? BRÛLER v., d'abord bruller (v. 1120), est d'origine incertaine. La seconde partie du verbe représente l'ancien français usler, uiller (v. 1121), issu du latin ustulare, dérivé de urere « consumer par le feu ». Ce verbe, peu représenté dans les langues romanes, répond au grec euein et au sanskrit ósami « je brûle ». Le br- initial est très controversé : selon les uns, le mot français serait issu du croisement entre usler et l'ancien français bruir « brûler », d'origine francique (→ brouir). De son côté, le br- des formes italiennes brustolare, abbrustolire, etc. serait dû à un croisement avec une base méditerranéenne °brusa dont est issu le verbe italien brucare « brûler », par l'intermédiaire d'un latin populaire °brusiare. Selon une autre hypothèse, moins probable, le br- de brûler et celui des formes italiennes sont de même origine et on a évoqué un gaulois latinisé en °brusiare « brûler », très douteux faute de correspondant dans les langues celtiques. ◆  Le type latin °bustulare, tiré de °combustulare, lui-même issu par changement de préfixe de ambustulare, compris comme am-bustulare (→ buste), a le mérite de faire appel à un procédé de formation bien attesté : c'est en effet sur amburere, formé avec ambi-, amb-, interprété à tort en am-burere, qu'ont été formés le latin bustum « bûcher » (→ buste) et comburere « brûler » (→ combustion). Cependant, le -r- fait difficulté (on devrait avoir °bûler) : on l'a expliqué par une influence du latin bruscum « nœud de l'érable » (mot étranger, peut-être celtique) peu justifiable du point de vue sémantique ; on l'a aussi considéré comme résultant du dédoublement du -l- de bustulare et transformation en r, comme dans fronde. ◆  Selon P. Guiraud, le rapport de brûler avec l'ancien français usler est secondaire : brûler remonterait au type °bruscitulare, également supposé par l'italien brustolare, diminutif d'un °brusciare « flamber avec de la bruyère », du bas latin bruscus « fragon épineux », « bruyère » (→ brusque). Cette hypothèse est compatible avec le principal sens ancien de brûler qui est « écobuer, brûler les herbes, les broussailles » (Cf. ci-dessous brûlis) ; elle manifeste la relation entre « bruyère »/« brûler » que l'on a d'autre part dans le couple brander « flamboyer »/brande « bruyère », mais elle ne repose que sur des formes reconstituées ad hoc.
❏  Le verbe, employé transitivement, correspond à « détruire par le feu » (brûler qqch.) et, intransitivement, à « être détruit par le feu » (av. 1150). Comme transitif, avec un complément nom de personne ou de partie du corps, il équivaut à « tuer ou blesser par l'effet du feu », surtout au passif (voir ci-dessous brûlé, brûlure) et, par extension, à « endommager (les tissus vivants) par un acide, un produit caustique ». ◆  Depuis le XIIe s., il a acquis des valeurs métaphoriques ou figurées dans lesquelles le lien avec l'idée de feu s'est relâché. Dès l'ancien français, le verbe transitif est employé par image (1200-1225) et aux sens de « dessécher » (v. 1180) et « produire une sensation ou un effet comparable à ceux du feu ». L'emploi intransitif renvoie à un état de chaleur extrême (1539) et, au figuré, à l'emprise d'un sentiment intense (1538), en particulier l'amour, le désir, l'impatience. Une analogie technique donne au verbe, régionalement en France, en Belgique et au Luxembourg, le sens de « être allumé » (d'un appareil électrique). ◆  À partir du XVIIe s., brûler est attesté avec le sens particulier de « consumer (une chose) par l'action du feu pour en tirer du chauffage ou de l'éclairage » (1636). Il s'emploie aussi avec une valeur symbolique issue des cultes religieux, en langue classique dans la locution brûler de l'encens devant qqn « l'aduler » (XVIIe s.), de nos jours dans la locution brûler un cierge pour qqn « faire une prière, des vœux pour lui ». ◆  Ultérieurement, avec un nom de personne pour sujet, il acquiert plusieurs sens figurés : par référence à la rapidité du feu, il exprime l'idée de « passer sans s'arrêter à un point prévu » (1710), aujourd'hui fréquent dans brûler un feu rouge et, par métaphore, dans brûler les étapes, brûler la politesse. De là, en argot ancien, le sens de « laisser impayé » (av. 1789). La locution métaphorique brûler la chandelle par les deux bouts (1611) correspond à l'idée de dépense excessive, de surmenage, et brûler les planches « produire un effet très puissant (d'un acteur) » induit l'idée de fougue. ◆  De là viennent des emplois figurés pour « surmener » et, intransitivement, pour « se consumer ». ◆  Se brûler, en français du Québec, correspond à « s'exténuer, s'épuiser ». ◆  Au XIXe s., brûler prend le sens d'« être tout près du but » dans le contexte de certains jeux ou devinettes (1829) où le froid symbolise l'échec, et la chaleur la réussite.
■  L'effet du feu induit le sens figuré de « démasquer, perdre, discréditer (qqn) » (1828-1829, Vidocq) et, par utilisation de la métaphore de l'arme à feu, le sens familier de « tuer avec une arme à feu » (1884, Maupassant), lequel a vieilli en dehors de la locution (se) brûler la cervelle.
❏  BRÛLEMENT n. m., réfection (brusl, 1587) de bruillement (v. 1120) substantif d'action de brûler, demeure rare ; il est plus fréquent avec le sens métonymique de « sensation d'échauffement » (1837).
■  BRÛLIS n. m., d'abord bruellëiz (v. 1170), désigne le défrichement par le feu et, par métonymie, l'étendue ainsi traitée.
■  BRÛLURE n. f., d'abord bruilëure (v. 1220), brusleure (1538), bruslure (1561), exprime la détérioration causée par le feu à un objet ou à une substance et surtout la lésion causée à la peau ou à un organe par le feu et analogiquement par une substance caustique. Depuis le XVIe s. (1539), il exprime aussi une sensation de chaleur intense. ◆  Un emploi abstrait, au sens de « ravage, sensation vive et pénible » (1561), fait pendant à l'emploi correspondant du verbe.
■  BRÛLEUR, EUSE n. (XIIIe s.) désigne la personne qui met le feu, le plus souvent avec un complément introduit par de (v. 1380). Ce sens tend à disparaître, y compris dans ses emplois figurés comme brûleur de maisons « vagabond » (1552), brûleur de planches « comédien au jeu fougueux », qui a vieilli, alors que brûler les planches est resté en usage. ◆  Le mot est passé dans l'usage technique au XVIIe s. comme désignation de l'ouvrier qui distille une matière (1666), sens archaïque. ◆  Il a été repris au XIXe s. pour désigner un appareil servant à brûler le gaz d'éclairage ou de chauffage (1853), ou réglant les proportions d'air et de combustible fluide avant leur entrée dans la chaudière.
■  BRÛLERIE n. f., d'abord brullerie (1417), ne s'est pas imposé comme le substantif d'action de brûler. Par métonymie, c'est le nom d'un atelier de distillerie d'eau-de-vie (1783) et surtout, en français contemporain, de torréfaction du café.
■  BRÛLABLE adj. (1547) assume une double valeur : « qui mérite d'être brûlé », surtout en parlant de choses de l'esprit, et, plus fréquemment, « qui peut être brûlé » (1557).
■  BRÛLAGE n. m. (fin XVIe s.), substantif d'action de brûler, est rare avant le XIXe s. où il se répand dans des acceptions techniques, en agriculture (1836) où il est synonyme de brûlis, en chirurgie, en coiffure, en peinture.
■  BRÛLOIR n. m. (1784) est créé avec le sens concret de « réchaud pour griller le café », avant de se dire aussi d'autres appareils et de désigner un local aménagé pour la distillation (1843), en concurrence avec brûlerie.
BRÛLOT n. m. (1627) a désigné aux XVIIe et XVIIIe s. un petit navire chargé de matières inflammables ou explosives destiné à enflammer un bâtiment ennemi. ◆  L'usage moderne ne le connaît plus qu'en emploi métaphorique ou figuré (1740). ◆  Quelques sens concrets sont en usage : au Canada, où le mot désigne un petit moustique dont la piqûre donne une sensation de brûlure (1696). ◆  En cuisine, brûlot dénomme une eau-de-vie sucrée et flambée destinée à relever un plat (1810), un mets très épicé (1719), sens archaïque. ◆  Brûlot sert aussi de dénomination familière pour la pipe (1845).
À BRÛLE-POURPOINT loc. adv. est composé (1648) de la forme verbale brûle et de pourpoint*. ◆  La locution signifie d'abord concrètement « tout près, de manière à brûler le pourpoint », dans le contexte d'un duel au pistolet. ◆  Dès le XVIIe s., cette valeur spatiale a disparu, au profit de la valeur temporelle, « brusquement, sans préparation » à propos d'un échange verbal (1688), puis dans un contexte quelconque (av. 1755).
À partir du XVIIIe s., la dérivation de brûler consiste essentiellement en mots composés avec l'élément verbal brûle- et désignant des objets.
■  BRÛLE-GUEULE n. m. « pipe à tuyau très court » (1735) a d'abord eu cours dans le langage populaire et poissard, il est aujourd'hui descriptif et plus neutre. ◆  Formés après BRÛLE-PARFUM(S) n. m. (1785) demeuré assez courant, BRÛLE-TOUT n. m. (1822) et son synonyme BRÛLE-BOUT n. m. (1852) désignaient des bougeoirs permettant de consumer entièrement la bougie.
La dérivation de brûler est complétée par les adjectifs tirés de ses participes passé et présent.
■  BRÛLÉ, ÉE a dû être adjectivé tôt et a les mêmes valeurs que le verbe. Il a été substantivé pour « odeur de ce qui a brûlé » (ça sent le brûlé). ◆  Un, une brûlé(e) désigne une personne victime de brûlures graves. ◆  Le préfixé IMBRÛLÉ, ÉE adj. (1843) « non brûlé » ou « brûlé incomplètement » a trouvé une application technique à propos des moteurs à explosion, avec les gaz imbrûlés, « vapeurs d'hydrocarbures subsistant dans les gaz d'échappement ».
■  BRÛLANT, ANTE adj. (XIIe s.) s'est employé (encore au XVIIe s.) pour « enflammé, embrasé ». ◆  Au figuré, il se dit pour « ardent, passionné », souvent dans des contextes métaphoriques. Au concret, l'adjectif s'emploie pour « très chaud, assez chaud pour brûler » et se dit aussi de l'atmosphère. Au figuré, une question brûlante, un terrain brûlant évoquent ce qui soulève les passions, peut causer les conflits et qu'il est prudent d'éviter. ◆  Comme n. m., brûlant s'emploie en français de Belgique pour « douleurs, acidités gastriques » (avoir le brûlant). À la Guadeloupe, un brûlant se dit d'une méduse urticante.
❏ voir BUSTE, COMBUSTION.
BRUME n. f. est emprunté (1265) au latin bruma, « jour de l'année le plus court du solstice d'hiver » d'où « solstice d'hiver », employé par métonymie dans la langue poétique pour désigner la saison froide (l'hiver), quelquefois l'année. Bruma est probablement le féminin substantivé d'un ancien superlatif de brevis (→ bref), °brevimus, comme l'induit le commentaire de Varron (dicta bruma quod brevissimus tunc dies est « appelée la brume parce que le jour est alors le plus court »). Étant donné la grande rareté du mot dans le domaine d'oïl, l'intermédiaire de l'ancien provençal bruma (XIIIe s.) est très possible.
❏  Le mot a été repris au latin comme désignation de la période des jours les plus courts, c'est-à-dire l'hiver, sens concurrencé, puis éliminé par hiver. ◆  L'accent mis sur une caractéristique météorologique explique le glissement vers le sens de « brouillard de mer » (1562). Cet emploi en marine se répand à la fin du XVIIe s. (in Furetière, 1701). ◆  Par extension, le mot entre dans l'usage général à propos d'une vapeur formée par les fines gouttelettes au-dessus des eaux (1752) et un voile de brouillard peu épais. ◆  Il développe le sens métaphorique ou figuré de « ce qui empêche de voir clair » dans le domaine de la vue et de l'intellection (apr. 1850).
❏  EMBRUMER v. tr. apparaît sous la forme du participe passé embrumé avec le sens propre de « couvert de brume » (1298). ◆  Au XIXe s., il commence à s'employer au figuré pour « attrister, assombrir » (1837) et « rendre la vue, la compréhension confuse » (1867).
■  Ses dérivés EMBRUMAILLER v. tr. (1929) et EMBRUMEMENT n. m. (1961) se sont peu répandus.
Brume ne produit aucun dérivé durable avant le XVIIIe s., époque où le mot est devenu courant.
■  BRUMEUX, EUSE adj. (1787) s'emploie au propre et au figuré (1850). ◆  Le dérivé BRUMEUSEMENT adv. est rare. Gracq l'emploie au figuré (1945).
■  BRUMAIRE n. m. (1793) a été créé par Fabre d'Églantine (1793) avec les noms des autres mois du calendrier révolutionnaire. Grâce à la date célèbre du 18 Brumaire (an VIII), c'est-à-dire le 9 novembre 1799, quand Bonaparte fut nommé commandant des forces armées de Paris, le mot est resté dans l'usage des historiens.
■  BRUMASSER v. intr. et impersonnel « faire de la brume » (1837) semble directement dérivé de brume. ◆  BRUMASSE n. f., attesté récemment (1943), en est probablement le déverbal, de structure analogue à celle de brouillasse.
■  BRUMER v. (attesté dans le Journal d'un voyage aux Indes, en 1631, puis en 1867) s'emploie en tournure impersonnelle (il brume) et, absolument, pour « faire de la brume » (un emploi métaphorique est relevé chez Proust, 1896).
■  BRUMAILLE n. f., « brume légère » en général et en marine, est enregistré par Pierre Larousse en 1866.
■  BRUMISATEUR n. m. et BRUMISATION n. f. (1970), nom d'instrument et nom d'action, concernent une technique créant de la brume artificielle, utilisée en esthétique et en dermatologie.
❏ voir BREF, BRIMER, EMBRUN.
G BRUN, BRUNE adj. est issu (1080) du latin médiéval brunus, attesté au VIe s. chez Isidore de Séville, et au VIIIe s. dans les Gloses de Reichenau. C'est la latinisation d'un mot germanique, °brūn, probablement introduit dans la Romania par les mercenaires germaniques avec d'autres noms de couleur (Cf. blanc, bleu), peut-être comme épithète de la robe du cheval. Le mot °brūn est reconstitué par l'ancien haut allemand, l'ancien saxon, l'ancien frison brun (d'où l'allemand braun, l'anglais brown), le moyen néerlandais bruun (néerlandais bruin), l'ancien norrois brunn. Tous ces mots remontent au germanique commun °brunaz qui signifie également « brillant, en parlant des armes », et qui a été emprunté par le lituanien brúnas, en slave par le tchèque bruný, le serbe brun. Une origine indoeuropéenne commune rend compte du russe dialectal brynét', brunét', qualifiant une chose qui a des reflets blancs, jaunâtres, grisâtres, ainsi que du grec phrunê, phrunos désignant le crapaud (littéralement : « le brun »). La racine indoeuropéenne °bher- « clair, brun », dont procèdent tous ces mots, se retrouve avec duplication dans le sanskrit babhrús « brun-fauve ». En allemand et en anglais, les noms de l'ours (Bären, bear) et du castor (Bibers, beaver) sont des emplois substantivés de l'adjectif indoeuropéen signifiant « brun ». Brun est le nom propre de l'ours dans le Roman de Renart.
❏  Le double sens de l'étymon germanique est passé en ancien français, avant de se résoudre au profit de l'épithète de couleur. L'autre valeur, « luisant, poli », appliquée aux métaux et aux armes (1080), pourrait avoir été transmise par les Normands, car elle existe en ancien norrois et en anglo-saxon ; en effet, les Scandinaves étaient des spécialistes des armes et de leur polissage. Ce sens est sorti d'usage dès le moyen âge, mais survit dans une série de dérivés techniques (Cf. brunissage, etc.).
■  Le sens dominant de « sombre, d'une couleur entre le roux et le noir » est lui aussi ancien (1080). La nuance de « sombre, obscur », qualifiant la nuit, la mer, une pièce (v. 1165), est sortie d'usage au XVIIe s. mais survit dans certains dérivés archaïques ou régionaux.
■  La transposition au sens figuré de « triste, malheureux » (v. 1165), cohérente dans la description traditionnelle du mélancolique (Cf. mélancolique, noir, sombre), est sortie d'usage depuis le XIXe s., mais a donné naissance à rembrunir (ci-dessous).
■  BRUN, BRUNE n., substantivation de l'adjectif, désigne une personne qui a les cheveux bruns ou le teint brun (un brun) — d'où par plaisanterie beau brun ! —, une brune (Cf. brunette). En français d'Afrique, le nom désigne une personne (noire) dont la peau est plus claire que la moyenne. ◆  Le brun désigne la couleur brune (1350-1375), en particulier le pigment de cette couleur utilisé en peinture (1502). ◆  Des emplois concrets, en parlant d'une bière, d'une cigarette, sont elliptiques et s'opposent à des emplois de blond, plus courants.
❏  BRUNIR v. apparaît dans La Chanson de Roland (1080) sous la forme du participe présent adjectivé brunisant « brillant, poli », sens de brun propre à l'ancien français. Le verbe n'a conservé que les valeurs dominantes de l'adjectif : « rendre brun » (1538) et « devenir brun » (1690). En parlant de la peau humaine, le verbe est concurrencé par bronzer*. ◆  Cependant, le sens technique de « polir un métal » (1160), encore vivant, surtout au participe passé (métal bruni) et dans les dérivés, conserve le sens ancien de l'adjectif, sans que celui-ci soit perçu par le locuteur moderne.
■  Les dérivés se partagent en deux séries sémantiques : le sens général est réalisé dans l'adjectif BRUNISSANT, ANTE, et le substantif d'action BRUNISSEMENT n. m. qui a perdu le sens d'« action de polir les métaux » (1589) au XVIIIe s. et signifie seulement « fait de devenir brun » (1873).
■  En revanche, BRUNISSEUR, EUSE n. (1313) et adj., BRUNISSOIR n. m. (1401), BRUNISSURE n. f. (1429) et BRUNISSAGE n. m. (1680) concernent l'opération du polissage des métaux, exclusivement pour la plupart et, dans le cas de brunissure, avec l'acception secondaire de « teinture en brun » (1723). Comme pour brunir, ces mots ne sont plus compris étymologiquement.
BRUNET, ETTE adj. et n., diminutif de brun, se reconnaît dans la forme altérée burmète (v. 1155) en emploi substantivé pour une étoffe très fine de couleur presque noire ; cette étoffe, en usage aux XIIe et XIIIe s., est appelée brunette en archéologie médiévale. ◆  L'adjectif est employé pour « un peu brun » (v. 1175), substantivé pour désigner, au féminin, une jeune fille dont les cheveux tirent sur le brun (v. 1175). Ce sens, devenu archaïque, est revenu par influence de l'anglais, qui l'avait emprunté au français. ◆  Il est possible que cet emploi soit à l'origine du sens de « romance » (1752 ; XVIIe s., selon F. e. w.), par allusion aux jeunes héroïnes brunes et mignonnes de ces romances. Cet emploi a disparu.
■  Le sens ancien de « sombre » s'est maintenu dans BRUNE n. f., emploi spécialisé de l'adjectif. Il semble que cette acception, très ancienne en argot (v. 1190, dans la locution aller à la brune « à la maraude »), soit ensuite passée dans l'usage général (v. 1450), surtout dans la locution à la brune (1643) qui a remplacé sur la brune (XVe s.). Elle est aujourd'hui régionale ou archaïque.
■  BRUNÂTRE adj. (1557), formé sur brun adjectif avec le suffixe -âtre, qualifie ce qui tire sur le brun.
■  La locution adverbiale à la brunante (1810 ; vers la brunante 1778), faite d'après le radical de brunir avec une terminaison analogique des participes présents, s'emploie au Canada comme nom féminin, la brunante, pour servir de synonyme à brune « crépuscule ». ◆  L'ancien français avait formé de la même façon brunant, ante « poli, luisant » (fin XIIe s.).
Le sens ancien de « sombre, mélancolique » se maintient dans REMBRUNIR v. tr. (1690), dérivé de brun par l'intermédiaire d'un ancien verbe embrunir (v. 1300) qui a lui-même coexisté avec embruner (v. 1167). ◆  Le verbe n'est plus usité au sens de « rendre sombre », mais se rembrunir reste vivant pour « prendre un air chagrin, s'attrister » (1768).
■  En sont dérivés REMBRUNISSEMENT n. m. (1690) et un antonyme SE DÉSEMBRUNIR v. pron. « se rasséréner » (fin XIXe s.), peu usité.
BRUNCH n. m. est emprunté (v. 1970) à l'anglais des États-Unis brunch, mot-valise (1896) formé par l'amalgame de breakfast « petit déjeuner » (→ breakfast) et de lunch « déjeuner » (→ lunch) pour désigner un repas hybride servant à la fois de petit déjeuner et de déjeuner, consommé les jours de grasse matinée (dimanche, lendemain de fête). C'est devenu aux États-Unis la désignation d'un repas-buffet tenant lieu de lunch.
❏  Le mot, usuel en anglo-américain, a été acclimaté dans l'usage hôtelier francophone comme anglicisme de mode.
BRUSHING n. m. est emprunté (1966) à l'anglais brushing, mot qui signifie simplement « ébrossage » (1460) et plus souvent en anglais moderne, entre autres acceptions techniques, « nettoyage des haies ». Le mot est le gérondif substantivé de to brush « brosser » (XVe s.), lequel est dérivé de brush « brosse » (XIVe s.), terme emprunté à l'ancien français broisse, brosse*.
❏  Cet anglicisme désigne une technique de mise en plis des cheveux mouillés, coiffés à la brosse ronde tout en étant séchés au séchoir électrique. C'est un équivalent prétentieux de brossage, imposé par les coiffeurs.
BRUSQUE adj. est emprunté (1373) à l'italien brusco, substantif désignant une plante épineuse, le fragon, adjectivé au sens de « rude, non poli, âpre » à propos du vin (v. 1340) et au figuré (1300-1325). Ce mot est probablement issu, tout comme l'ancien provençal brusc « bruyère » (XIIe s.), du bas latin bruscus « fragon épineux », attesté dans les textes médiévaux (IXe s.). Bruscus serait issu du croisement du latin des gloses brucus (→ bruyère) et du latin ruscum, autre nom de plante ayant donné le provençal rusc « houx ». L'hypothèse le faisant remonter à bruscum « nœud de l'érable », mot qui a donné brosse*, paraît moins satisfaisante d'un point de vue sémantique mais n'est pas incompatible avec les développements de sens figurés de brosse et de broussaille.
❏  Le mot a qualifié un raisin ou un vin âpre, depuis le XIVe s. jusqu'au XVIIIe siècle.
■  Son usage figuré pour « rapide et vif » date du XVIe s., caractérisant à la fois une personne (1549), une chose, un événement, un comportement. ◆  Cependant, sa valeur moderne s'est fixée au XVIIe s. en se dégageant de valeurs péjoratives et mélioratives comme « rude, étrange », « vif, gaillard » et « hardi, brave », courantes au XVIe siècle. Elle correspond à « rapide et sans précaution », d'une réaction, d'une personne, avec une connotation de légère rudesse.
❏  BRUSQUEMENT adv. (1534), qui correspond à l'italien bruscamente « de manière brutale » (av. 1304), sans qu'il y ait nécessairement influence de l'un sur l'autre, a eu la valeur plus générale de « rudement, grossièrement » au XVIe siècle. ◆  L'usage qui s'est imposé au XVIIe s. le fait caractériser des paroles ou un événement subit, imprévisible.
■  BRUSQUET, ETTE adj. « un peu brusque » (1548), sorti d'usage à l'époque classique (absent des textes dépouillés entre 1611 et 1752), s'est surtout employé dans la locution, elle-même archaïque, à brusquin brusquet « à qui parle brusquement, il faut répondre encore plus brusquement » ; brusquin y est la déformation de brusque ou brusquet, sur le modèle de locutions comme à malin malin et demi.
■  BRUSQUER v. tr. (v. 1650) ne doit pas être identifié à son homonyme brusquer attesté au XVIe s. (1589, dans brusquer la fortune « tenter la fortune par des moyens prompts et hasardeux »), altération de busquer*. Ce verbe est plus tardif (Bouhours, en 1692, le dit récent) et signifie « traiter (qqn) de manière rude et vive », puis « précipiter le cours des choses » (XIXe s.). Il a reçu une acception spéciale en peinture (brusquer son trait) et en tactique militaire. ◆  Le participe passé adjectivé BRUSQUÉ, ÉE se dit d'une action trop rapide, notamment en art militaire (attaque brusquée).
■  BRUSQUERIE n. f. (1666) n'a d'abord eu que le sens d'« action, parole brusque, rude » (une brusquerie), avant de correspondre à « caractère de rudesse et de précipitation » (la brusquerie). ◆  Le mot s'est employé spécialement en critique artistique avec la nuance valorisante de « vigueur, énergie rude » (Chateaubriand, 1803).
BRUT, BRUTE adj. et adv. est emprunté (fin XIIIe-déb. XIVe s.) au latin brutus « lourd, pesant », d'abord et le plus souvent employé au figuré à propos d'un homme stupide, d'un animal, et devenu synonyme de rudis (→ rude) et de incultus (→ inculte) en latin médiéval. Brutus est un mot populaire, sans doute d'origine osque, et que l'on peut rapprocher du groupe latin de gravis (→ grave) et d'un mot balte. L'apparition relativement tardive du mot en français rend l'hypothèse d'un emprunt au latin classique préférable à celle d'un mot hérité du type °bruttus, altération de brutus par gémination expressive, supposé par l'italien brutto (alors que l'espagnol, le portugais brutio sont aussi des emprunts).
❏  Le sens initial, « qui représente un état primitif, peu évolué », qualifiant un nom de chose, est sorti d'usage ; en sciences, corps bruts désignait les minéraux par opposition aux corps organisés (végétaux, animaux). ◆  Ce sens a lui aussi disparu au profit de l'acception voisine, « qui n'a pas été façonné ou élaboré par l'homme » (1416), notamment en parlant d'un produit de la nature, d'une pierre précieuse (diamant brut, d'où les dérivés techniques ci-dessous) et, sur un plan abstrait, dans les domaines intellectuel, économique (1751, par opposition à net) et artistique (art brut, 1944, répandu par J. Dubuffet). ◆  Par extension, le mot qualifie également un produit (vin, métal) qui résulte d'une première élaboration avant d'autres transformations (1751), et spécialement un vin non sucré (champagne brut, renforcé par brut de brut). D'un emploi en technique (métal brut de fonderie, béton brut de décoffrage) est issue une valeur figurée récente, pour « à l'état de projet, de brouillon ».
❏  BRUTE n. f., d'abord substantivé au masculin sous la forme brut (1547) et la forme brute aux deux genres (1550-1560), puis au féminin une brute (1669), d'abord synonyme de animal, bête, désigne littéralement l'animal dans ce qu'il a de plus bas, de plus primitif. ◆  Par métaphore, il se dit de l'homme dans ce qu'il a de sauvage et de primitif (brute ancestrale), emploi archaïque. ◆  De là, il se répand dans l'usage moderne à propos d'une personne grossière sans intelligence ni culture, guidée par ses instincts, en emploi autonome et dans les locutions dormir comme une brute, travailler comme une brute (Cf. bête). Une autre valeur usuelle intègre le sens de brutal. L'expression ...dans un monde de brutes (années 1990) est destinée à mettre en valeur un acte, un comportement délicat.
■  BRUTAGE n. m. et BRUTEUR n. m. (XXe s.) sont des créations tardives, concernant l'opération consistant à dégrossir un diamant brut et l'ouvrier qui en est chargé.
BRUTAL, ALE, AUX adj. est emprunté (XIVe s.) au dérivé latin médiéval brutalis, dérivé de brutus, employé pour qualifier une personne qui est de la nature de la brute (XIe-XIIe s.) puis un inanimé (1243-1248). ◆  Le lien sémantique avec la notion d'animal, très actif à l'origine et appuyé par l'emploi substantivé de un brutal pour « un animal », s'affaiblit progressivement à partir du XVIIe siècle. Le mot met alors l'accent sur les caractéristiques de soudaineté, rudesse, violence, qualifiant une personne et, par métonymie, son comportement (1668), un acte. ◆  Avec une idée temporelle, brutal se dit de ce qui est inattendu, imprévisible. ◆  Il est substantivé à propos d'une personne violente, grossière, surtout au masculin (1672). ◆  Le nom a servi de dénomination familière pour le canon (1744) et, par l'idée de rudesse, de grossièreté, au pain de son (1899), et aussi à l'eau-de-vie et au vin ordinaire, en argot (XIXe s.).
■  Le dérivé BRUTALEMENT adv. (1428) correspond pour le sens à l'adjectif, de même que BRUTALITÉ n. f. (1539), employé à propos du caractère d'une personne, d'un inanimé (1659) et d'un acte (une, des brutalités) [1669].
■  BRUTALISER v. tr., outre la forme participiale brutalisé au sens de « rendu sauvage, bestial » (1572), s'est d'abord employé à la forme pronominale se brutaliser « devenir semblable à une brute » (1584), acceptions disparues. ◆  Le verbe a été repris (1794) comme transitif au sens de « traiter de façon brutale », encore usuel.
■  D'après certains emplois de brut, brute et de brutal réalisant un retournement de la valeur péjorative de ces mots en valeur esthétique, on a formé BRUTALISME n. m. (1879) à propos d'une école littéraire prônant un réalisme très cru. ◆  Un siècle plus tard (v. 1965), les architectes ont réemprunté le mot à l'anglais brutalism (P. et A. Smithson), dérivé de brutal, en parlant d'un mouvement architectural strictement fonctionnaliste. Cet emploi est attribué par certains à un jeu de mots sur les noms des principaux animateurs du mouvement (Peter Smithson, dit Brutus, et sa femme Alison), par les autres à une formule de Le Corbusier préconisant le béton brut pour la cité radieuse de Marseille.
■  BRUTALISTE n. et adj. désigne (1874) et qualifie (1892) celui ou ce qui se réclame du brutalisme en littérature. Il a été repris en architecture.
ABRUTIR v. tr., entré dans la langue au XVIe s., se rencontre dès les premiers textes (Calvin) avec les sens de « rendre (l'homme) semblable à la bête » et de « rendre lourd, épais » (abrutir les sens). À la fin du XVIIe s. apparaît la forme pronominale s'abrutir et, seulement au début du XIXe s., l'emploi absolu (Mme de Staël). ◆  Au cours des siècles, de manière plus sensible que dans l'évolution de brute, le rapport avec l'animal s'estompe, de sorte qu'en français contemporain, le verbe ne suggère que certaines caractéristiques prêtées à la bête brute, hébétude, engourdissement de l'intelligence et des sens. L'allusion au substantif une brute est exceptionnelle : elle procède soit d'un archaïsme, soit d'une réactivation stylistique du sens étymologique.
■  Le verbe a de nombreux dérivés. ABRUTISSEMENT n. m. (1588) et ABRUTISSANT, ANTE adj. (fin XVIIe s.) sont usuels. ◆  Plus rares, ABRUTISSEUR, EUSE n. (XVIIIe s.), quelquefois pris adjectivement (1842), et ABRUTISSOIR n. m., mot d'auteur des Goncourt (1864) analogue à assommoir, ont été formés sur le thème du participe présent d'abrutir et ont connu le même type d'évolution.
■  Le participe passé ABRUTI, IE, adjectivé et substantivé (in Bescherelle, 1845), considéré comme familier et injurieux, est d'une grande vitalité en emploi exclamatif et comme injure (espèce d'abruti !, bande d'abrutis !).
BRUXELLOIS, OISE adj. et n. est dérivé de Bruxelles, nom de la capitale belge. Ce nom, attesté sous des formes latinisées à partir du Xe s., vient du moyen néerlandais broec « marais » et sèle « château » (formes modernes broek et zaal). Le x de la graphie française est une manière de noter ss, et la prononciation avec ks est un effet de l'écriture. Le mot qualifie ce qui a rapport à Bruxelles, à ses habitants.
BRUYANT → BRUIRE
L BRUYÈRE n. f. est issu (1174) d'un latin populaire °brucaria, dérivé du latin médiéval brucus désignant la plante et attesté dans une glose du Xe siècle. Ce mot serait issu du gaulois °bruco, restitué d'après l'ancien irlandais froech, le cymrique grug, le cornique grig, le breton brug, toutes formes remontant à un étymon celtique °vroikos. Des représentants de brucus survivent dans les parlers méridionaux, par exemple bruga qui désigne un taillis de bruyère en Gascogne.
❏  Le mot a désigné proprement le terrain où poussent des plantes à petites fleurs rouge violacé. Ce sens, toujours vivant, a été supplanté dans l'usage courant par son extension métonymique comme nom de la plante (v. 1180), par un développement comparable à celui de fougère*. ◆  À son tour, le nom de la plante désigne par métonymie la racine et, de nouveau, un lieu planté de bruyères dans terre de bruyère (1835), coq de bruyère.
❏  BRUYÉREUX, EUSE adj. (1803) est peu employé.
❏ voir BRUSQUE.
BRY-, BRYO- est l'élément tiré du grec bruon « mousse », ou du latin bryon emprunté au grec. Bruon, terme de botanique également appliqué à des fleurs disposées en chaton et à divers végétaux, notamment certaines algues, est dérivé du verbe bruein « foisonner, se gonfler », employé notamment pour des plantes. Ce verbe n'a pas d'étymologie établie.
❏  L'élément est productif en botanique dans le cadre de la BRYOLOGIE n. f. (1838) ou « étude des mousses ». ◆  Il entre dans BRYOLOGIQUE adj. (1838), BRYOLOGUE n. (v. 1850), et quelques noms de plantes comme BRYACÉES n. f. pl. (1845) et BRYOPHYTES n. f. pl. (1924).
■  Dès le XVIe s., le mot gréco-latin a été emprunté sous la forme BRYON n. m. (1562, brion), également latinisé en bryum (1741), « plante cryptogame, mousse croissante surtout sur l'écorce des arbres ».
BUANDERIE n. f. → BUÉE
BUBON n. m. est emprunté (1314) au latin médiéval bubo, -onis « tumeur » (VIIe s.), emprunt au grec boubôn « aine » et « pubis », employé par métonymie dès Hippocrate (Ve s. av. J.-C.) pour désigner les glandes de l'aine, puis ces glandes tuméfiées de manière pathologique. Ce mot est d'étymologie douteuse : on a rapproché depuis longtemps le sanskrit gavīnī « aines, bas-ventre » dont la structure est assez différente ; le rapprochement fait avec bounos « colline », lui-même d'origine inconnue, semble indiquer dès l'origine l'idée de tumeur.
❏  Le mot a été repris en pathologie, désignant une adénite inguinale, puis encore, de nos jours, la tuméfaction des ganglions lymphatiques.
❏  Bubon a servi à former BUBONIQUE adj. (1892), d'usage didactique, surtout employé dans peste bubonique, et BUBONEUX, EUSE adj., d'usage littéraire pour qualifier ce qui est couvert de bubons.
■  BUBE n. f., nom archaïque pour le bouton, le bubon (v. 1230), est emprunté au bas latin bubo.
■  Le dérivé BUBELETTE n. f. (1542, Rabelais) « petite pustule », repris par Gautier, est une curiosité littéraire.
BUCCAL, ALE, AUX adj. a été dérivé savamment (1735) du latin bucca (→ bouche) pour servir d'adjectif à bouche.
❏  Bucca a aussi servi à former l'élément BUCCO- dans des composés savants, tels que BUCCO-DENTAIRE adj. (XXe s.), « relatif à la bouche et aux dents » ; BUCCO-GÉNITAL, ALE, AUX adj. (XXe s.) s'emploie à propos de pratiques sexuelles.
BUCCIN n. m. est emprunté (1372) au latin buccina, altération d'après bucca (→ bouche) de bucina « trompette », mot italique.
❏  Le mot désigne la trompette des anciens Romains, puis, d'après un sens figuré du latin bucinum, de bucina, un gros mollusque gastéropode marin et sa coquille. Dans ce sens, il s'est écrit buxine 1563, puis buccine 1698 avant buccin (1733).
❏  BUCCINATEUR n. m. et adj., emprunté (1549) au dérivé latin buccinator du verbe buccinare « sonner de la trompette », a été introduit au sens figuré de « panégyriste », rapidement disparu. Il désigne le joueur de buccin et, repris en médecine (1654), qualifie un muscle de la joue qui permet de tirer en arrière les commissures labiales comme pour jouer de la trompette.
L'ancien français buisine (v. 1080), qui représentait la forme évoluée du latin bucina, a lui-même été graphié bouzine au XVIe siècle. Le mot est sorti d'usage, mais est revenu sous la double forme BOUSINE, BOUZINE n. f. au XXe s. : il est alors repris au normand avec le sens de « cornemuse » (1939) et correspond à « instrument criard, machine bruyante ».
G + BÛCHE n. f., d'abord busche (v. 1130-1160), puis buche (1549), l'accent circonflexe étant attesté en 1669, est issu d'un latin populaire °buska « bois, bosquet », neutre pluriel à valeur collective devenu féminin singulier de °buskum. Ce mot remonterait à un germanique occidental °busk « baguette », considéré par Braune comme une forme de °bosk (→ bois). P. Guiraud rattacherait plutôt les deux familles de bois* et de bûche au latin buxus (→ buis) par l'intermédiaire d'un adjectif roman °buxicus, doublet de l'adjectif classique buxeus « de buis ». Buska est attesté dans le domaine gallo-roman au XIe s. au sens de « bois de chauffage ».
❏  Le mot, qui a dû avoir la même valeur, « petit bois », que bosquet en ancien français (voir ci-dessous les dérivés), n'est attesté que pour désigner un morceau de bois de chauffage de grosseur variable. Bûche de Noël se dit du gros morceau de bois que l'on faisait traditionnellement brûler tout au long de la nuit de Noël (1690), puis d'une pâtisserie en forme de bûche consommée à cette période de l'année (v. 1920). ◆  L'ancien sens de « fétu, paille de bois », employé dans le style biblique à propos d'un corps étranger dans l'œil (1195), a été remplacé par poutre.
■  Bûche désigne familièrement, au figuré, une personne à l'esprit lourd, inerte (1640) ; ce sens doit venir de locutions comparatives du type ne se remuer pas plus qu'une bûche (1690), avoir la tête dure comme une bûche. ◆  Le mot a aussi quelques sens analogiques : bûche économique (1845) désignait un combustible aggloméré ; bûche se dit encore de fragments infumables dans le tabac (1867). ◆  La locution familière ramasser une bûche « tomber » (1895), qui succède à la variante aller à la bûche (1875), est mal expliquée : elle fait peut-être allusion à l'attitude penchée du bûcheron lorsqu'il ramasse le bois ; elle est également courante avec la valeur figurée d'« échouer ».
❏  Plusieurs dérivés préfixés montrent que bûche a bien eu le sens de « bois, bosquet » en ancien français.
■  L'existence précoce de DÉBUCHER v. (v. 1130) au sens de « sortir d'une cachette » semble indiquer, malgré le manque d'attestation dans les textes, que buche désignait un bois. ◆  Le verbe, en construction intransitive et transitive (1200-1250), s'est maintenu en vénerie en parlant de l'animal qui sort de l'abri que forme le bois (1205-1250) et transitivement du chasseur qui l'en fait sortir (1636), alors comme synonyme de débusquer.
■  L'infinitif a été substantivé (1740), concurrencé par l'emploi substantivé du participe passé DÉBUCHÉ (au débucher, au débuché).
■  Depuis le XVIe s., débucher est doublé par DÉBUSQUER v., d'abord desbuquer (1556), refait sur le modèle de embusquer. ◆  La nouvelle forme, d'abord employée en vénerie, s'est répandue dans l'usage général pour « trouver, découvrir (une personne qui se cache) », au propre et au figuré (1640), aussi à propos de choses (débusquer des erreurs dans un texte). ◆  La plupart des dictionnaires attestent un substantif d'action DÉBUSQUEMENT n. m., rare.
L'ancien verbe EMBÛCHER, d'abord esbuchier, embuschier (v. 1150), « se tapir pour guetter » et, transitivement, « poster (qqn) aux aguets », procède lui aussi de l'ancien sens de bûche « bois ». ◆  À la différence de débucher, ce verbe ne s'est maintenu que dans l'usage régional, en parlant d'une bête qui se réfugie dans un bois (A. Daudet, 1890), et à travers son dérivé.
■  Celui-ci, EMBÛCHE n. f. (XIIIe s., embusche), a désigné une manœuvre de surprise et, par métonymie, l'endroit où on la dresse, remplaçant l'ancien français embuschement n. m. (v. 1155), disparu au XIVe siècle. Dans ce sens, il est remplacé par embuscade (ci-dessous). ◆  Ses valeurs figurées pour « stratagème déloyal pour compromettre qqn » (v. 1460), en religion « tentation du démon » (XVIe s.), sont encore vivantes. L'usage du mot s'est accru avec une valeur assez récente (1919), « difficulté, obstacle compromettant le succès d'une entreprise ». Ces valeurs l'ont emporté sur les sens concrets de « cachette » (XVe s.), « buisson où la bête sauvage fait sa retraite » (1636), aujourd'hui disparus.
L'ancien français buscier (fin XIIe s.), qui correspond à bosquet, a précédé, dans le sens attesté de bûche, le mot moderne bûcher (ci-dessous). Au sens de bûche « morceau de bois », correspondent plusieurs dérivés suffixés.
■  1 BÛCHER n. m., d'abord buchier (fin XIIIe s.), a d'abord la valeur collective de « tas de bois » d'où sont venus les sens modernes ; par spécialisation, le mot désigne une pile de bois sur laquelle on fait brûler les cadavres et les suppliciés (av. 1630) ; par métonymie, il a pris le sens de « remise où l'on entrepose le bois de chauffage » (av. 1544).
■  BÛCHETTE n. f., réfection (v. 1372) de busquete (v. 1200), buschete (1223), désigne un petit morceau de bois sec utilisé pour allumer ou alimenter le feu. Cf. le sens initial d'allumette. À la différence de bûche, qui n'a pas conservé le sens de « petit copeau », bûchette désigne couramment un petit bâtonnet de bois, autrefois dans le contexte du jeu de la courte paille (v. 1400), puis pour apprendre à compter.
2 BÛCHER v. tr., d'abord buskier (1200-1206), buscher (1360-1370), a eu aux XIIIe et XIVe s. le sens de « frapper à la porte » ; par extension, il s'est dit en général pour « frapper, heurter » (av. 1203), sens conservé régionalement et réactivé au XVIIIe s. dans l'emploi populaire pour « rosser » (v. 1790), à la forme pronominale se bûcher (1808), emploi aujourd'hui vieilli. ◆  L'usage moderne technique a retenu le sens propre de « travailler (le bois) à la hache » (1360). Cette valeur du verbe s'est maintenue en français du Canada, pour « abattre des arbres, couper (du bois) à la hache », avec une transposition (en français de France) dans le travail de la pierre (1867). C'est de ces emplois que procède le sens figuré et familier de « travailler avec acharnement » (1852), concurrencé par bosser (Cf. ci-dessous bûcheur).
■  BÛCHAGE n. m. (1719 à Québec) exprime l'action de couper du bois et, au figuré (1875), mais assez rarement, le fait de travailler d'arrache-pied.
■  BÛCHEUR, EUSE adj. et n. (av. 1866) n'est connu qu'avec le sens figuré de « personne travaillant dur ». Au Québec, le mot a eu le sens de « bûcheron » (aujourd'hui disparu).
L'ancien français embuscher, embuschier v. tr. a disparu avant le XVIe s. où il a été refait d'après l'italien en embusquer*.
❏ voir BUSC, EMBUSQUER (et EMBUSCADE).
BÛCHERON, ONNE n. est la réfection en buscheron (1550), puis bûcheron (1555, bucheron), sous l'influence de bûche*, de l'ancien français boscheron (XIIIe s.) dérivé de bosc, bois* avec le suffixe -eron.
❏  Le mot désigne la personne dont le métier est d'abattre et de débiter les arbres dans la forêt (le féminin bûcheronne est enregistré en 1690). Le contexte traditionnel de l'abattage des arbres à la hache a cédé la place au XXe s. à celui de l'abattage à la machine, au traitement (écorçage, etc.) et au transport mécanisés, donnant une image assez différente de la profession.
❏  BÛCHERONNER v. intr. (1587), « abattre des arbres, faire le travail du bûcheron », est archaïque ou encore régional, technique.
■  Son dérivé BÛCHERONNAGE n. m., seulement attesté en 1947, est lui aussi technique.
BUCOLIQUE adj. et n. est emprunté (v. 1271) au latin bucolicus « qui concerne les bœufs ou les pâtres », spécialisé en poésie pour qualifier un poème pastoral (Ovide) et un type de césure placée après le quatrième pied de l'hexamètre, qui est alors un dactyle. Depuis Festus, le mot est substantivé au pluriel neutre bucolica pour désigner un poème pastoral, notamment les poèmes des maîtres du genre, Théocrite et Virgile. Le mot est emprunté au grec hellénistique boukolikos de même sens, dérivé de boukolos « bouvier », de bous (→ boulimie, boustrophédon, buglosse et, du latin, bœuf), et d'un second élément appartenant à la racine indoeuropéenne °kwe- « tourner en rond », d'où « se trouver habituellement dans », que l'on retrouve dans un grand nombre de mots latins (→ colon, culture) et grecs (→ cycle, pôle).
❏  Le substantif féminin est introduit comme nom d'un poème chantant l'amour de la campagne et peignant sous un jour idyllique la vie agreste des bouviers et des bergers (d'abord en référence aux Églogues de Virgile). ◆  L'adjectif, accueilli en 1611 par Cotgrave, qualifie ce qui se rapporte à la vie simple et paisible des champs telle qu'elle est évoquée dans la poésie pastorale et ce qui est relatif à la poésie pastorale. ◆  L'emploi familier, à l'époque classique, du substantif pluriel bucoliques pour évoquer des hardes, des papiers (1690), procède d'une métaphore ironique peu claire. L'expression argotique ramasse tes bucoliques (Mémoires de Vidocq), au sens figuré de « pas de prières, pas d'histoires », prendrait le mot au sens de « déclaration oiseuse ». Ces emplois ont disparu au cours du XIXe siècle.
❏  BUCOLIQUEMENT adv., attesté en 1611, est repris au XIXe s. dans le langage littéraire.
■  BUCOLISER v. intr. appartient lui aussi au style littéraire (1881), évoquant le fait d'être tranquillement à la campagne. Il est archaïque.
■  On rencontre chez Chateaubriand le substantif BUCOLIASTE n. m. « auteur de poèmes bucoliques », emprunté au grec boukoliastês de même sens (Théocrite), aujourd'hui inusité.
BUCRANE n. m. → BUGRANE
BUDGET n. m. est emprunté (1764) à l'anglais budget (1580), déformation orale de formes plus anciennes, bowgette (1432-1450), boget (1548), boudget, booget. Le mot anglais, emprunté au français bougette « petit sac de cuir », diminutif de bouge* au sens ancien de « sac », a d'abord désigné un sac de voyage, une bourse, une cassette, sens encore réalisé au figuré dans des expressions comme a budget of paradoxes, a budget of inventions. Le sens financier (1733) vient de ce que le chancelier de l'Échiquier, en présentant son rapport annuel, était dit « to open the budget », c'est-à-dire « ouvrir la Bourse (pour l'année à venir) ». L'expression figure d'abord dans un pamphlet intitulé The Budget Opened (1733) comparant le Premier ministre R. Walpole à un charlatan ouvrant une besace de remèdes miraculeux et d'attrape-nigauds ; il est passé dans l'usage anglais à partir de 1764, et immédiatement en français.
❏  Le mot, d'abord employé en parlant des finances anglaises, désigne, également dans un contexte anglais, l'état annuel des dépenses et des recettes publiques (1768). Il se répand dans l'usage français après Thermidor, malgré les critiques (1798 : « ceux de nos représentants qui se servent du mot anglais budget ignorent sans doute qu'il ne signifie autre chose qu'une bougette, une poche de cuir, un sac, une escarcelle »). Bien que toujours employé dans l'usage courant, il a été abandonné dans l'usage administratif (ordonnance du 2 janvier 1959) au profit de l'expression loi de finances (de l'année). ◆  Par extension, le mot désigne le programme de recettes et de dépenses probables d'un particulier ou d'un groupe (1801), d'une entreprise, en général et dans quelques emplois didactiques (budget type).
❏  Les dérivés datent des XIXe et XXe siècles.
■  BUDGÉTAIRE adj. (1825, chez Balzac) qualifie ce qui se rapporte, appartient au budget de l'État et, rarement, ce qui est relatif à un budget de particulier.
■  Il a produit BUDGÉTAIREMENT adv. (1872).
■  BUDGÉTIVORE adj. et n. (1845), mot familier formé avec -vore (→ vorace), se dit ironiquement des personnes qui reçoivent un traitement de l'État, c'est-à-dire des fonctionnaires.
■  BUDGÉTER v. tr. (1872) et son doublet ultérieur BUDGÉTISER v. tr. (1953) s'emploient en termes de finances pour « inscrire au budget, à un budget ».
■  Le second a produit BUDGÉTISATION n. f. (1953) ainsi que DÉBUDGÉTISER v. tr. (1953) et DÉBUDGÉTISATION n. f. (1953), relatifs au transfert de charges supportées par le budget de l'État à un organisme disposant de ressources propres.