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CABOTER v. intr., attesté depuis 1678 mais probablement antérieur comme l'indique le dérivé caboteur, est d'origine obscure. Une dérivation du moyen français cabo « cap », lui-même emprunté à l'espagnol cabo de même sens, fait difficulté, car cabo est rarement et tardivement attesté (1614-1638) alors que caboter devait exister avant caboteur, au XVIe siècle. Il peut paraître préférable de rattacher caboter directement à cap* avec un passage de p à b dont on trouve maints exemples, notamment en provençal. La chronologie semble également s'opposer à une dérivation de Cabot, nom de deux navigateurs italiens des XVe et XVIe siècles. L'origine géographique du mot, côtes méditerranéennes ou rivage atlantique, aiderait à déterminer l'étymologie.
❏
Le mot est employé en parlant d'un navire qui longe les côtes, de port en port.
❏
CABOTEUR, EUSE n. est probablement dérivé (1542) de
caboter, attesté plus tard. Il est difficile de l'identifier avec
Caboteur, nom propre attesté dès 1277 (« marin qui fait le cabotage » ?). Le mot a désigné le marin et, de nos jours, le bateau qui fait le cabotage (1542).
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CABOTIER, IÈRE adj. et n. (1671) n'a pas réussi à s'imposer à côté de caboteur, mais CABOTIÈRE n. f. (1693) a désigné un bateau plat servant à la navigation fluviale.
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CABOTAGE n. m. (1678) désigne un type de navigation, le long des côtes et de port en port.
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CABOTIN, INE n., attesté peu après cabotiner (1807), est d'origine incertaine. Une lexicalisation du nom de Cabotin, qui aurait été un célèbre comédien ambulant à la fois directeur de théâtre et charlatan sous le règne de Louis XIII, est douteuse ; l'existence de ce comédien est hypothétique, son nom n'apparaissant que tardivement (1858) et semblant évoqué (et inventé) ad hoc. On a pensé à une extension du sens du picard cabotin « homme de très petite taille » (à rattacher à se caboter « rester petit »), terme attesté à la fin du XVIIIe s. au sens de « petit sot », appartenant à l'étymon latin caput « tête » (→ chef). L'hypothèse d'une dérivation du radical du terme de navigation caboter*, les acteurs ambulants (premier sens du mot) voyageant par petites étapes, est insuffisamment étayée. P. Guiraud rapproche le mot du provençal far cabot « faire la révérence, saluer » qui est un doublet de capoter* « faire signe avec la tête », lui aussi de caput.
❏
Le sens de « comédien ambulant » a été supplanté par le sens péjoratif et familier de « mauvais acteur » (1834). Par extension, le mot s'applique à une personne qui manque de naturel, dont les attitudes et les manières sont trop théâtrales (1899).
❏
CABOTINER v. intr. signifie d'abord (1799) « exercer le métier de comédien ambulant ». Il a suivi l'évolution de
cabotin, c'est-à-dire « jouer mal, de manière emphatique » et au figuré « faire le charlatan ». Son substantif d'action
CABOTINAGE n. m. (1805) a suivi la même évolution vers le sens de « jeu, comportement affecté » (fin
XIXe s.).
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CABOTINISME n. m. (1845) renchérit sur le sens moderne de cabotinage, en exprimant une affectation systématique.
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2 CABOT, E n. est l'abréviation familière (1847) de cabotin sous l'influence de cabot*, autre mot familier et péjoratif. Il désigne un mauvais comédien emphatique (souvent : un vieux cabot) et au figuré un charlatan, aussi comme adjectif attribut.
CABOULOT n. m. depuis 1846 est un terme d'aire franco-provençale, attesté dans le franc-comtois caboulo(t) « petit réduit dans une écurie où l'on enferme un jeune animal pour le protéger contre les accidents », le bressan caboulot « réduit » et aussi « petit cabaret », le dialecte de Belfort caboulot « petite cabane, petite chambre ». Il est issu du franc-comtois boulo(t) « petit local pour animaux » avec syllabe initiale ca-, due probablement à un croisement avec cabane* (→ cahute). Boulot est dérivé, avec suffixe latin -ellu et -ittu donnant -ot (e entravé étant altéré en o dans la région bourguignonne), d'un celtique (gaulois) °buta « cabane, hutte » que l'on peut déduire de l'ancien irlandais both de même sens, du cymrique bod « habitation ».
❏
Le mot, en dehors d'un usage régional au sens de « réduit obscur », s'est employé en argot puis dans la langue populaire à propos d'un petit café plus ou moins mal famé à clientèle régulière, avec attraction probable de cabaret. Il vieillit.
❏
CABOULOTIÈRE n. f. (1866), « serveuse de caboulot », sort de l'usage.
CABRER v. tr. est probablement dérivé (av. 1188) du radical de l'ancien provençal cabra « chèvre » (XIIIe s.) dont certains dérivés sont anciens (→ cabri). Cabra vient lui-même du latin capra (→ chèvre). Il est malaisé de voir dans cabrer un emprunt direct du verbe cabrar, celui-ci n'étant pas ancien en provençal. L'hypothèse d'un emprunt à l'espagnol cabrearse se heurte aussi à l'attestation très tardive de ce mot (1891).
❏
Le sens propre, « se dresser sur les pattes de derrière » en parlant d'un animal, correspond d'abord à une construction intransitive (av. 1188), sortie d'usage, puis à une construction pronominale (v. 1307-1315). Depuis le
XVIIe s., le verbe s'emploie aussi transitivement (1636). Au figuré, les deux types de construction expriment l'idée de « se révolter contre » (1606), « inciter (qqn) à résister » (1627).
■
Par extension, le mot signifie « relever la partie antérieure d'une chose », spécialement en aviation « dresser un avion verticalement au cours du vol », en emploi transitif (1908) et absolu (1928).
❏
À cabrer correspondent trois substantifs d'action. CABREMENT n. m. (1872), de sens propre et figuré, est partiellement concurrencé par CABRAGE n. m. (1886), qui décrit le mouvement d'un animal et, par extension, d'un avion.
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CABRADE n. f. (1883) semble emprunté au provençal cabrado, dérivé de cabrar « se cabrer », mais ce peut aussi être un dérivé du radical de cabrer avec le suffixe -ade (de ruade, reculade) ; peu employé à propos du mouvement de ce qui se cabre, il s'est spécialisé en artillerie à propos du bond des anciens canons au départ du coup, puis en anesthésiologie en parlant du redressement esquissé par le corps du patient au début de l'anesthésie générale. Le participe passé CABRÉ est substantivé (1923) pour décrire l'état, le mouvement de ce qui est cabré.
CABRETTE n. f. est un emprunt (attesté en 1926) à l'occitan cabrete, diminutif de cabre, « chèvre » pour désigner, comme chevrette en français d'oil (XIIe s.), une petite chèvre, et aussi un instrument de musique à souffler (à l'origine en peau de chèvre) analogue à la cornemuse. Le mot est usité en pays occitan, à côté de la variante CHABRETTE n. f. (1911), employée en Auvergne et dans le Limousin.
CABRI n. m., d'abord cabrit (1362-1394) et cabril (1398), puis cabri (1680), est emprunté à l'ancien provençal cabrit (fin XIIe-déb. XIIIe s.), issu du latin populaire capritus, attesté au VIIIe s. au sens de « bouc », lui-même du latin capra (→ chèvre). Le l de la forme cabril est peut-être dû à l'influence du franco-provençal chevril, chivril (1441, Fribourg), forme probablement issue de la confusion entre les suffixes -ittu et -ile.
❏
Le mot désigne le petit de la chèvre. En ski, il dénomme (comme
chevreuil) une compétition, par référence à l'agilité du cabri.
■
En français d'Afrique, de l'océan Indien, le mot s'applique à une espèce de chèvre naine et par extension à sa viande ; cette acception s'est répandue aussi en français d'Europe. D'après le créole mauricien, avoir la bouche cabri signifie « prédire l'avenir ».
CABRIOLE n. f., avec la variante capriole, est emprunté (1550) à l'italien capriola « femelle du chevreuil » (XIVe s.) et, par métonymie, « bond, action de sauter » (1536) et au figuré « souplesse confinant à la servilité » (1545), spécialisé aussi comme terme de manège (1585). Ce mot est issu du bas latin capreola « chèvre sauvage », dérivé de capra (→ chèvre). La forme cabriole, qui a évincé la forme capriole (également capreole) plus répandue au XVIe s., résulte probablement d'un croisement avec cabrer*, cabri*.
❏
Le sens propre de « bond folâtre » s'est spécialisé avec des valeurs plus précises en manège (1564) et en chorégraphie (1611). Le mot a pris la valeur plaisante de « chute » dans la locution familière faire la cabriole (1690). Le sens figuré « retournement opportun d'attitude aux dépens de la dignité » (1690) a vieilli plus encore que celui de « expression de joie », les deux sens se partageant la locution faire la cabriole. Plus rarement, cette locution est employée par euphémisme avec les valeurs figurées de « mourir » et « se ruiner » (1845).
❏
CABRIOLER v. intr. (1584) est dérivé de
cabriole et, sous la forme
caprioler (1585) disparue au
XVIIe s., de
capriole ; un emprunt à l'italien
capriolare se heurte au fait que ce verbe n'est pas attesté avant le
XVIIIe siècle. Le mot s'emploie en parlant d'un animal, d'une personne qui fait des bonds, des culbutes et, quelquefois par métaphore, de la pensée.
■
CABRIOLEUR, EUSE n. et adj. (1625), « animé qui fait des cabrioles », est à peu près inusité.
◈
CABRIOLET n. m. (1755) réalise proprement l'idée d'une « voiture qui cabriole », par allusion aux mouvements sautillants qui l'animent, mais cette origine n'est plus sentie.
■
Le mot désigne une voiture légère à deux roues.
◆
Par analogie avec la forme de la voiture et le mécanisme de sa capote, il désigne (déb. XIXe s.) un chapeau dont le bord s'évase par devant ; à la même époque, il se dit d'un fauteuil au dossier incurvé. En argot, par référence à l'attelage du cabriolet, il a désigné une entrave, voisine des menottes (1866).
◆
Par extension, le sens de « voiture » a donné celui de « petit chariot employé dans les fonderies » (1872) et celui d'« automobile décapotable » (1928), toujours en usage.
❏ voir
CAB.
CABROUET n. m. semble formé d'un élément initial ca- (peut-être celui de carriole, ou de cabriolet) et d'une forme de brouette.
❏
Le mot, en français des Antilles, s'applique à une charrette à traction animale (bœufs, mulets) utilisée notamment pour le transport de la canne à sucre.
CABUS n. m. est emprunté (XIIIe s.) à l'ancien provençal cabus (XIIIe s.), très rare dans la documentation écrite en raison de son caractère populaire. Lui-même est dérivé avec le suffixe -uceu du latin caput « tête » (→ chef), soit directement, soit par l'intermédiaire des dialectes de l'Italie du Nord.
❏
Le mot désigne par métaphore une variété de chou à grosse tête ronde et feuilles lisses (→ cabot, cachalot). Il s'emploie adjectivement avec la valeur de « pommé » (1393, choulx cabus).
CACA n. m. se rattache (1534), par l'intermédiaire du latin cacare « chier » (→ chier), à un mot indoeuropéen de type populaire qui a des dérivés dans les verbes irlandais caccaim, grec kakkan, russe kakat, allemand kakken et dans les noms arménien k'akor « fumier » et gallois cach « caca ».
❏
Un usage pseudo-enfantin plus ou moins marqué par la mode le fait employer à la place de
merde*, également au sens figuré de « ordure, saleté » (1690), puis (
XXe s.) de « chose méprisable » ou de « situation désagréable » (
être dans le caca, Zola, 1902).
Cf. dans la merde. Par composition, il a fourni le nom de couleur
caca d'oie (1867) ; en 1781, la naissance du dauphin avait mis à la mode une couleur
caca dauphin d'un « jaune orangé ».
◆
Récemment, des combinaisons plaisantes, supposées reprises au langage enfantin, sont entrées dans l'usage ; la plus courante est
caca boudin.
■
Le mot s'emploie aussi comme adjectif pour « très sale ».
◆
L'expression (faire un) caca nerveux « une crise de nerfs » semble apparaître dans les années 1990.
❏ voir
CACADE ; CAGUER, CHIER.
CACADE n. f., d'abord caguade (fin XVIe s.) et cagade (1616-1620), refait en cacade (1690), sous l'influence de caca*, est emprunté au provençal cagado « évacuation d'excréments » et, au figuré, « entreprise manquée, mauvais succès », de cagar (→ chier).
❏
Le mot, repris avec les sens propre et figuré (1589) de son étymon, taxé de « bas » (1704), se rencontre encore rarement dans l'usage littéraire.
❏
CAGADE n. f. (1616 chez d'Aubigné) est pris à l'occitan cagada « merde », de cagar, issu du latin cacare, et qui correspond au français chier. Le mot, au figuré, s'applique à une situation inextricable, comme merdier, et aussi à un échec total.
◆
Le mot correspond au verbe CAGUER, d'usage familier plutôt que vulgaire dans le sud-est de la France pour « chier » et au figuré (faire caguer « emmerder » ; va caguer ! → chier). Il s'emploie aussi pour « échouer ». Cf. foirer.
CACAHUÈTE n. f. est emprunté (1801) à l'espagnol cacahuete « arachide » (1750-1765), antérieurement cacaguate (1653) et, par emprunt graphique exact, tlacacahuatl (1575). Lui-même est emprunté au mot aztèque tlacacahuatl, de tlalli « terre » et cacahuatl (→ cacao).
❏
Le mot, qui est devenu féminin en français, désigne l'arachide grillée, est entré dans l'expression beurre de cacahuètes, traduction de l'anglais peanut butter ; on dit en français du Canada beurre d'arachides, et par anglicisme beurre de pinottes* (peanuts). Le mot cacahuète n'est usuel qu'en français d'Europe. Au Québec, en Afrique, on emploie arachide ; aux Antilles, dans l'océan Indien, en Nouvelle-Calédonie, pistache. Cependant, l'expression cacahuète sucrée se dit pour une sucrerie analogue à la praline.
CACAO n. m. est emprunté (1532) à l'espagnol cacao (1535), lui-même emprunté à l'aztèque cacahuatl, de même sens (→ cacahuète). Ce fruit était considéré au Mexique comme l'aliment par excellence et l'arbre qui le produisait passait pour le plus beau du paradis dans la religion aztèque.
❏
En France, l'emploi du mot cacao fait longtemps référence aux pays d'Amérique latine, avant que la chose soit introduite par Anne d'Autriche et le breuvage mis à la mode sous la Régence, alors nommé chocolat de santé, d'où le nom de cacao donné à la poudre puis à la boisson (1903).
❏
De cacao dérive CACAOYER n. m. (1686), après des formes éphémères plus anciennes calquant le mot aztèque : cacou (1601-1603), cacahuaquahuitl (1640), cacaotal (1676) ; il est concurrencé par cacaotier (1698).
◆
On a dérivé de ces deux formes le féminin CACAOYÈRE, CACAOTIÈRE n. f. (1722), « plantation de cacaoyers ».
◆
CACAOTÉ, ÉE adj. (1947) qualifie ce qui contient du cacao.
CACATOÈS, KAKATOÈS n. m. a été introduit au XVIIe s. par deux voies d'emprunt. La forme cacatoua (1606), puis cacatois (1663), est empruntée au portugais cacatua (1630), lui-même repris au malais kakatūwa, composé de kaka « corneille », ici transposé au perroquet, et tūwa « vieux », en raison de la longévité de ces oiseaux. Le type kakatou (1652), cacatous (1663), cacatües (1707), puis kakatoes (1760), cacatoès (1809) a transité par le néerlandais kakatoe, kaketoe (XVIIe s.), lui-même repris au malais. Le mot s'est prononcé [kakatwa] jusqu'au XIXe s. et écrit kakatoès jusqu'à la fin du XIXe s., encore quelquefois au XXe siècle.
❏
Le mot désigne un oiseau grimpeur de la famille des Psittacidés ou perroquets.
❏
L'ancienne forme CACATOIS n. m. s'est maintenue dans une spécialisation technique de « petite voile carrée » en marine (1835 ; 1832, cacatoi) par allusion au fait que cette voile est gréée au-dessus de la voile appelée perroquet.
CACHALOT n. m. (1694), d'abord cachalut (1628), est probablement emprunté, étant donné la localisation des premières attestations en français, à l'espagnol cachalote. L'attestation tardive de ce mot (1795) n'est peut-être pas significative. Cachalote serait lui-même emprunté au portugais cachalote, aussi cacholote, dérivé de cachola « grosse tête », mot de la famille du latin caput (→ chef, cabot, cabus).
❏
Le mot, qui désigne un très grand mammifère marin, figure d'abord dans des documents d'apothicaire, probablement en raison des substances extraites de la tête de l'animal. Son emploi est limité au langage didactique, ces mammifères odontocètes étant erronément (et couramment) appelés baleines (ces dernières sont des Mysticètes).
CACHAT n. m. est un emprunt en français de Provence (1793) au mot occitan de Provence prononcé katchat', de l'ancien provençal cachar « écraser », de la famille de cacher (latin coacticare). Le mot désigne un mélange de fromages écrasés, fermentés, parfois assaisonné d'eau-de-vie. A. Daudet écrit cacha, attestant la prononciation en français.
CACHEMIRE n. m. est l'adaptation (1671) du nom de la province de Kashmir, au nord-ouest de l'Inde, ou de celui de sa capitale où sont fabriqués tissus et châles.
❏
Le mot est d'abord attesté comme toponyme en parlant des tissus fabriqués dans cette région avec le duvet des chèvres du Tibet ou du Cachemire, dans les syntagmes chale ou escharpe de Cachemire, tissus moëlleux de Kachemire (1791). Il s'est lexicalisé au XIXe s., désignant d'abord par métonymie le châle (1803), puis aussi et surtout l'étoffe (1820). Par extension, il désigne un tissu de laine très fine, alors concurrencé par l'anglicisme cashmere, de même origine.
❏ voir
CASIMIR.
L +
CACHER v. tr., d'abord quachier (XIIIe s.) attesté jusqu'au XVe s., puis cachier (v. 1278) et cacher, est issu d'un latin °coacticare, forme renforcée du latin coactare « contraindre », fréquentatif de cogere de même sens (→ cailler, coaguler). Cogere est lui-même formé de cum et agere (→ agir ; acte). De coactare résultent les formes méridionales de type cacha « broyer, écraser, presser, blesser », ce sens d'« écraser » étant réalisé en ancien français par le composé escachier dès le XIIe siècle.
❏
Du sens de « serrer, comprimer » est venu celui de « dissimuler à la vue », attesté dès les premiers textes mais rare avant le
XVIe siècle. En ce sens,
cacher a supplanté l'ancien français
esconser, vivace jusqu'à la fin du
XVe s., encore usité en lorrain en parlant du coucher du soleil, dérivé d'
escons, participe passé d'
escondre. Ce verbe, issu du latin
abscondere (→ abscons), existe dans toutes les langues romanes avec ou sans substitution de préfixe (italien
(n)ascondere, espagnol
esconder, ancien provençal et la majorité des parlers occitans modernes).
Cacher a aussi supplanté
musser, d'origine incertaine, qui survit au nord-est et en normand ; il coexiste avec
celer*, d'origine latine.
■
L'idée de « dissimulation », dont le verbe est porteur, se réalise d'abord sur le plan physique, puis abstraitement (1549) en parlant de sentiments, d'idées, d'agissements, par exemple dans la locution métaphorique cacher son jeu (1704). L'emploi pronominal (v. 1278) fournit se cacher de qqn « agir à son insu » (1666), qui avait aussi à l'époque classique le sens de « ne pas convenir de qqch. » (1667), dont la tournure négative moderne ne pas s'en cacher « manifester », garde une trace.
❏
CACHETTE n. f. est le féminin (1313) de
cachet n. m., dérivé ancien de
cacher, attesté sous la forme
quachet (v. 1175), puis
cachet (v. 1386) et employé jusqu'à la fin du
XVIe s. comme nom du lieu où l'on se cache.
◆
Cachette, dont l'usage a d'abord été limité à la locution
en cachette, doublée en moyen français par
a cachette (1452-1470), s'est répandu au
XVIe s., supplantant
cachet qui avait aussi ce sens, et
cache n. f. (ci-dessous).
◆
En français québécois,
jouer à la cachette correspond à ce qu'on nomme en France
cache-cache.
◈
■
CACHET n. m. s'est maintenu (1464) comme le principal représentant de l'ancien sens de cacher « presser » et n'est plus senti comme lié au verbe. Avec le suffixe -et, indice de l'objet remplissant la fonction de « presser », il désigne un petit sceau, seul et dans cachet du roi (1636), emploi dont procède lettre de cachet (1625). Par métonymie, il désigne d'une part la pastille de cire portant l'empreinte (av. 1630) et l'empreinte elle-même (1564). Ce dernier sens a donné par extension celui de « signe caractéristique » (1762), d'où au figuré la locution avoir du cachet « de la personnalité » (1866).
■
Une autre extension, par laquelle cachet désigne spécialement la carte où l'on marque d'un tampon chaque prestation professionnelle (1733), autrefois dans le cadre des leçons particulières, est à l'origine du sens de « rétribution d'un artiste » (1898), d'où courir le cachet.
■
Le sens médical de « comprimé » (1873) est dû, non pas à une réactivation du sens étymologique, mais à une extension abusive de celui de « enveloppe de pain azyme (fermée par pression) renfermant un médicament en poudre », aujourd'hui délaissé pour gélule, capsule. On parle aussi de cachet d'aspirine*, etc.
■
Cachet a produit CACHETER v. tr. (1464) « fermer avec un cachet », spécialement employé à propos d'une bouteille (1564) et d'une enveloppe, malgré l'usage moderne des enveloppes gommées. En français d'Afrique, où la dérivation verbale est très active, cacheter correspond à « apposer un cachet sur » (cacheter un passeport).
◆
Le verbe a donné DÉCACHETER v. tr. (1544), RECACHETER v. tr. (1544), plus rare, et, tardivement, CACHETAGE n. m. (1861).
■
CACHETON n. m., diminutif familier de cachet, désigne surtout le cachet du comédien (attesté 1947), avec pour dérivé CACHETONNER v. intr. (1957) « courir le cachet ».
◈
CACHOT n. m. (1550) semble rapidement passé de l'idée de « lieu secret », c'est-à-dire
cache ou
cachette, à la désignation d'une cellule de prison basse et obscure (1627, peut-être même dès 1550). Dans ce sens, le rapport étymologique à
cacher n'est plus senti.
◈
CACHOTTER v. tr., dérivé diminutif de
cacher signifiant « tenir secret » (
XVIIe s., M
me de Sévigné), n'a pas réussi à s'implanter, à la différence de ses dérivés
CACHOTTIER, IÈRE n. et adj. (1670) et
CACHOTTERIE n. f. (1698, Bossuet), demeurés très vivants.
◈
1 CACHE n. f. (1561) a désigné le fait de se cacher, d'où
en cache (av. 1559) remplacé par
en cachette, et le lieu où l'on se cache, où l'on cache qqch. Son emploi n'est plus que régional.
■
CACHERIE n. f. (av. 1755), « soin de cacher », n'a pas doté cacher du substantif d'action qui lui manque.
◈
Le déverbal
2 CACHE n. m. (1870) désigne concrètement un objet qui fait écran, spécialement, en terme d'imprimerie, une feuille intermédiaire évitant le décalcage (1870) et, en photographie, une feuille opaque découpée de façon à cadrer certaines parties de la pellicule impressionnée qu'on ne veut pas reproduire (1898).
◈
CACHE-NEZ n. m. est le plus ancien des composés de la forme verbale
cache- et d'un substantif (1536) ; il a perdu, au profit de
loup, son sens primitif de « masque couvrant le visage jusqu'à la bouche » (qualifié de « vieux » par Furetière, 1690) pour reparaître comme terme d'habillement à partir de 1830, pour « écharpe ».
■
À partir du XVIIIe s., la vitalité de cacher en matière de dérivés consiste essentiellement en substantifs masculins composés de cache- et d'un substantif, désignant des objets ou instruments dont on se sert pour cacher, notamment dans les domaines de la mode, des jeux et de la technique. Il faut en excepter CACHE-CACHE n. m. (1722), composé d'un redoublement de la forme verbale, pour le jeu d'enfants où un joueur doit retrouver d'autres joueurs cachés (Cf. au Québec, cachette).
◆
Au XIXe s., on voit apparaître CACHE-TAMPON n. m. (1835), CACHE-MISÈRE n. m. (1847), qui s'emploie à propos de tout dispositif apparent qui cache une chose dégradée, en mauvais état, CACHE-COL n. m. (1842, reprise d'une ancienne formation employée par Rabelais comme désignation de la fraise, col étant pris au sens de « cou »), CACHE-POUSSIÈRE n. m. (1876), CACHE-CORSET n. m. (1899), sortis d'usage, CACHE-SEXE n. m. (fin XIXe s.), concurrencé par string, pour les femmes.
◆
L'élément reste productif au XXe s., entrant dans CACHE-FLAMME n. m., en armement, et dans CACHE-CŒUR n. m.
❏ voir
aussi RADIATEUR.