CANTIQUE n. m., d'abord cantike (v. 1130), est emprunté au latin canticum, de cantus (→ chant), qui désigne lui-même un chant, spécialement la partie chantée d'une comédie et, en latin ecclésiastique, un chant religieux.
❏  Le mot appartient au vocabulaire religieux au sens de « chant d'action de grâces », réalisé par excellence dans Le Cantique des cantiques (1614), traduction littérale de la Vulgate rendant le génitif superlatif hébraïque (la traduction normale serait « le grand poème », « le chant suprême »). ◆  Par métaphore, le mot a été repris (1532) comme titre de poèmes exaltant une chose ou une personne.
CANTON n. m. est emprunté (mil. XIIIe s.) à l'ancien provençal canton « coin, bord » (av. 1218), dérivé de can « côté, bord » (→ 2 chant).
❏  Le sens originel de « coin, quartier », sorti d'usage, survit en blason où le mot désigne (1275) le quartier de l'écu. La valeur générale de « région, vaste espace » a été usuelle jusqu'au XIXe s., époque où le mot se spécialise pour désigner une portion de territoire réservée à un usage, à une exploitation, en foresterie (1835), dans les chemins de fer (1867).
Sous l'influence de l'italien du Nord cantone, passé du sens premier de « coin » à celui de « portion de territoire » (dès 1000) puis utilisé par les marchands et les ambassadeurs italiens venus à Fribourg, le mot a été adopté par les chancelleries fribourgeoise (1467) et genevoise pour désigner chacun des États de la Confédération helvétique. Les 23 cantons formant la Confédération helvétique (20 cantons et 6 demi-cantons) sont subdivisés en districts ; ce sont des républiques ayant chacune sa constitution. Les cantons primitifs : ceux d'Uri, de Schwyz (d'où vient le nom du pays, Suisse), de Nidwald et d'Obwald, qui s'unirent en 1291 pour former la « Suisse primitive ». Cantons romands, alémaniques. On appelle parfois canton-ville un canton où la majorité de la population est dans une grande ville (Genève, Bâle-Ville, demi-canton, parfois Zurich). En français de Suisse, le mot État est fréquemment employé pour « canton ». L'allemand de Suisse Kanton est un emprunt au français. ◆  Beaucoup plus tard, depuis 1775 (Turgot) et le décret républicain du 22 XII 1789, canton désigne en France une division administrative regroupant plusieurs communes et divisant un arrondissement, par exemple dans chef-lieu de canton.
■  Au Canada (1862), division de cent milles carrés, au cadastre. Un sens historique concerne une terre de forme rectangulaire, correspondant au mode de division de terres publiques pour créer des exploitations individuelles libres de droit.
■  Dans l'Afrique coloniale française, le canton était une subdivision de l'arrondissement (chef de canton).
■  En Belgique, canton rédimé*.
❏  Les dérivés s'ordonnent aux différents sens de canton. L'ancien sens est réalisé dans 1 CANTONNER v. (1352-1358) « se fixer, s'établir quelque part », spécialisé dans le domaine militaire au sens de « s'établir, faire séjourner les troupes » et en emploi courant, à la forme pronominale, « demeurer enfermé quelque part », au figuré (XVIIe s., Bossuet) « se renfermer (en soi-même, dans ses études) ».
■  Son dérivé CANTONNEMENT n. m. (XVIIIe s.), lui aussi spécialisé comme terme militaire (1752), désigne l'action de faire séjourner des troupes et par métonymie le lieu, les bâtiments où elles séjournent, camp ou caserne.
Le sens étymologique se rencontre à l'origine dans CANTONADE n. f. (1455, « angle de maison »), emprunt à l'ancien provençal cantonada « angle ». Réservé depuis 1694 au domaine théâtral, ce mot a désigné les côtés de la scène où sont assis les spectateurs privilégiés, puis les coulisses ; valeur réalisée dans la locution courante à la cantonade (1752) : celle-ci, entrée dans l'usage commun pour « sans s'adresser à qqn en particulier », était à l'origine une indication scénique demandant de s'adresser à qqn supposé être dans les coulisses.
CANTONNIÈRE n. f. (XVIe s.), dérivé de canton, s'ordonne lui aussi au sens étymologique de « coin », désignant ce qui garnit, renforce les coins d'une chose, spécialement en ameublement (1603) et en imprimerie.
■  CANTONNIER n. m., relevé au XVIIe s. au sens argotique ancien de « prisonnier » d'après canton « prison », a été repris au XIXe s., d'après canton « portion de voie à entretenir ». Il désigne l'ouvrier chargé de l'entretien des routes ou de celui des voies de chemin de fer.
Un autre verbe 2 CANTONNER v. tr. est dérivé (1690) du sens héraldique de canton, pour « garnir dans un canton de l'écu ».
Enfin, CANTONAL, ALE, AUX adj. (1817) se rattache au sens de « division administrative » dans le contexte français (route cantonale). En Suisse, le mot a la valeur toute différente de « relatif à un État de la Confédération », alors opposé à fédéral. L'adjectif entre dans de nombreux syntagmes : gouvernement, parlement cantonal, constitution, élections, votations, police, lois cantonale(s). Il a parfois le sens d'intercantonal (ci-dessous) : relations, associations cantonales. ◆  Dans le premier sens attesté, qui ne concerne que le français de France, le syntagme élections cantonales a été substantivé en les cantonales.
De la valeur du mot en Suisse dépendent les dérivés CANTONALISER v. tr. (1822), CANTONALISATION n. f. (1919) et CANTONALISME n. m. (1875), qui concernent les compétences accordées au canton (et non à la commune ou au gouvernement fédéral). De là CANTONALISTE adj. et n. « partisan du pouvoir cantonal ». Tous ces mots s'opposent à des dérivés de l'adjectif fédéral. ◆  INTERCANTONAL, AUX adj. s'emploie en français de Suisse (1861) et à propos de la Suisse pour qualifier ce qui concerne plusieurs cantons ou les relations entre cantons.
■  D'autres préfixés sont MULTICANTONAL, AUX adj., SUPRACANTONAL, AUX adj., avec les sens attendus.
DEMI-CANTON n. m., dans la confédération helvétique, désigne l'État résultant de la division d'un canton (ex. Bâle-ville et Bâle-campagne).
❏ voir CANTINE, 2 CHANT.
CANULAR → CANULE
CANULE n. f. est emprunté (1314) au latin cannula « petit roseau », diminutif de canna (→ canne).
❏  Le sens du latin a disparu au profit du sens analogique et spécialisé de « petit tuyau formant l'extrémité d'une seringue, d'un instrument de chirurgie » (XVe s.).
❏  Par allusion au désagrément, à la fois humiliant et comique, lié à l'emploi de cet objet, comme clystère, a été formé un verbe CANULER v. tr. (1830) « ennuyer, importuner » qui, en retour, a valu à canule, alors déverbal, le sens argotique (1903) de « personne importune », aujourd'hui désuet.
■  Les normaliens de la rue d'Ulm ont formé sur le radical de canuler le mot pseudo-latin CANULARIUM n. m. (1885), abrégé en CANULAR n. m. (1913) pour désigner une sorte de bizutage. Le mot est devenu courant au sens plus large de « blague, mystification plaisante » (1957). ◆  Il a pour dérivé CANULARESQUE adj. (v. 1930, une fois en 1895, ce qui conduit à penser que canular est antérieur à l'attestation connue).
? CANUT, USE n. (1831) est d'origine obscure. P. Guiraud le rapproche de l'ancien provençal canut (1397) « taffetassier », apparenté au verbe canuzir « lustrer le taffetas par blanchiment ». Il peut être également dérivé de canne au sens de « bobine de fil » comme dans 2 cannette ou, moins probablement, emprunté au latin canutus « blanc, brillant, argenté », dérivé de canus (→ chenu), hypothèse morphologiquement valable mais sémantiquement discutable.
❏  Le mot, qui désigne l'ouvrier des manufactures de soie à Lyon, est d'abord strictement régional. Il s'est diffusé avec la révolte des canuts en novembre 1831. Le féminin irrégulier canuse (1867, adj. ; 1928, n.) est formé sur canus, altération de canut. ◆  L'expression cervelle de canut désigne régionalement un fromage blanc frais. L'expression s'est répandue hors de la région lyonnaise.
CAODAÏSME n. m. est dérivé du nom vietnamien de la secte Cao Daï, signifiant « palais suprême », c'est-à-dire « Dieu ». Le mot désigne la religion syncrétique (éléments bouddhiques, confucianistes, taoïstes, chrétiens) de cette secte fondée en 1926 par Ngô Van Chiêu.
❏  CAODAÏSTE adj., « du caodaïsme » (temple caodaïste).
CAOUA → CAFÉ
CAOUTCHOUC n. m. est emprunté (1736, La Condamine), comme l'espagnol caucho (1653), à une langue indienne du Pérou difficile à déterminer. Le mot et la chose, celle-ci ayant été décrite en latin par Pierre Martyr (De arbo novo, 1525), furent répandus en France et de là en Europe par La Condamine, à la suite de sa mission astronomique en Amérique du Sud. C'est ce savant qui rapporta que l'arbre était appelé hévé (1751) [→ hévéa] et que les Indiens Mayas nommaient la résine qu'ils en tiraient cahutchu, prononcé caoutchou (le c final, de l'espagnol, n'est pas expliqué). À la même époque, un autre Français, François Fresneau, observe à la Guyane française l'arbre à caoutchouc, appelé dans cette région seringa parce que les Portugais fabriquaient avec le latex des pompes ou seringues. Le mot indien cahutchu s'analyse en « arbre qui pleure », allusion à la sécrétion du latex. Le mot français est parfois en concurrence — cela est cependant bien plus net en anglais ou en italien — avec gomme* « produit des arbres d'Arabie ».
❏  En français le mot, dès le XVIIIe s., désigne aussi la substance élastique tirée de la plante, qui est aussi appelée arbre, liane à caoutchouc, puis caoutchouc (écrit -oue in Encyclopédie, 1765). Au XVIIIe s., le mot est rare et d'orthographe indécise : l'Encyclopédie écrit caoutchouc (1765, s. v. résine) et résine caoutchoue (s. v. seringue) ; la substance est encore une curiosité exotique. Importée en Europe, analysée par les chimistes (Faraday, 1826), elle devient vers 1830-1840 une matière première industrielle : on en faisait des gommes à effacer, des balles, puis des bouchons ; on en fait des tissus, une solution pour imperméabiliser les étoffes (procédé inventé par Mackintosh, 1823), des tubes et tuyaux élastiques (in Encyclopédie Didot, 1847). Les emplois industriels se multiplièrent ensuite, par exemple avec l'industrie du pneumatique et l'invention de la vulcanisation (Goodyear, 1839). En conséquence, la production du latex de culture, inaugurée en 1889 à Singapour, augmenta rapidement en Extrême-Orient, au détriment de la récolte naturelle au Brésil (caoutchouc sylvestre ou sauvage). À partir de 1936, les produits de synthèse (Buna en Allemagne, puis divers polymères appelés couramment caoutchouc synthétique, artificiel) s'ajoutent à cette production. Aujourd'hui, l'industrie du caoutchouc est une industrie chimique complexe et le mot désigne à la fois la substance élastique naturelle (latex) et la matière première industrielle, quelle qu'en soit la provenance.
Des syntagmes désignent plusieurs matières à base de caoutchouc : caoutchouc Mousse (marque déposée) est usuel. Par métonymie, le mot s'applique à l'industrie qui produit cette substance. ◆  Il est par ailleurs employé comme symbole de l'élasticité (des jambes en caoutchouc). ◆  Une autre métonymie en fait le nom d'objets en caoutchouc — fil, bande, en concurrence avec élastique, chaussure (1867) —, ou imperméabilisés par une couche de cette substance (« vêtement imperméable », sens vieilli). En plusieurs régions francophones (Afrique subsaharienne, île Maurice, Liban), le mot peut s'employer pour « pneu (de véhicule automobile) ». ◆  Caoutchouc désigne aussi une plante ornementale à latex (Ficus elastica).
❏  Les dérivés sont CAOUTCHOUTER v. tr. (caoutchouté, 1837 ; 1844, écrit caoutchoucter), CAOUTCHOUTEUX, EUSE adj. (1909) et CAOUTCHOUTIER, IÈRE n. m. et adj. (1892) avec substitution au c (non prononcé en français) d'un t, par analogie avec les dérivés des mots en -ou. Ce dernier désigne l'ouvrier travaillant le caoutchouc, la plante qui produit le caoutchouc (1899) et, adjectivé, qualifie ce qui est propre au caoutchouc (1936) ou qui produit la substance (industrie caoutchoutière).
CAP n. m. a été emprunté à diverses reprises (fin IXe s. ; fin XIVe s. ; XVIe s.) avec différents sens, à l'ancien provençal cap « tête » (950-1000), employé dans la locution de cap a ped, de cap en ped et signifiant au figuré « celui qui dirige » (déb. XIIIe s.) et spécialement « promontoire, extrémité » (XIVe s.). Cap est le correspondant du français chef*, issu comme lui du latin caput.
❏  Le sens de « tête », employé comme provençalisme, est sorti d'usage, sauf dans la locution usuelle de pied en cap (v. 1360) « des pieds à la tête » et dans deux locutions techniques : cap-de-mouton (1573), en marine « pièce de bois plate et circulaire percée de trous », provient d'une comparaison avec la tête décharnée d'un mouton (du temps où cette pièce était de forme ovale) ; cap de more (1688), à comparer à cabesse de moro en ancien béarnais (1376-1378), est un terme hippique dénommant un cheval rouan dont la tête et les extrémités sont noires. Le sens figuré de « celui qui est à la tête » (1544) a été éliminé par chef*.
■  Cap s'est mieux implanté en géographie pour désigner un promontoire (v. 1392), passant dans l'usage, avec une valeur figurée, par exemple dans franchir, passer un cap « franchir une étape décisive ». ◆  En marine, le mot s'applique à la direction de l'avant, de la « tête » du navire, vers un point quelconque (1529), donnant des locutions employées plus tard au figuré comme mettre (le) cap sur. Par transposition, il se dit en aéronautique de l'angle que forme la route suivie par l'avion et la direction du Nord (XXe s.).
❏  Cap, avec le sens de « promontoire », a donné les termes de marine ENCAPER v. intr. (1694) « passer entre deux caps » et 2 DÉCAPER v. intr. (1755) « manœuvrer en vue de s'éloigner d'un ou plusieurs caps » ; tous deux ont vieilli.
❏ voir CABOTER.
CAPABLE adj., réfection (1488) de capavle (v. 1350), est emprunté au latin chrétien capabilis « qui peut contenir » (IIe s.), au figuré « qui peut comprendre, intelligent », également employé au sens passif de « qui peut être contenu » (Ve s.). Le mot, qui a évincé capax (→ capacité), est dérivé de capere « prendre », « recevoir » (→ capter, chasser).
❏  Dès les premiers textes, le mot possède le sens moderne de « qui est en état de faire qqch. » en parlant d'une personne, puis d'une chose (1538). Il donne la locution courante capable de tout, enregistrée par Furetière, dans son sens littéral et, déjà, avec le sens figuré de « qui peut se porter aux dernières extrémités » (1690). Capable de (et nom, et infinitif) est en général mélioratif pour « apte, assez compétent pour », son emploi négatif est fréquent, tu n'es (t'es) pas capable (de...) s'abrégeant familièrement (v. 1950) en pas CAP, adj. En français du Québec, n'être pas capable de... correspond à « ne pas pouvoir, ne pas oser (faire qqch.) ».
■  En emploi absolu, le mot est synonyme de « compétent, habile » (1507), se chargeant même, à l'époque classique, d'une valeur péjorative, « qui présume trop de ses capacités » (1656, en emploi substantivé, un capable).
Le sens étymologique, qualifiant ce qui peut contenir qqch., a été repris au latin dans des emplois figurés (1488) et concrets (1529) ; il a disparu au XVIIIe s., à l'exception d'une acception spécialisée en mathématiques (1751, segment capable, arc capable).
❏  INCAPABLE adj. et n. est probablement préfixé (1464) de capable plutôt qu'emprunté au latin chrétien incapabilis « insaisissable, incompréhensible, qu'on ne peut saisir, contenir, non susceptible de », formé de in- et capabilis. ◆  Le mot a été introduit dans l'acception juridique de « inapte à jouir d'un droit ou à l'exercer », également substantif depuis le Code civil (1803). Au XVIe s., l'adjectif qualifie celui ou ce qui n'est pas en état de faire qqch. (1517), spécialement la personne qui est dans l'impossibilité morale de faire qqch. de mal (1580). Le sens étymologique de « qui ne peut contenir, non susceptible de » (1541) ne s'est pas maintenu.
■  Depuis 1718, incapable est également employé absolument à propos d'une personne sans talent, sans aptitude, sens qui a donné un emploi substantivé usuel (1821).
CAPABLEMENT adv., repris au XVIIe s. après une première attestation en 1565, et INCAPABLEMENT adv. (1871) sont demeurés rares.
❏ voir CAPACITÉ.
CAPACITÉ n. f. est emprunté (1314) au latin capacitas « faculté de contenir » (d'où concrètement « réceptacle ») et « aptitude à ». Le mot est dérivé de capax « qui peut contenir », « digne de, habile à », évincé à basse époque par capabilis (→ capable) et repris exceptionnellement dans capace (1857). Le mot est dérivé de capere « prendre », « recevoir » (→ capter, chasser).
❏  Le sens concret de capacité « propriété de contenir une certaine quantité de matière » s'est maintenu, alors qu'il s'est perdu dans capable, et a été consolidé par de nombreux emplois techniques, spécialement en électricité (1890), en physiologie (1928), en botanique (1928). ◆  Dès le XIVe s., le mot a commencé à s'employer au figuré pour l'aptitude à comprendre ou à faire qqch. (v. 1350), le talent (XIVe s.) ; dans le vocabulaire juridique (1690) il a le sens d'« aptitude légale ». Par métonymie, il a donné son nom à un diplôme délivré après deux ans d'étude : capacité en droit (1867).
❏  INCAPACITÉ n. f. (1534) est simultanément défini dans son acception juridique et comme l'état d'une personne inapte (1544). Il n'a pas développé de sens concret répondant à celui de capacité.
■  CAPACITAIRE adj. et n. m. (1834) qualifie ce à qui appartient une certaine capacité légale, en particulier dans l'expression suffrage capacitaire (1949) « droit de vote accordé selon le niveau d'instruction ». ◆  Il désigne un étudiant en capacité ou titulaire de ce diplôme (1906).
INCAPACITANT, ANTE adj. (1968) est un dérivé de l'anglais incapacitate « rendre incapable », employé dans l'usage militaire pour « qui peut rendre inapte au combat » ; il est substantivé au masculin pour « substance toxique à cet effet ».
CAPARAÇON n. m. (1518-1525), d'abord capparasson (1498), est emprunté à l'ancien espagnol caparaçon (XVe s.), correspondant à l'espagnol moderne caparazón et désignant un équipement ornemental ou protecteur destiné aux chevaux. Ce mot est soit dérivé de capa (→ cape), soit issu avec métathèse sous l'influence de capa d'un préroman °karapp, à l'origine de carapace* et appartenant au radical °kar(r)-, variante de °kal- « écale, abri » (→ calebasse). L'hypothèse d'un emprunt au provençal moderne caparassoun ne convient pas chronologiquement, ce mot étant probablement repris au français.
❏  Le mot désigne un harnais d'ornement dont on équipait les chevaux lors de cérémonies solennelles. Par analogie, il est employé dans le style littéraire à propos de la housse plus ou moins bigarrée que l'on met sur les chevaux pour les garantir du froid, de la pluie, des insectes.
❏  CAPARAÇONNER v. tr., d'abord orthographié caparassonner (1546) encore quelquefois fin XVIIIe s., signifie proprement « couvrir un cheval d'un caparaçon ». Par extension, il est devenu relativement courant avec le sens de « revêtir (une personne, une chose) de manière décorative et lourde » et a signifié au pronominal « se déguiser, s'habiller d'une manière peu ordinaire ». ◆  La forme altérée carapaçonner est due à l'influence de carapace.
CAPE n. f., d'abord cappe (v. 1460) puis cape (1671), est emprunté au provençal capa « manteau à capuchon » (1200), cet emprunt s'étant confondu avec l'ancien français cape, forme normanno-picarde de chape*.
❏  Le vêtement étant sujet aux fluctuations de la mode, le mot a été déclaré vieilli au XVIIe s. (Furetière, 1690) sauf dans le sens particulier de « pièce d'étoffe que les femmes se mettaient sur la tête pour se déguiser ou se protéger des intempéries » (→ capuchon). La locution figurée rire sous cape qui apparaît à cette époque (1671) est la modification du type ancien sous chape « secrètement » (encore chez Molière). ◆  Quant à l'expression moderne de cape et d'épée (XIXe s.) qui qualifie un récit d'aventures du temps passé , elle fait référence aux attributs de militaires sans revenus : on disait n'avoir que la cape et l'épée pour « être sans fortune », souvent avec une idée d'esbroufe.
■  En Normandie, cape s'est spécialisé au sens de « grande voile », d'où mettre son navire à la cape (1484) « dériver en baissant la voilure », et s'est maintenu dans plusieurs expressions techniques.
❏  Le dérivé 1 CAPOT n. m., d'abord chappot (1541), « sorte de cape », n'a conservé ce sens, proche de celui de capote, qu'au Canada (ci-dessous). Ailleurs, il s'est immédiatement spécialisé dans le vocabulaire maritime pour la valeur « couverture d'écoutille » (repris à partir de 1819) d'où est issu, par analogie de fonction, le sens moderne de « partie métallique protégeant le moteur d'un véhicule » (fin XIXe s.). ◆  En français du Canada, capot s'est dit d'un manteau d'hiver pour homme (un capot de fourrure). Une locution est restée usuelle, virer, revirer, changer son capot de bord qui correspond au français de France retourner sa veste.
Son féminin CAPOTE n. f. (1659 au Canada) a développé des emplois parallèles et bien distincts. Le premier sens est « grand manteau ample et lourd », spécialement employé dans l'armée (1832). ◆  Au figuré, capote anglaise (1836) puis capote désigne le condom, préservatif masculin. ◆  En outre, capote désigne techniquement la couverture mobile et souple de certains véhicules (1839). ◆  Ce sens a produit DÉCAPOTER v. tr. (1829), apparu à propos de l'automobile, lorsque celle-ci devient souvent fermée d'un toit, d'où DÉCAPOTABLE adj. et n. (1927) et 1 CAPOTER v. tr. (1877), peu usité à cause de l'homonymie avec 2 capoter « se renverser ».
Cape est aussi à l'origine d'un surprenant composé : 1 DÉCAPER v. tr. (1742 ; au XVIe s., déschaper « ôter la chape »). Par extension du sens strict « mettre à nu une surface en ôtant la couverture de dépôts, sels, corps gras, etc. », le mot signifie couramment « nettoyer en frottant ». On le rencontre avec un sens figuré récent « supprimer, enlever (des habitudes gênantes) » tout comme son participe DÉCAPANT, ANTE adj. et n. m. (XXe s., 1945 au fig.).
■  DÉCAPEMENT n. m. (1693), autrefois « blanchiment d'un cuir », puis « fait d'être débarrassé de ses impuretés » (1885), DÉCAPAGE n. m. (1768) et DÉCAPEUSE n. f. (1931) se cantonnent à leur sens technique.
❏ voir CAPARAÇON, CAPELINE, CAPILOTADE, 2 CAPOT, CAPUCE, CAPUCHE.
CAPELAN n. m. est un emprunt du XVIe s. au provençal capelan, qui correspond au français chapelain*, pour dénommer deux poissons différents, de la famille des Gadidés, vendus séchés et fumés.
❏  La forme CAPLAN n. m. est en usage au Québec, pour une espèce différente, un petit poisson argenté, proche de l'éperlan, que l'on pêche près des côtes, quand il vient frayer. On écrit aussi capelan.
CAPELINE n. f. est emprunté (1367) à l'ancien provençal capelina « casque, chapeau de fer » (1294, en latin médiéval, Carcassonne), lui-même dérivé de capa (→ cape). Un emprunt à l'italien cappellina est moins probable.
❏  Le mot a commencé par désigner une pièce de l'armure pour la tête (1367) puis une coiffure richement ornée, en étoffe (1386), et une large coiffure féminine à calotte retombant sur les épaules (1635), avant de prendre le sens moderne (1907) de « chapeau de femme à bords larges et souples ». L'emprunt au provençal n'étant plus ressenti, le mot est tenu pour un dérivé sémantiquement aberrant de cape.
CAPHARNAÜM n. m., attesté une fois en 1649 et repris en 1833, est l'emploi comme nom commun du toponyme biblique Capharnaüm, nom d'une ville de Galilée (identifiée à Tell-Ḥūm) où Jésus, assailli par une foule hétéroclite de malades faisant appel à son pouvoir guérisseur, accomplit de nouveaux miracles. Ce nom vient de l'araméen, où il signifie « village de Nahum » (nom propre).
❏  Le mot, après une mention au XVIIe s. au sens ancien de « prison », a été repris chez Balzac (qui l'apprécie fort, comme d'autres romantiques) pour désigner familièrement un lieu renfermant un pêle-mêle d'objets en désordre et par métonymie un amas de ces objets.
CAPILLAIRE adj. est emprunté (1314) au latin impérial capillaris « relatif aux cheveux », spécialement employé à basse époque en botanique (capillaris herba), dérivé de capillus « cheveu » (→ cheveu).
❏  Le mot, introduit en anatomie avec le sens étroit de « fin comme un cheveu », s'emploie en anatomie dans vaisseaux capillaires (1732), par ellipse : les capillaires, valeur passée en chimie et en physique (vaisseaux capillaires), avant de reprendre le sens général du latin (1842). Depuis, il est très employé dans le commerce et la publicité de la coiffure. ◆  Un nouvel emprunt au latin en a fait le nom de certaines fougères ressemblant à des cheveux (1579, Paré).
❏  CAPILLARITÉ n. f. (1820), dérivé de la forme latine du radical de capillaire, est employé spécialement (1832) pour désigner un phénomène physique par lequel un liquide tend à monter le long d'un tube capillaire ou au travers d'un tube poreux.
L'élément capill- entre dans la formation de nombreux termes scientifiques concernant les soins de la chevelure, comme CAPILLICULTURE n. f. (v. 1960) et CAPILLICULTEUR, TRICE n.
CAPILOTADE n. f., d'abord capilotaste (1542) puis capilotade (1555), est emprunté, probablement par l'intermédiaire de l'italien et du catalan, à l'espagnol capirotada « préparation à base d'herbes, d'œufs, d'ail, etc. destinée à recouvrir d'autres mets » (av. 1343). Ce mot est dérivé par métaphore de capirote « capuchon », lui-même emprunté au gascon capirot, dérivé de capa « manteau » (→ cape) avec les suffixes -ariu et -ottu et réduction gascone de -ier à -ir. ◆  Le mot cabirotade que l'on trouve chez Rabelais au sens de « grillade de chevreau » est dérivé du gascon cabirot « chevreau » et n'a pas de rapport étymologique avec son homonyme.
❏  Le mot est emprunté en cuisine pour désigner une sauce épaisse à base de viande finement hachée. Dès le XVIIe s., il s'emploie au figuré à propos d'une personne ou d'une chose mise en pièces (1610), surtout dans la locution (mettre) en capilotade.
CAPITAINE n. m. a été emprunté (1288) au bas latin capitaneus « important, qui domine », spécialisé par la suite en parlant d'une lettre, d'une ligne initiale (Cf. capitale) et substantivé au sens de « chef militaire », dérivé de caput « tête » (→ chef) avec le suffixe -aneus. L'aboutissement régulier en ancien français est °chatain, attesté sous la forme chastain avec un s purement graphique. L'ancien français a eu aussi la forme demi-savante chevetain (XIIe s.) et capitain (1360-1370), refait d'après le latin médiéval. Les formes à suffixe -aigne, -aine (chastaigne, cataigne, chevetaigne, chataine, cataine, chevetaine, capitaine) résultent d'un traitement différent du même suffixe latin -aneus. Le mot a été adapté par l'anglais captain ; les Allemands l'ont seulement repris dans la hiérarchie navale, le traduisant dans l'armée de terre par Hauptmann (Haupt correspondant au latin caput).
❏  Capitaine désigne couramment l'officier commandant une compagnie et, par analogie de fonction, le commandant d'un navire dans la marine, d'abord militaire (1540), puis commerciale (1723). Dans l'usage littéraire, il a gardé le sens général de « chef militaire ».
■  Sous l'Ancien Régime, le mot désignait également le gouverneur de la résidence royale (1590) et l'officier qui s'occupait de la chasse (1671), dignités abolies en 1789. Depuis la fin du XIXe s. (1895 dans le dictionnaire de Guérin), il est appliqué par analogie au chef d'une équipe sportive. ◆  Par emprunt à l'anglais class captain, capitaine de la classe se dit en français mauricien d'un élève élu par ses camarades pour représenter la classe.
Capitaine est le nom de plusieurs poissons comestibles, en français d'Afrique (notamment, la « perche du Nil »), de Madagascar, de l'océan Indien (notamment à Maurice) et des Antilles (un poisson des eaux côtières).
Le français a adapté en CAPITAN n. m. l'italien capitano (XIIe s., issu d'une variante °capitanus de capitaneus), éphémèrement dans son sens militaire (av. 1514) puis pour désigner un fanfaron ridicule (1637) inspiré du personnage de la commedia dell'arte portant ce nom. Cette acception figurée a disparu, capitan étant remplacé par matamore.
❏  De capitaine sont dérivés CAPITAINERIE n. f. (1339), mot archaïque dans l'armée et qui désigne aujourd'hui les bureaux du « capitaine » d'un port, et CAPITAINAT n. m. (1924), dont la variante capitanat (1926) est formée sur le radical latin.
CAPISTRON et CAPISTON n. m., altérations populaires (1881), sont des mots d'argot de caserne pour « capitaine », en usage des années 1880 à 1920 ou 1930 environ.
+ CAPITAL, ALE, AUX adj. et n. est emprunté (v. 1200) au latin capitalis « de la tête », dérivé de caput « tête » (→ chef). Rare au figuré pour « qui se trouve en tête, domine », sens plutôt réalisé par capitaneus (→ capitaine), le mot est spécialisé dans la langue du droit avec la valeur de « qui peut coûter la tête, mortel ». Il est substantivé au sens imagé de « partie supérieure » (→ chapiteau), notamment pour désigner l'en-tête d'un livre, le chapitre (→ chapitre), puis à basse époque la partie essentielle d'une chose.
❏  Tous les sens du mot latin sont repris par l'adjectif français capital. Le sens propre de « relatif à la tête » (v. 1200) s'est seulement maintenu avec l'acception juridique de « qui peut coûter la tête à qqn » (v. 1255) dans l'expression peine capitale (XIIIe s.). En procède un emploi figuré usuel avec le sens d'« important, essentiel » (1389). ◆  La notion de « qui est à la tête de qqch. » s'impose seulement dans ville capitale (1416) et lettre capitale (1548), tous les deux évincés par les emplois substantivés qui en procèdent (respectivement 1509 et 1567).
■  Depuis 1567, un emploi substantivé du masculin capital est attesté en économie et destiné — sans jeu de mot — à faire fortune : il est soit né directement en français, soit emprunté, par l'intermédiaire des banquiers italiens, à l'italien capitale « partie principale d'un bien financier, par rapport aux intérêts qu'il produit » (XIIIe s.). Le capital correspond d'abord à « partie principale d'une dette » (par opposition à intérêt*) puis « d'une rente » ; le mot évince l'ancien doublet populaire chatel « patrimoine » et « biens mobiliers en bétail » (→ cheptel). Depuis 1606, il désigne également « la somme que l'on fait valoir dans une entreprise » (→ fonds) et depuis 1767, au pluriel capitaux, « l'ensemble des sommes en circulation, des valeurs disponibles ». Le XIXe s. y ajoute, en économie politique, le sens de « richesse considérée comme moyen de production » (1830 ; analysé par Marx, dans son ouvrage en allemand, Das Kapital, 1867) par opposition à travail*, et, par métonymie, « ceux qui, dans la société, possèdent ces richesses » (1848), s'opposant alors à prolétariat (voir ci-dessous les dérivés). Couramment, on entend par capital la fortune possédée, au propre comme au figuré, lorsqu'on parle de capital intellectuel. ◆  Le petit capital, s'est dit par plaisanterie (1883) de la virginité féminine, dans le contexte bourgeois des conventions morales du mariage.
❏  CAPITALEMENT adv., d'abord capitalment (v. 1355), a eu le sens juridique de « relatif à la peine capitale » ; son autre sens, « au plus haut point, absolument » (1580), réalisé dès 1090 par l'ancien provençal capitalmen, s'est éteint en dehors d'emplois stylistiques.
Les autres dérivés procèdent du sens économique de capital. CAPITALISME n. m. (1753) a d'abord signifié l'état de la personne qui possède des richesses ; sa définition moderne, historiquement liée à la révolution industrielle, apparaît au milieu du XIXe s. ; dès 1842, Richard de Radonvilliers propose le mot pour « système de capitalisation ». Il se répand dans la seconde moitié du XIXe s. à la fois en français et pour ses correspondants allemand et anglais. Dans cette acception, il est probablement dérivé de capitaliste par substitution de suffixe et signifie d'abord « puissance du capital et des capitalistes » (P. Larousse, qui cite Proudhon). Il se répand par Pierre Leroux (1848), Blanqui (1869) et l'opposition capitalisme-travail s'exprime alors. Ensuite le concept, fortement marqué par la critique marxiste, se clive en deux ; politiquement, capitalisme définit un régime socio-économique où le capital n'appartient pas à ceux dont le travail produit les richesses mais à un nombre restreint de capitalistes, ces détenteurs de capitaux contrôlant le pouvoir politique ; économiquement, le terme s'applique à toute économie où une grande masse de biens capitalisés est affectée à la production ; on peut alors parler de capitalisme d'État et le mot s'applique à toute société industrielle en développement. Le mot donne lieu à des syntagmes usuels, capitalisme privé, d'État, libéral, et à des métonymies, pour « régime, économie capitaliste », « ensemble des capitalistes et des forces qu'ils contrôlent » ; l'opposition capitalisme (souvent associé à libéralisme, puis à néo-libéralisme) -socialisme, très forte au début du XXe s. et plus encore entre 1945 et 1980 environ, tend aujourd'hui à s'atténuer.
CAPITALISTE n. et adj. (1755) a suivi le même type d'évolution : il a désigné une personne riche, en possession d'un capital (1759), d'abord en usage « à Paris et dans quelques villes de France » (1790), quelquefois dès cette époque avec une valeur péjorative : on le définit par « homme au cœur d'airain qui n'a que des affections métalliques ». ◆  La valeur moderne, « personne qui possède un capital et le fait produire », est enregistrée dès 1798 en ce qui concerne le substantif et, pour l'adjectif, au XIXe s. (1832, banquier capitaliste). Le mot acquiert ensuite le sens de « partisan du régime capitaliste » (1869).
■  Capitaliste a produit CAPITALISTIQUE adj. (1872), le terme de politique ANTICAPITALISTE adj. (1845 Proudhon), repris en 2009 pour désigner un parti politique français d'extrême gauche, et PROCAPITALISTE adj., rare.
■  CAPITALISER v. (v. 1770) appartient au vocabulaire économique avec les sens de « convertir en capital » et « évaluer la valeur de (un capital) » (1863). Parallèlement, le verbe est passé dans l'usage pour « amasser de l'argent, des richesses » (1831), surtout réalisé en emploi absolu, au propre comme au figuré. ◆  Du verbe sont dérivés CAPITALISATION n. f. (1829) et CAPITALISABLE adj., proposé en 1842 par Richard de Radonvilliers.
■  RECAPITALISER v. tr. et RECAPITALISATION n. f. (attestés dans les années 1980) sont des termes de finance fréquents, à propos de la reconstitution du capital d'une entreprise. Ce sont des calques de l'anglais, où recapitalize est attesté dès 1904.