CADIEN, IENNE adj. et n. est l'aphérèse d'acadien*, dont la forme anglicisée est cajun*. Il ne s'emploie qu'à propos des Acadiens de Louisiane.
CADMIE n. f., réfection (1538) de camie (1400), est emprunté au latin cadmea, cadmia, lui-même emprunté au grec kadmeia, kadmia (sous-entendu petra) « pierre de Cadmos », parce que cette pierre, la calamine* (dont le nom est issu d'une forme altérée de cadmia), se trouvait près de Thèbes, cité fondée par Cadmos. En ce qui concerne le nom de ce héros, en grec Kadmos, le rapprochement souvent répété avec kekasnai « exceller, briller » est douteux et l'hypothèse d'un emprunt fait par le grec est mal assurée.
❏  Le mot, au sens de « minerai de zinc naturel », a été supplanté par calamine. Il s'est maintenu en métallurgie comme nom de la suie verdâtre (oxyde de zinc) qui s'attache aux parois intérieures des fourneaux où l'on fond les métaux (1611).
❏  CADMIUM n. m. est emprunté (1817) à l'allemand Cadmium, Kadmium, dérivé du radical du latin cadmia, grec kadmeia, avec le suffixe scientifique -ium ; l'appellation a été forgée par le chimiste allemand Frederic Strohmeyer (1778-1835) qui isola le premier ce métal à partir de la calamine jaune.
■  Le mot est l'appellation donnée en chimie à un corps simple, métal blanc comme l'étain, ductile et malléable. Il s'est répandu pour désigner un pigment utilisé en peinture, d'abord dans sulfure de cadmium (1861), puis seul ou dans jaune de cadmium (1933).
■  En sont dérivés CADMIER v. tr. (XXe s.) et CADMIAGE n. m. (v. 1925), relatifs au revêtement d'une surface métallique par dépôt électrolytique de cadmium.
CADOGAN → CATOGAN
CADOR n. m. est un emprunt à l'arabe qaddour « fort, puissant ».
❏  Ce mot argotique a deux emplois distincts. Le premier attesté (1878) évoque un nom donné à cette époque à un gros chien, « le puissant » et fait partie des noms populaires de l'animal (avec clebs, clébard...). Le second désigne un personnage important, puissant (Cf. caïd). Il s'emploie adjectivement (1928) pour « très fort ».
CADRAN n. m. est emprunté (fin XIIIe s.) au latin classique quadrans, -antis « quart de l'as, soit trois onces » et, l'as étant considéré comme l'unité, « quart (d'une unité quelconque) », employé comme mesure de longueur, de poids, de temps. Le mot est dérivé, avec une fausse désinence de participe présent, du radical quadr- de la famille de quattuor (→ quatre). Le développement sémantique du mot français est dû à une réinterprétation tardive de quadrans par figure étymologique sous l'influence de quadrare « être carré » (quadratus → carré) pour désigner une surface plane carrée divisée en heures. Du fait de sa graphie, le mot est rapproché spontanément de cadre.
❏  Le mot a désigné un cercle gradué servant à mesurer la hauteur du soleil ou d'une étoile, sens disparu après le XVe siècle. Puis (1340) il se dit d'une surface portant des divisions correspondant aux heures du jour et sur lesquelles le soleil projette l'ombre d'un style ; dans ce sens, d'autres valeurs étant apparues, on emploie en français moderne le syntagme cadran solaire (1704 ; 1538 cadran au soleil). Par extension, l'idée de forme carrée devenant moins pertinente, il s'applique à une surface sur laquelle se déplacent les aiguilles d'une montre, d'une horloge, d'une pendule (1443). Par analogie, il désigne la surface graduée de divers appareils, notamment de mesure, tels que la boussole (av. 1589 dans la dénomination cadran de la mer), et ultérieurement (fin XIXe s.) le téléphone. Le mot s'emploie en français du Canada pour « réveille-matin ».
■  En référence aux divisions d'un appareil, il est employé en arboriculture à propos d'une série de fentes partant du centre sur les vieux arbres malades (1777).
■  Par allusion plus générale à la forme, le plus souvent circulaire, du cadran, il s'est employé en argot comme dénomination métaphorique de la tête (1857).
❏  Cadran a produit les termes techniques CADRANNERIE n. f. (1783), « atelier où l'on fabrique des appareils de navigation à cadran », et CADRANNURE n. f. (1791), qui désigne la maladie des bois se manifestant par des fentes disposées en cadran.
+ CADRE n. m., d'abord quadre (1354-1376), est emprunté à l'italien quadro, substantivation de l'adjectif quadro « carré » représentant du latin quadrus (→ carré) dérivé de quattuor (→ quatre). Le substantif italien est employé spécialement comme nom du carré en géométrie (déb. XIVe s.), puis pour désigner une ouverture carrée, une petite fenêtre (1540), un tableau, une peinture (1584).
❏  En moyen français, le mot a désigné un quartier de lune, sens éliminé par quartier. Depuis le XVIe s. (1549), il désigne concrètement comme en italien la bordure (carrée à l'origine) d'un tableau, d'un miroir, et un châssis fixe rectangulaire (1690, à propos du chambranle d'une porte), sens dont procèdent quelques emplois techniques, en marine à propos d'une couchette (1736), et dans divers métiers (1751, fabrication du papier ; 1867, mégisserie, parcheminerie).
■  L'idée de « délimitation » transposée sur un plan abstrait est appliquée à l'entourage qui met en valeur une personne ou la montre sous un certain jour (av. 1778), à ce qui structure une pensée, sert de matière et de plan à une œuvre (1803, Chateaubriand). Un usage contemporain, la locution dans le cadre de, apparue en langage administratif, est devenu envahissant pour « dans le domaine de ; en ».
■  Par métonymie du sens de « bordure d'un tableau », cadre a désigné le tableau lui-même, puis un registre où sont inscrits les noms des officiers et sous-officiers exerçant une fonction de commandement, d'encadrement. Ce sens, réalisé dans l'expression figurée être rayé des cadres (1840) « être licencié », rend compte d'un déplacement métonymique vers la désignation de personnes définies par leur fonction de direction, d'où le sens de « ensemble des officiers et sous-officiers dirigeant les soldats d'un corps de troupe » (1796), renforcé au XIXe s. par les emplois parallèles de encadrer et encadrement. ◆  Par extension, cadre désigne l'ensemble des employés d'un rayon administratif (1840), et au XXe s. les cadres recouvre le personnel investi dans une entreprise des fonctions de direction (1931). De là, cadre s'applique à une réalité socioprofessionnelle précise, opposé à employé, et désigne au pluriel et au singulier une personne ayant une fonction de direction ou une qualification professionnelle élevée. Outre cette valeur institutionnelle, un cadre moyen, un cadre supérieur et, a fortiori, un jeune cadre dynamique, sont devenus des clichés sociologiques dans la seconde moitié du XXe siècle.
❏  Il est difficile de dire si CADRER v. (1539) est dérivé de cadre* ou emprunté au latin classique quadrare « convenir à, être conforme à », de quadrus. L'attestation, légèrement antérieure, de l'expression quadré de mesure à propos d'une personne bien conformée (1529), semble indiquer l'emprunt, de même que l'emploi intransitif pour « s'adapter exactement au caractère d'une chose » (1539), autrefois construit avec la préposition à (encore av. 1704, chez Bossuet), de nos jours remplacée par la préposition avec (1672). L'apparition de la construction factitive faire cadrer qqch. semble tardive (1840, faire cadrer un compte), de même que la construction transitive plus rare avec le sens de « placer en ajustant » (1890) et celui de « délimiter, définir » (1914). Ces deux sens relèvent d'un usage stylistiquement marqué, le seul emploi courant du transitif étant celui de la photographie et du cinéma (1912).
■  Le dérivé CADRAGE n. m. n'a pas vécu au sens collectif de « ensemble des cadres » (1866) où il est formé sur cadre ; son usage moderne correspond à celui de cadrer en technique audiovisuelle pour la mise en place de l'image (1923).
■  CADREUR, EUSE n. (1952), de cadrer, se dit de la personne qui effectue des cadrages ; il a été recommandé en remplacement de l'anglicisme cameraman (1973).
ENCADRER v. tr. (1752) est le vrai dérivé verbal de cadre, avec le sens concret de « entourer d'un cadre » et les sens figurés de « pourvoir une troupe de ses officiers et sous-officiers » (1839, cadre est attesté antérieurement en ce sens), d'où « se tenir près de qqn pour le surveiller, le garder » (1839). Par extension, le sens propre a donné celui de « entourer d'une bordure pareille à un cadre » (1845) et la locution figurée plaisante ne pas pouvoir encadrer qqn « ne pas le sentir » (1931).
■  Le verbe a produit ENCADREMENT n. m. (1756) qui exprime l'action d'encadrer un objet et, concrètement, ce qui encadre, avant de développer aussi, au XIXe s., les sens figurés correspondant à ceux du verbe : encadrement d'une troupe, puis d'un personnel se disant de l'action d'encadrer et, par métonymie, de l'ensemble des personnes qui encadrent, nommées ensuite les cadres.
■  ENCADREUR, EUSE n. n'est attesté (1870) qu'avec le sens concret de « personne qui fait ou qui pose des cadres », avec une valeur professionnelle précise. Alors que le remplacement d'un cadre, au sens concret, se dit RÉENCADRAGE n. m., de RÉENCADRER v. tr. (formé sur encadrer), RECADRER v. tr. et RECADRAGE n. m. (années 1980) ne concernent que la modification d'un cadrage (voir ci-dessus cadrer et cadrage) dans les techniques de l'image et les emplois figurés qui en découlent, au sens de « redéfinir le cadre, les limites (d'un projet, d'une politique, d'une activité, etc.) ». Ils se disent aussi des personnes pour « redéfinir l'action, le rôle de (qqn) ».
DÉCADRER v. tr. (1774) signifie concrètement « enlever (un objet) de son cadre » et a pris une valeur spéciale en photo, en cinéma, etc., d'après cadrer et ses dérivés (ci-dessus). ◆  De là DÉCADRAGE n. m.
CADUC, CADUQUE adj. est emprunté (1346-1407) au latin caducus, adjectif dérivé du radical de cadere « tomber » (→ choir). Le mot qualifie proprement ce qui tombe ou est près de sa chute, surtout en parlant d'une feuille, d'un fruit, d'où, au figuré, ce qui est fragile, périssable. Il est employé en droit dès Cicéron, et depuis Apulée, en médecine pour qualifier un malade épileptique qui tombe ; de là, à basse époque, l'emploi substantivé du féminin caduca (sous-entendu affectio) « épilepsie » en concurrence avec caducitas.
❏  Le sens concret, qualifiant ce qui tombe, est près de sa chute (1543), est devenu littéraire et archaïque. L'emploi médical de caduque n. f. (1356) seul, et dans mal caduc (1520), repris au latin, est sorti d'usage au profit de l'hellénisme épilepsie.
■  Le sens figuré, « fragile, peu durable » (XVIe s.), s'est mieux conservé dans le style soutenu et le langage juridique (1690). ◆  Au début du XIXe s., l'adjectif a été réemprunté en anatomie (1803), en botanique (1803) peut-être d'après caducité, en zoologie, puis au XXe s. au figuré, en phonétique, d'un son qui « tombe », disparaît.
❏  CADUCITÉ n. f. (1479) est dérivé de caduc plutôt qu'emprunté au bas latin caducitas, qui n'a eu que le sens médical d'« épilepsie ».
■  Il désigne l'état de ce qui est près de tomber, au propre (archaïque) et au figuré (1530). ◆  Par extension, il se dit de la dégénérescence de la vieillesse (1588), s'applique en droit au caractère d'un acte qui se trouve annulé (1694) et se dit spécialement d'un organe végétal (1782) ou animal qui tombe.
❏ voir CADENCE, DÉCADENCE.
CADUCÉE n. m., d'abord caduce (1508-1517) puis caducee (XVIe s.), est emprunté au latin caduceus, caduceum (Cicéron), lui-même emprunté anciennement — directement ou indirectement — au grec dorien karukeion « bâton de héraut », variante de kêrukeion. Ce dernier est le neutre substantivé de l'adjectif kêrukeios « qui appartient au héraut », de kêrux, -ukos « héraut », nom du messager officiel, notamment à la guerre ou dans les relations diplomatiques, et du fonctionnaire qui convoque les assemblées, fait les proclamations, y compris dans les ventes. Le mot répond exactement au sanskrit kārú- « chanteur, poète » mais avec un second k qui peut être expressif. Les Grecs et les Romains ont fait de l'objet lui-même, une baguette sur laquelle s'enroulent deux serpents, surmontée de deux ailettes, l'attribut du héraut : il constitue un véritable sceptre que ce dernier tient de son divin patron Hermès (Mercure) et qui fait connaître à tous son autorité. Il symbolise l'équilibre par l'intégration des forces contraires d'ordre biologique ou moral, et plus spécialement, dans le mythe d'Asclépios (père des médecins), le règne spirituel sur le corps, le venin du serpent se déversant dans une vasque pour devenir remède (Cf. pharmakos « poison » → pharmacie).
❏  Si le nom et sa signification complexe échappent souvent, le motif désigné — déjà représenté 2 600 ans av. J.-C. — et son nom demeurent familiers, le premier figurant sur les devantures des pharmacies et, de nos jours, sur les pare-brise des voitures de médecins, comme symbole du corps de santé.
CAFARD n. m., d'abord écrit caphar (1512), suffixé en -ard, -art dans caphard (av. 1544), puis caffart (av. 1564) et cafard (1589), est emprunté, probablement dès le XVe s. (Cf. cafarder), à l'arabe kāfir « incroyant », qui a pris le sens de « converti à une autre religion, c'est-à-dire non musulman », d'où « faux dévot », donnant également cafre*. Kāfir est le participe présent substantivé de kafara « être incroyant ». La finale -ar a rapidement été assimilée au suffixe -ard à valeur péjorative.
❏  Le mot a été repris avec le sens religieux de « faux dévot », « hypocrite », à la fois en emploi substantif et adjectif, employé de manière polémique au XVIe s., notamment pendant les guerres de Religion. À partir du XVIIIe s., ce sens tend à décliner. Au XIXe s. le mot signifie « mouchard » dans le langage familier (1834), et en particulier chez les écoliers, « hypocrite et délateur, rapporteur » (Cf. ci-dessous cafarder et dérivés).
■  Il semble que le sens usuel de « blatte », relevé dès 1542 chez du Pinet, soit un emploi métaphorique du sens de « faux dévot », l'animal étant de couleur noire et se dérobant à la lumière (du Pinet écrivait : « les caffars se nourrissent de ténèbres »). Le mot est d'abord régional (Normandie, Berry) avant de se diffuser au XIXe s. en français général.
■  Le sens figuré de « mélancolie accompagnée d'idées sombres », repéré à partir de Baudelaire (1857, Les Fleurs du mal), semble un emploi métaphorique du nom de l'animal, en référence à sa couleur sombre et à ses mœurs ténébreuses : un développement analogue se retrouve dans des mots évoquant la couleur noire, comme mélancolie*, noir, sombre, spleen*, blues. Cet usage familier est très usuel (avoir le cafard, coup de cafard...).
❏  CAFARDER v., par la date de sa première attestation (capharder, 1470), incite à avancer la date de cafard. Le sens originel de « tenir un langage de faux dévot » a disparu, remplacé au XIXe s. par celui de « dénoncer » (1867) en argot scolaire. ◆  Sous l'influence de cafard « tristesse », le verbe signifie « broyer du noir » (1918).
■  Il a produit CAFARDAGE n. m. (v. 1765, Rousseau) « langage d'hypocrite », de nos jours « délation », et CAFARDEUR adj. et n. (XIXe s.) « délateur ».
CAFARDERIE n. f., présent dans les textes dès le XVe s. selon Wartburg, attesté de manière sûre en 1541 (capharderie), se maintient dans le style des pamphlets anti-religieux comme dénomination de la ferveur feinte.
■  CAFARDISE n. f. (1551), synonyme du précédent, est très rare.
CAFARDEUX, EUSE adj. (1919), mot familier dérivé de cafard « tristesse », caractérise la personne ou l'attitude qui fait preuve de mélancolie, incite à la tristesse ; les formes cafardier, cafardiser et cafareux appartiennent à l'argot militaire de la première guerre et ont disparu.
CAFTER ou CAFETER v. est un dérivé argotique, en milieu scolaire (v. 1900), du radical de cafard pour « rapporter, moucharder », synonyme de cafarder. Par calembour, 2 CAFETIÈRE n. f. (v. 1900) signifie « élève qui cafte, qui cafarde ». Ces deux mots appartiennent à un argot scolaire désuet.
❏ voir CAFRE.
+ CAFÉ n. m., mot apparu vers 1600 sous diverses formes, est emprunté au turc qahve, lui-même repris à l'arabe qâhwâ qui, selon Littré, désigne la boisson, non la graine, et signifierait à l'origine « liqueur apéritive ». Le mot se rencontre d'abord dans le latin des savants sous la forme caoua (1592 Alpinus, De Plantis Aegypti Liber) et sous la forme Chaonae (1599, chez le savant hollandais Paludanus), littéralement francisée en chaone (1610) et donnée comme provenant des îles Maldives (au sud de Ceylan). Ces formes ne sont pas passées dans l'usage (sauf emprunt populaire de CAOUA n. m., 1863, par les soldats en Algérie), non plus que cavé (1612), caué (1633, F. e. w.), cahvé (1654) et kaoah (1637), mentionnés dans des relations de voyages en Arabie, Turquie, Perse et Syrie. La forme actuelle café (1665) apparaît sous les graphies cafeh (1651), puis caphé (1671 Dufour, De l'usage du caphé, du thé et du chocolate, ouvrage qui connut un grand retentissement). L'examen des sources de cet ouvrage donne à penser que l'auteur a noté la prononciation déjà répandue à Paris, laquelle rendait la forme turque utilisée par les Turcs de l'ambassade de Méhemet IV. L'italien des ambassadeurs vénitiens, caveé (1570), caffè (1615), a pu servir aussi d'intermédiaire. L'usage du café s'est répandu à Marseille (qui l'importait d'Égypte) dès avant 1660, puis à Paris où la suite de l'ambassadeur turc (de juillet 1669 à mai 1670) l'acclimate en en offrant à tous ses visiteurs, de sorte que la mode — que certains ont crue éphémère, comme le montre le jugement « Racine passera, comme le café » — s'en développe et que plusieurs boutiques en vendent à Paris, dès 1671. La forme dominante du mot hésite alors entre café, caffé et caphé ; la première l'emporte à la fin du XVIIe siècle.
❏  Le mot désigne d'abord le breuvage préparé avec les graines du caféier, généralement torréfiées, puis également la graine ou cerise (1611). Dans ce sens, le mot désigne à la fois collectivement la graine naturelle et surtout la graine grillée et torréfiée, d'où les syntagmes grain de café, café en grains, et aussi les graines torréfiées et moulues (café moulu ; un paquet de café). À mesure que le café, dans la seconde moitié du XVIIe s. et surtout au XVIIIe s., devient une boisson courante, du fait de la baisse de prix de la matière première, le mot café, dans ce sens, donne lieu à de nombreux syntagmes, tel moulin à café (1752). La variété accrue des provenances, du moka originel (Arabie) à l'Indonésie, puis au Brésil et à l'Afrique, correspond à un vocabulaire de plus en plus riche (mil. XXe s. : arabica, robusta, etc.) ; s'y ajoutent les noms de préparations instantanées (comme le nom de marque Nescafé), des cafés décaféinés (voir les composés). Dans cette acception, le mot est usuel pour désigner la matière première commercialisable. ◆  En français d'Afrique, on parle de CAFÉ-CERISE n. m. à propos du fruit du caféier, ou cerise. CAFÉ-COQUE n. m. est le nom commercial d'un café obtenu par dépulpage des « cerises », séchées, alors que CAFÉ-PARCHE n. m. dénomme celui qu'on obtient à propos de cerises non séchées. Ces composés ne s'emploient qu'au singulier ; les deux derniers sont techniques. ◆  L'emploi métonymique pour désigner la plante est devenu rare, sauf collectivement (plantation de café), depuis l'apparition du dérivé caféier.
Le sens de « boisson en général chaude, préparée par infusion dans l'eau de graines torréfiées et moulues de café » est devenu très courant au XVIIIe s., réalisé dans de nombreux syntagmes : café au lait (1732 ; signifie alors aussi « café infusé dans du lait »), café chocolaté (1732), café à la sultane (1697) préparé avec l'enveloppe des graines, usage disparu à la fin du XVIIIe s., café fort (1732) — d'où la locution familière c'est un peu fort de café (1848) qui renforce c'est un peu fort —, café à la crème (1781, Mme de Genlis), remplacé par café-crème (1898), café-filtre, etc. À café au lait, expression devenue autonome et caractérisant en France la boisson typique du petit déjeuner, devenu adjectif de couleur, pour « brun plus ou moins clair » (XIXe s., Delacroix), répond café noir (1867) « sans lait ». En français de Suisse, café nature (sans lait), café ristrette (très serré), café renversé (au lait avec autant ou plus de lait que de café). En français de France, café crème (et un crème), café noisette (avec une noisette de lait), café serré, café allongé (café long dans le Val d'Aoste, parfois en Suisse), café noir (sans lait). Par ailleurs, le mot suscite des syntagmes courants, comme tasse à, de café, cabaret de café, cuiller à café.
■  Par extension on a parlé de café de chicorée (1867), de glands (id.) pour des infusions analogues. Des boissons ou desserts plus complexes à base de café sont nommées café liégeois (1959), café irlandais, calque de Irish coffee aussi employé en français.
■  Un autre emploi concerne le parfum au café utilisé en pâtisserie (éclair, glace... au café).
■  L'expression figurée le café du pauvre (d'abord café des pauvres, 1943) désigne les relations sexuelles d'après le repas.
Après avoir nommé cabaret de cavé (1662), puis de café (1662), un lieu public où l'on vendait cette boisson, appelé aussi salle de caffé (1694) et salon de café, le mot employé seul s'applique aussi par métonymie à ces lieux, dont l'existence en France est attestée d'abord à Marseille, en 1654, puis à Paris, en 1672, à la foire Saint-Germain. Mais la coutume n'est pas implantée à la fin du XVIIe s. ; Furetière note : « Il y a en Turquie des cabarets exprès pour en vendre (du caffé) comme on fait le vin en ces quartiers. À Londres, on dit qu'il y a trois mille cabarets de caffé » (1690).
■  Au début du XVIIIe s., la vogue du café (boisson) étant renforcée par la victoire de Vienne sur les Turcs, après laquelle plusieurs nouveautés culinaires viennoises — notamment à base de café — se répandent en Europe, et l'influence anglaise jouant, café désigne à la fois des salons de dégustation et des lieux de rencontre (le café de la Régence, le café Procope, fondé par l'Italien Procopio) ; certains ont une fonction littéraire (on les appelle cafés littéraires). Le mot s'oppose à cabaret, au moins jusqu'au milieu du XIXe s., et correspond plutôt à ce qu'on nomme salon de thé en français actuel. À l'époque révolutionnaire, les cafés du Palais-Royal sont aussi des clubs politiques officieux. Vers le milieu du XIXe s., les cabarets étant mal famés et hors de mode, on parle de marchands de vin (Paul de Kock, 1842) ; les cafés comprennent les estaminets (où l'on fume), d'où café-estaminet (mil. XIXe s., F. Soulié), et les divans (socialement plus relevés) : on y boit surtout des consommations alcoolisées et le mot est alors détaché de son origine. Ce détachement est net lorsqu'on commence à parler des cafés-restaurants (1828). ◆  Un peu plus tard, les cafés sont associés à des spectacles divertissants, cet usage se traduisant par l'expression café chantant (1850), qui cédera rapidement la place à café-concert (1852, chez Nerval), d'où l'abréviation familière caf' conc' (1878), devenue archaïque et historique, allusion à l'époque 1900. Parallèlement aux cabarets, les cafés lieux de spectacle n'ont pas disparu : café-théâtre (1867, Grand Larousse) a été repris et diffusé récemment (v. 1965).
■  En argot, le café du pauvre se dit des plaisirs érotiques, soulignant la fonction de distraction jouée par les cafés.
■  Quant aux lieux de consommation de boissons, le mot café est devenu dans la seconde moitié du XIXe s. le plus usuel, avec ses variétés (voir ci-dessus et café-jardin, 1867), avec des concurrents spécialisés comme brasserie (mil. XIXe s.) puis au XXe s. bar, et de nombreux synonymes populaires, comme mastroquet*, bistrot*, etc. Café est aujourd'hui le mot en français de France le plus neutre et demeure très usuel, en concurrence avec bistrot ; il a longtemps conservé par rapport à ses concurrents une connotation bourgeoise et urbaine ; il s'est diffusé en tous milieux au XXe siècle. ◆  Café maure est courant en français du Maghreb.
Par une autre métonymie, café se dit du moment où l'on prend le café, après le repas (1798).
■  Le mot s'emploie aussi pour une couleur brun foncé (XIXe s.) ; café clair (1835) a disparu, remplacé par café au lait (ci-dessus).
Le café étant, plus que le thé, la boisson chaude du (petit) déjeuner, le mot est symbolique de ce premier repas. Ce qui permet au français d'Haïti d'avoir une agréable francisation pour la notion, britannique au départ, de bed and breakfast, à savoir CAFÉ-COUETTE n. m.
❏  Les premiers dérivés concernent la préparation de la boisson et sa consommation.
■  CAFETIER, IÈRE n. désignait (1680) la personne qui fait commerce de café en grains, puis s'applique au tenancier d'un café (1740).
■  1 CAFETIÈRE n. f. se dit d'abord de l'instrument où l'on prépare la boisson (1690) puis du récipient où on le met pour le servir (1708). ◆  Le mot est aussi une désignation argotique, puis familière, de la tête (1880), par la même image que pot (et que tête lui-même, étymologiquement) ; Cf. l'homonyme, du verbe cafter (→ cafard).
■  CAFÉIER n. m., réfection suffixale (1791) de cafier (1715, attesté jusqu'en 1835), est le nom de la plante qui produit le café, auparavant désignée par le mot café.
■  CAFÉIÈRE n. f. « exploitation, plantation de café » (1797) est peu usité, de même que CAFÈTERIE n. f. (1791, caffeterie).
Au XIXe s., apparaissent des termes de chimie et de médecine, correspondant à l'analyse récente des principes actifs du café.
■  CAFÉINE n. f. (1823, caffeine) désigne l'alcaloïde contenu dans le café, CAFÉONE n. f. (1867), son principe aromatique ; CAFÉIQUE adj. (1891) se dit d'un acide extrait de la caféine et d'une personne intoxiquée par cet alcaloïde, CAFÉISME n. m. (1878) nommant cette intoxication.
■  Caféine a servi à former CAFÉINÉ, ÉE adj. (1904), « qui contient de la caféine » (d'une boisson), et DÉCAFÉINER v. tr. (1911), dont le participe passé DÉCAFÉINÉ, ÉE est très courant (café décaféiné) aussi comme substantif, fréquemment abrégé en DÉCA n. m. (v. 1969).
POUSSE-CAFÉ n. m. (1842) désigne familièrement un alcool digestif pris après le café, à la fin du repas.
■  PAUSE-CAFÉ n. f. se dit (1966) d'un bref arrêt d'activité au cours duquel on prend le café.
CAFÉTÉRIA n. f. est emprunté (1930) à l'anglo-américain cafeteria, lui-même emprunté (1839) à l'espagnol du Mexique cafeteria « salon de café », spécialisation de sens de cafeteria « boutique où l'on torréfie et vend du café », formation parallèle au français caféterie (→ café). En 1925, le Glasgow Herald du 30 juillet signale la toute récente implantation de ce type d'établissement à Paris, mais rien ne prouve que le mot soit alors employé.
■  Le mot désigne un libre-service bon marché où l'on peut consommer du café et d'autres boissons non alcoolisées, parfois de la nourriture.
■  L'abréviation CAFÉT' est courante et pourrait donner lieu à la graphie cafette.
❏ voir CYBERNÉTIQUE (CYBER ; CYBERCAFÉ).
CAFETAN, CAFTAN n. m., d'abord écrit cafetan (1537), puis également caftan (1546), est emprunté au turc qaftān « robe d'honneur », lui-même emprunté au persan haftān « vêtement militaire, cotte de mailles ».
❏  Le mot, introduit par les relations de voyage, désigne un riche vêtement oriental en forme de longue pelisse fourrée, que les souverains offraient les jours de cérémonie aux personnages de rang élevé. Par analogie, il s'applique à une longue robe fourrée portée en Russie et en Europe centrale (1826).
CAFIGNON n. m., régionalisme jurassien, vieilli en français de Suisse, vient d'une aphérèse de escafignon, du radical latin scapha, mot relevé dans de nombreux dialectes galloromans. Il s'est employé en Suisse (attesté au XVIIe s.), au pluriel, pour « pantoufles ».
CAFOUILLER v. intr., relativement tardif (av. 1740), originaire de Picardie et de Wallonie, est issu soit du croisement de cacher* et de fouiller*, soit de la composition du préfixe péjoratif ca- (interprété par Guiraud d'après le latin cavus « creux », → cave) et de fouiller.
❏  D'abord relevé dans des textes du nord de la France, ce verbe dialectal s'est répandu dans toute la France, d'abord en argot (1896), puis dans l'usage familier avec le sens de « agir de manière désordonnée et inefficace », quelquefois « parler confusément » sous l'attraction de bafouiller.
❏  CAFOUILLAGE n. m. (1901), dérivé en français, prolonge l'ancienne forme dialectale cafouillache (déb. XVIIIe s.), cafouliache (1834) qui désignait collectivement de menus objets sans importance. Substantif d'action de cafouiller, il est quelquefois concurrencé par les formes suffixées CAFOUILLIS n. m., CAFOUILLADE n. f., la forme à suffixe zéro CAFOUILLE n. f. et les types à redoublement expressif (d'après caca) cacafouillage, cacafouillade, cacafouillis.
■  CAFOUILLEUX, EUSE adj. et n. (1892) coexiste avec CAFOUILLEUR, EUSE n. (1918), et s'emploie aussi adjectivement, spécialement dans le langage du sport.
■  CAFOUILLANT, ANTE adj., participe présent de cafouiller, s'emploie adjectivement (1925).
CAFOURNION n. m. est l'altération de CAFOURNEAU, CAFOURNIAU, d'un élément ca- et de fourneau, et désigne dans l'usage régional du centre de la France, un recoin, un petit abri, une cabane.
CAFRE n. et adj., mot apparu en français en 1616, puis à propos du Siam (1685), au XVIIIe s. de l'Éthiopie (1721), est un emprunt à l'arabe kāfir « infidèle ».
❏  Le mot qualifiait et désignait, du XVIIe au XIXe s., ce qui a rapport aux populations d'Afrique non musulmanes, vivant dans la zone appelée Cafrerie. ◆  À côté de la forme arabe kāfir, le nom, disparu en français d'Europe, s'emploie en français d'Afrique pour « non musulman » et « musulman non pratiquant », parfois « Européen » (Cf. roumi). Cet emploi correspond au sémantisme « infidèle ». ◆  Sans contenu religieux, en français de l'océan Indien, l'adjectif (féminin cafrine) caractérise les personnes de type africain.
CAFTAN n. m. est un emprunt de la Renaissance (1537) au turc kaftan, pour désigner ce vêtement ample et long. En français d'Europe, caftan désigne une réalité exotique et historique, ottomane. ◆  Cependant le mot est familier et s'applique à des réalités modernes, en français du Maghreb, pour une robe d'apparat, longue et ample, portée par les femmes, en français d'Afrique subsaharienne, pour un vêtement d'homme, long mais ajusté. En français de l'île Maurice, c'est un vêtement féminin, une robe longue portée comme tenue de détente. ◆  On écrit aussi cafetan et kaftan.
CAFTER → CAFARD
CAGADE → CACADE, CAGUER
L CAGE n. f. est issu (1160-1174) du latin cavea, dérivé de cavus « creux » (→ cave) qui, outre les sens de « cavité », « partie de théâtre réservée aux spectateurs », désigne l'enceinte où sont enfermés les animaux, en particulier les fauves et, de là, signifie « prison » au propre et au figuré. Cavea donne normalement chage, attesté comme nom propre d'une abbaye fondée en 1135 à Meaux, ou chaye, dans Saint-Crépin-en-Chaye (près de Soissons). Le mot existe partout dans les parlers gallo-romans, sauf là où le représentant de son diminutif, geôle* s'emploie dans ce sens (Nord-Est, Suisse romande, extrême Sud-Ouest).
❏  Le mot désigne un espace clos, généralement à claire-voie, servant à tenir enfermés les animaux vivants et à les transporter, et en particulier la petite enceinte dans laquelle on enferme les oiseaux. La locution mieux vaut être oiseau de bois que de cage (1611) est sortie d'usage au profit de la variante mieux vaut être oiseau de campagne qu'oiseau de cage, qui a vieilli aussi. Cage à poules (1833) s'emploie au propre puis aussi au figuré, spécialement pour « aéroplane primitif ». Un autre contexte concerne les animaux dangereux, d'où la cage aux fauves, aux lions, etc. et la locution tourner comme un ours en cage. En français d'Acadie, on emploie cage à homards là où on dit en France casier.
■  Par analogie, cage désigne également une loge garnie de barreaux servant de prison (av. 1317), d'où un lieu d'enfermement, également au figuré.
■  Par extension, le mot désigne un espace clos ayant pour vocation de contenir, d'enfermer une chose (1419, en parlant du treillis dans lequel un orfèvre étale sa marchandise). Ce sens a donné des emplois techniques, en horlogerie (1690), en anatomie (1856), d'où dans la langue courante cage thoracique, en sciences dans le syntagme cage de Faraday (l'anglais Faraday cage est attesté en 1916). Cage d'escalier (1676), cage d'ascenseur (XXe s.) sont passés du langage technique de la construction à l'usage général.
❏  CAGETTE n. f. (1321), employé jusqu'au XVIe s. au sens de « petite cage », a été repris (1842) avec le sens technique de « trébuchet pour prendre les oiseaux ». ◆  De nos jours, le mot n'est guère employé qu'en parlant d'un panier d'osier à claire-voie pour emballer et transporter fruits, légumes et fleurs (1928), en relation avec cageot.
■  CAGEOT n. m., d'abord cageau (1467) puis, par changement de suffixe, cajot, tardivement écrit cageot (1873), a perdu au XVIe s. le sens de « petite cage » qu'il partageait avec cagette. Il a reçu au XIXe s. le sens technique de « petit cuvier où l'on met les foies de morue pour en extraire l'huile » (1803), aujourd'hui vieilli, et le sens moderne de « panier à claire-voie servant au transport des fruits, volailles, légumes » (1873), emploi où il n'est plus senti comme lié à son étymon. ◆  Par une image peu claire, le mot désigne, depuis les années 1970, une femme, une fille laide, peu attirante (valeur proche de celle de boudin).
■  CAGÉE n. f. (fin XVIe s.) désigne le contenu d'une cage, surtout d'une cage à oiseaux ; il s'est également employé par métaphore en parlant d'une voiture pleine de prisonniers (1848).
■  CAGET n. m. (1922), réfection graphique, d'après cage, de cajet (1895), est le nom technique donné à la claie sur laquelle on met les fromages à égoutter. Il a remplacé CAGEROTTE n. f. (1551) sans l'éliminer.
ENCAGER v. tr. (1306) exprime l'idée d'« enfermer dans une cage », en particulier les oiseaux (1571) ; le sens figuré de « tenir étroitement enfermé » (XVe s.) relève d'un usage littéraire.
■  ENCAGEMENT n. m. (1636) s'est spécialisé dans le vocabulaire militaire : tirs d'encagement (1930).
■  ENCAGEUR n. m. est le nom technique de l'ouvrier qui, dans les mines, pousse les berlines dans la cage du système d'ascenseurs, ou de l'appareil qui les pousse mécaniquement.
❏ voir CAJOLER.
CAGIBI n. m. est originaire (1911) des dialectes de l'Ouest, de cagibi, « hangar, appentis de décharge », cagibit, et les formes premières cabagit, cabagetis « méchante cabane, cahute », cabgit « petite maisonnette dans les champs ». Cagibi est une métathèse de cabigit, cabagit « cahute », forme apocopée de cabagitis (dialecte d'Alençon), lui-même issu par assimilation en i de cabagétis « cahute, bicoque ». Ce mot est composé du normand cabas, « vieux meubles, meubles encombrants », même mot que cabas*, et d'un dérivé de jeter*. Cabagétis a donné, avec une mutation du second élément sous l'influence de ajoutis (de ajouter), CABAJOUTIS n. m. (1833) qui s'est employé dans le langage populaire à propos d'une construction formée de parties ajoutées, disparates.
❏  Cagibi désigne familièrement un local de petite dimension à usage de rangement, un grand placard, une petite pièce sans fenêtre.