, flûte, fou, gonfler), dans les langues germaniques (→ 2 balle, 2 bol) et dans les langues celtiques (→ bogue, bouge, budget).
◆
La métathèse -al- > -la- dans le passage au français s'explique par la rareté en français non savant du groupe -lg-.
❏
Le mot a été repris avec le sens de « petit sac dans lequel les fumeurs mettent leur tabac », souvent
blague à tabac.
◆
Le sens de « jabot de pélican servant de sac » (1722) corrobore l'idée d'un emprunt au néerlandais plutôt qu'à un correspondant d'une autre langue germanique, car le mot a dû naître dans les milieux de la marine ; ce sens est sorti d'usage.
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Le développement de l'acception figurée de « menterie, vantardise, mensonge pour amuser les gens » (1809) est issu de la notion de « gonflé, boursouflé », la blague à tabac semblant gonflée d'air et faire illusion (Cf. bidon, pour une évolution comparable). Ce sens, dont les romans de Balzac montrent la diffusion dans le milieu des employés parisiens, s'est répandu dans toute la société. Il est réalisé dans les locutions courantes blague à part (1856), blague dans le coin (1861), plus populaire, et sans blague ! (1870, en emploi interjectif ; 1850, sans blague aucune « sérieusement »). Par extension, le mot sort du domaine verbal et se dit d'une action maladroite, d'une erreur commise par légèreté (mil. XXe s.).
❏
Tous les dérivés se rapportent au sens figuré.
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BLAGUER v. (1808) signifie « hâbler, dire des propos ridicules ou des mensonges », par extension « bavarder plaisamment, familièrement » (Balzac) et, avec un complément direct, « railler (qqn) sans méchanceté » (1845). En français des Antilles, « se vanter ».
■
En est dérivé BLAGUEUR, EUSE adj. et n. (1808), moins usuel au sens de « mauvais plaisant, hâbleur » qu'au sens neutre de « personne aimant dire des blagues » (1829), et, en français des Antilles, « vantard, prétentieux ».
◈
On note vers 1900 les composés rares pseudo-didactiques
BLAGOLOGIE n. f. (1898, Barrès) et
BLAGOMACHIE n. f. (1902, Barrès), « querelle reposant sur des blagues ».
BLAIREAU n. m., d'abord blarel (1312), blariau (1387-1391), est dérivé à l'aide du suffixe -eau d'un radical blar-, que l'on trouve dans l'ancien français bler, adjectif de couleur. Bler est attesté dans un texte du XIIIe s. où, avec bauçant, il qualifie la robe d'un cheval : bauçant est lui-même attesté dans une glose comme nom du blaireau ; blere était encore employé au XXe s. dans le patois de Boulogne pour qualifier une vache ayant une tache blanche sur la tête. Bler vient d'un gaulois °blaros qui aurait désigné le blaireau d'après la tache blanche que cet animal porte sur la tête, mot restitué par le gaélique d'Écosse blar « pâle » et le gallois blawr « gris pâle (en parlant d'un cheval) » ; ce mot a pu se fondre avec le francique °blari auquel correspond le néerlandais blaar qui qualifie une vache ayant le front taché de blanc. Blaireau a supplanté l'ancien français taisson (1247), mot dont le radical est à l'origine de tanière*.
❏
Le mot désigne un petit mammifère carnassier, bas sur pattes, de pelage clair sur le dos et foncé sur le ventre.
■
Par métonymie, il s'applique à un pinceau en poils de blaireau (1751), tel qu'on en utilise en peinture, pour épousseter des objets délicats et, couramment, à une brosse à savonner la barbe avant de se raser (à l'origine en poils de blaireau).
■
En argot, blaireau s'est dit pour « nez » (1834), sens disparu d'où vient blair (ci-dessous) ; nez de blaireau « long nez » est attesté dès le XVIIe s. (1646, Scarron).
■
Au figuré, le mot a désigné en argot militaire (1841, in Esnault) un conscrit, un bleu ; il a été repris dans les années 1970 pour « personnage naïf, insignifiant, ridicule ».
❏
BLAIREAUTER v. tr. (v. 1850), dérivé de
blaireau pris comme terme de peinture avec un
-t- de transition et la désinence
-er, signifie « peindre au blaireau, de manière à ce que n'apparaissent pas les coups de pinceau ».
■
Ses dérivés BLAIREAUTEUR, EUSE adj. (1883) et BLAIREAUTAGE n. m. (1904) sont peu usités.
◈
BLAIR n. m. (1872) est dérivé par apocope de
blaireau « nez », par référence au museau pointu du mammifère. Dans ce sens, le mot, également attesté sous la forme
blaire (1883), sortie d'usage, a vieilli par rapport à certains synonymes.
■
Il a produit BLAIRER v. tr. (1914), synonyme familier pour « sentir » et au figuré « supporter », surtout employé à la forme négative, ne pas blairer (qqn) correspondant à « détester ».
L
BLÂMER v. tr., d'abord blasmer (1050), est issu d'un latin populaire °blastemare « faire des reproches », altération du latin ecclésiastique blasphemare (→ blasphémer) par dissimilation de la seconde labiale plutôt que par croisement avec aestimare (→ estimer). L'existence de °blastemare est attestée par les formes romanes de même type et par une forme blastema pour blasphema, dans le latin des inscriptions de la Gaule. Le sens fort du latin ecclésiastique s'est affaibli en « réprouver publiquement » (613-658), régulièrement relevé en latin médiéval. L'italien biasimare est emprunté au français.
❏
Le sens de blâmer s'est fortement distingué de celui de son doublet savant blasphémer : le verbe a gardé le sens affaibli de « faire des reproches à (qqn) » (1050) ; en revanche, il a perdu avant le XVIIe s. le sens fort de « maudire, blasphémer » et celui de « proférer des menaces » (en emploi absolu). En droit, il a d'abord signifié « accuser » (1177), emploi sorti d'usage pour celui de « réprimander publiquement » (1690, Furetière).
❏
Le déverbal
BLÂME n. m. (v. 1080,
blasme) indique la désapprobation dans le domaine moral, intellectuel ou esthétique. Le mot a eu en droit le sens fort d'« accusation » (1177) qu'il a perdu, avant d'être repris d'après
blâmer pour « réprimande publique » (1732).
■
BLÂMABLE adj. (1267-1268, blasmable) qualifie une personne, un comportement méritant d'être désapprouvé.
G
BLANC, BLANCHE adj. et n. est issu (v. 950) d'un germanique °blank « brillant, clair », reconstruit d'après l'ancien haut allemand blanc « brillant, blanc », l'ancien norrois blakkr « pâle », le vieil anglais blanca substantivé pour « coursier, étalon (blanc) ». L'origine du mot germanique demeure obscure : on a évoqué une forme nasalisée du germanique °blîk-an, « briller », restitué par l'ancien saxon blikan, l'ancien norrois blíkja, blika, lui-même considéré comme une variante de la racine °blaik- « blanc » (→ blafard). Cette hypothèse permet de remonter à une racine indoeuropéenne, mais elle se heurte à l'absence de formes intermédiaires de type °blink, °blinch. Le mot germanique est passé directement dans les domaines gallo-romans (ancien provençal blanc, XIIe s.) et italien : latin médiéval blancus (v. 942), italien bianco (XIIIe s.) ; l'ancien catalan blanc (1176) est plus probablement issu du germanique qu'emprunté à l'ancien provençal. Ainsi, l'aire géographique du mot exclut l'hypothèse d'une origine francique. Il semble que l'adjectif, comme d'autres noms de couleur de même origine (Cf. brun, fauve, gris), ait été employé par les soldats germains pour qualifier la robe du cheval. Il a éliminé les deux adjectifs latins albus « d'un blanc mat » (→ albe, aube), et candidus « d'un blanc éclatant » (→ candide). L'anglais blank (v. 1325) est emprunté au français, de même que le portugais branco et l'espagnol blanco.
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Dès les premiers textes,
blanc s'applique objectivement à ce qui est d'une couleur combinant toutes les fréquences du spectre et produisant une impression visuelle de clarté neutre : il qualifie notamment les vêtements et, par métonymie, les personnes qui portent des vêtements blancs (1174,
frères blancs), diverses matières naturelles et produits fabriqués.
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Le sens étymologique de « brillant, luisant » (1080), usité en ancien français pour qualifier une arme, un métal, a pratiquement disparu sauf dans l'expression
armes blanches (attestée en 1690) qui englobait les armes défensives ni bronzées, ni dorées, ni gravées, avant de s'appliquer (1694) aux armes à lames par opposition aux armes à feu.
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Par extension, le sens se déplaçant vers une valeur privative ou négative,
blanc qualifie ce qui est incolore ou peu coloré, souvent dans des syntagmes qui s'opposent à d'autres formés avec
noir, rouge ou
gris ; c'est le cas de
vin blanc (v. 1172-1175), « vin clair fait avec des grains de raisin sans leur peau », usuel et substantivé (ci-dessous),
raisin blanc (autrefois
vigne blanche en Bourgogne, 1207). On trouve aussi
viande blanche, opposé à
viande rouge, pain blanc, opposé à
pain noir.
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Employé comme qualificatif de la peau humaine, le mot signifie à la fois « pâle » (
XIVe s.,
être blanc de peur) et spécialement « peu pigmenté » (1545), de la
race blanche et substantivement « personne de race blanche » (ci-dessous).
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De bonne heure, l'adjectif se charge de la valeur symbolique de « non terni, pur » (v. 1180, en Flandres), dont procède, par un développement analogue à celui de candide, le sens moral d'« innocent » (v. 1456-1463, Villon ou, selon T. L. F., contestant l'interprétation du texte de Villon, XVIIe s.). Il réalise la valeur négative de « manque » dans un certain nombre d'emplois, surtout dans des locutions postérieures au XVIe siècle : vers blanc (1714) est un calque de l'anglais blank verse « vers non rimé », employé pour la première fois (av. 1547) à propos du pentamètre iambique, vers de la poésie épique et dramatique anglaise.
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Vent blanc (XVIIIe s.) s'est dit d'un vent qui n'est pas suivi de pluie.
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Voix blanche (1836) et chou blanc (1835) sont enregistrés dans les dictionnaires du XIXe siècle.
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L'expression blanc bleu s'est d'abord appliquée à un diamand très pur, à reflets bleus. Elle est passée en argot au sens de « loyal, sur qui on peut compter », appliquée aux personnes.
BLANC est substantivé au masculin comme nom de la couleur blanche (1080). Par métonymie, il désigne la partie blanche de qqch., seul (v. 1210) et dans des syntagmes comme
blanc de l'œil (v. 1256 au pluriel),
blanc d'œuf (v. 1265), qui s'oppose à
jaune, blanc de poulet (1534 ;
XIVe s.,
blanc de chapon).
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Le nom s'est appliqué à une étoffe, un vêtement blanc (v. 1230). Collectivement en commerce,
le blanc désigne le linge blanc (1866) et, par extension, le linge en général.
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Avec la même valeur privative que l'adjectif,
un blanc désigne la partie non écrite d'un texte (1307, « marge »).
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En blanc se dit d'un document où certains termes essentiels sont laissés en réserve (1657) et en typographie d'un espace non écrit (1751).
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Par extension, le mot s'applique aussi à l'interruption momentanée d'un texte sonore ou d'un document visuel.
Un blanc en est venu à signifier « absence, trou de mémoire » (attesté 1936). Cette acception, rare en français de France, est courante au Québec
(avoir un blanc de mémoire), avec influence de l'anglais
blank, et aussi en Suisse, en Belgique
(avoir un blanc).
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Il désigne aussi la partie centrale de la cible (1507-1508), développant par métonymie le sens de « cible » (1540) qui ne s'est pas maintenu, et entre dans la locution
de butte en blanc (1690), devenue
de but en blanc, usitée de nos jours avec le sens figuré de « brusquement ».
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Par une autre métonymie, il désigne aussi un pigment blanc (v. 1340,
blanc d'Espagne), sens donnant lieu à divers emplois techniques, spécialement en cosmétique.
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Du blanc s'emploie familièrement depuis le
XVIe s. (1553) pour « vin blanc », d'où
un coup de blanc, un petit blanc pour « verre de vin blanc », et l'expression
blanc de blancs (
XXe s.) à propos d'un vin blanc fait avec du raisin blanc.
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Par ellipse du substantif accompagnant l'adjectif blanc dans certains syntagmes, il désigne une personne de race blanche (1678-1679), les Blancs s'employant notamment pour les personnes d'origine européenne par opposition aux autochtones d'autres races, dans le contexte colonial, aux XIXe et XXe siècles.
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L'expression petit Blanc était usuelle à propos des Européens de condition modeste vivant en Afrique, pauvre Blanc se disant des Blancs les plus pauvres vivant en contact avec des Noirs (par exemple aux États-Unis). En milieu pluriethnique, blanc désigne une personne d'origine européenne ; à Maurice, un Mauricien d'origine française, grand Blanc s'appliquant aux familles les plus riches (Cf. béké, aux Antilles), et faire-blanc aux métis. En français d'Afrique, blanc peut s'appliquer aux Africains adoptant un mode de vie européen.
La locution adverbiale à blanc signifie proprement « jusqu'à devenir blanc » (XVIe s.) ; avec sa variante au blanc (XVIe s.), elle a plusieurs sens propres et figurés au XVIe s. avant de se restreindre à quelques emplois, dans chauffer à blanc (XVIe s.), jusqu'à ce que le métal chauffé, de rouge, devienne blanc, et dans saigner à blanc (1798, jusqu'au blanc), également employé au sens figuré de « soutirer à qqn tout son argent » (1863).
BLANCHE, féminin de blanc, est substantivé avec quelques sens particuliers, en notation musicale (1621), au billard pour une bille blanche, et familièrement, par abréviation de poudre blanche, pour désigner la cocaïne (1922) ; Cf. neige.
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En argot une blanche a désigné la pièce d'argent (de 1830 à 1920 ou 1930) et, au début du XXe siècle, l'argent (de la blanche).
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BLANCHOYER v. intr., réfection suffixale de
blancheier (1080) « avoir des teintes blanches, des reflets blancs », n'est usité que par intention stylistique, de même que ses dérivés
BLANCHOYANT, ANTE adj. (1925) et
BLANCHOIEMENT n. m. (1928), littéraires.
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BLANCHEUR n. f., d'abord
blanchiur (v. 1120), puis
blanchor (v. 1155) et
blancheur (
XIVe s.), désigne la couleur blanche.
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Une blancheur, dans la langue classique, désignait une marque blanche.
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Le mot est moins usuel que
candeur avec le sens figuré de « pureté » (1803).
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BLANCHIR v. (v. 1120) signifie au transitif « rendre blanc » et, intransitivement, « devenir blanc », spécialement en parlant des cheveux (1636).
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Les sens de « rendre brillant » (v. 1175) et, symétriquement, « briller, s'éclairer » (
XIIe s.) sont sortis d'usage avec l'acception correspondante de
blanc. En procèdent quelques emplois techniques relatifs à l'entretien de l'argenterie (1579), au nettoyage des métaux (1680).
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Le verbe réalise aussi l'idée de « rendre propre, laver (du linge) » (1288) d'où, par déplacement métonymique de l'objet, « nettoyer le linge de (qqn) » (1694), surtout au passif et au participe passé
(être logé, nourri et blanchi). Cf. ci-dessous blanchisseur, etc.
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Le sens figuré de « disculper » (v. 1360) et à la forme pronominale « se disculper » (1863) procède de la valeur morale de « purifier » et du sens concret de « nettoyer » que l'on retrouve dans l'usage récent de
blanchir de l'argent (acquis illégalement ou même criminellement).
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Plusieurs sens techniques s'ordonnent à l'idée de « rendre blanc » ou de « nettoyer » : « badigeonner de chaux » (v. 1272-1309), « rendre uni, polir, préparer (une surface) » (1548-1550), en cuisine « donner une première cuisson à » (1671), en sylviculture « détacher un morceau d'écorce pour marquer (un arbre à couper) » (1751), en imprimerie « ménager le plus possible de blancs, d'interlignes dans (un texte) » (1863).
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Le verbe a produit une série de dérivés.
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BLANCHISSEUR, EUSE n., après une attestation de blanquisseur (1399) de sens obscur, se dit de la personne qui blanchit le linge (1530), valeur devenue la plus usuelle, surtout au féminin (XVIIIe-XXe s.).
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Les autres sens, « ouvrier qui badigeonne les murs » (fin XVIe s.) et « ouvrier qui fait le blanchiment des toiles de lin » (1671) sont plus techniques.
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Le mot n'a pas conservé le sens figuré péjoratif de « hypocrite, médisant » qu'il avait au XVIe s., et a fourni un nom argotique pour l'avocat (1847), lui aussi sorti d'usage.
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BLANCHISSEMENT n. m. (1356) concernait à l'origine l'action de rendre les monnaies brillantes ; il exprime de nos jours le fait de rendre blanc et, symétriquement, de devenir blanc (v. 1570).
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On parle au figuré du blanchissement de l'argent (acquis illégalement).
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Autre substantif d'action, BLANCHISSAGE n. m. a lui aussi désigné en ancien français, sous la forme blanquissage, l'action de polir la monnaie. Il s'emploie depuis le XVIe s. pour l'action de blanchir les murailles (1538), le linge (v. 1560), les toiles (1607) et pour l'opération consistant à raffiner le sucre (1863). Le sens le plus usuel, soutenu par blanchisseur, euse, est celui qui concerne le lavage du linge.
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BLANCHIMENT n. m. (1600), qui correspond à l'ancien provençal blanquiment « enduit blanc » (v. 1350), est soit dérivé de blanchir d'après des mots comme sentiment, soit dérivé de l'ancien français blanchier (v. 1050) dont ne subsistent que deux attestations. L'hypothèse qui en faisait un emprunt à l'italien blanchimento est infirmée par les attestations plus anciennes en ancien provençal.
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Ce mot désigne l'action de recouvrir d'un enduit blanc, de blanchir des toiles, de la cire (1600) et le fait de « blanchir » des légumes (1600). Au cours du XVIIe s., blanchiment s'étend à d'autres opérations techniques comme l'action de nettoyer l'argenterie (1680), l'opération destinée à rendre le flanc des monnaies brillant (1690) et l'affinage de la fonte, en métallurgie (1690).
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On parle aussi de blanchiment de l'argent illégalement acquis.
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BLANCHISSERIE n. f. (1671) désigne le lieu où l'on fait le blanchiment des toiles, de la cire, du linge.
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Il s'est surtout répandu comme désignation tardive (attestée 1932) du lieu où l'on fait le blanchissage du linge, suscitée par blanchissage et blanchisseuse.
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REBLANCHIR v. tr., après une attestation isolée au XIVe s. pour « avoir des reflets blancs », a pris le sens transitif « enduire de blanc à nouveau » (1320). Il correspond aussi aux autres sens de blanchir. On en a dérivé REBLANCHISSEUR n. m. (XVIe s.), mot rare pour « celui qui remet à neuf ».
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Le diminutif formé sur le féminin de l'adjectif,
BLANCHET, ETTE adj. et n., anciennement employé pour une pièce d'argent (fin
XIe s.), a désigné en ancien français diverses choses de couleur blanche, une espèce de fard (
XIIe s.), un cheval blanc (fin
XIIe s.), une camisole blanche (v. 1290).
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Adjectivé avec le sens d'« assez blanc » (v. 1210), il est quelquefois employé comme synonyme affectif de
blanc.
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Le substantif masculin blanchet s'emploie dans quelques domaines techniques : il désigne une étamine de laine claire (1278), employée notamment en imprimerie (1680), en pharmacie pour filtrer sirops et autres liquides épais (1701).
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Blanchet ou blanchette se dit aussi de la mâche (1863) et a servi de nom courant à la maladie de la bouche aujourd'hui dite muguet (1863).
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BLANCHON n. m. désigne en français du Canada le petit du phoque (attesté en 1977), en raison de la couleur de sa fourrure.
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Quelques dérivés de
blanc apparaissent en moyen français et en français classique.
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BLANCHÂTRE adj., d'abord blanchastre (1372), a concurrencé puis supplanté l'ancien français blanchace (XIIIe-XIVe s.), « qui tire sur le blanc, d'un blanc imparfait ».
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BLANCHEMENT adv. (fin XIVe s.), « de manière blanche et brillante », n'est pas plus usité au concret qu'à l'abstrait, pour « proprement » (1690).
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BLANCHAILLE n. f. (1694) désigne le menu fretin utilisé comme appât, par allusion à sa couleur blanche ou, avec réactivation du sens étymologique, brillante.
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L'adjectif a aussi servi à former des composés.
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BLANC-MANGER n. m. (1275-1300) désigne, d'après sa couleur, un entremets à base de lait d'amandes et autrefois une gelée de blanc de volaille.
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BLANC-MANTEAU n. m., attesté au pluriel dans le nom de rue des Blans Mantiaus (1292), désigne un religieux de l'ordre des servites de la Vierge, par allusion à l'habit blanc de moines mendiants établis à Paris dans le quartier du Temple au XIIIe siècle.
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Au XVIe s. apparaît blanc-seing (→ seing).
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BLANC-ÉTOC ou -ESTOC n. m. (1730), terme de sylviculture synonyme du syntagme coupe blanche, est formé de estoc* et encore usité dans un langage technique. Il a supplanté blanc-être, terme dont un arrêt du 19 juillet 1723 fixait l'usage, la formation de ce dernier s'expliquant peut-être par l'idée de « jusqu'à ce que la forêt soit blanche, c'est-à-dire éclaircie » (Cf. coupe claire).
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Au XVIIIe s. apparaissent blanc-de-baleine (→ baleine) et blanc-bec (→ bec).
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BLANC-NEZ n. m. (Buffon, fin XVIIIe s.) était la dénomination d'un singe africain dont le nez porte une tache blanche.
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BLANCHECAILLE n. f., formation argotique très postérieure de blanche et caille* (1935), a désigné en argot une blanchisseuse.
❏ voir
BLANQUETTE, SEING (BLANC-SEING) ; également BLITZ.