BOUCHON n. m. est dérivé (1300-1350) de l'ancien français bousche « poignée de paille, faisceau de branchage » (→ boucher, v.) avec le suffixe -on. L'homonyme relevé fin XIIIe s. chez Rutebeuf, et qui a pu être donné pour la première attestation du mot, est en réalité une variante dialectale de buisson*.
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Le sens étymologique de « paquet de chanvre, poignée de foin tortillé » a disparu de l'usage courant, subsistant dans quelques emplois techniques où le mot désigne la poignée de paille servant au toilettage du cheval, ou encore un papier ou un linge tortillé et chiffonné.
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Par spécialisation de fonction,
bouchon désigne le rameau de feuillages suspendu au-dessus d'une porte comme enseigne d'un cabaret (1584-1598), sens disparu, mais d'où vient l'acception métonymique de « cabaret, petit restaurant » (1701), surtout employé de nos jours à propos de Lyon et courant en français régional
(les bouchons lyonnais).
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L'emploi de
bouchon comme terme affectueux (1661, Molière) est issu de ce sens étymologique par une métaphore incertaine, peut-être par l'intermédiaire du dérivé
bouchonner et par à-peu-près avec
bichon.
Dès l'ancien français, la valeur du mot, sous l'influence du verbe apparenté boucher*, s'est déplacée vers l'idée d'« objet servant à boucher », d'abord pour désigner la pièce de bois servant à fermer un tonneau (1397-1398) puis ce qui sert à obturer un flacon, une bouteille (1532), aujourd'hui en liège ou en matières plastiques (bouchon, désignant un dispositif qui pénètre dans le goulot, s'oppose à capsule). Bouchon se dit aussi de ce qui bouche accidentellement un conduit et, au figuré, d'un ensemble de véhicules engorgeant la circulation (v. 1950).
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Il s'est également dit d'un jeu (1828) qui consistait à abattre des bouchons de liège surmontés de pièces de monnaie avec des palets et, par analogie de forme, est devenu le nom usuel, en Provence, du cochonnet au jeu de boules. De l'un ou l'autre de ces jeux viennent les locutions figurées pousser le bouchon un peu loin « exagérer » et c'est plus fort que de jouer au bouchon « c'est très fort » (1860), désuet, tandis que flotter comme un bouchon fait allusion au liège des bouchons de bouteille.
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Les quelques dérivés se partagent en deux séries sémantiques.
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BOUCHONNER v. (1425) se range sous le sens étymologique de « poignée de paille » ; l'ancien sens féodal, « marquer d'un bouchon de paille (un héritage saisi) », attesté une fois au XVe s., subsiste dans les coutumes de l'Orléanais.
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Le sens de « frotter avec un bouchon de paille » (1551) a eu pour extension figurée « couvrir (qqn) de caresses », d'usage familier (1662) [d'où mon [petit] bouchon, etc.].
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La valeur de « chiffonner, mettre en bouchon » (1669) est sortie d'usage.
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Récemment, d'après bouchon « embouteillage », le verbe s'emploie intransitivement pour « former un bouchon » (1964).
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Les substantifs d'action dérivés BOUCHONNAGE n. m. (1843) et BOUCHONNEMENT n. m. (1853) signifient « pansage d'un cheval ».
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BOUCHONNIER, IÈRE n. et adj. « fabricant ou vendeur de bouchons de liège » (1763), ainsi que les noms d'ustensiles TIRE-BOUCHON n. m. (1718), très usuel (→ tirer), MÂCHE-BOUCHON n. m. (1850) et SERRE-BOUCHON n. m. (1875), vieillis, s'ordonnent tous au sens usuel moderne de bouchon.
L
BOUCHOT n. m. est un mot originaire du Poitou, sous la forme bouchaux (1385), qui correspond au latin médiéval buccaudum (1184). Buccaudum est à rapprocher du latin médiéval buccale (de même aire géographique), « embouchure, bouche d'un étang », lui-même dérivé du latin classique bucca (→ bouche). La graphie bouchot (1681) est due à un alignement sur les mots à suffixe -ot.
❏
Le mot, employé dans le Poitou au sens de « vanne d'écluse », s'est spécialisé à propos d'un parc en clayonnage pour emprisonner le poisson (1681), puis d'un parc aménagé pour la culture des moules dans des conditions garantissant leur qualité (1834). Moules de bouchot puis par métonymie, des bouchots désigne les moules ainsi élevées, appelées en Belgique moules parquées.
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BOUCHOTEUR, EUSE ou BOUCHOTTEUR, EUSE n. (1868) désigne le mytiliculteur s'occupant de la reproduction des moules dans les bouchots.
L +
BOUCLE n. f. est issu (1080) du latin buccula, diminutif de bucca (→ bouche), proprement « petite joue », employé par analogie de forme au sens de « bosse de bouclier » (Tite-Live).
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Le sens d'emprunt, « bosse centrale d'un écu », est sorti d'usage dès le XIIIe siècle.
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Le développement de l'acception moderne s'est fait par métonymie, le mot désignant l'anneau situé au niveau de la bosse et servant à tenir le bouclier, puis en général un anneau muni d'ardillons et servant d'attache (1160-1190).
◆
Boucle a des emplois spéciaux et analogiques : « objet en forme d'anneau » (1453), « pendant d'oreille » dans boucle d'oreille (1671), « heurtoir de porte ». Au figuré, le mot désigne la courbe dessinée par le tracé d'une voie, d'un cours d'eau, ou encore le cercle vertical décrit par un avion (1914) ; Cf. looping.
◆
Par transposition sur un plan abstrait, il exprime l'idée d'un circuit complet avec retour à l'état initial, en général (par exemple, dans la locution, boucler la boucle) et dans le cycle d'un programme informatique, ainsi que dans l'expression en boucle (écouter un programme en boucle).
◆
Une des spécialisations concrètes, pour « mèche de cheveux recourbée » (1671), s'est détachée des autres emplois, soutenue par bouclette (antérieur) et bouclé.
❏
1 BOUCLIER n. m. est issu (1268) de
écu bouclier (1080,
escu bucler) désignant un écu garni d'une bosse centrale, avec substantivation et substitution du suffixe
-ier à la finale originelle
-er. Celle-ci était probablement due à un bas latin
bucculare, dérivé de
buccula (le substantif
bucculare est attesté au
Ve s. avec le sens de « récipient »). Parallèlement, l'ancien français a employé la forme en
-é dérivée de
boucle (fin
XIIe s.,
écu bouclé).
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Employé seul, bouclier a pris le sens général d'« écu ». Il a donné lieu à des emplois métaphoriques ou figurés, soit avec idée d'opposition notamment dans levée de boucliers (1460-1470), soit de protection, de soutien (XVIe s.), particulièrement dans la locution faire bouclier de qqch. (XVIe s., Calvin) « protéger », dont procède par exemple faire à qqn un bouclier de son corps. De là, l'expression récente bouclier humain, à propos de personnes contraintes à essuyer le feu de l'ennemi, servant ainsi d'otages.
◆
Le mot est employé au figuré, en géographie, dans l'expression le Bouclier canadien, « masse rocheuse s'étendant de la baie d'Hudson, à l'est, vers le Saint-Laurent, relevée vers le nord-est (plus de 1 500 m d'altitude) et recouverte vers l'ouest de sédiments, s'élevant jusqu'aux Rocheuses ».
◆
Par analogie d'usage, le mot désigne un dispositif de protection (mines, physique nucléaire).
■
2 BOUCLIER n. m., nom d'agent homonyme du précédent (XIIIe s.), est un mot technique employé aujourd'hui par les historiens à propos de celui qui fabriquait les boucles et anneaux de cuivre et d'archal.
■
BOUCLERIE n. f. (1268-1271), « vente ou fabrication de boucles métalliques », est lui aussi sorti d'usage.
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BOUCLETTE n. f. (XIVe s.) a été dérivé de boucle pris dans son acception analogique pour désigner une petite boucle de laine, puis une petite boucle de cheveux.
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L'ancien français avait bouclette au sens de « petite bosse d'un bouclier » (v. 1160-1170), sorti d'usage dès le XIIIe s., et aussi de « petite boucle de métal » (1268-1271).
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BOUCLER v. (1440) a d'abord le sens technique de « prendre la forme d'une bosse de bouclier » encore usité en termes de construction en parlant d'une paroi qui fait ventre.
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Il se répand au XVIe s., réalisant l'idée de « clore, fermer » et, abstraitement, « prendre fin » (à la forme pronominale se boucler) ; à la même époque, il se spécialise pour « entourer complètement par des troupes » (1556).
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Un autre sens concret, spécialisé, est « mettre un anneau au vagin (de la femelle d'un animal) », en zootechnie (1562).
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L'évolution vers l'usage moderne consiste en un changement de registre du sens de « fermer » : celui-ci est devenu familier dans des emplois extensifs où il équivaut à « mettre en prison » (1831), « fermer (une malle, un local) » (1821), la boucler [sa bouche] « se taire » (1897) de boucler sa bavarde (1878).
■
Le sens de « mettre en forme de boucles, friser » (1680) en coiffure, d'où se boucler, a donné l'emploi intransitif correspondant de « friser » (1835).
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L'emploi pour « clôturer (un compte) », en équilibrant les résultats, est un peu différent en français de Suisse, où il n'entraîne que l'idée de « résultat » (que les comptes soient ou non en équilibre).
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La dérivation de boucler consiste surtout en deux noms d'action.
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1 BOUCLEMENT n. m. (1658) est le terme technique usité en zootechnie à propos de l'action de mettre une boucle à une femelle. 2 BOUCLEMENT n. m. se dit en Suisse pour la clôture (d'un budget, de comptes).
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BOUCLAGE n. m. (1841) ne répond à boucler que par le sens d'« action de fermer », surtout d'usage technique (en électricité) et militaire. Au figuré et familier, il correspond à « action de terminer, de “boucler” », par exemple en termes de presse.
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DÉBOUCLER v. tr., très ancien sous la forme
deboscler (1160), signifie « défaire la boucle qui ferme (une ceinture, un harnais, etc.) ». Il a pris (1704) le sens de « défaire les boucles de cheveux de (qqn) », valeur proche de
défriser.
■
Enfin, BOUCLARÈS adj. inv., formation argotique (1898) avec la finale argotique -arès, signifie « fermé, enfermé ».
BOUDDHA n. m. est l'emploi comme nom commun (1754, un budha) de Bouddha, titre spirituel donné à Siddhârtha Gautama (né vers le VIe s. av. J.-C.), fondateur du bouddhisme. Gautama, ultérieurement surnommé Sâkyamuni « l'ascète (muni) des Sâkya » du nom de son clan, quitta sa famille à la suite d'une épreuve qui lui fit prendre conscience du caractère douloureux et impermanent de la condition humaine. Il se fit alors ascète errant. Après avoir suivi l'enseignement de divers maîtres, il tenta d'atteindre lui-même la libération totale et définitive, d'abord par un ascétisme rigoureux, puis, se détournant de cette voie, par la méditation. Il atteignit ainsi l'Éveil, entrant dans la paix de l'extinction (nirvâna) des passions. Son titre signifie l'Éveillé, buddha étant le participe passé du verbe sanskrit budh « éveiller » et « savoir, percevoir ».
❏
Le mot désigne le fondateur du bouddhisme et, par métonymie, une représentation du bouddha ou d'un bouddha, assis dans la posture du lotus et exprimant la maîtrise de soi ainsi qu'un sentiment de contemplation extatique (1886, Loti).
❏
La fin du
XVIIIe s. voit la création des termes de doctrine spirituelle
BOUDDHISME n. m. (1823) d'abord
budsdoisme (1780) puis
budaïste,1825, et
BOUDDHISTE adj. et n. (1782,
bouddiste).
■
BOUDDHIQUE adj. (1830) est employé dans des syntagmes : doctrine, temple bouddhique...
■
Ces mots concernent la grande religion née aux Indes, répandue dans l'Asie du Sud-Est, en Chine et au Japon, où certaines sectes ont pris une importance particulière (bouddhisme zen*).
■
BOUDDHÉITÉ n. f. (1930), mot fait sur le modèle de déité, exprime l'essence, le principe vivant du bouddhisme ; il est didactique.
■
Un autre emprunt à la même racine sanskrite est BODHISATTVA n. m. (1859), de bodhi « sage » et sattva « qualité, état », désignant un sage au plus haut degré de la perfection avant l'état de bouddha.
?
BOUDER v. est probablement une formation onomatopéique (v. 1350) sur le radical bod- exprimant l'enflure, le gonflement (→ bedaine, boudin), par allusion aux lèvres gonflées de la personne qui manifeste sa mauvaise humeur. Selon Guiraud, il pourrait représenter un gallo-roman °bullitare, de bulla (→ bulle).
❏
Bouder signifie « prendre un air rechigné en faisant la moue », d'abord absolument, puis avec un régime transitif direct (1718).
◆
Par métaphore, il s'emploie quelquefois en parlant d'un objet qui fonctionne mal, d'une chose qui se présente mal, spécialement dans certains vocabulaires techniques, en horticulture et ostréiculture.
❏
BOUDEUR, EUSE adj. et n. (1680) caractérise une personne qui boude souvent et, par métonymie, ce qui exprime cette humeur.
◆
Il qualifie en ostréiculture une huître qui pousse ou verdit mal.
◆
BOUDEUSE n. f. (
XIXe s.) désigne un fauteuil à deux places où deux personnes peuvent s'asseoir en se tournant le dos, semblant ainsi bouder. Il a pu être formé d'après
causeuse. Le dérivé
BOUDEUSEMENT adv. (1887) est peu usité.
■
BOUDERIE n. f. (1690) exprime l'action de bouder, l'état d'une personne qui boude, et, par extension, le fait de se détourner de qqch.
◆
Par calembour 2 BOUDIN n. m. entre dans l'expression faire du boudin (1901, Bruant) « bouder ».
◈
BOUDOIR n. m. (v. 1730), qualifié de « familier » par l'Académie dans ses éditions de 1740 et 1798, est proprement le nom d'une petite pièce élégante où la maîtresse de maison peut se retirer pour être seule en
boudant la compagnie, ou s'entretenir avec des intimes. Le boudoir est devenu au
XVIIIe s. un lieu érotique
(Cf. La Philosophie dans le boudoir, de Sade).
■
La spécialisation du mot en pâtisserie (XIXe s.) où il désigne un genre de biscuit aux œufs, est mal expliquée ; elle fait allusion, soit au petit salon élégant, soit au mouvement arrondi des lèvres autour du biscuit, soit à la surface bombée de la pâtisserie.
?
1 BOUDIN n. m. est un mot (1268-1271) d'origine obscure, peut-être onomatopéique, formé sur un radical bod- exprimant l'enflure (→ bouder, bedaine). P. Guiraud y voit le dérivé de bouder au sens de « gonfler, arrondir (les lèvres) ». L'hypothèse de Salvioni, faisant remonter le français à l'italien, supposerait une attestation plus ancienne que celle dont on dispose (XVIe s.). Celle d'un étymon latin °botellinus qui serait dérivé de botellus, altération du latin classique botulus « boyau » (→ boyau), fait difficulté d'un point de vue phonétique.
❏
Le mot désigne une préparation culinaire faite d'un boyau rempli de sang coagulé et de graisse de porc assaisonnés ; par extension,
boudin blanc se dit d'une charcuterie analogue à base de chair de volaille et de lait (1680).
Boudin antillais (épicé) semble récent. Par extension,
boudin rouge se dit en Belgique pour « cervelas ».
◆
En 1690, Furetière enregistre la locution figurée
s'en aller en eau de boudin, « être réduit à néant », en la qualifiant de « basse », par allusion claire au « boyau » (intestin) et peut-être de manière plus cachée, à un sens ancien de
boudin « pénis » (
XVIe s.).
◆
Les extensions de sens reposent sur une analogie de forme :
boudin se dit en architecture de la moulure semi-cylindrique entourant la base d'une colonne (1690) et
ressort à boudin d'une spirale de fil métallique (1690). Le mot s'emploie ensuite en marine pour le bourrelet qui entoure un bâtiment à la hauteur du second pont (1835) et développe d'autres sens en chemin de fer, en céramique, en mines, dans l'argot de l'aviation. Communément, il s'applique à un objet cylindrique et relativement court, autrefois à un rouleau de cheveux (1798) ou de gros doigts (1867). La valeur scatologique est exploitée dans l'expression enfantine
caca boudin.
■
Le sens argotique de « prostituée » (1890) repose peut-être sur une métaphore alimentaire et probablement sur un rapprochement avec bourrin*, mais se comprend également par une analogie de forme péjorative, celle-ci étant certaine pour le sens familier de « fille mal faite » (v. 1966), abrégé en BOUDE n. m. (1975).
◆
Un à-peu-près familier donne à faire du boudin la valeur de bouder. → 2 boudin, sous bouder.
❏
BOUDINIER, IÈRE n., après une attestation isolée à la fin du
XIIIe s., a été repris (1752) pour désigner le fabricant ou marchand de boudins ; le mot est archaïque.
■
BOUDINIÈRE n. f. (1669) a été formé pour désigner un petit entonnoir servant à introduire la préparation dans le boyau, en termes de charcuterie.
■
BOUDINADE n. f. (1771), terme culinaire, se dit d'un morceau d'agneau farci de boudin.
◈
BOUDINER v. tr. (1842) procède de la série des sens analogiques et figurés de
boudin, s'employant en industrie textile et en technique, et familièrement avec l'idée de « serrer (qqn) dans ses vêtements ».
◆
Son participe passé
BOUDINÉ, ÉE a été adjectivé et substantivé, qualifiant une partie du corps ronde et épaisse, une personne serrée dans un vêtement étriqué
(Cf. saucissonné).
◆
Boudiné, n. m. a désigné un élégant prétentieux de la fin du
XIXe s. en raison de sa veste étriquée (Richepin, fin
XIXe s.).
■
Le verbe a produit un substantif d'action technique, BOUDINAGE n. m. (1842), un nom d'instrument, BOUDINEUSE n. f. (1877) et un substantif d'action, BOUDINEMENT n. m. (1924), peu usité.
G
BOUE n. f., d'abord boe (attesté v. 1170 mais antérieur : Cf. embouer ci-dessous), puis boue (fin XIIe s.), est issu d'un gaulois °bawa que l'on peut déduire du gallois baw « saleté, fange ». Phonétiquement, w, gardant sa valeur de semi-voyelle bilabiale (probablement à cause de la coupe syllabique bau-a), s'est combiné avec le a pour donner o puis ou devant voyelle. Le mot ne semble pas en rapport étymologique avec bourbe.
❏
Boue désigne un mélange de terre, de poussière et d'eau. Des emplois figurés péjoratifs apparaissent dès l'ancien français (v. 1275). Ils ont inspiré quelques locutions métaphoriques, où la valeur concrète de boue reste prégnante, telle se vautrer dans la boue, traîner (qqn) dans la boue spécialement « en dire du mal », tirer qqn de la boue, « d'une situation misérable », vieilli.
◆
Par extension, boue s'applique à la terre détrempée (1539), avec des spécialisations en géologie et en médecine (1835, bains de boue).
◆
Par analogie, il se dit de tout résidu dont la consistance rappelle celle de la boue, spécialement un pus épais en médecine ancienne (XVIe s.) et, couramment, du dépôt d'encre épaisse qui se forme au fond de l'encrier (1835).
◆
Le pluriel boues a reçu le sens particulier de « détritus », de nos jours sorti d'usage sauf dans des domaines techniques (boues industrielles, radioactives), mais à l'origine de dérivés comme boueur, éboueur.
❏
BOUEUX, EUSE adj. (1176-1181) qualifie ce qui est couvert, rempli, mêlé de boue. Il a pris le sens figuré de « grossier, sale » (1200-1225) et s'emploie spécialement en typographie à propos d'une impression dont l'encre bave ou en gravure, d'une estampe aux couleurs confuses (1762).
■
BOUEUR n. m. (1563), nom donné à l'employé chargé d'enlever la boue des voies publiques et les ordures ménagères, réunit deux sens de boue.
■
Il est concurrencé par la variante d'origine dialectale BOUEUX n. m. (1808), supplanté lui-même par éboueur (ci-dessous).
■
BOUILLASSE n. f. semble issu (1897) du croisement de boue et de bouillie* avec un suffixe péjoratif -asse.
◆
BOUETTE n. f. s'emploie en français du Canada, pour « boue », par exemple dans la locution heureux comme un cochon dans sa bouette.
◈
EMBOUER v. tr., réfection de
enboer (v. 1121), signifie « couvrir, salir de boue ». Il a vieilli, se maintenant plus longtemps au participe passé
EMBOUÉ, ÉE employé adjectivement. Le sens figuré de « souiller » (v. 1200) est sorti d'usage au
XVIe siècle.
■
ÉBOUER v. tr., plus tardif (1864, machine à ébouer), est un terme de ponts et chaussées dont est tiré ÉBOUAGE n. m. (1871), peu répandu, et surtout ÉBOUEUR n. m. (1870) qui a remplacé boueur.
◈
GARDE-BOUE n. m. (1869) et
PARE-BOUE n. m. (1913) sont deux noms concrets décrivant des dispositifs destinés à protéger des véhicules contre les éclaboussures de boue.
❏ voir
BOUILLER (rabouilleuse).
BOUÉE n. f., d'abord boue (1394) puis boueez (v. 1450), est d'origine incertaine, probablement emprunté au moyen néerlandais boeye « flotteur, balise », à rattacher au francique °baukan « signe », correspondant au germanique °baukna et que l'on peut déduire du moyen néerlandais boken, ancien saxon bōkan, ancien haut allemand bouhhan « signe ». Contrairement à l'opinion de Wartburg, il faut probablement séparer le moyen néerlandais boeye de son homonyme boeye « chaîne, entrave, lien », lequel est emprunté à l'ancien français buie « lien, fer, entrave » (XIIe s.), lui-même du latin boja « carcan, entrave » (→ boy).
❏
Le mot désigne le morceau de bois ou de liège qui flotte au-dessus d'une ancre pour signaler l'endroit où elle est mouillée (1394), puis celui qui signale la présence d'un écueil, d'un danger (1690).
◆
Il se dit en particulier de l'équipement insubmersible qui permet de se maintenir à la surface de l'eau (1811, bouée de sauvetage), donnant le sens figuré de « ce qui sauve à la dernière minute » (1878, dans la locution sortie d'usage bouée de salut).
2 BOUFFE (OPÉRA) → BOUFFON
3 BOUFFE n. f., attesté en 1609 dans un dictionnaire français-italien-espagnol, est emprunté à l'occitan buffa, du radical d'onomatopée buff- exprimant le souffle. Ce mot régional du sud-ouest de la France signifie « gifle » et aussi « choc brutal », par exemple au rugby (se prendre une bouffe).
+
BOUFFER v. est une formation expressive (1160-1170) se rattachant au radical onomatopéique °buff-, qui évoque le gonflement et suggère plus particulièrement l'action de lâcher l'air après avoir gardé la bouche close et gonflée (→ bouffir).
❏
Le sens étymologique et médiéval, « gonfler les joues en aspirant de l'air », a progressivement décliné au
XVIIe s. ; il est qualifié de « bas » par l'Académie en 1694 et considéré comme « hors d'usage » en 1718.
◆
Le sens figuré de « témoigner d'un sentiment (colère, orgueil) » (v. 1226), issu du précédent, a lui aussi disparu ; il reste cependant vivant dans un emploi passif de la variante
bouffir, surtout dans le participe passé adjectivé
bouffi (
être bouffi d'orgueil → bouffir).
■
Le sens particulier de « gonfler les joues par excès d'aliments » (1500-1550) est sorti d'usage mais a donné, par métonymie, celui de « manger goulûment », c'est-à-dire de manière à avoir les joues gonflées. Cette valeur était réalisée dès le XIIIe s. par le dérivé bouffard (ci-dessous) ; elle s'est répandue à partir de 1800 dans l'usage familier, devenant au XXe s. un synonyme à peine marqué de « manger », souvent caractérisé (bien, mal bouffer, au figuré bouffer des briques, etc.). Il a donné les acceptions figurées de « consommer, absorber totalement », « dominer agressivement » (1867, vouloir tout bouffer), également à la forme pronominale : se bouffer le nez « se combattre, s'agresser mutuellement ». Le verbe, au sens de « manger », est de moins en moins marqué en français d'Europe ; il ne l'est pas en français d'Afrique. En Algérie, dans la république du Congo, bouffer se dit au figuré pour « dilapider les biens publics, recevoir des pots-de-vin » (Cf. en français de France, en croquer).
■
Un autre sens dérivé du sens de base, « souffler en gonflant les joues », encore usuel au XVIIe s., est sorti d'usage mais se maintient en boucherie, pour « souffler la peau d'une bête tuée avant d'écorcher » (1690).
■
Par l'intermédiaire du participe présent adjectivé bouffant, ante (ci-dessous), le verbe en emploi intransitif signifie « se maintenir gonflé » à propos d'une matière légère (1530), se distinguant de bouffir ; ce sens s'est maintenu.
❏
La dérivation s'est partagée en deux séries, l'une s'ordonnant à l'idée de « gonfler » et à ses quelques sens dérivés, l'autre de « manger goulûment ».
■
Dans la première série, BOUFFÉE n. f., d'abord bufee (1174), désigne un souffle d'air qui arrive par intervalles, anciennement avec la valeur forte de « bourrasque », de nos jours plutôt à propos d'un souffle d'intensité modérée.
◆
Par extension, il désigne aussi une émanation intermittente de feu, de fumée (d'où peut-être bouffarde, ci-dessous), de son et spécialement de maladies qui ne durent pas (1690). Revenant à la valeur étymologique, il se dit d'une exhalaison qui sort de la bouche (1704).
◆
Par transposition au figuré, il indique une manifestation subite et passagère de sentiments, de disposition d'esprit (av. 1696).
■
BOUFFARD n. m. « personne gloutonne » (XIIIe s.), c'est-à-dire « qui gonfle (son ventre, ses joues) », pourrait être à l'origine du développement du sens correspondant du verbe bouffer. Considéré comme vieux par le dictionnaire de Trévoux en 1752, ce mot ne s'est maintenu que dans le dialecte normand, comme adjectif et substantif.
◆
Il a été repris en argot avec le sens de « fumeur » (1866), sous l'influence de BOUFFARDE n. f. (1821) et de BOUFFARDER v. intr. (1821), mots familiers pour « pipe » et « fumer la pipe » en relation avec bouffée (de fumée).
■
BOUFFETTE n. f. (1409) désignait un petit nœud bouffant de rubans employé comme ornement, spécialement dans le harnachement des chevaux et dans l'habillement.
■
BOUFFANT, ANTE adj. et n., participe présent de bouffer, est adjectivé pour qualifier (XVe s.) un objet ou la qualité d'un objet qui bouffe. Substantivé, il désigne un nœud bouffant (1836). Papier bouffant et bouffant, n. m. se dit d'un papier non calandré, plus épais.
◈
Dans la seconde série de dérivés, le sens dominant est « manger ».
■
BOUFFEUR, EUSE n. (1500-1550), « gros mangeur », est resté rare jusqu'au XIXe siècle.
■
1 BOUFFE n. f., le déverbal de bouffer, après une attestation isolée en Bourgogne au sens de « balle d'avoine » (1363) c'est-à-dire « objet enflé », où il procède du premier sens de bouffer, est attesté au début du XVIIe s. pour « enflure des joues » (1611). Qualifié de « bas » à l'époque classique (1690), ce sens s'est éteint, comme le sens figuré dérivé d'« expression et ton d'une personne enflée d'orgueil et de suffisance » (av. 1696).
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Les sens modernes, « nourriture » et « fait de manger », correspondent à une nouvelle dérivation sur le verbe (av. 1926) et sont devenus très usuels, entrant dans des syntagmes (on se fait une petite bouffe, la bouffe et la baise, etc.).
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BOUFFAGE n. m., surtout employé dans l'expression familière bouffage de nez (1891), correspond au sens figuré de bouffer dans se bouffer le nez.
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BOUFFABLE adj. « mangeable » surtout en emploi négatif, est repéré en 1915 ; IMBOUFFABLE adj. est l'équivalent familier de immangeable.
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BOUFFETANCE n. f. a été formé (v. 1930) sur le radical de bouffer avec le suffixe -ance de bectance* pour désigner la nourriture, sans concurrencer véritablement bouffe, plus courant que lui depuis 1960 environ.
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Le dérivé BOUFFAILLE n. f. (1792) est à l'origine de boustifaille* ; il reste vivant régionalement.
❏ voir
BOUFFIR, BOUFFON, BOUSTIFAILLE.
BOUFFIR v., attesté indirectement au XIIe s. par l'ancien participe passé adjectivé boffi dans chiere (chère, « face ») boffie (1150-1200), puis au XIIIe s. (v. 1278), est soit une variante de bouffer*, soit une formation onomatopéique parallèle sur le même radical expressif.
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Dès les premiers textes, bouffir est distinct de bouffer ; il se dit de personnes ou de chairs enflées, grossies de manière disgracieuse.
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À partir du XVIe s., il est employé pour « faire gonfler et fumer (des harengs salés) à la chaleur » d'où bouffi (ci-dessous).
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La forme pronominale se bouffir a également le sens figuré de « gonfler d'orgueil » avec un complément introduit par de.
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BOUFFI, IE adj., participe passé adjectivé dès les plus anciennes attestations de cette série, a ajouté à son sens propre la valeur figurée de « plein, rempli » (1572, Ronsard), dans
bouffi de (rage, vanité). Il qualifie également un style ampoulé et prétentieux (Hugo).
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Substantivé, le mot est rare en emploi libre, mais entre dans l'expression familière
tu l'as dit, bouffi ! (1802), créée pour l'assonance.
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BOUFFI n. m. s'emploie couramment (XIXe s.) par ellipse pour hareng bouffi (1549) « hareng ayant séjourné quelque temps dans la saumure ».
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BOUFFISSURE n. f., dérivé (1582) du participe passé de bouffir, désigne l'état de ce qui est bouffi, spécialement dans la description médicale (1582, Maladies des femmes).
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Il est également employé au figuré, caractérisant la vanité d'une personne ainsi que l'enflure de l'expression et du style (1690).
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BOUFFISSAGE n. m. (1873) et BOUFFISSEUR n. m. (1877), termes techniques, se rapportent à la préparation des harengs bouffis.
BOUFFON, ONNE adj. et n. est emprunté (1530) à l'italien buffone désignant une personne dont le rôle est de faire rire, à la Cour (1250-1300), au théâtre (Campanella, 1568-1639) et, par extension, une personne qui aime à faire rire (1483), également en emploi adjectif (1659). Buffone est une formation expressive sur le radical onomatopéique buff- exprimant le gonflement des joues et existant en français dans bouffer*, bouffir* ; le sémantisme secondaire développé en italien est réalisé par le latin médiéval bufo « railleur, diseur de bons mots » (1250-1300).
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Le mot est repris à propos du personnage de théâtre (1530) et du personnage social chargé de divertir un grand, seul (1549) et dans
bouffon du roi (1614), en concurrence avec
fou*.
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Par réemprunt à l'italien ou par extension, il désigne communément celui qui cherche à faire rire les autres (1611) et, par péjoration, celui qui fait rire à ses dépens (1694,
servir de bouffon).
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De l'emploi adjectif pour « ridicule, grotesque » (1680) est tiré un emploi substantif à valeur de neutre désignant le genre bouffon en littérature et en art (1674, Boileau, Art poétique). À partir du milieu du XVIIIe s. et jusqu'à 1850 environ, le mot a concurrencé bouffe (ci-dessous) dans sa spécialisation lyrique ; d'où querelle des Bouffons, désignant la bataille musicale en 1752, née de la rivalité entre les partisans de la musique lyrique française et ceux de la musique italienne dans le style bouffe.
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La reprise récente (1990 ?) du mot comme terme d'injure semble provenir du français régional du Sud (Marseille, Corse ?). Il est devenu usuel dans le langage des jeunes comme insulte sans contenu précis.
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BOUFFONNERIE n. f. est dérivé (1539) de
bouffon à l'imitation de l'italien
buffoneria (1388) « art du bouffon, spectacle qu'il donne » et « action bouffonne » (Arioste, 1474-1533).
Une, des bouffonneries désigne une action ou une parole bouffonne et
la bouffonnerie le caractère ou la qualité d'une personne, d'une chose bouffonne (1680).
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BOUFFONNER v. est un autre dérivé (1549) de bouffon, peut-être d'après l'italien buffonare (XIVe s.).
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Ce verbe d'usage littéraire signifie « dire ou faire des bouffonneries » et « chercher à impressionner » (XXe s.) ; il connaît, avec bouffon, un regain de vitalité dans le langage des jeunes avec une idée (péjorative) de « manque de sérieux ».
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Son emploi transitif pour « railler » (1867, Baudelaire) a disparu.
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BOUFFONNESQUE adj. (1565) témoigne de la mode des adjectifs en -esque au XVIe s., à l'imitation de l'italien (buffonesco, attesté seulement en 1585). Évincé de l'usage courant par bouffon, il n'est plus attesté que par intention stylistique (1838, Chateaubriand).
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Après la vague de dérivations du
XVIe s.,
BOUFFONNISTE n. m. (1754) est apparu lors de la querelle des Bouffons pour désigner un partisan des opéras bouffes italiens. Il correspond à l'italien
buffonisti n. m. pl., lui-même traduit du français
bouffons, employé au
XVIIIe s. pour désigner les chanteurs italiens qui portèrent l'opéra bouffe à Paris. Le mot a disparu.
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BOUFFONNADE n. f. (1863, Gautier, Le Capitaine Fracasse) est probablement calqué sur l'italien buffonata (av. 1731). C'est un terme ancien de théâtre qui désigne une petite pièce jouée ou dansée relevant le plus souvent d'un comique de bas-étage.
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BOUFFONNEMENT adv., lui aussi attesté chez Gautier (1837), est demeuré rare.
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2 BOUFFE adj. et n. m., d'abord
buffe (1791) par emprunt graphique, refait d'après la prononciation en
bouffe (1804), est emprunté à l'italien
buffo (féminin
buffa), « ridicule, qui suscite le rire », employé spécialement comme terme de théâtre dans les syntagmes
opera buffa (
XVIIIe s., Goldoni, mort à Paris en 1793) et
attore buffo ou, elliptiquement,
buffo « acteur qui joue les rôles comiques dans l'opéra bouffe » (1720).
Buffo est un dérivé régressif de
buffone (→ bouffon). Étant donné le contexte de théâtre et les syntagmes attestés d'abord en français, l'hypothèse d'un emprunt au substantif féminin
buffa « plaisanterie », est à écarter.
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Le mot, d'abord attesté en emploi adjectif dans scène-bouffe, est un terme de théâtre lyrique qui qualifie ce qui appartient au genre léger créé en Italie au XVIIIe s. et très en vogue en France au XIXe siècle. Surtout usité dans opéra bouffe (1807), calque de l'italien opera buffa, il a été gêné dans son extension par l'adjectif bouffon*. Le substantif, d'abord attesté dans le titre d'un opéra comique français, Le Bouffe et le Tailleur, représenté le 19 juin 1804, désigne un acteur et chanteur comique dans un opéra ; cet emploi a disparu. Par métonymie, le pluriel les Bouffes a servi à désigner une troupe de théâtre italien à Paris et est devenu le nom du théâtre italien lui-même (1824).
❏ voir
BOUFFER, BOUFFIR, REBUFFADE.
BOUGAINVILLÉE n. f. est dérivé (1809) du nom du navigateur français Louis-Antoine de Bougainville (1729-1811), auteur du célèbre Voyage autour du monde (1771). Quelques dictionnaires citent le nom scientifique bougainvillea et mentionnent la variante BOUGAINVILLIER n. m. pour nommer la plante (et non la fleur).
❏
Le mot désigne une plante grimpante ornementale à petites fleurs jaunes entourées de trois bractées roses ou violettes et, par métonymie, cette fleur. Il est évidemment plus courant dans les zones de la francophonie où l'arbre pousse spontanément ; le mot est masculin en Nouvelle-Calédonie, en français de l'océan Indien.
L
BOUGE n. m., d'abord buge (v. 1190) puis bouge (déb. XIIIe s.), est issu du latin bŭlga (u bref) n. f., « sac de cuir », par analogie « utérus ». Ce mot, selon Festus, serait un emprunt archaïque à un mot gaulois. On peut en effet restituer celui-ci d'après l'ancien irlandais bolg, bolc « sac » (→ blague, bogue, budget) et le faire remonter à un thème indoeuropéen °bhel- exprimant l'enflure (→ enfler ; 1 balle, 2 bol ; fou). P. Guiraud postule un croisement entre le mot latin et le gallo-roman °bullica « en forme de bulle », l'idée de « bulle » étant présente dans de nombreux emplois du mot. Le latin médiéval, avec bulgia (f.) et bulgius (m.), hésite déjà sur le genre du mot.
❏
Le sens étymologique de « sac, valise, coffre, bourse de cuir », souvent au féminin, est sorti d'usage au
XVIIe s. (il vit encore dans l'italien
bolgia « besace, fosse », qui l'a emprunté au français).
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Le sens de « petite pièce arrondie servant de grenier, pièce de décharge » (v. 1200), majoritairement assumé par un mot de genre masculin mais encore quelquefois féminin jusqu'en 1690, est à l'origine de l'évolution sémantique.
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Celle-ci aboutit au sens de « petite chambre (pour un valet) » (1671) puis de « maison malpropre et en désordre » (1732) qui, complètement démotivé, est resté littéraire. Le mot s'est spécialisé au sens de « café, cabaret mal famé » ; il est très péjoratif.
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Le sens métonymique de « partie renflée d'un objet, d'une partie du corps humain » (XVe s.), entendu aussi bien d'une forme concave que d'une forme convexe, a disparu sauf dans quelques acceptions techniques (à propos d'un bouclier, d'une assiette, d'un tonneau, de la courbure des baux d'un navire).
❏
Le diminutif
BOUGETTE n. f. (fin
XIIe s.), « sacoche de cuir portée en voyage », n'est plus utilisé que par les historiens.
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BOUGERIE n. f. (1807) est un mot régional (Lorraine) pour désigner le cellier, spécialement le local contenant les cuves.
❏ voir
BUDGET.
L
BOUGER v., d'abord bougier (v. 1150), est issu d'un latin populaire °bullicare, type également postulé par les correspondants italien, catalan et provençal (boulega → bouléguer) du mot, fréquentatif de bullire « bouillonner, bouillir » (→ bouillir) avec transposition au mouvement.
❏
Le verbe signifie dès l'origine « remuer » et, pour une personne, « se mouvoir » ; il n'a pas évolué. Ses emplois pronominaux, non marqués dans la langue classique (Molière, Racine), relèvent aujourd'hui du langage familier (tu te bouges ?).
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L'emploi transitif, comme l'intransitif, est en concurrence avec remuer. Comme le pronominal, il est familier dans bouger son cul (ou se bouger le cul) « se mettre à agir, à travailler ».
❏
BOUGEMENT n. m., après une première attestation au
XVIe s., reparaît en 1898 dans un texte littéraire.
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Il est rare, de même que
BOUGEANT, ANTE adj. (
XIXe s.), tiré du participe présent, et
BOUGÉE n. f. (
XXe s.), autre substantif d'action, littéraire.
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BOUGILLON adj. (1834) « personne, enfant qui bouge sans cesse », mot familier, est d'usage surtout régional. Il est attesté en Suisse avant les emplois en France (1820), ainsi que le verbe
bougiller, qui ne s'emploie plus, et semble surtout usuel en Suisse.
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BOUGEOTTE n. f. (1859), surtout employé dans avoir la bougeotte, correspond à « agitation d'une personne qui bouge, remue sans cesse » ou au figuré « se déplace, voyage sans cesse ».
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Le participe passé de bouger a été substantivé, BOUGÉ n. m. (v. 1950) en photographie pour « effet produit par le mouvement, le temps d'exposition étant trop long ».
BOUGIE n. f. est l'emploi comme nom commun (1300) de Bougie, nom d'une ville d'Algérie (en arabe Bugaya) qui fournissait au moyen âge de grandes quantités de cire pour la fabrication des chandelles.
❏
Le mot a désigné la cire fine de
Bougie dont on faisait des chandelles, des cierges. Par métonymie, il a pris son sens moderne (1493), sans se confondre avec
cierge (spécialisé dans l'usage religieux) ni avec
chandelle. À lire Furetière (1690), il apparaît que
chandelle, mot héréditaire et plus ancien, se disait du mode d'éclairage populaire et bourgeois tandis que
bougie désignait le mode d'éclairage aristocratique et royal à la cire fine et non au suif. Ainsi s'explique que le mot fertile en locutions a été
chandelle et non
bougie, alors que
bougie a survécu à
chandelle, employé seulement par allusion au passé.
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Par analogie de forme, bougie se dit aussi d'un instrument de chirurgie que l'on introduit dans un canal pour l'explorer et le dilater (1690) ; par analogie de fonction, d'un appareil d'allumage des moteurs à explosion (1888).
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Le mot servit naguère de nom pour l'unité d'intensité lumineuse (1922).
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Le sens argotique puis familier de « visage » (1890), de nos jours vieilli, s'explique probablement d'après une locution comparative du type (être) pâle comme de la bougie.
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BOUGEOIR n. m., d'abord noté
boujoué (1514) puis
bougeoir (1534), désigne un support de bougie ; historiquement, il renvoie au rôle de « porte-bougie » que le roi faisait tenir à l'un de ses courtisans à son coucher.
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BOUGIER v. tr. (1596), « passer de la cire fondue sur le bord d'une étoffe pour éviter qu'elle ne s'effiloche », est un terme de couture.
BOUGNA n. m., emprunt aux langues kanak (bunya en kumak, puhnya en drehu), désigne en français de Nouvelle-Calédonie un plat traditionnel, fait de légumes, ignames, taro, de poisson ou de poulet, avec du lait de coco, enveloppé de feuilles de bananier et cuit au four traditionnel ou dans une marmite (bougna marmite, parfois européanisé). Le mot se construit avec, en apposition, l'ingrédient principal (bougna-poisson, -poulet, -crabe, etc.).