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Le mot français est repris en marine, pour désigner l'extrémité supérieure de chaque côté du bordage d'un navire et, par métonymie, chaque côté du navire
(→ bâbord, tribord). De là plusieurs locutions comme
bord à bord (av. 1307), et, plus techniques,
être bord à quai (1773),
bord sous le vent et
bord de vent (1835).
Virer de bord, plus courant, est employé au figuré pour « changer complètement de direction » (au Québec,
se virer de bord, « se retourner »).
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Un autre emploi métonymique, avec le sens plus large de « navire », s'est montré le plus fécond en locutions :
à bord (v. 1500) a été repris à propos d'autres moyens de locomotion, véhicule, avion (
monter à bord, etc.). Le complément de détermination
de bord, du bord est employé spécialement dans les locutions
journal de bord, tableau de bord, avec les moyens du bord, dont l'usage dépasse le contexte maritime pour correspondre à « journal, en général », « tableau des mesures attestant le fonctionnement d'une voiture, d'un avion » et au figuré « ensemble de données nécessaires à la bonne marche d'une entreprise », et — pour la troisième expression — « avec les moyens disponibles ». En français québécois,
prendre le bord correspond à « s'enfuir, partir rapidement ». La locution figurée
être du même bord « partager les mêmes opinions, être d'accord » (
XVIIe s.) vient du sens de « côté », pris avec une valeur abstraite.
Par analogie, le mot se répand dès l'ancien français comme désignation d'une extrémité délimitant une surface (v. 1160). Ce sens inspire à son tour de nombreux emplois spéciaux ; « contour d'un puits, d'une fosse » (1174-1177). La locution être au bord est prise ensuite avec une valeur métaphorique et figurée (1670, au bord du précipice).
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Une autre acception, « bande de terrain longeant un cours d'eau » (av. 1307), donne lieu aux expressions bord de mer, bord de l'eau et au bord de la mer, un bord de mer.
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L'emploi du mot dans le domaine de l'habillement (1596) lui vaut de désigner la partie circulaire d'un chapeau (1680). C'est peut-être l'image des bords d'un chapeau par opposition au chapeau lui-même qui explique la locution familière sur les bords « un peu, plutôt ».
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Le dérivé
BORDER v. tr. (v. 1170) est employé en parlant d'une chose qui constitue le bord d'une autre chose et aussi d'une personne qui garnit une chose d'un bord (1271).
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Par extension, il signifie « placer (une chose) au bord d'une autre », en particulier dans les locutions
border un lit (
XIIIe s.) « assujettir les couvertures au bord du lit », et
border une voile (1690) « tendre les écoutes pour raidir une voile », en marine.
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BORDAGE n. m., tiré de border (1476), a perdu le sens concret « ce qui borde une chose » au profit de bordure.
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Il s'est spécialisé en marine d'après bord, pour « chaque planche employée pour border un navire » (1573) et collectivement « ensemble de ces planches », le terme technique étant bordé (ci-dessous). Comme substantif d'action de border (1838), il est rare.
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BORDURE n. f., d'abord bordëure (1240), désigne ce qui garnit le bord d'une chose, fréquemment à propos d'un vêtement (XIIIe s., d'une couverture) et spécialement en blason. Il est passé dans le langage d'autres spécialités : il se dit des lignes de végétaux annuels plantés le long des allées (XVIe s.), du rang de pavés qui retiennent chacun des deux côtés d'une chaussée (1701) et en marine, d'après border, pour le côté intérieur d'une voile (1773).
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Le mot a servi à former 1 BORDURER v. tr. (1801), surtout usité sous la forme du participe passé adjectivé borduré, et BORDURIER, IÈRE n. (1945), fait probablement d'après frontalier, ière à propos de celui qui vit à la limite entre deux régions (Cf. ci-dessous bordier). En français de Suisse, surtout au pluriel, le mot désigne une personne vivant en bordure d'une voie, d'une route (Ramuz l' emploie dans son Journal, 1896).
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2 BORDURER v. tr. est en argot un dérivé indirect de bord, et correspond à « renvoyer », Cf. virer (vers 1920). Borduré, ée s'est employé pour « interdit de séjour ».
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BORDEREAU n. m., réfection (1539) de
bourdrel (1493-1494), est probablement dérivé de
bord, soit parce que cette liste en forme de bande constituait le bord d'une feuille de papier, soit parce qu'à l'origine on fixait ce bordereau au bord d'une feuille d'un dossier.
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Le mot, qui désigne un relevé détaillé des divers articles ou pièces d'un compte, d'un dossier, est passé dans le langage de plusieurs spécialités (commerce, bourse, procédure).
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BORDÉE n. f., terme de marine (1546), désigne l'espace parcouru par un navire au plus près du vent, sans virer de bord, sens dont procède la locution figurée
courir, tirer une bordée « aller de cabaret en cabaret » (1833), d'abord employée à propos de marins, puis de militaires, de jeunes
(Cf. virée) avec l'idée secondaire, purement spatiale, d'« aller en zigzags, d'un bord à l'autre » ;
Cf. ci-dessous bordailler.
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L'ancien sens collectif de « pièces d'artillerie rangées sur chaque bord d'un vaisseau » (1690), disparu, a produit le sens métaphorique de « grande quantité, salve », surtout à propos d'injures (av. 1755). En français du Québec, une
bordée de neige correspond à « forte chute ».
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Toujours en marine,
bordée désigne la partie de l'équipage de service à bord (1704) et, par métonymie, les hommes composant cette équipe (1835).
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BORDAILLER v. intr., d'abord bordayer après une attestation isolée de la forme participiale bordoyant en 1484, a été repris au XVIIe s. sous la forme bordeyer (1654), bientôt altérée en bordayer (1683), elle-même modifiée en bordailler. Le verbe s'emploie en marine pour « louvoyer à petits bords » et a vieilli à partir du XIXe siècle.
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Le dérivé BORDAILLEUR n. m. (1873) s'est employé familièrement à propos d'un homme que l'ivresse fait tituber.
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BORDÉ n. m., substantif tiré (1689) du participe passé adjectivé de border, désigne en couture un galon bordant un tapis, un vêtement, et en termes de marine l'ensemble des bordages.
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BORDIER, IÈRE adj. et n. m. est d'abord attesté dans un dictionnaire de marine (1687) pour qualifier une mer située en bordure d'un océan et un navire qui incline de côté (parce qu'il a un bord plus fort que l'autre).
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Il est passé dans l'usage pour désigner, en Suisse (
un bordier, n. m.), un riverain dont la propriété est située en bordure d'une voie (1743).
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Comme adjectif, il qualifie ce qui sépare deux terrains limitrophes (1873,
fossé bordier).
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Dès l'ancien français, border a produit DÉBORDER v. tr. (XIIIe s.) « éloigner, retirer du bord » puis « ôter la bordure de » (1680) spécialement en marine.
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Le verbe, d'après bord, a pris dès le XIIIe s. le sens, en emploi intransitif puis aussi transitif (1636), de « se répandre par-dessus les bords », à propos d'un liquide. En procède le sens figuré de « dépasser ce qui est prévu, délimité » (1763), métaphore du fleuve outrepassant ses rives.
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Le substantif d'action DÉBORDEMENT n. m. (fin XVe s.) désigne l'action d'un liquide, d'un fleuve qui passe le bord et, par analogie, l'évacuation abondante et subite d'un liquide (1575, Paré), sens archaïque.
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Par transposition, il réalise au figuré le sens de « désordre, excès » (1538, le plus souvent au pluriel) et « manifestation à profusion (d'un sentiment) » (av. 1654, débordement de).
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Le déverbal DÉBORD n. m. (1556), éliminé par débordement au sens propre et figuré (1565), s'est maintenu avec la valeur métonymique de « bas-côté de la route » et dans quelques sens techniques (en chemins de fer, en couture, en numismatique).
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ABORDER v. tr. (fin
XIIIe s.) procède de
bord dans son sens de « bordage d'un navire » et signifie proprement « heurter (un navire) pour l'attaquer, y monter » d'où « heurter (un navire) accidentellement » (1676).
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Toujours dans un contexte maritime, mais avec bord au sens de « rivage », aborder à puis aborder (un lieu) signifie « arriver au port » (XIVe s.). Le sens figuré « accoster (qqn) » (1549) est précédé par la locution aborder ensemble « avoir un commerce charnel » (1424), disparue avant l'époque classique.
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Avec un complément désignant une abstraction (question, sujet, situation), le verbe exprime l'idée de « commencer à s'occuper de » (1798).
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ABORD n. m. (v. 1460), déverbal d'aborder, n'est pas apparu dans un contexte maritime mais au figuré, pour « introduction d'une personne auprès d'une autre », et aussi « arrivée » (XVIe s.). De nos jours, il s'emploie surtout dans quelques expressions mettant l'accent sur l'apparence, le comportement de la personne rencontrée.
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De ce type d'emplois viennent les locutions adverbiales à l'abord (XVIe s.), dès l'abord (1643), de prime abord, qui a remplacé de premier abord (1575). La liaison dans au premier abord a suscité le préfixé plaisant rabord dans au deuxième rabord.
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Une autre locution, d'abord (1607), est devenue la plus usuelle, passant du sens littéral, « dès le premier contact » à la valeur temporelle de « dès le début » (1655) puis « en premier lieu » et « essentiellement », également dans la variante intensive tout d'abord (1690).
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La valeur active, en marine « action d'aborder au rivage » (1556), ne s'est imposée que dans l'emploi extensif, pour « possibilité d'avoir accès quelque part » (XVIIe s.) dans un usage soutenu.
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Le sens métonymique de « lieu où l'on aborde » (1556) a lui aussi vieilli, mais le pluriel les abords (d'un lieu) signifie couramment « parages, environs d'un lieu » (XVIIIe s.).
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ABORDABLE adj. (1542), d'après les sens figurés d'aborder, qualifie une personne accueillante (1611) et, plus couramment, des prix, des biens auxquels la majorité peut avoir accès (fin XIXe s.).
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Son antonyme INABORDABLE adj. (1611) a symétriquement les sens de « peu accueillant, revêche » (v. 1679) et, s'agissant de choses, d'« exorbitant, hors de prix » (1790, inabordable pour quelqu'un ; employé absolument, 1803).
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ABORDAGE n. m. (1553) « fait d'arriver au port », s'est spécialisé à propos de l'action d'aborder un navire (1660), par une manœuvre intentionnelle d'attaque (d'où à l'abordage !) ou par une collision accidentelle (fin XVIIe s.).
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Son emploi figuré pour « fait d'aborder (une personne) » est senti comme une métaphore du sens précédent, dans un contexte de dispute ou de lutte amoureuse.
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ABORDEUR adj. et n. m. qualifie et désigne le navire responsable d'un abordage, par opposition au navire abordé (fin XVIIIe s.).
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REBORD n. m. (1642) est le déverbal de l'ancien verbe
reborder « border de nouveau » (1476), dérivé itératif de
border qui n'a pas réussi à s'implanter.
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Rebord désigne un bord replié, retourné ou en saillie (1653), le bord d'une chose qui a de la profondeur (1673). Il a reçu en serrurerie un sens technique (1869).
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Le participe passé de l'ancien verbe REBORDÉ, ÉE adj. se rencontre occasionnellement dans le style littéraire, qualifiant une chose au rebord prononcé (1869).
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TRANSBORDER v. tr. (1792) exprime l'action consistant à faire passer d'un bord de navire à un autre et, par extension d'un wagon, d'un camion à un autre.
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Le dérivé
TRANSBORDEMENT n. m. (1792) a les valeurs correspondantes.
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TRANSBORDEUR n. m. (1878) désignait un bac (allant d'un bord à l'autre), éliminé en français de France par ferry (boat).
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Le mot a été repris pour désigner un pont mobile sur un fleuve (1898), un bras de mer, etc. (d'où, en apposition, le célèbre pont transbordeur de Marseille, aujourd'hui disparu), et, en chemin de fer, le châssis servant à faire passer des wagons d'une voie à une autre (1904).
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Le sens maritime de
bord, en marine, est repris dans le composé
HORS-BORD n. m. (1930), « petit canot automobile dont le moteur, généralement amovible, est placé en dehors de la coque ». Ce mot est calqué de l'anglais
outboard, de même sens, littéralement « situé à l'extérieur du bateau » (1823), de
board « bord (au sens maritime) » et
out « dehors, hors de ». En français, l'emploi adjectival (
moteur hors-bord, 1966) est soit repris à l'anglais soit formé par apposition au nom.