1 BRASSER → BRAS
L + 2 BRASSER v. tr., d'abord bracier (v. 1175), est issu d'un latin populaire °braciare attesté par le latin médiéval bratsare (IXe s.) et dérivé de braces, mot signalé par Pline comme d'origine gauloise et désignant une céréale, l'épeautre. Ce sens reste incertain, car les formes celtiques correspondantes (gallois brag, etc.) signifient « malt ». Braces a donné en ancien français brai n. m. (av. 1185) « orge broyée pour la fabrication de la bière », sorti d'usage après 1611 sauf en wallon où brais signifie « bière de mars ». Brasser a subi l'influence de bras au point d'être senti comme son dérivé.
❏  Brasser signifie dès l'origine « préparer la bière en faisant macérer le malt dans l'eau à chaud » (Cf. ci-dessous brasseur, brasserie) et par analogie « remuer en mélangeant deux substances » (1176). Le verbe s'est étendu à d'autres contextes techniques (pêche, agriculture, boulangerie) et généraux avec la valeur de « remuer ». En français de Suisse, brasser la neige (1728) se dit pour « marcher avec difficulté dans une neige épaisse ».
■  Dès les premiers textes, il a aussi le sens figuré de « tramer, ourdir, comploter » (v. 1175), disparu de l'usage mais encore répertorié par la plupart des dictionnaires.
■  Le sens figuré moderne de « manier beaucoup d'argent, traiter des affaires » (1808, brasser des affaires), apparu ultérieurement, semble une métaphore du sens concret de « manier dans ses mains » (Cf. ci-dessous brasseur d'affaires). ◆  Un autre sens figuré correspond à « mêler et manier (de nombreux éléments) », notamment dans l'abstrait. De là, brasser de l'air, du vent, du vide (années 1970) « s'agiter pour peu de choses ; parler pour ne rien dire ».
❏  BRASSIN n. m., d'abord bracin (v. 1185), est attesté au XIIIe s. sous les formes latinisées brassamen (1233), brassinus (1240), tous deux à Cambrai ; ce mot originaire du nord de la France (Picardie, Wallonie) semble avoir un suffixe d'origine germanique (Cf. le -ing anglais) à rapprocher du moyen néerlandais brassinghe. ◆  Le sens figuré de « complot, machination », correspondant au verbe, est sorti d'usage au XVIe siècle. ◆  Le nom est devenu au XIIIe s. un terme technique de brasserie désignant la quantité de liquide brassée en une fois (1240), puis la cuve dans laquelle on brasse la bière (1680) et son contenu.
■  1 BRASSEUR, EUSE n. (v. 1250) est à rapprocher du latin médiéval bratsator (822), dérivé de bratsare (v. 815), de °braciare. ◆  Le mot désigne la personne qui fabrique de la bière et la vend en gros. ◆  À la suite du verbe, il a eu au XIXe s. le sens figuré de « personne qui manie des affaires » (entre 1825 et 1856), surtout dans brasseur d'affaires, mais comme brasserie, il est resté lié à la fabrication de la bière.
■  2 BRASSAGE n. m. (1324) est à rapprocher du latin médiéval braçagium (1260), brazeagium (1311), dérivés de braces comme °braciare. ◆  Il désigne l'action de mélanger des substances (d'abord en métallurgie) et spécialement, d'après brasser, l'action de brasser la bière (1331). ◆  Son emploi avec le sens abstrait de « mélange, fusion » (1921) est courant en géographie humaine.
■  BRASSERIE n. f. (1371) est à rapprocher d'autres dérivés latin médiéval de braces, bratiarium (813), braciaria (1033). ◆  Il s'applique dès le XIVe s. à une fabrique de bière. ◆  Par métonymie, brasserie se dit depuis le XIXe s. (1844) d'un établissement dans lequel on consommait à l'origine essentiellement de la bière et qui a évolué en grand café-restaurant, le rapport avec la bière ayant le plus souvent disparu. ◆  À la différence de brassage, brasseur et brasserie ne sont plus sentis comme dérivés de brasser, mais comme des mots autonomes.
BRAVACHE n. m. et adj., écrit bravasche (1570) avant bravache (av. 1579), est emprunté à l'italien bravaccio ou bravazzo « personne arrogante » (av. 1543) et « homme de main » (1552-1553). Le mot italien est dérivé avec le suffixe augmentatif et péjoratif -accio (-azzo) du substantif bravo (→ brave). Il peut être senti comme dérivé de brave.
❏  C'est l'un des emprunts introduits au XVIe s. (Cf. rodomont, fanfaron, olibrius, matamore) qui fustigent le faux brave, typé par la comédie italienne et espagnole. Son emploi, également comme adjectif, relève d'un style soutenu ou littéraire.
❏  Parmi les dérivés qu'il a immédiatement produits (bravacher, bravachon), seul BRAVACHERIE n. f. (1594) s'est maintenu ; il est peu usité.
❏ voir BRAVADE.
BRAVADE n. f. est emprunté (1547) à l'italien bravata « entreprise téméraire accomplie par ostentation » (1536) et « comportement provocateur » (1545). C'est le participe passé féminin substantivé de bravare « braver », dérivé de bravo (→ brave). Étant donné la faveur dont a joui le mot au XVIe s. et les emprunts faits à l'italien à la même époque (brave*, bravoure*, bravache*), l'hypothèse d'un emprunt à l'espagnol bravata (1526) ne semble pas à retenir ; d'après Corominas, celui-ci serait emprunté à l'italien. Quant à l'hypothèse d'une dérivation de brave* avec le suffixe -ade, elle est peu probable pour les mêmes raisons.
❏  Le mot exprime une idée d'ostentation de bravoure. Très en vogue au XVIe s., il avait aussi la valeur favorable de « bravoure, fierté » par influence de brave (avec un suffixe -ade possible). Le mot s'employait hors du contexte guerrier pour décrire un mouvement vif, gracieux, exprimer le luxe, la magnificence, voire l'élégance, la beauté physique. Seul le sens d'emprunt s'est maintenu.
❏  BRAVADER v. s'est employé au XVIe s. aux sens de « montrer de l'élégance », « dominer » et, transitivement, « traiter avec hauteur ». Il réapparaît au XXe s. dans un style très littéraire pour « affecter un air de bravade ».
❏ voir BRAVACHE.
BRAVE adj. et n. semble emprunté (av. 1521), comme le suggère le caractère italianisant des premiers auteurs français qui emploient le mot, à l'italien bravo (1346-1367). Celui-ci signifie d'abord « courageux » mais aussi « arrogant » (av. 1529), « bon » (1555), également « sauvage, indompté » en parlant d'un animal (XVe s.). Le mot italien est probablement emprunté, plutôt qu'à l'espagnol bravo, au provençal brau « sauvage » (2e moitié XIe s.). Ce dernier, de même que le catalan brau (1284), le portugais bravo (1124) et l'espagnol bravo (1030), est probablement issu par voie populaire du latin barbarus, d'abord « barbare » (→ barbare), puis « sauvage, fier » en parlant des animaux (d'où l'espagnol bravo appliqué au taureau, et le provençal brau « taureau ») ; barbarus correspondait aussi à « sauvage », en parlant des plantes, et à « inculte » (du sol). L'évolution phonétique a probablement conduit de barbarus à °barbru puis, par dissimilation, °babru, d'où, par translation du premier -r-, °brabu. Cette évolution, proposée par J. Cornu, est généralement admise. Cependant, Menéndez Pidal, se fondant sur des formules du León où le latin pravus signifie « inculte » ou « sauvage », a proposé d'y voir l'étymon du mot roman, mais pravus représente probablement ici une fausse latinisation de bravo, très ancien en domaine ibérique.
❏  Le mot, dans la première attestation, a le sens de « spadassin italien », par emprunt à l'italien bravo « mercenaire, homme de main » (av. 1529), substantivation de l'adjectif bravo. Qualifié de « vieilli » par l'Académie en 1878, cette valeur avait disparu depuis longtemps au profit de la forme non francisée BRAVO, au pluriel bravi (1832), employé par extension à propos d'un homme de main, spécialement d'un maître-chanteur (1843, Balzac), puis d'un homme sans scrupules ; ces emplois sont à leur tour sortis d'usage.
■  Brave se répand à partir de 1535 avec un éventail de sens qui recouvre les notions italiennes de « beau », « fier, arrogant » (1541), « bon » (av. 1544), « noble » (av. 1544) et « courageux » (1549), ceci jusqu'au XVIIe s. ; certains de ces emplois correspondent aux valeurs anciennes de gentil. ◆  Le sens de « courageux » est ensuite dominant. Cependant, l'acception de « bon, honnête avec simplicité » s'est maintenue (1704), comme celle de « beau, agréable » ; elle se rencontre surtout dans certains emplois régionaux laudatifs (sud-est de la France, notamment Provence) à propos d'un animal, d'une personne, sous la double influence du provençal et de l'italien. En revanche, la valeur dominante en français central demeure celle de « courageux ». En français du Luxembourg, l'adjectif vaut pour « docile, obéissant », notamment, d'un enfant.
❏  Le dérivé BRAVEMENT adv. (1465), « de manière courageuse », a eu également jusqu'au XVIIe s. les sens correspondant à ceux de brave, « orgueilleusement », « insolemment », et aussi « excellemment », « agréablement », « luxueusement, élégamment » et, en particulier, « selon l'usage élégant, à la mode ». ◆  Seule la valeur initiale a survécu en français moderne.
■  BRAVER v. tr., dérivé (v. 1515) de brave d'après l'italien bravare, a signifié « humilier par son luxe », « faire belle figure par sa parure, se montrer aimable », à la forme pronominale se braver « se faire gloire, s'enorgueillir, se parer avec forfanterie ». Seule la valeur, elle aussi ancienne, de « provoquer, défier » est restée en usage.
■  BRAVERIE n. f. (1541), au sens d'« audace, bravoure ostentatoire » (1542-1559), est devenu littéraire et rare. Au XVIe s., il a été synonyme de bravade (1541) et a signifié « ostentation » (1542-1559), prenant par métonymie le sens concret de « parure, toilette » (av. 1555) en usage jusqu'au XVIIIe s. et encore relevé sous la plume de Chateaubriand.
❏ voir BARBARE, BRAVACHE, BRAVADE, BRAVO, BRAVOURE.
BRAVO interj. et n. m. est emprunté (1738) à l'italien bravo (→ brave), adjectif adressé à la personne que l'on approuve et encourage (au masculin bravo, au féminin brava, au pluriel bravi). Le mot est passé avec l'opéra italien en France, en Allemagne et en Angleterre (1761) ; il désigne d'abord les cris qui accompagnent les applaudissements.
❏  Le mot, repris comme exclamation et substantivé (1775), signifie « marque d'approbation, applaudissement » ; on disait auparavant bravoures. Jusqu'au XIXe s., on trouve également brava (pour une femme) et bravi (pour plusieurs personnes), selon l'usage italien. Ces formes ont disparu et le pluriel bravos s'est imposé aux dépens du pluriel italien bravi (encore signalé en 1842 dans le dictionnaire de l'Académie).
❏  L'exclamation BRAVISSIMO (1775) est reprise de l'italien bravissimo, superlatif de bravo. Les formes bravissima, bravissimi, bravissime ont été abandonnées comme pour bravo, le superlatif n'étant d'ailleurs guère substantivé.
BRAVOURE n. f., d'abord bravure (1648) puis bravoure (1663), est emprunté à l'italien bravura (XVe s.), lui-même dérivé de bravo (→ brave). Le mot italien recouvre le sens de « bravade, arrogance », puis de « courage, audace » (1541) et « action de bravoure » (av. 1543) ; il est attesté plus tard comme terme de musique. L'hypothèse d'un emprunt à l'espagnol bravura « vaillance, courage » (XIIIe s.) convient moins bien.
❏  En français, le mot exprime d'abord la notion de vaillance, de courage et spécialement de courage militaire ; une bravoure « acte de bravoure » (1648) ne se dit plus. ◆  Le sens de « manifestation d'approbation » (1663, surtout au pluriel), usité à l'époque classique, a disparu sous la concurrence de bravo*. ◆  La spécialisation artistique pour « qualité d'un musicien virtuose », qui s'est maintenue dans air de bravoure (1798), est aussi un italianisme ; la locution morceau de bravoure s'est étendue de la musique à la partie d'une œuvre littéraire, théâtrale, cinématographique voulue particulièrement brillante par l'auteur.
BREAK n. m. est emprunté (1830) à l'anglais break (également brake) désignant une voiture découverte à deux ou quatre roues servant au dressage des chevaux attelés (1831) et une voiture découverte à quatre roues et à bancs longitudinaux (1874). Le mot anglais est d'origine obscure, probablement apparenté à brake « bride, gourmette d'un cheval » (1430), plus tard « frein », dont l'étymologie est incertaine, une parenté avec le français braquer* n'étant pas exclue.
❏  Break est entré en français comme nom d'une voiture à cheval, d'abord dans le contexte anglais puis dans un contexte plus général (1845). Il désigne ensuite, comme de très nombreux termes du domaine hippomobile, une carrosserie d'automobile (1900), s'appliquant plus tard à un type de carrosserie automobile en forme de fourgonnette à arrière vitré (1951). Ces emplois sont de faux anglicismes, l'anglais employant estate-car et l'américain station-wagon.
BREAKFAST n. m. est emprunté (1865) à l'anglais breakfast (1463) « petit déjeuner », proprement « ce qui rompt le jeûne », par la même figure que dé-jeuner (→ déjeuner). Le mot est composé de to break « rompre, briser », verbe dont la racine germanique se retrouve dans braquemart*, brèche*, broyer*, et de fast « jeûne » (XIIe s.), issu de l'ancien norrois fasta et correspondant à un verbe to fast. Ce dernier relève d'un type germanique °fastejan, lequel est dérivé de l'adjectif °fastuz dont l'anglais a hérité avec fast « ferme », puis « rapide ». Le développement sémantique du groupe de to fast s'est opéré à partir du sens de « tenir fermement », transposé moralement en « observer (une règle) » et spécialisé secondairement en « observer l'abstinence ».
❏  Cet anglicisme correspond à la nécessité de distinguer nettement deux habitudes culturelles radicalement différentes face au premier repas de la journée. Au petit déjeuner français, relativement spartiate, parfois appelé en hôtellerie (par anglicisme) petit déjeuner continental (du point de vue britannique), s'oppose le breakfast anglais (et américain) : thé, toasts, jus de fruits, céréales, œufs (et bacon ou tomates, saucisses...).
❏ voir BRUNCH.
L BREBIS n. f. est l'altération par métathèse (XIIIe s.) de berbis (XIIe s.), encore au XVIe s., qui remonte au latin populaire °berbix (accusatif berbicem, IVe s.). Ce mot est l'altération, peut-être sous l'influence de noms d'animaux comme perdix (→ perdrix), de berbex, -ecis « mouton ». Berbex est la déformation du latin classique vervex, -ecis, mot d'origine obscure. Le type vervex / berbex a éliminé ovicula « femelle du mouton », dérivé de ovis (→ ovin, ouailles) qui ne subsiste que dans les parlers du centre, de l'ouest et du sud-ouest de la France ; il a également supplanté le latin feta « femelle qui a enfanté », vivant dans les parlers méridionaux (ancien provençal feda). Le sens de « femelle du mouton », dégagé tardivement chez des auteurs d'origine gauloise, s'est développé particulièrement dans le nord de la France où le mot celtique °multo, de sens plus général, s'est maintenu avec le sens général de « mouton » (→ mouton).
❏  Le mot désigne la femelle du mouton ; un emploi au sens de « mouton » dans le syntagme brebis mâle (XVIe s.) n'a pas eu de succès. ◆  Des emplois figurés correspondent à « personne douce et passive », soit, dans le symbolisme évangélique et par allusion à la parabole du Bon Pasteur, à « chrétien fidèle à son pasteur » ou, avec un qualificatif péjoratif, « mauvais chrétien » (XVIe s., Calvin, brebis rongneuse, qui annonce brebis galeuse). On notera que brebis galeuse (1690) a des équivalents en italien, allemand, anglais, danois car, outre l'origine religieuse de l'expression, commune dans tous les pays d'élevage de tradition judéo-chrétienne, les bergers ont soin d'écarter les bêtes malades du reste du troupeau. L'expression brebis noire a la même valeur, en français du Luxembourg.
❏  BREBIETTE n. f. (v. 1170) « jeune brebis » est sorti d'usage au XVIIe siècle.
■  BREBIAGE n. m. (1291) est un ancien terme de féodalité désignant un droit perçu sur les ovins, les brebis étant envisagées comme reproductrices ; ce terme a disparu au XVe siècle. Le mot a été repris comme terme d'histoire (1732). Il s'est conservé dans des dialectes du Centre au sens collectif de « troupeau de brebis ».
❏ voir BERCAIL, BERGER.
G BRÈCHE n. f. est un mot ancien (breche, 1119) d'origine germanique, limité au domaine gallo-roman et probablement issu du francique °breka « ouverture, fracture ». Celui-ci est reconstruit d'après l'ancien haut allemand brecha, du verbe brechan « rompre, briser » (allemand brechen), à partir duquel on restitue aussi le verbe francique °brëkan qui a donné broyer*. L'ancien provençal, attesté par ses dérivés bercar « ébrécher » et berch « ébréché » (XIIe s.), est emprunté au français de même que l'italien, l'espagnol, le portugais.
❏  Le mot désigne une ouverture produite par force ou par accident à ce qui sert de clôture (brèche d'une haie, 1304 ; brèche dans un mur, 1419) et spécialement une ouverture dans une enceinte fortifiée (XVe s.). Cette spécialisation militaire est à l'origine de locutions figurées courantes, notamment (être) sur la brèche (1694, en emploi concret), au figuré « en pleine activité, dans le feu de l'action » (XIXe s.) et battre en brèche (1701) « attaquer (un rempart, une fortification) avec l'artillerie », employée abstraitement pour « attaquer (un argument), réfuter » (XIXe s.). ◆  Dès les premiers textes, le mot désigne aussi abstraitement une interruption, un hiatus (1119), puis le tort, le dommage fait à un bien, un patrimoine, qui aurait dû être conservé intact (XVIe s.).
❏  BRÉCHU, UE adj. (XXe s.) qualifie ce qui présente des brèches. Il est rare.
■  ÉBRÉCHER v. tr., d'abord esbrechier (XIIIe s.), signifie « faire des brèches, des cassures au bord de qqch., et surtout à un instrument tranchant » et, par analogie, « casser un morceau d'une dent » (1636). La distance sémantique entre brèche « cassure, rupture complète » et ébrécher « casser le bord de (qqch.) » correspond à la démotivation relative du verbe. ◆  Dans ce sens comme dans l'emploi initial, le participe passé ÉBRÉCHÉ, ÉE, adjectivé, est ancien (1260 ; 1344, dent ébréchée). Il semble plus usuel que le verbe actif. ◆  Le sens métaphorique et figuré de « mettre en péril l'intégrité de, causer un tort à (qqn) » (XVIe s.) a vieilli. Celui d'« entamer (par exemple un pâté) » a disparu.
■  Ébrécher a servi à former ÉBRÈCHEMENT n. m. (av. 1623) et ÉBRÉCHURE n. f. (1873).
BRÈCHE-DENT adj. est formé (XIIIe s.) de l'élément verbal brèche- attestant un verbe simple brécher employé du XVe au XVIIe s., et de dent*. D'abord sous la forme Brichedent, nom propre, puis brescheden, adjectif (1534), le mot qualifie une personne édentée ; il est sorti d'usage ou constitue un archaïsme délibéré.
BRÉCHET n. m. est l'altération (brechet, 1552), peut-être d'après ébrécher et brécher (→ brèche), de bruchet (1354-1376), bruschet (1385), sans doute d'origine germanique. L'étymon le plus probable est le moyen anglais brusket (1338), peut-être à rattacher par l'intermédiaire d'un anglo-normand supposé °brusket, °brisket, à l'ancien norrois brjósk « cartilage » (norvégien et danois brusk) avec le suffixe -et. Cette hypothèse convient mieux que celle d'un emprunt direct du français à l'ancien norrois (dictionnaire d'Oxford), peu vraisemblable d'un point de vue phonétique. L'étymon germanique °brust postulé par l'ancien haut allemand brust (encore en allemand moderne), « poitrine », est moins satisfaisant. ◆  Enfin, la variante brichet (v. 1393) pourrait être due à un second emprunt à l'anglais brisket (1535, briscat) issu de brusket sous l'influence de breast, antérieurement breist, brist « poitrine ». ◆  Tous ces mots remontent à un germanique °breustam, parallèle à un radical consonantique féminin °brusts. Il n'y a pas de mot indoeuropéen commun pour la poitrine, mais la racine supposée °bhrus-, °bhreus- est représentée par l'ancien irlandais brú « abdomen, poitrine », le russe bryúkho « ventre ».
❏  Le mot désigne la crête osseuse saillante et verticale sur la face externe du sternum de la plupart des oiseaux. Par extension, il est employé par intention stylistique et ironique pour le sternum humain.
BREDELE, avec les deux e finaux prononcés, est un emprunt à l'alsacien, pluriel de bredel (aussi bredle), diminutif de brat « pain » pour désigner en français d'Alsace, les petits gâteaux secs de Noël.
BRÈDES n. m. ou f. pl., emprunt du français au portugais bredo (1734), s'emploie en Afrique subsaharienne, dans l'océan Indien, en Nouvelle-Calédonie, pour désigner des feuilles de plantes comestibles, par des mots composés spécifiant leur nature : brèdes de Chine et brèdes chinois (respectivement, un chou et une astéracée) ; brèdes épinards, brèdes cresson (1819) : épinards, cresson ; brèdes malbar (1811), amaranthe ; brèdes martin (1817), une solanacée ; brèdes songes (du malgache saonjo), une aracée (colocase). Bouillon* brèdes.
BREDIN, INE ou BERDIN, INE adj. et n., attesté en 1574 en Auvergne, est le déverbal de brediner, berdiner « s'amuser niaisement », qu'on pense être du même radical que bredouiller. Ce mot régional du centre de la France (surtout Allier, Bourgogne) signifie « simple d'esprit, idiot ou fou », à côté de berlaud, brelot.
? 1 BREDOUILLE adj. et n. f. (1534, dans un sens obscur et un contexte obscène, chez Rabelais) est d'origine incertaine. Il est difficile de rapprocher bredouille de bredouiller puisque partie bredouille, grande bredouille, gagner la partie bredouille font à l'origine référence à un jeu particulièrement chanceux. P. Guiraud, partant du fait que la locution pourrait avoir un sens neutre, positif ou négatif selon qu'elle est appliquée au gagnant ou au perdant, explique bredouille comme une altération de berdouille « boue », ce qui ramènerait à bredouiller* : la bredouille serait « l'enlisement », « l'embourbement » du joueur qui ne marque pas un point pendant que son adversaire chanceux fait tous les points et parcourt toutes les cases du jeu de tric-trac.
❏  Le mot, dans l'emploi qu'en fait Rabelais (ma petite couille bredouille), est motivé par les homophonies et il est difficile de lui attribuer une valeur négative (bredouille semble ici hypocoristique). L'attestation isolée de la locution être en bredouille (1611) pour « être un peu éméché » est difficile à expliquer, mais sûre : on retrouve ce sens dans le dialecte normand de Jersey (brédouille ou brédouoille « gris »). ◆  Cotgrave (1611) enregistre le mot à propos de la situation favorable d'un joueur aux cartes et au tric-trac, Richelet (1680), le précisant comme nom de la partie double que l'on marque de deux jetons (1680), distinguant la grande brebouille « douze jeux de suite qui emportent le double de ce qu'on avoit mis au jeu » et la partie bredouille « partie qui en vaut deux ». ◆  Le sens moderne, s'il n'est pas premier (Cf. ci-dessus Guiraud), pourrait venir du transfert du vainqueur au perdant, mettre qqn en bredouille correspondant à « faire une bredouille à ses dépens » ; de là « mettre dans l'embarras » (1627) puis sortir bredouille (1704), enfin être bredouille « sans aucun résultat ou gain », notamment dans le contexte de la chasse (aussi revenir bredouille).
? BREDOUILLER v. est peut-être la variante (1564) suffixée en -ouiller de l'ancien français bredeler « marmotter rapidement » (XIIIe s.), verbe d'un type abondamment représenté dans les parlers gallo-romans. Ce mot est probablement la variante des anciens verbes bret(t)er « marmonner », bretonner « bégayer », qu'on fait venir de Breton, le sens étant proprement « parler (français) comme un Breton », ceci par un développement sémantique analogue à celui de baragouin. Le mot remonterait dans ce cas au latin britto « Breton » comme bretèche, bretteur. Les formes en -d- sont peut-être dues à un nouvel emprunt du représentant de britto à un moment où -t-, devenu -z- en breton moderne, était parvenu à l'étape intermédiaire -d- (non attestée). P. Guiraud, en se fondant sur la coexistence fréquente des significations « barboter dans la boue » et « s'exprimer mal, confusément » (Cf. patauger, barboter, barbouiller), voit dans bredouiller un emploi métaphorique de berdouille « boue », mot du Nord (→ barder), avec métathèse du groupe -re- en -er-. Cette hypothèse lui permet d'établir une parenté, absente dans les autres hypothèses, avec bredouille*.
❏  Le verbe, qui signifie « marmonner indistinctement », est employé intransitivement et transitivement.
❏  Bredouiller a produit le dérivé 2 BREDOUILLE n. « personne qui bredouille » (1694), qui ne s'est maintenu qu'en Dauphiné et en Lorraine.
■  BREDOUILLIS n. m (1600) « paroles bredouillées » et BREDOUILLARD, ARDE adj. (1611) « qui bredouille » sont rares.
■  BREDOUILLEMENT n. m. (1611) « action de bredouiller » et « bredouillis », BREDOUILLEUR, EUSE n. et adj. (1642) « (personne) qui bredouille », BREDOUILLAGE n. m. (fin XVIIe s.) et BREDOUILLANT, ANTE adj. (1857) sont en revanche usuels.
■  On peut y ajouter le mot de Suisse romande, BREDOUILLON, ONNE n. m. et adj. « qui bredouille », « garçon bavard » (Vaud) et « qui travaille sans suite et sans soin » (1852).
❏ voir BREDIN.
BREDZON n. m., forme francisée, en Suisse, d'un mot dialectal (Fribourg) attesté au XVIIIe s. (1722, brezon), provient d'une aphérèse (bergeon, 1719) de haubergeon, attesté à partir du XIIe s., terme d'histoire après le XVe s. (→ haubert).
❏  Le mot, en français de Suisse (surtout dans le canton de Fribourg) désigne la veste traditionnelle des armaillis, à manches courtes et bouffantes, à revers brodés.
L + 1 BREF, BRÈVE adj. et adv., réfection (1re moitié XIIIe s.) de brief, brieve (v. 1050), est issu du latin classique brevis « court, dans l'espace comme dans le temps », spécialement employé à propos de discours et d'écrits, et adjectif substantivé pour désigner une syllabe brève, par ellipse de brevis syllaba. Le mot est également employé avec une valeur adverbiale dans les expressions in brevi, ad breve (sous-entendu tempus), « en peu de temps », in breve « en peu de mots, en résumé ». Bien que les Anciens l'aient déjà rapproché du grec brakhus (→ brachy-), il s'intègre difficilement aux mots de cette série indoeuropéenne. En français, les formes brief, brieve sont encore en concurrence avec bref, brève au XVIe s. ; ces dernières l'emportent au XVIIe s., et la plupart des dictionnaires, à partir de Richelet (1680), ne mentionne plus brief, briève que dans le vocabulaire de la justice (bonne et briève justice).
❏  Le mot a repris les valeurs du latin et qualifie essentiellement ce qui est court sur le plan temporel, et spécialement un discours, un écrit (av. 1200, brève oraison). La locution usuelle être bref signifie « dire vite » (fin XVe s.). ◆  La valeur spatiale de « petit » (v. 1119) est archaïque ; elle n'a pas survécu à la concurrence de court et de petit. ◆  La spécialisation du mot en prosodie (1549, Du Bellay) et l'emploi substantivé du féminin brève (1680) pour syllabe brève correspondent à l'usage latin. ◆  Au sens temporel, le syntagme nouvelle brève a donné lieu à la substantivation une BRÈVE n. f., emploi courant dans les médias. De là, brève de comptoir (1987, J. M. Gourio) « histoire courte recueillie dans les cafés ».
■  L'emploi adverbial de bref employé seul est précédé par les locutions adverbiales a bref, de bref, en bref « dans peu de temps, bientôt » (1200-1250), sens disparu au XVIIe siècle. ◆  Le sens d'« en peu de mots » s'est imposé dans la locution en bref (1403), puis par bref en début de phrase (fin XVe s.) ; malgré les foudres de Vaugelas, ce dernier emploi s'est imposé au XVIIe s. et demeure usuel, comme ponctuation du discours (« allons !, résumons, continuons », etc.), par exemple dans enfin, bref, tout va bien (1745).
Le composé savant BRÉVILIGNE adj., qui correspond à longiligne et apparaît en même temps (attesté 1888), est plus rare que son contraire longiligne (→ long).
❏  L'ancienne forme brief, brieve a servi à former deux dérivés.
■  BRIÈVEMENT adv. (v. 1130) correspond à « de manière courte », notamment dans le discours (Cf. en bref).
■  BRIÈVETÉ n. f. est la réfection d'après le dérivé latin brevitas (v. 1265) des formes héritées brieteit (fin XIIe s.), brietez (1211-1214). La tentative de réfection en brèveté (1549), d'après bref, n'a pas eu raison de la forme ancienne, soutenue par brièvement.
■  BRÉVITÉ n. f., emprunté ultérieurement (1819) au latin brevitas, est un terme technique qui désigne la valeur d'une durée d'émission d'une unité phonique.
ABRÉGER v. tr. est issu (v. 1160) du bas latin abbreviare « devenir plus court (avec une valeur temporelle) », puis « rendre plus court », surtout à l'époque médiévale, et « rédiger », dérivé de brevis.
■  Le verbe est d'abord attesté au pronominal au sens de « raccourcir », en parlant des jours, et au sens transitif correspondant (1160). Sa spécialisation juridique, « rédiger en réduisant » (1268), s'est étendue à toute forme d'expression ; au moyen âge, la concision (brevitas) étant une qualité stylistique prisée, abréger était passé au sens de « rédiger, écrire » ; il fut ensuite remotivé. ◆  Le sens technique de « diminuer la valeur ou les services d'un fief » (1283) a disparu avec la féodalité et n'a plus qu'une vocation historique (1771). ◆  Au XIXe s., le développement de la grammaire et de la philologie a fait prendre au verbe le sens de « faire brève (une syllabe) », en prosodie.
■  De tous les dérivés d'abréger, seul ABRÉGÉ, son participe passé adjectivé et substantivé au masculin, a connu une grande vitalité. Il désigne (1305) la rédaction réduite d'un écrit, d'un discours, avec une grande stabilité jusqu'à nos jours. Il entre dans la locution en abrégé (1680). ◆  Cependant, il n'a pas gardé le sens plus général d'« action de rendre plus court », attesté une seule fois, en 1452, et le sens particulier de « raccourcissement d'un mot » (1701), cédé au XIXe s. à abréviation, sauf dans écrire en abrégé. ◆  À partir du XVIIe s., il renvoie à une représentation en miniature (1680) et, techniquement, à une certaine réduction des touches du clavier de l'orgue.
■  ABRÈGEMENT n. m. (1283) n'est le substantif d'action d'abréger que de manière sporadique ou spécialisée, gêné par la concurrence d'abréviation : on parle d'abrègement de fief, en droit féodal puis en histoire. Le mot s'emploie aussi en linguistique à propos de la substitution d'une forme réduite à une forme pleine ; dans cette dernière acception, il est, selon les théories, soit l'équivalent d'abréviation, soit distinct de ce terme, désignant le phénomène phonétique (et non graphique) de la réduction. ◆  Ni l'adverbe ABRÉGÉMENT (av. 1450), ni l'adjectif ABRÉGEABLE (1936, Céline), ne sont utilisés couramment.
La série a été gênée par la concurrence de celle d'ABRÉVIATION n. f. (1375), emprunté au latin chrétien abbreviatio « version abrégée d'un écrit » (IVe s.), employé par les auteurs médiévaux (v. 1200) pour désigner le procédé stylistique alors usuel du résumé (par opposition à la dilatatio).
■  Le mot a été introduit en français avec le sens de « version abrégée d'un écrit », qui ne s'est pas maintenu, étant réservé à abrégé. ◆  Le sens général de « raccourcissement » (1452-1472, abréviation... de nostre voyage) est resté usuel jusqu'au XVIIe siècle. Le mot s'est spécialisé dans le domaine de l'expression écrite : abréviation désigne la représentation graphique plus courte d'un mot ou d'une expression ; depuis la fin du XVIIIe s., il se dit en outre de l'emploi des lettres initiales d'un mot pour le désigner (1798), se substituant alors à son propre dérivé abréviature n. f. (1529), sorti d'usage au XIXe siècle. ◆  Au XIXe s., il passe en jurisprudence (abréviation de délai), en philologie, en typographie, en musique et en peinture. ◆  La répartition des emplois entre abrègement et abréviation donne plutôt au premier une valeur dynamique, au second un sens résultatif.
■  L'adverbe qui en est dérivé, ABRÉVIATIVEMENT, d'abord attesté chez Fourier (1830), est usité dans le domaine de la langue puis dans d'autres contextes. ◆  Il est peu employé, de même que le participe passé adjectivé ABRÉVIÉ, ÉE (fin XIIe s.), témoin de l'ancien verbe abrévier qui avait été emprunté au latin chrétien abbreviare « rendre plus court un texte ».
❏ voir 2 BREF, BRÉVIAIRE, BRIEFING, BRIMBORION, BRIMER, BRUMAIRE, BRUME, EMBRUN.
L + 2 BREF n. m. est issu (1080) du latin brevis n. m., breve au neutre (depuis le VIe s.), substantivation de l'adjectif brevis, en parlant d'un court écrit. Le mot est abondamment attesté dans les textes médiévaux où il s'applique à un résumé, un sommaire (v. 808), une liste, un catalogue (v. 829), une charte, un mandement (v. 1038), etc. Il désigne aussi un compte domanial et, par métonymie, le revenu provenant de domaines seigneuriaux (v. 1194). À partir du XVe s., brevis concerne aussi un acte émanant de la chancellerie pontificale : sous Eugène IV (1431-1447), un office expédie alors rapidement sous une forme simple les lettres non soumises aux formalités exigées pour les bulles.
❏  Le mot a désigné une lettre, un message officiel (émanant d'un roi, d'un empereur), et spécialement (1557) une lettre émanant du pape ou de la Pénitencerie, plus courte que la bulle et rédigée sans préambule.
❏  BREVET n. m. est, sous sa forme actuelle (1223), la réfection d'après 2 bref de l'ancien français brievet (1160), de brief, adjectif. Le mot est aujourd'hui démotivé par rapport à bref, adjectif et nom. ◆  En ancien et moyen français, brevet avait, outre le sens général de « lettre, écrit », un grand nombre d'acceptions particulières et techniques, où il a été remplacé par des mots comme requête, placet, placard, ordonnance de médecin, liste, reconnaissance de dette, talisman portant une formule magique, acte de condamnation ; il s'appliquait en particulier à un acte non scellé expédié au nom du roi (pension, bénéfice, titre) [1316]. ◆  De nos jours, en plus de son emploi en droit à propos d'un acte notarié, il s'est spécialisé pour désigner les actes attestant une qualification, une dignité, par exemple dans brevet d'apprentissage (1690) ou brevet d'invention (1791), appelé simplement brevet. ◆  Le brevet d'enseignement primaire se nommait aussi absolument le brevet, emploi très courant avant la suppression de cet examen (avoir son brevet).
■  De ce sens procède un emploi figuré pour « assurance, garantie » (1798, dans la locution familière donner, délivrer un brevet de, suivi d'un nom de qualité).
■  BREVETER v. tr. (1751) signifie d'abord « accorder un brevet à (qqn) pour un emploi, un office ». ◆  De nos jours, d'après brevet, le verbe s'emploie dans les domaines de l'éducation et de l'invention (dans ce dernier cas, souvent avec un complément d'objet inanimé). La valeur de bref, l'idée de brièveté est alors perdue, ce qui n'était pas le cas pour l'ancien dérivé breveter (1580) qui s'est employé pour « résumer ».
■  Le participe passé BREVETÉ, ÉE a été adjectivé (1835), en français de France, à propos d'objets, de procédés, en français d'Afrique, de personnes ayant le diplôme d'études du premier cycle du secondaire appelé brevet. BREVETABLE adj. (1845) et BREVETABILITÉ n. f. (1870) appartiennent au langage juridique.