?
1 BLOUSE n. f., attesté tardivement (1788), est d'origine obscure, probablement régionale. Le rattachement à blaude (1732), « vêtement, ouvert par-devant, de charretier ou de paysan », lui-même variante des formes dialectales blode (1546, Vaud), blaude (1582, Dijon), et probablement forme féminine de bliaud*, convient sémantiquement mais laisse inexpliqué le changement de -d- en -z-. Le nom latin de la ville de Péluse (Pelusium) qui a été mis en avant ne peut être à l'origine du mot, cette ville ayant changé de nom avant le moyen âge et ne comptant pas l'industrie textile au nombre de ses activités.
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P. Guiraud rend compte à la fois de 1 blouse et de 2 blouse* (terme de billard) en partant de la variante belouse qu'il retrouve dans beloce « prunelle » et en argot « testicule » ; le mot représenterait °bullosa « en forme de bulle », de bulla (→ bulle), ce qui est selon lui le cas du vêtement bouffant et de la poche de billard.
❏
Le mot désigne un vêtement de grosse toile en forme de chemise porté à l'origine par les paysans et les ouvriers. De là, par métonymie, la blouse désignait autrefois collectivement les ouvriers (1858-1866).
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Il se dit d'un vêtement de travail mis par dessus les autres pour les protéger et caractérisant surtout les professions médicales (blouses blanches), commerciales, plutôt que le prolétariat.
◆
Par extension, blouse est devenu un terme de mode désignant un corsage féminin, porté vague ou serré par une ceinture (1899).
❏
BLOUSIER n. m., signalé en 1852 dans le
Nouveau Glossaire genevois comme un « terme si connu (et qui) n'est dans aucun dictionnaire », désignait un ouvrier en blouse, spécialement un insurgé de la Commune (1870), s'employant argotiquement pour « voyou » (1862). Il est sorti d'usage.
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BLOUSÉ, ÉE adj. a qualifié (1871) la personne vêtue d'une blouse.
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BLOUSON n. m. (1897) désigne proprement une courte blouse, puis un vêtement de dessus, court, d'usage d'abord sportif. Il a donné la locution blouson noir (v. 1960), employée métonymiquement à propos de jeunes délinquants vêtus de blousons de cuir noir, et sur le modèle de laquelle on a formé blouson doré « jeune délinquant issu des milieux riches » (à la mode v. 1970).
◈
1 BLOUSER v. intr. (1898) s'emploie en parlant d'un vêtement qui bouffe comme le fait une blouse, d'où
BLOUSANT, ANTE adj. et n. m., terme de mode.
2 BLOUSE n. f., terme de jeux (1600), est d'origine incertaine : un emprunt du néerlandais bluts « bosse, enfonçure » fait difficulté, le néerlandais ne connaissant pas cet emploi au jeu. La variante belouse (Richelet, 1680) incite à un rapprochement avec le moyen français belouse (1585) employé dans un sens érotique. P. Guiraud identifie ce mot avec 1 blouse en les faisant remonter à un dérivé du latin bulla (→ bulle) désignant ce qui est en forme de bulle, en creux et en plein.
❏
Le mot a désigné au jeu de paume le creux destiné à recevoir les balles, puis le trou pratiqué aux quatre coins et au milieu d'un billard et où l'on pousse la bille (1680).
❏
2 BLOUSER v. tr., verbe d'abord pronominal sous l'ancienne forme se belouzer (1654), a signifié « mettre (la balle, la bille) dans une blouse ».
◆
L'usage moderne a seulement gardé le sens figuré de « se tromper » (1680) et, transitivement, « tromper » (1798), d'abord argotique, puis usuel.
BLUE-JEAN ou BLUE-JEANS n. m. ou n. m. pl. est emprunté (sous la forme blue jean, 1954) à l'anglo-américain blue-jeans (fin XIXe s. ; 1855 comme adjectif). Le mot est formé de blue (→ bleu, blues) et jeans « treillis, grosse toile » d'où, par métonymie, « vêtement fait avec ce tissu ». Jean(s), très ancien en anglais, représente la transcription altérée d'après la prononciation anglaise de l'ancien français Janne(s), correspondant au français moderne Gênes, ville et port d'Italie (→ gênoise) d'où l'on importait cette toile : le moyen anglais a Gene, Jene, Jeyne, Jayne, Jane, puis l'anglais Jeane (1495), Jeen (v. 1524). La forme avec -s, la plus courante aux États-Unis, n'est donc pas un pluriel, mais le reflet de la graphie française Jannes, Gênes. L'hésitation en français ne vient évidemment pas d'un choix possible entre l'anglais jean et l'américain jeans, mais du fait que le -s est senti comme marque du pluriel, d'où la tendance à employer blue-jean sans -s au singulier. En anglais, le nom commun est une ellipse pour Jene fustyan (1567), Gene fustian (1589) « futaine de Gênes », et se rencontre à partir de 1622 ; il se répand au XIXe s., adjectivement (1801) pour qualifier un vêtement coupé dans cette futaine, et, par métonymie, comme nom de certains effets de toile (1879 au pluriel, à propos du costume d'un cuisinier). C'est aux États-Unis qu'il est appliqué à des pantalons de toile bleue.
❏
Le mot désigne un pantalon de forte toile bleue porté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale par les jeunes gens des deux sexes, puis aussi par les enfants et les moins jeunes. Les essais de francisation du mot en bloudgine (1954), bloudjinnzes (1959, Queneau), blougines (Elle) marquent les hésitations phonétiques et n'ont guère eu de succès.
❏
La forme abrégée
JEAN n. m. ou
JEANS n. m. pl., d'abord adaptée en français du Canada (
jine, djine, 1785,
jean, 1809) a été réempruntée (1954 ; peut-être déjà 1947) à l'anglo-américain
jean, jeans. Par métonymie,
jean désigne le tissu (1973), réactivant un sens antérieur de l'étymon anglais.
◈
Un dérivé français
JEANNERIE n. f. (1975), utilisant le suffixe commercial
-erie, et prononcé à l'anglaise, désigne le magasin spécialisé dans la vente de jeans et de vêtements en jean.
BLUES n. m. est emprunté (1919) à l'anglo-américain blues (1912, dans le titre de morceau Memphis Blues), nom donné par les Noirs américains à une forme de musique caractérisée par sa structure harmonique et sa mélodie ainsi que par sa finalité sociale. Le mot est une spécialisation de sens de l'anglais blues (1741, Blews ; 1807, blues), « mélancolie », abréviation de blue devils, proprement « diables (devils) bleus (blue) » (1781), blue étant emprunté au français bleu*. Le blues était la musique des « idées noires », de l'attendrissement amer.
◆
L'expression blue devils a été à la mode en français au début du romantisme (1826), puis est sortie d'usage.
❏
Blues, repris avec le sens du mot américain, se dit couramment du blues lent (il ne s'emploie pas à propos du boogie-woogie, blues rapide) et surtout du blues chanté. Par réemprunt à l'anglais, il exprime familièrement l'idée de « mélancolie, humeur sombre » (1970 ; avoir le blues ; un coup de blues).
❏
BLUESMAN n. m. est un faux américanisme créé en français (1961) sur blues avec le suffixe -man (pluriel men) « homme » : l'anglais emploie blues singer.
❏ voir
BLUE-JEAN.
BLUETTE n. f., attesté au XVIe s. (v. 1530), également belluette (1550), est probablement le diminutif de l'ancien français °belue « étincelle », attesté indirectement par l'existence de l'ancien provençal beluga (XIIe s.), encore usuel dans les parlers méridionaux, et par des formes de l'Italie septentrionale. Celui-ci remonte à un latin populaire °biluca, issu par substitution de bi-, forme du latin bis (→ bis), à la partie initiale du latin médiéval famfaluca attesté dans des gloses du IXe s. au sens de « bagatelle » (→ berlue, franfreluche).
❏
Le mot désigne une petite étincelle, sens disparu en dehors des dialectes de l'Ouest.
◆
Par transposition figurée, il a pris le sens de « trait vif et léger » (1797, bluettes littéraires) dans sa spécialisation en littérature de « petit badinage très spirituel ». Il a vieilli.
❏
BLUETTER v. intr. (1801), « jeter des bluettes, de petites lueurs », n'est plus en usage.
BLUFF n. m. est emprunté (1840) à l'anglo-américain bluff « jeu de poker » (1838), « attitude destinée à impressionner l'adversaire au poker en lui faisant illusion » (1859). C'est le déverbal de to bluff, probablement emprunté au bas allemand bluffen, blüffen « effrayer par une attitude menaçante », ou au moyen néerlandais bluffen pour buffen (néerlandais boffen) « tricher aux cartes ».
❏
Le mot désigne l'attitude consistant à impressionner l'adversaire en lui faisant illusion. Dans les affaires et la politique, il se dit plus généralement d'une attitude qui fait croire à l'adversaire qu'on est déterminé, puissant, dangereux (1895). Par extension, il se confond parfois avec la notion d'« esbroufe ».
❏
BLUFFER v. (1884) est dérivé de
bluff pour correspondre au verbe anglo-américain
to bluff « faire illusion » (1839), également transitif et intransitif, spécialement au poker (1864).
◆
Le verbe signifie en français « pratiquer le bluff au poker » et, transitivement, « essayer de tromper l'adversaire » (1895). Par extension, il s'emploie dans d'autres contextes au sens général d'« essayer d'abuser » (
XXe s.), puis « impressionner ».
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Bluffer a donné BLUFFAGE n. m. (1893), rare, et BLUFFEUR, EUSE adj. et n. (1895), usuel. BLUFFANT, ANTE adj. (1978) s'emploie pour « impressionnant ».
BLUSH n. m. est un emprunt (1969) à l'anglais blush (v. 1340), « lueur », « apparence, aspect » (1375) puis « afflux de rougeur au visage » (1593), d'où « lueur rose » (1590) et « fard à joues ». C'est le déverbal de to blush (v. 1340), « rougir sous l'effet de la honte ou de la modestie » (v. 1450), par extension « rosir, rougir » (1679), présent en vieil anglais sous la forme blysćan, glosée rutilare en latin, soit « rutiler ». Ce verbe correspond au moyen bas allemand bloschen, bas allemand blüsken, et s'apparente au moyen néerlandais blozen, blözen (néerlandais blozen). L'histoire du mot reste cependant obscure en anglais.
❏
Le mot est passé dans l'usage publicitaire pour désigner un fard à joues sec.
?
BLUTER v. tr. est la contraction (v. 1350) de l'ancien français beluter (fin XIIe-déb. XIIIe s., encore répertorié en 1611), issu par métathèse du type antérieur buleter (1170) à côté duquel existe bureter (v. 1190, mais antérieur comme l'indique le substantif buretel employé dans les Gloses de Raschi, fin XIe s.). L'étymologie est controversée : Wartburg, faisant de buleter le type initial, y voit un emprunt, avec influence du suffixe -eter, au moyen haut allemand biuteln « tamiser », de biutel « appareil criblant des matières préalablement broyées, sac à cribler » (Cf. ancien haut allemand butil, allemand Beutel). Il rapproche le moyen néerlandais buydelen (néerlandais builen) et suppose que l'emprunt aurait concerné également l'outil utilisé par les Germains. Selon lui, la forme bureter est une déformation due à l'influence de bure*, par allusion à la matière dont été fait l'ancien bluteau.
◆
P. Guiraud préfère faire l'économie d'un étymon germanique : selon lui, la forme initiale serait bureter, parallèlement à l'italien burattare de même sens, auquel correspond buratto « étoffe de laine », et elle viendrait de bure* « étoffe de laine » par l'intermédiaire d'un diminutif buret. Toujours d'après Guiraud, la grande instabilité des formes (beluter, buleter, bluter, mais aussi beurter, breter, bariter, bartelar) répondrait au fait que le mot désigne une chose instable, confuse (en l'occurrence les mouvements du bluteau). L'anglais a emprunté l'ancien français sous la forme to bolt, to boult (v. 1200).
❏
Le verbe exprime l'action de faire passer une matière pulvérulente, en particulier la farine, par un tamis à étamine.
◆
Il a eu en moyen français les sens figurés d'« agiter », « examiner attentivement » (en locution se beluter le cerveau) ainsi qu'un sens érotique « coïter » (v. 1370).
❏
Les dérivés sont des termes techniques, qui exploitent la notion de « secouer ». BLUTAGE n. m. (1611), après d'autres formes comme belutaige (1546, « coït »), est assez usuel.
◆
BLUTEUR n. m. (1539 ; 1268, buleteres), BLUTOIR n. m. (1690 ; 1315, belutoir) sont réservés au discours spécialisé.
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BLUTERIE n. f. (1701 ; 1325, buleterie « blutoir ») « opération de tamisage » a vieilli.
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BLUTEAU n. m. (fin XIVe s., blucteau), après buretel (fin XIe s.), nom du lieu où l'on blute la farine et de l'appareil servant à bluter certaines matières, est sorti d'usage au profit de tamis.
BOA n. m. est emprunté (1372) au latin boa désignant un serpent (Pline), mot d'origine inconnue que Pline et saint Jérôme font dériver de bos (→ bœuf), et qui présente aussi une variante bova.
❏
Comme son étymon latin, le mot a dû s'appliquer à un grand serpent de l'Ancien Monde (peut-être le python) avant la découverte de l'Amérique et du reptile qui porte aujourd'hui le nom de
boa. En ce sens, il a été reformé par Linné, par l'intermédiaire du latin scientifique.
◆
Par analogie de forme,
boa désigne (1827) une longue fourrure que les femmes enroulaient autour de leur cou.
◆
Il a aussi désigné une sorte de vase à large panse pour le vin (1867) et une espèce de guirlande en papier.
■
La dénomination BOA CONSTRICTOR n. m., avec le latin constrictor « plus serré » (→ constriction), s'applique souvent au boa, qui étouffe sa proie dans les replis de son corps avant de l'avaler (1754). Linné la réserve strictement (1788) à la plus grande espèce de boa, originaire du Brésil.
BOAT PEOPLE n. m. pl. est l'emprunt (attesté en mai 1979 ; peut-être employé dès 1975) de l'expression anglaise boat people, littéralement « gens des bateaux », de boat (→ bateau) et people « peuple » (→ peuple). Celle-ci a été répandue par les médias en 1979 lorsque les Cambodgiens, d'abord attaqués par le Viêt-nam, puis menacés d'extermination par les Khmers rouges, abandonnèrent massivement leur pays à la recherche d'un accueil étranger : beaucoup furent attaqués en mer par des pirates, ou repoussés par leurs voisins sans que la situation pût être réglée par les instances internationales.
❏
Le mot se dit des Cambodgiens ayant massivement abandonné leur pays en 1979 pour chercher asile à l'étranger ; très vite, il s'applique à tout réfugié quittant son pays dans des conditions similaires (en août 1979, L'Express mentionnait « les premiers “boat people” de l'Iran »).
❏ voir
FERRY-BOAT, PAQUEBOT.
BOB n. m. est l'emploi comme nom commun (1950) de Bob, forme hypocoristique anglo-américaine de Robert désignant notamment les soldats de l'infanterie légère, probablement introduit en France lors de l'entrée en guerre des troupes alliées.
❏
Le mot désigne le petit bonnet des marins américains et, par analogie, une coiffe de toile souple à bords relevés portée surtout par les enfants (1950,
bob pour baby, dans le
Catalogue de la Belle Jardinière). Le mot a vieilli.
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Par réemprunt à l'anglais des États-Unis, le mot s'est employé pour « dollar » (1918).
BOBARD n. m., attesté v. 1900 selon Dauzat, en 1912 d'après Esnault, est probablement dérivé avec le suffixe -ard d'un radical onomatopéique bob- exprimant le mouvement des lèvres, la moue, la bêtise. Ce radical est bien attesté en ancien et en moyen français avec boban « vanité » (XIIe s.), bober « tromper » (XIIIe s.), bobert « présomptueux, sot » (XIIIe s.), bobeau « mensonge » (XVIe s.), mots qui ont survécu dans les dialectes (→ bobine, 2 bobèche, bombance, bonbonne).
❏
Le mot a désigné familièrement un propos niais, une action sotte, une bêtise, sens oubliés.
◆
Il s'applique de nos jours à un conte mensonger ou fantaisiste destiné à tromper, spécialement en temps de guerre, à une fausse nouvelle.
❏
BOBARDIER, IÈRE n. « propagateur de faux bruits, de fausses nouvelles » (1922) a vieilli.
1 BOBÈCHE n. f. est probablement une formation onomatopéique (1335) analogue à bobine*, évoquant une forme enflée et en saillie, mais avec une finale -èche d'origine obscure, peut-être sur le modèle de flammèche*.
❏
Le mot désigne le disque légèrement concave adapté aux chandeliers et destiné à recueillir la cire coulant des bougies.
◆
Le sens familier de « tête » (1878), sorti d'usage, est probablement dû à l'influence du dérivé bobéchon (ci-dessous).
❏
BOBÉCHON n. m., d'abord attesté avec son sens familier de « tête » (1866), s'explique peut-être par l'influence d'autres termes désignant la tête, comme cabochon*, bourrichon* et bobine*. Il s'est seulement maintenu avec le sens technique de « bobèche métallique munie d'une pointe de fixation ».
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2 BOBÈCHE n. m., attesté depuis 1795, est d'origine incertaine ; on peut le rapprocher pour le sens de l'ancien français bobert « présomptueux, insolent, orgueilleux » (v. 1220), bobu « sot » (v. 1360), issu du radical expressif bob- (→ bobard, bobine). C'est probablement de là que vient le surnom du pitre français célèbre sous l'Empire et la Restauration, Mardelard ou Mandelard (1790-apr. 1840) qui, avec son camarade Guérin dit Galimafré, fit la parade et joua au théâtre des Pigmées et aux Délassements Comiques. L'hypothèse selon laquelle le nom commun est issu du nom propre de cet acteur est infirmée par la chronologie.
❏
Le mot, si l'on en croit la chanson citée par Esnault, a d'abord été employé adjectivement au sens de « bouffon ». Substantivé en ce sens, il s'emploie uniquement aujourd'hui avec la valeur péjorative de « niais, imbécile » (1836).
❏
BOBÈCHERIE n. f. (1861, Goncourt), « boniments, paroles de bobèche », noté comme néologisme par Guérin (1892), ne s'est pas répandu.
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2 BOBINARD n. m., attesté en argot en 1900 pour « bordel », est d'origine incertaine. On évoque une dérivation à partir de Bobino, surnom du pitre Saix, rival de Bobèche au début du XIXe s., célèbre pour ses facéties grossières, à l'aide du suffixe péjoratif -ard. La postérité a conservé Bobino comme nom d'un théâtre de variétés sis rue de la Gaîté, d'après le nom de la baraque, puis du théâtre dans lequel se produisait Bobino (1835-1868).
❏
Le mot est l'un des noms argotiques puis familiers de la maison de tolérance, probablement, si l'on accepte l'étymologie proposée, par comparaison avec un cabaret de second ordre, bruyant et mal famé.
◆
Il désigne quelquefois une petite brasserie (1926) et, par la même métaphore que bordel, un lieu où règne le désordre (1953).
❏
Il est abrégé en BOB (1935) puis, par substitution de suffixe ou allusion au nom du théâtre, en BOBINO (1945).
BOBINE n. f., attesté depuis le début du XVe s. (1410), se rattache probablement au radical onomatopéique bob- (→ bobard, 1 bobèche, bobo, bombance), mais des dérivés anciens ont une forme en bab- mal expliquée. Le mot a évincé sur tout le territoire gallo-roman des représentants du mot germanique °spola (allemand Spule « bobine ») d'où viennent des termes techniques anciens comme espole, espolin, espolette, espouliner relatifs au travail du tissage avec de petites navettes en roseau.
❏
Le mot désigne un petit cylindre à rebords servant à maintenir enroulée et à dévider une matière souple.
◆
Les extensions sont fondées sur l'analogie de forme :
bobine désigne en électricité le cylindre creux sur lequel s'enroule un fil conducteur isolé qu'un courant électrique peut parcourir (1865) ; il se dit du tambour d'enroulement d'un câble, d'un rouleau de papier pour les impressions sur rotative, de l'élément central du moulinet de pêche à la ligne, du rouleau de pellicule (1895) ou de ruban de machine à écrire, puis d'une bande de magnétophone.
■
Par une analogie plus lointaine (section circulaire), c'est le nom familier de la tête, du visage humain (1829, en argot), surtout avec la valeur « figure risible, ridicule » (1846). Dans ce sens, l'identité de la finale avec celle de trombine a pu jouer.
❏
BOBINER v. tr., dénominatif de
bobine d'abord attesté sous la forme peu explicable
babiner (1352) jusqu'au
XVe s., signifie « enrouler (du fil) sur une bobine » ; il a développé différents sens techniques correspondant à ceux du nom.
■
En sont dérivés les mots techniques BOBINEUR, EUSE n. (1559, babineur), repris au XIXe s. en technique, quand sont formés BOBINAGE n. m. (1809) et BOBINOIR n. m. (1863), bobineuse n. f. désignant un appareil, une machine à bobiner.
■
L'ancien terme argotique 1 BOBINARD n. m. (1883) désignait un commis de mercerie.
◈
Par préfixation, ont été formés les verbes techniques
EMBOBINER v. tr. (1876) qui s'est substitué en partie à
bobiner, et
DÉBOBINER v. tr. (1886), puis au
XXe s., le composé itératif
REMBOBINER v. tr., surtout employé pour les bobines de film, de magnétophone, de même que
REMBOBINAGE n. m. (v. 1923).
◈
BOBINEAU n. m., attesté une première fois en 1567 dans un texte d'archives du Nord, puis à nouveau au
XIXe s., est un mot technique pour « petite bobine ».
◆
Par analogie de forme, il a été repris en argot ancien comme désignation de la montre (1827), altéré quelquefois en
bobino (1836) avec le suffixe populaire
-o, et ultérieurement en
bobinot (1900) par attraction du suffixe
-ot ; on rencontre également les formes apocopées
bob (1873) et
bobe (1873).
◆
Le mot a été repris en radio (mil.
XXe s.) pour « bobine de magnétophone ».
■
BOBINETTE n. f., diminutif de bobine, est attesté pour la première fois en 1696 dans le conte de Perrault Le Petit Chaperon rouge où il désigne la petite pièce de bois mobile maintenue par une cheville et servant à fermer les portes (...et la bobinette cherra).
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Il est repris au XIXe s. (1842) où, par analogie de forme, il désigne un jeu de hasard pratiqué avec trois dés (1881). D'après bobine, il s'est dit d'un visage, d'une physionomie risible (1852).
■
BOBINIER, IÈRE n. est un ancien terme technique (Encyclopédie, 1751) qui désigne la partie supérieure de l'ancien rouet à filet d'or. De nos jours, le mot s'emploie à propos de l'ouvrier électricien qui travaille au bobinage (1941), en concurrence avec bobineur (ci-dessus).
❏ voir
EMBOBELINER.
1 BOBO n. m. est un mot onomatopéique à radical bob- (→ bobard, bobine) redoublé (1440).
❏
Employé dans le langage enfantin en référence à une douleur physique, bobo a pris le sens figuré de « mal anodin, sans gravité » dans la langue familière, enregistré par Furetière (1690). L'usage familier lui donne le sens de « dégât, grabuge », seulement dans un contexte négatif (1866, en argot). Maman, bobo ! a été repris récemment pour évoquer ironiquement une demande de réconfort.
◆
En français québécois, le mot peut s'appliquer en général à tout ennui ou accident de santé.
2 BOBO n. est un emprunt (juin 2000) à l'anglo-américain bobo, créé par le journaliste new-yorkais David Brooks en 1999, à partir des lettres initiales de bourgeois (XVIIIe s. en anglais ; pris au français) et bohemian (→ bohémien).
❏
Le mot, adopté en français surtout à Paris, désigne un membre de la catégorie sociale des bourgeois urbains, jeunes, cultivés, qui sont attachés à des valeurs de bien-vivre et rejettent les conventions sociales de la bourgeoisie traditionnelle.
BOBSLEIGH n. m., d'abord écrit bob-sleigh (1898), est emprunté à l'anglais bobsleigh (1894), antérieurement bob-sled (1892 en anglais, 1839 en américain), nom d'un traîneau de course articulé à plusieurs places pour glisser à grande vitesse. Le mot est composé de to bob « se balancer, danser » (v. 1550, peut-être 1386), formation probablement onomatopéique, et de sledge, puis rarement sled, également sleigh « traîneau » (XIVe s., sled), dont les trois formes représentent trois emprunts distincts à des mots germaniques apparentés de la même famille que l'anglais to slide « glisser ».
❏
Le mot, repris en sports, désigne un traîneau de compétition et, par métonymie, le sport pratiqué avec ce traîneau sur des pistes spéciales, très rapides.
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La forme abrégée BOB (1902), reprise de l'anglo-américain (1887), est plus courante.
❏
De bob est dérivé BOBEUR n. m. (1951), « équipier d'un bobsleigh », qui a évincé la forme plus ancienne bobiste (1912).