C

ÇA → 1 CE
L ÇÀ adv. et interj., attesté en 1080, résulte de l'évolution phonétique du latin ecce hac (la voyelle finale de ecce tombant à époque prélittéraire), renforcement de l'adverbe de lieu classique hac « par ici » (→ hic) au moyen de ecce « voici » (→ ce, celui, ici), encore dans la formule religieuse ecce homo.
❏  Çà ne prendra que tardivement l'accent le différenciant du démonstratif ça, contraction de cela*. L'adverbe, employé le plus souvent en relation avec un autre adverbe jusqu'au XVIe s. (ça devant, ça haut, ça bas), réalise le sens spatial de « ici », se référant à un espace proche du locuteur, à parcourir dans sa direction. Usuel jusqu'au XVIIe s., y compris seul (v. 1160) et en accompagnement d'un verbe (viens çà !), il est considéré au XIXe s. comme familier et ne fait plus figure que d'archaïsme pittoresque.
■  Il s'est maintenu dans la locution çà et là (1172-1175) « ici et là » avec une nuance de dispersion, et plus rarement de çà, de là, de-ci de-çà. Son emploi à valeur temporelle dans la locution en çà (1172-1175) « jusqu'à maintenant », s'est maintenu jusqu'au XIXe s. dans la langue du Palais avant de disparaître.
■  Çà interjectif (1175) servait dans la conversation à encourager, exhorter et exprimer une émotion (dans les locutions inégalement conservées or çà !, bon çà !, oh çà !, ah çà !) ; de nos jours, il tend à être employé sans accent, étant confondu, même par les meilleurs auteurs, avec ça. L'expression familière il n'y a que ça (que ça de vrai) est attestée depuis 1783.
❏  DEÇÀ adv. résulte de la soudure (1170) de de ça (v. 1130) et signifie « de ce côté-ci », en référence à un point de repère par opposition à delà, seul et dans la locution jambe deçà, jambe delà « à califourchon » (1170). L'usage moderne limite son emploi aux locutions deçà delà (1262, deça et dela) et en deçà « de côté-ci » comme locution prépositionnelle, par exemple dans la phrase de Pascal devenue proverbiale : « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ».
❏ voir CÉANS.
CAB n. m. est emprunté (1848) à l'anglais cab (1827), abréviation de cabriolet (1789), lui-même emprunté au français cabriolet*. Cab désigne à l'origine une voiture à deux roues tirée par un cheval, puis en 1834 ce type de voiture avec cocher à l'arrière, sous le nom de hansom cab ou hansom (du nom de l'inventeur anglais).
❏  Il semble que cab a surtout désigné le « hansom » en France, mais il s'est aussi employé, comme en Angleterre, pour des voitures à quatre roues avec le cocher à l'avant. Le cab était élégant et à la mode dans la seconde moitié du XIXe s. et le mot s'est répandu lors de l'exposition de 1889. La forme hansom cab s'est employée avec un renforcement de snobisme (Proust). C'est aujourd'hui un mot d'historien.
❏  On rencontre CABBY n. m. « conducteur de cab » (1894), de l'anglo-américain (1900), rapidement disparu.
CABALE, CABBALE, KABBALE n. f. apparaît au XVIe s. (1532, Rabelais) ; François Ier s'est fait exposer la kabbale dès 1519 par un franciscain et le mot a dû être employé alors. Il est emprunté à l'hébreu qabbāla, dérivé du verbe qibbel « recevoir par tradition », qui signifie littéralement « tradition », et désignait à l'origine toute tradition doctrinale (même biblique, à l'exclusion du Pentateuque) et plus particulièrement la transmission, orale puis écrite, d'enseignements concernant la pratique religieuse. C'est seulement au XIIIe s. qu'il désigne un système doctrinal particulier et ésotérique, et au XIVe s. que les penseurs de ce courant sont appelés « kabbalistes », de préférence à toute autre désignation.
❏  Le mot, écrit cabale, et pris par Rabelais dans l'acception large de « doctrine, tradition transmise », est enregistré par Cotgrave en 1611 dans l'acception spéciale de « interprétation juive de l'Ancien Testament à partir des vingt-deux signes de l'alphabet hébraïque ». Dès le XVIe s., il désigne une science occulte dont un des objets est la communication avec les êtres surnaturels (1546), sens aujourd'hui vieilli.
■  Parallèlement, il s'est répandu dans l'usage commun à propos des manœuvres concertées secrètement contre qqn ou qqch. (1546), s'appliquant spécialement à une coterie organisée dans une salle de spectacle pour faire échec à une pièce de théâtre ou à un acteur (XVIIe s.) ; par métonymie, il désigne l'association de ceux qui montent une cabale (1636). Ce sens, usuel dans la langue classique, a disparu. En français du Québec, cependant, le mot s'est employé à propos d'une propagande politique, en temps d'élection, avec démarchage à domicile. De là un verbe CABALER, intrans. et trans. au sens de « solliciter (qqn, un électeur) ».
■  La graphie kabbale a été introduite tardivement par les spécialistes de la mystique juive et prévaut pour le sens propre, ainsi distingué de sens figurés péjoratifs, où l'on peut voir le reflet d'une tradition antisémite.
❏  CABALISTE n. et adj. apparaît en 1532 chez Rabelais à propos d'une personne versée dans la tradition ésotérique juive, sens avec lequel il est plutôt écrit kabbaliste (1891, Huysmans). Par extension, le mot s'est appliqué au figuré à une personne ayant formé une cabale contre qqn, qqch. (1636) ; ce sens a vieilli puis a disparu.
■  Son dérivé CABALISTIQUE adj., attesté aussi chez Rabelais (1532), qualifie proprement ce qui tient de la cabale juive, et par extension ce qui concerne une interprétation de textes et documents ésotériques accessibles aux initiés ; il est devenu relativement courant avec un sens figuré analogue à celui de hiéroglyphique, « énigmatique, incompréhensible » (1842). On lui connaît également les graphies cabbalistique et kabbalistique (1891, Huysmans).
■  CABALISTIQUEMENT adv. (av. 1834), « selon des connaissances accessibles à l'initié » et, au figuré, « de manière bizarre, mystérieuse », est demeuré littéraire et rare.
■  CABALISER v. (av. 1544), « traiter par un procédé magique » et par extension « rendre difficile à comprendre » (fin XVIe s.), s'est éteint après le XVIe s. ; repris en 1842, il est peu répandu.
■  CABALISME n. m. a été formé au XIXe s. (1866) pour faire pendant à cabaliste et désigner le système de pensée et de pratiques propre à la cabale.
CABALER v. intr. (1617), « susciter un complot, intriguer », correspond au sens figuré classique ; il est devenu rare après le XVIIIe siècle. On rencontre occasionnellement à la fin du XIXe siècle la forme kabbaliser (1884, Péladan), au sens de « s'occuper de sciences occultes ».
■  CABALEUR, EUSE n. (v. 1650, au f.) « comploteur », est quasiment sorti d'usage.
CABAN n. m. est emprunté (1448), probablement par l'intermédiaire du provençal caban (1485), au sicilien cabbanu « manteau épais contre la pluie ». Ce mot est emprunté, avec adjonction du suffixe -anu analogique d'autres noms de manteaux (palandranu, italien pastrano), à l'arabe qabā᾿ « tunique ». Du sicilien, le mot est passé en italien (gabbano), d'où il est aussi passé en espagnol (gabán, 1351).
❏  Le mot désigne un manteau à larges manches et à capuchon utilisé contre la pluie. Employé en marine à propos d'une capote courte de marin, à manches et à capuchon, recouverte de toile goudronnée (XVIe s.), il s'est répandu comme nom d'une longue veste de sport en gros drap croisée haut.
❏ voir GABARDINE.
CABANE n. f. est emprunté (1387) au provençal cabana « chaumière, petite maison » (1253), lui-même issu du bas latin capanna (d'origine probablement préromane ou illyrienne), attesté dans le domaine hispanique comme synonyme de casula « petite maison » (diminutif de casa, → case) par Isidore de Séville, et très fréquemment comme toponyme dans le domaine catalan à partir du IXe siècle. Il est également attesté dans le domaine italien (v. 800), utilisé par le scoliaste de Juvénal et dans la France du Nord au VIIIe s. (Gloses de Reichenau).
❏  Le mot désigne une petite construction rudimentaire. Il a acquis des emplois spéciaux selon les utilisations de l'objet : « abri pour animaux » (1462) et « abri de haute montagne » (1786), sens courant en Suisse romande mais qui semble menacé en Savoie par refuge ; au Canada, il est employé seul (1833) ou dans le syntagme cabane à sucre (1837 ; 1707, cabane du sucre) à propos d'une sucrerie d'érable artisanale et surtout du rassemblement qui a lieu près d'un tel établissement, et qui est une fête de printemps. Un autre sens québécois correspond à « hutte » et, par extension, à « belle maison » (comme baraque en français de France). Une locution avec assonance est : pas de chicane dans la cabane « calmez-vous, arrêtez de vous disputer ». ◆  En français des Antilles, cabane se dit d'un lit sommaire (dormir sur une cabane). ◆  Au XXe s., il est passé en argot comme dénomination de la prison militaire (1905), puis de la prison (1925) et de la maison de tolérance (1925), rejoignant la valeur étymologique de bordel*.
❏  CABANER v. a signifié, en construction intransitive, « loger dans une cabane » (1605) ; se cabaner (1603 Champlain). De nos jours, il est surtout usité en marine au sens de « renverser sens dessus dessous » (1783) et « chavirer » (1783). ◆  D'après cabane, « case où l'on place les vers à soie », il est employé techniquement au sens de « disposer un abri de branchage pour que le ver file son cocon » (v. 1763, au p. p.). ◆  En est tiré CABANAGE n. m. « ensemble de cabanes » (1652, au Canada) qui a vieilli, sauf comme désignation littéraire de la cabane (1673).
■  CABANEAU n. m. (XVIIe s.) désigne spécialement en pêche la cabane des équipages des morutiers.
■  CABANETTE n. f. (1635), diminutif de cabane, est d'usage rare ou régional, concurrencé par CABANON n. m. (av. 1752) qui, après avoir désigné le local où l'on enfermait les fous supposés dangereux, et le cachot obscur pour certains prisonniers, se maintient comme nom de la petite cabane (1752). En Provence, le mot se dit spécialement d'une petite maison de campagne (1867) et d'un chalet de plage. ◆  Au Québec, il s'emploie pour « remise, cabane de jardin ». ◆  En français d'Afrique, cabanon s'emploie pour « maison de vacances, près d'une plage » (sens dérivé de l'usage méridional de France, mais avec des connotations différentes).
■  CABANIER, IÈRE n. (1833-1861) est un terme régional désignant dans l'ouest de la France un exploitant agricole (d'après le sens régional correspondant de cabane). Le féminin s'applique spécialement à une ouvrière des fromageries de Roquefort.
❏ voir CABINE, CABOULOT, CAHUTE.
1 CABARET n. m., d'abord attesté dans l'expression tenir kabaret (1275), est emprunté au moyen néerlandais cabaret ou caberet, cabret « auberge, restaurant bon marché ». Ce mot est la forme dénasalisée de cambret (aussi cameret, camerret) de même sens, emprunté à l'ancien picard camberete « petite chambre » (v. 1190), correspondant au français chambrette (→ chambre). La forme dénasalisée a pu être favorisée en français par l'initiale de cabane.
❏  Le mot, d'abord presque exclusivement attesté en picard et en wallon aux XIIIe et XIVe s., s'est répandu vers le Sud, et a progressivement perdu son sens premier (du moins en France) au profit d'autres termes synonymes. Cependant, dès le XVe s., certains cabarets sont des lieux où l'on se réunit pour boire et jouer plutôt que pour manger ; ce sens semble dominer au XVIIe s. : Furetière distingue le mot de taverne, qui désigne un lieu où l'on s'assied à table pour manger. Après l'apparition et la concurrence de café*, cabaret s'applique à des établissements modestes, populaires et de petite taille (acception conservée en français d'Afrique, dans un autre contexte) ; mais café et ses synonymes (notamment bistrot) limitent de plus en plus son emploi en français d'Europe. Dès 1842, Paul de Kock écrit : « Il n'y a plus à Paris de cabarets proprement dits, mais il y a une immense quantité de marchands de vin. » Par extension, cabaret de nuit s'applique à un petit établissement de spectacle où l'on consomme ; cet emploi correspond au développement d'établissements de ce genre à Montmartre et Montparnasse au début du XXe s., sur le modèle de certains lieux fréquentés au XIXe s. par la bohème artistique, comme Le Chat noir. ◆  En français de Madagascar, le mot s'emploie pour « réunion où l'on fait de la musique ».
■  Par métonymie, le mot s'est appliqué à un plateau ou table utilisé pour servir le thé, le café, les liqueurs (1694, cabaret de Chine). Cette acception, en français des Antilles, au Québec, s'est étendue au sens de « plateau pour la nourriture, les boissons ».
❏  CABARETIER, IÈRE n. (1360-1370), « tenancier d'un cabaret », est presque exclusivement attesté en picard et en wallon jusqu'au XVIe s., de même que son synonyme moyen français cabareteur. Courant aux XVIIe et XVIIIe s., de même que tavernier, encore employé au début du XXe s. en milieu rural, il est aujourd'hui hors d'usage.
2 CABARET n. m. est l'altération (1535), d'après 1 cabaret*, alors usuel au sens de « lieu où l'on boit », de bacaret « plante dont les feuilles opposées se soudent, formant un réceptacle pour l'eau de pluie » (1541). Ce mot était dérivé, avec le suffixe -et, du radical du latin impérial baccar, -aris ou baccaris, -is « espèce d'immortelle », repris au grec bakkaris de même sens, également « asarum, asaret » et surtout « parfum tiré de l'asarum », probablement d'origine lydienne.
❏  Le mot, qui désigne une plante, s'emploie seul ou dans la locution cabaret des oiseaux, qui sert notamment à motiver le mot, alors compris comme une métaphore plaisante de 1 cabaret.
CABAS n. m., d'abord modifié en cabar (1364) puis cabas (v. 1450), est emprunté à l'ancien provençal cabas, attesté depuis 1353, dès 1243 sous la forme latine cabatium en Avignon, désignant particulièrement un panier contenant des figues ou des raisins. L'aire d'origine du mot est la péninsule Ibérique — ancien catalan cabàs (1249), latin médiéval cavazo (949), ancien portugais cabaz (XIVe-XVe s.), espagnol capaço (1331), puis copazo, capacho (1495) — et le domaine d'oc. Il est probablement issu du bas latin capacium, d'origine douteuse, peut-être dérivé de capax « qui contient, spacieux » (→ capacité).
❏  Le mot désigne un panier en fibres végétales servant à transporter des fruits secs — dans le premier texte : figues et raisins —, d'où au XVIe s. les syntagmes raisin, figue de cabas. Par extension, il désigne un panier à provision souple que l'on porte au bras. ◆  Par analogie avec la matière du sac, il s'est employé familièrement comme dénomination d'un coche de messagerie dont le corps est d'osier clissé (1771). Longtemps limité à l'usage méridional, le mot s'est généralisé au XXe siècle.
❏ voir CAGIBI.
CABÈCHE n. f. est un emprunt populaire à l'espagnol cabeza « tête », de la famille du latin caput (→ chef). Il n'est pas certain que caboche* appartienne à cette série.
❏  Le mot, attesté en 1879 (T. L. F.) s'est employé en argot, d'après l'usage, en 1914-1918, des tirailleurs sénégalais, par exemple dans couper cabèche.
CABÉCOU n. m. est pris à l'occitan, variante de cabrecou, de cabre, correspondant à chèvre*, pour désigner un petit fromage de chèvre en forme de disque, en français régional du Sud (depuis le Cantal jusqu'aux Pyrénées).
❏ voir CHABICHOU.
? CABESTAN n. m., d'abord cabestant (1382), cabesten (1382-1384) et capestan (1548), puis cabestan (1648), est d'origine obscure. L'hypothèse d'un emprunt au provençal cabestan, altération de cabrestan « instrument à enrouler les câbles », participe passé substantivé de cabestrar lui-même de cabestre « corde de poulie » (→ chevêtre), se heurte à un manque d'attestations anciennes de ces mots provençaux. En outre, ce verbe cabestrar a seulement le sens de « mettre le licou à une bête ». L'hypothèse d'un emprunt à l'espagnol cabr-estante « appareil de levage dressé » (1518), composé du mot correspondant au français chèvre* et d'une forme participiale tirée du représentant du latin stare (→ état) convient pour le sens mais un emprunt aussi ancien à l'espagnol est très peu vraisemblable.
❏  Le mot désigne un treuil à axe vertical duquel s'enroule un câble servant à tirer un fardeau.
CABIAI n. m. est un emprunt des zoologistes (1741) à un mot caraïbe de Guyane, dérivé de cabi « herbe ». Le nom désigne un grand rongeur d'Amérique du Sud, parfois appelé cochon d'eau.
CABILLAUD n. m., d'abord cabellau (v. 1250), puis cabillau (1278), écrit tardivement cabillaud (1762), est emprunté au moyen néerlandais cab(b)eliaw (néerlandais kabeljauw). Ce mot, attesté dans un document flamand sous la forme du latin médiéval cabellauwus (1163), est la corruption par métathèse de l'ancien néerlandais bakeljauw qui est lui-même considéré comme un emprunt du mot basque bakallao. Ce mot, correspondant à l'espagnol bacallao, au portugais bacalhão « morue », est le représentant, avec spécialisation de sens, du latin baculum « bâton » désignant ici un poisson allongé (→ bacille).
❏  Le mot désigne la morue fraîche.
? + CABINE n. f., attesté depuis 1364 en ancien picard, est d'origine obscure. Le mot, par ses significations, est étroitement lié à cabane* ; d'autre part, le moyen anglais caban, emprunté au français cabane, est continué par l'anglais moderne cab(b)in (1530), dans tous les sens qu'il avait. Il est donc difficile de dissocier cabine de cabane. Il est possible que cabane, emprunté par le moyen anglais caban (peut-être à la faveur de la domination anglaise en Aquitaine) au sens de « abri provisoire, refuge » avec divers emplois techniques (notamment en marine), et devenu l'anglais cab(b)in, ait pu être réemprunté par le moyen français (picard) cabine. L'hypothèse selon laquelle cabine serait une altération de cabane par suffixation -ine est peu probable. Un étymon flamand simple, a priori vraisemblable, se heurte à l'absence d'un radical correspondant néerlandais ou flamand.
❏  L'ancien sens de « cabane où l'on se réunit pour jouer » est déjà archaïque au XVIIIe s. (1771), remplacé par le dérivé cabinet.
■  La spécialisation du mot en marine pour désigner une petite chambre à bord d'un navire, d'abord sous la forme cabain (1530) et longtemps en concurrence avec cabane, viendrait du moyen anglais caban (1342). ◆  Par analogie, cabine désigne d'autres espaces clos de petites dimensions, tel le local où l'on se change avant d'aller au bain (1866), où l'on téléphone (XXe s.).
■  Sa spécialisation en aéronautique (1908) est un anglicisme et, en ce qui concerne un habitacle spatial, un américanisme (1962), bien implanté en français avec des syntagmes usuels (cabine de pilotage) et aussi appliqué aux véhicules terrestres (camions, voitures...).
❏  CABINET n. m. est dérivé de cabine (1491) plutôt qu'emprunté à l'italien gabinetto ; ce dernier semble emprunté ultérieurement (XVIe s.) au français. Le mot désigne une petite chambre retirée dépendant d'une plus grande ; de ce sens conservé dans de rares emplois, tel cabinet noir « pièce obscure où l'on enfermait les enfants pour les punir », proviennent un sens analogique de « espace ombragé dans un jardin entouré d'arbrisseaux » (1536), qui n'a pas vécu, et divers emplois spéciaux correspondant aux multiples usages du lieu. Dès le XVIe s., le cabinet désigne un endroit où l'on se retire pour réfléchir ou travailler (1539), puis au XVIIe s. une pièce où l'on s'adonne aux études (1627), valeur conservée dans la locution homme de cabinet « homme d'étude », d'ailleurs désuète, et concurrencée puis éliminée par bureau*. Ultérieurement, ce sens prendra une certaine expansion à propos du lieu d'exercice de certaines professions libérales (1834, cabinet d'affaires), et aussi des affaires traitées (1763, à propos d'un cabinet d'avocat), cabinet médical, notarial, etc. sans s'appliquer longtemps à un lieu où l'on consulte des ouvrages, des journaux, cabinet de lecture (1835) étant concurrencé par bibliothèque. Dès le XVIe s. également, il s'applique à un lieu où l'on conserve des objets précieux (1542), sens qui a vieilli en dehors d'emplois spéciaux, notamment en termes de muséographie (1694, cabinet de peintures, de tableaux, d'antiques).
■  Une vocation plus domestique s'affirme à partir du XVIIe s. dans l'emploi du mot comme nom usuel des lieux d'aisance (1690, seul ou dans cabinet d'aisance), emploi aujourd'hui dominant au pluriel, et de la pièce où l'on fait sa toilette (1751) ; ce sens a disparu à cause de la fréquence du mot au sens de « lieux d'aisances » remplacé par la locution cabinet à toilette (1751), puis cabinet de toilette. Quant au sens usuel de cabinets, il donne lieu en français d'Afrique à une métonymie scatologique, et sert d'euphémisme aux mots désignant les excréments humains.
■  Par métonymie, cabinet, au sens de « lieu de travail, d'étude », s'applique à un ensemble de personnes travaillant autour d'une personnalité politique éminente (1606, cabinet du Roy) ; ce sens, emprunté par l'anglais (1644), nous est revenu avec sa spécialisation, en régime parlementaire, de « ensemble de ministres, secrétaires et sous-secrétaires d'État » (1708) ; par extension, il a donné celui de « service chargé de la préparation des affaires gouvernementales dans un ministère, une préfecture ».
■  Une autre extension métonymique, celle-là concrète, est « meuble pour ranger des objets précieux » (1528), avec les spécialisations techniques de « meuble en bois dans lequel est fixé le mouvement d'une horloge » et de « buffet d'orgue » (1668).
❏ voir BIN'S.
L CÂBLE n. m., (v. 1180), est une forme normanno-picarde en ca-, venue concurrencer le type francien en cha-, chable (v. 1170) et l'ayant définitivement évincé au XVIIIe s. grâce à son emploi en marine. Le mot est hérité du bas latin capulum (Isidore), noté caplum par contraction, également cabulum, cablum.
Le -a- long noté -â- de câble, vient de formes du type cheable, chaable (XIIIe et XIVe s.), dues à un croisement avec l'ancien français chaable « catapulte » (→ chabler), les câbles servant à la manœuvre de cette machine.
❏  Le mot désigne un gros cordage ; il se spécialise immédiatement en marine (v. 1180 en anglo-normand), désignant aussi par métonymie une mesure de distance égale à la longueur des anciens câbles (1688), plus tard éliminé par encablure. Par l'intermédiaire de l'argot des marins, les locutions figurées filer son câble « partir » (1850), filer son câble par le bout « mourir », couper le câble « rompre », ont eu cours dans l'usage général. ◆  L'expansion sémantique ultérieure consiste en emplois techniques en électricité (1867), télégraphie, électronique (XXe s., câble hertzien), architecture (1867) et passementerie.
■  Le sens de « télégramme transmis par câble télégraphique » (1897), spontanément senti comme un emploi métonymique de « ensemble de conducteurs électriques », est en réalité issu par abréviation du composé CÂBLOGRAMME n. m. (1888), lui-même emprunté de l'anglo-américain cablegram (1868), composé par analogie apparente avec telegram et abrégé en cable depuis 1884 (en anglais).
■  Le développement de la télévision par câble a donné par américanisme (cable TV) une valeur nouvelle à câble (on dit avoir le câble) et à câblé, câbler, d'abord en français du Canada (v. 1970), puis d'Europe.
❏  La dérivation, essentiellement constituée de termes techniques, est relativement importante à partir du XVIIIe siècle. Auparavant, câble a produit le diminutif cablel n. m. (1404) qui s'est fixé sous les formes cableau n. m. (1530) et, par changement de suffixe, CABLOT (1553), éliminant les types parallèlement en usage chableau (1415), chablot (1676, Félibien). Cableau, cablot « petit câble » s'emploie en marine (1740) et en chemins de fer, à propos de l'élément de câble électrique à fort isolement qui réunit les circuits de deux véhicules.
CÂBLER v. tr. est accueilli en 1680 par Richelet avec le sens de « façonner en câble ». Sous l'influence de l'anglo-américain to cable (1871) et par référence à câblogramme et câble, il signifie « envoyer un message par câble télégraphique » (1877). Son participe passé adjectivé CÂBLÉ, ÉE correspond à câbler en marine, passementerie, architecture et, d'après son emploi récent, en audiovisuel, s'emploie dans le jargon à la mode comme synonyme de branché au figuré, c'est-à-dire « au courant de la mode » (années 1980 ; également bléca en verlan).
■  CÂBLAGE n. m., d'abord terme de filature (1877), s'emploie comme substantif d'action et nom concret du résultat, spécialement en électricité et dans le secteur des télécommunications.
■  CÂBLEUR n. m. (1955) est le nom du technicien (plus rarement au f. câbleuse, de la technicienne) qui effectue un montage et pose des câbles. Il se dit aussi en parlant du bûcheron qui effectue le transport du bois par câble en haute montagne.
■  CÂBLIÈRE n. f. (1795) est un terme technique de marine et de pêche désignant une pierre percée pour le passage d'un câble et servant de lest pour les filets de pêche.
Au XXe s., câble a produit CÂBLERIE n. f. (1905), nom de la fabrication et de la fabrique (1928) de câbles ; CÂBLIER n. m. et adj. (1908) se dit d'un navire chargé de la pose et de la réparation des câbles sous-marins ; CÂBLEUSE n. f. (1913) « machine à faire les câbles ».
■  Les termes d'audiovisuel CÂBLISTE n. (1973), CÂBLODISTRIBUTION n. f. (v. 1965), courant en français du Québec, et CÂBLODISTRIBUTEUR, TRICE n. (1982) sont liés au sens correspondant de câble.
ENCABLURE n. f., formé sur câble avec le préfixe en- et le suffixe -ure (1744 au Canada) a gardé exceptionnellement l'ancien -a- court de cable. Il double câble dans son emploi métonymique, se référant à une ancienne mesure de longueur appliquée aux câbles des ancres et, par extension, aux mesures hydrographiques.
? CABOCHE n. f. est la forme normanno-picarde (XIIIe s.) correspondant à l'ancien français caboce (1165-1170), lui-même d'origine douteuse. L'intermédiaire de l'ancien français cabocer (→ cabosser) ne semble pas nécessaire, et la date du mot en ancien français exclut un emprunt au provençal, langue où le mot est plus récent. Le second élément est boce, ancienne forme de bosse* ; le premier élément ca- est un pseudo-préfixe entrant dans la composition de nombreux mots français et dialectaux, d'origine discutée. Wartburg distingue deux types de formations : des mots en ca- résultant du croisement de deux mots sémantiquement voisins (procédé de composition tautologique fréquent dans la langue populaire), du type cahute* (cabane + hutte), cafouiller*, cafourniau, et des mots formés à l'aide d'un élément péjoratif et augmentatif ca- dégagé à partir des mots cités ci-dessus ; ce second procédé vaudrait selon lui pour caboche, caboce, le picard capeigner « se prendre aux cheveux », le dialectal du Centre cahuer « huer ». P. Guiraud regroupe un certain nombre de mots en ca- sous le sémantisme du « creux », faisant remonter ca- au latin cavus « creux » (→ 1 cave). Étant donné le sens du mot, on s'étonne pour l'initiale que le latin caput ne soit pas évoqué, avec des mots qui en sont issus comme chabot (→ cabot).
❏  Dès les premiers textes, le mot est une dénomination familière de la tête, surtout pour « esprit », souvent dans le contexte de l'entêtement. Par analogie de forme, il se dit d'un clou à grosse tête pour ferrer les souliers (1680) et désigne une portion de tige épaisse adhérant au pétiole d'une plante.
❏  CABOCHON n. m. (1400), d'abord cabouchon (1380), désigne une pierre précieuse de forme convexe, polie mais non taillée ; il est également employé en apposition à un nom de pierre (1380). À partir du XVIIIe s. (1732), il désigne aussi un clou à tête décorée ; par analogie, un motif ornemental en forme de tête de clou. ◆  Le sens originel, celui de « tête », est en usage au Québec (il n'a rien dans le cabochon).
CABOCHARD, ARDE adj. (1579) qualifie un homme ou un animal qui n'en fait qu'à sa tête, impulsif ; il correspond pour la formation à têtu. Sorti d'usage après 1606, il est encore qualifié de « vieux » par Boiste (1803), qui le reprend pourtant. Il est devenu assez usuel dans la langue familière.
1 CABOSSE n. f. est probablement une spécialisation de sens (1732) de l'ancien français caboce « tête », dont la variante picarde caboche* s'est conservée.
❏  Le mot désigne la gousse volumineuse contenant les fèves du cacao. Une autre spécialisation, par l'occitan, donne au mot, dans le sud de la France, le sens de « épi de maïs ». Il désigne aussi une protubérance qui se développe sur un arbre (en particulier en français régional de Rennes, d'Ille-et-Vilaine et du Centre). En français d'Afrique, cabosse se dit du fruit du colatier, la noix de cola.
❏  1 DÉCABOSSER v. s'emploie en français d'Afrique subsaharienne pour « ouvrir les cabosses des cacaoyers pour récolter les fèves ». ◆  Les dérivés DÉCABOSSAGE n. m. pour l'opération, DÉCABOSSEUSE n. f. « appareil pour ouvrir les cabosses », avec la variante ÉCABOSSEUSE n. f., sont également en usage.
CABOSSER v. tr., d'abord cabocier (déb. XIVe s. ; manuscrit d'un texte du XIIe s.), est soit dérivé de l'ancien français caboce (→ caboche), soit composé de boce, bosse* avec l'élément ca- et la désinence -ier, -er.
❏  Le mot, attesté une première fois au sens intransitif de « former des bosses », reparaît au XVIe s. en Suisse romande avec son sens transitif de « faire des bosses » (1570, Neuchâtel). Très vivant en Suisse, il s'est répandu en France au XIXe s., d'abord dans les dialectes franco-provençaux, en français régional (1810), puis en français général.
❏  CABOSSAGE n. m. (1890) et CABOSSEMENT n. m. (1902) se partagent la fonction de substantif d'action de cabosser.
■  2 CABOSSE n. f. renforce le mot bosse.
2 DÉCABOSSER v. tr. Redonner sa forme première à (un objet, une surface) qui a été cabossé(e), débosseler, (franç. du Québec) débosser.
❏ voir BOSSE, CABOCHE, CABOSSE.
? 1 CABOT n. m. au sens de « chien » (1821) est un mot d'origine incertaine, peut-être à rattacher au latin caput « tête » (→ chef) par l'intermédiaire d'une forme provençale (ancien provençal cabotz), elle-même désignant le têtard, et à l'origine du nom d'un poisson à grosse tête, chabot (1544). L'hypothèse d'une altération de clabaud « chien courant qui aboie » (fin XVe s.) sémantiquement recevable, fait difficulté du point de vue phonétique.
❏  Le mot est d'abord, en français de France, un terme d'argot, quelquefois altéré en cabe (1836), cabja (1896), cabji (1901). Avant son extension populaire (1860), les textes spécifient presque tous « chien de garde ». Dans l'usage familier, c'est l'un des synonymes de chien, qui tend à vieillir (Cf. clebs, clébard qui le remplacent souvent). ◆  En français de l'océan Indien, le mot s'applique à des poissons à grosse tête, aussi appelés chabots. En français de l'île Maurice, des cabots se dit à la pêche des prises insignifiantes.
■  L'emploi de 3 CABOT au sens de « caporal » dans l'argot des casernes (1881, cabo) se comprend comme une altération de capo, abréviation de caporal*, motivée par l'expression chien de quartier.
❏ voir CABUS.