2 CASSEAU, aussi écrit CASSOT n. m. s'emploie en français du Canada (1863) pour un petit récipient servant à présenter certains produits alimentaires. Un casseau de fraises, de frites (correspond à barquette en français de France).
+ CASSER v., d'abord écrit quasser (1080) puis casser (1160), est issu du bas latin quassare « agiter fortement, briser » (→ casque). Celui-ci est dérivé du participe passé quassus pris au sens fort de « brisé (à force de secousses) » du classique quatere « secouer », surtout réservé à l'usage poétique à l'époque impériale (la prose lui préférant des composés). Ce mot n'a pas d'étymologie claire, le rapprochement avec le grec passein « répandre » étant très fragile sémantiquement.
❏  Le sens de « briser, mettre en morceaux » (également « déchirer » au XVIe s.) est à la fois usuel et technique en agriculture où casser la terre (1690) signifie « lui donner le premier labour ». Le verbe a fait fortune en emploi familier dans d'innombrables locutions : d'après le sens ancien de « manger » (1561), on dit casser la croûte « manger un morceau » (1798) par allusion à l'acte de briser le pain. En emploi concret, ce verbe est devenu plus courant que briser (sauf en français québécois) ; il a pris récemment des valeurs extensives pour « détruire (un ensemble concret) ».
■  Avec une idée de parole ou d'action violente, déjà réalisée dans en casser « en dire » (1585), casser du sucre sur le dos de qqn (1866) signifie « cancaner ». ◆  Une même idée d'intensité se retrouve dans à tout casser (av. 1866), ça ne casse rien, ça ne casse pas trois pattes à un canard, etc. ◆  Plus nombreuses encore sont les locutions formées avec un nom d'organe qui procèdent du sens archaïque de « rompre les os » (XIIe s.). Dès 1450, l'idée figurée d'« importuner » était réalisée par l'ancienne locution casser la cervelle, avant de passer dans casser les oreilles, les pieds (1890) et autres variantes vulgaires (casser le cul, les couilles, etc.), casser la tête réalisant plutôt une idée d'« assourdissement ». À la forme pronominale, se casser la tête (1677) exprime une autre nuance, d'ordre intellectuel : « se fatiguer l'esprit ». En français oral familier de Nouvelle-Calédonie, la phrase casse pas la tête !, très courante, équivaut à « t'en fais pas ! ». ◆  Se casser le cou, le nez (1740 ; ce dernier étant plus fréquent au sens dérivé de « trouver porte close » depuis 1834), se casser les reins (1929) évoquent une idée d'échec, tandis que casser les bras (1825), casser les jambes (1827) expriment le découragement. ◆  En revanche, elliptiquement, se la casser (la jambe) [1835] signifie « s'enfuir » et a fait fortune, populairement, dans se casser « s'en aller » (1908). Un autre sens archaïque, « blesser, affaiblir », vit peut-être dans certains emplois au passif (être cassé par l'âge) et au participe passé (voix cassée, av. 1592). Ce dernier, adjectivé, s'emploie en français des Antilles à propos d'une personne très diminuée intellectuellement. ◆  Le sens abstrait juridique « annuler » (XIIIe s.) s'est probablement développé à la faveur de la rencontre du latin quassare et du latin juridique cassare « annuler, casser » (408), dérivé de l'adjectif cassus « vide, vain » (Cf. ci-dessous cassation). ◆  Il a suscité des emplois spéciaux : casser un privilège (1511), casser un testament (1549) et, avec un complément animé, il a reçu le sens de « dégrader (un officier) » (fin XVe s.) d'où « destituer (qqn) de ses fonctions » (1690 ; 1549, casser qqn aux gages).
■  Le sens de « cambrioler qqn », en argot (1951), est une extension métonymique de celui de « fracturer (un coffre) » (1790) dans l'argot des voleurs (Cf. ci-dessous casseur).
Le verbe a des emplois et une phraséologie originaux dans plusieurs régions de la francophonie. À l'île Maurice, on dit casser la paresse pour « s'étirer », casser paletot pour « enlever sa veste, se mettre torse nu ». En Afrique, le verbe peut s'employer très largement pour « détériorer » ou « défaire, démolir » et casser un élève signifie « mal noter, éliminer ». À Maurice et à la Réunion, parfois au Québec, casser correspond à « cueillir (des fruits) » : casser des pommes. ◆  En rapport avec une pratique défectueuse du langage, casser de (une langue) s'emploie en français de Djibouti pour « mal parler » (casser de l'anglais, de l'arabe), et en Afrique, se casser peut vouloir dire « mal prononcer ».
Enfin, la distribution de casser et briser* est entièrement différente en français de France et en français du Canada, où casser est assez rare au sens concret : on dit briser un verre.
❏  Le verbe a de nombreux dérivés.
■  CASSEMENT n. m., d'abord quassement (XIIIe s.), est apparu dans un contexte biblique au sens figuré de « fléau » ; le sens propre « action de casser, de briser » (1389-1392) a reculé dès le XVIe s. et n'a été repris qu'au XIXe s. sans se répandre. Le mot s'est centré sur une acception technique en arboriculture (1765).
■  CASSON n. m. (1328-1342) « sucre brut » s'est étendu à d'autres substances brisées ou concassées : morceau de cacao (1803), rognure provenant des glaces mal faites (1838). ◆  Le premier de ces sens vit également dans CASSONADE n. f. (1574) qui est probablement emprunté à l'ancien provençal cassonada (1476), annoncé par le latin médiéval cassonata (1389, à Marseille). Ce mot a un regain d'usage au XXe s., en gastronomie.
■  CASSURE n. f. (1333, casseure) désigne le résultat de l'action de briser ; d'abord appliqué à une fracture de membre, il a reçu plusieurs acceptions techniques, en métallurgie (1701), en géologie (1831). Le sens figuré de « rupture » paraît plus récent.
■  CASSATION n. f. (1413) procède du sens juridique de casser et désigne le fait d'annuler un acte, un jugement, surtout par métonymie la décision rendue par le tribunal, dans les locutions se pourvoir en cassation (1690, se pourvoir par cassation), tribunal de cassation (1790), cour de cassation (1804). Le sens « action de priver d'un emploi », attesté une première fois (av. 1614), ne s'est pas répandu, le mot étant repris au XIXe s. au sens militaire d'« action de dégrader ».
■  2 CASSIS n. m. (1488) désigne une rigole pavée ou une pente en travers d'une route et, par extension, une dépression brutale dans une route. À la différence des autres dérivés du verbe, il n'y est plus rattaché spontanément.
■  CASSABLE adj. (XVe s.), sorti d'usage après 1637 et repris au XIXe s. (Littré, 1863), s'est moins répandu que le composé INCASSABLE adj. (1801) qui s'emploie par extension pour « qui se casse moins facilement » (verre incassable).
■  CASSANT, ANTE est tiré (1538) du participe présent du verbe au sens de « qui se casse facilement ». Un sens figuré (1815, manières cassantes) correspond à « dur, impérieux » et est comparable à tranchant. Le sens de « fatigant » (1947) provient de se casser la tête ou d'expressions analogues.
CASSEUR, EUSE adj. et n. (1588), « personne qui frappe fort pour casser », a disparu après 1611 pour être repris au XIXe s. en parlant d'une personne qui casse (1832), spécialement qui casse beaucoup par maladresse (1838), également en emploi adjectivé (1842). Par extension, il est appliqué au figuré à une personne violente ou vigoureuse, dans des locutions : casseur de raquettes (1808), casseur de vitres (1835), et en argot à un cambrioleur (1841 ; une fois en 1628 dans le jargon, casseur de Hanes). Il a produit ANTICASSEUR(S) adj. apparu dans le climat politique de l'après 1968 (loi du 8 juin 1970, abrogée en 1981), casseur se disant en même temps pour « personne qui commet des dégradations au cours de manifestations ».
Le déverbal CASSE n. f. (1640) a perdu au profit de cassation son ancien sens militaire (d'abord dans donner de la casse aux soldats, puis absolument, 1740). Il ne s'est implanté comme substantif d'action de casser que dans le langage populaire (1821), spécialement au masculin avec la valeur de « cambriolage » en argot (1899). Il a reçu des acceptions spéciales en commerce (« dépeçage d'objets », 1935) et en œnologie pour « dégradation d'un vin » (1906).
La dérivation est enrichie à partir du XVIe s. de substantifs composés avec l'élément verbal CASSE- : CASSE-NOIX n. m., apparu comme terme d'ornithologie (1564), est devenu un nom d'instrument (1611), de sens très voisin de CASSE-NOISETTE(S) n. m. (1680).
■  CASSE-TÊTE n. m., d'abord casseteste « vin qui monte à la tête » (1690), a évolué d'une part vers le sens concret d'« arme » (v. 1682 au Canada à propos d'une massue des Amérindiens) et d'autre part vers le sens figuré moderne de « travail qui demande une grande application » (1706), donnant son nom à un jeu de patience complexe (1829) [en français québécois, un puzzle], qui a relancé les emplois métaphoriques (1833, Balzac, casse-tête chinois). D'après la locution casser la tête, il a pris le sens de « grand bruit assourdissant » (1803).
■  CASSE-COU n. m. (1718) désigne à la fois un endroit dangereux — sens où il a remplacé brise-cou (1690) — et une personne téméraire (1835). Il est passé dans le vocabulaire des jeux comme interjection pour prévenir le joueur au colin-maillard (1808), se répandant dans l'usage (av. 1869). Casse-cou se dit à l'île Maurice pour « culbute, galipette ». ◆  CASSE-GUEULE n. m. (1808) désignait comme casse-cou un endroit dangereux. Il a été repris comme adjectif pour « dangereux ».
■  CASSE-CROÛTE n. m. (1803) a perdu son sens d'« instrument pour casser les croûtes de pain dur » et pris (1898) le sens moderne de « petit repas sommaire » qu'il partage avec les variantes CASSE-GRAINE n. m. (1940) et CASSE-DALLE n. m., devenu courant au sens de « sandwich ». ◆  Casse-croûte est recommandé en français du Québec, pour « restaurant rapide et bon marché », évitant l'anglicisme fast-food.
■  CASSE-PIPE n. m. (fin XIXe s.) « tir forain » est passé dans l'argot militaire au sens de « zone de combat de première ligne très exposée » (1918), soit par métaphore, soit d'après la locution casser sa pipe ou, plus probablement, d'après casse-gueule « assaut », pipe étant pris au sens de « tête ».
■  CASSE-PIED(S) n. m. et adj. (1948) se dit familièrement d'une personne importune et correspond au syntagme verbal casser les pieds à qqn, aussi les variantes CASSE-COUILLES (1936), CASSE-BURNES, précédés par CASSE-CUL (1740).
❏ voir CASSE-TRAME (art. TRAME).
CASSEROLE n. f. est dérivé par suffixation diminutive (1583) de 3 casse n. f. (1341), « récipient en forme de cuillère » (voir ci-dessous), lui-même emprunté à l'ancien provençal cassa (1327), peut-être « grande cuillère » et (1349) « récipient ». Ce mot, différent de 1 casse et 2 casse, représente le latin médiéval cattia « creuset » (VIIe-VIIIe s.) et « cuillère à pot » (XIIe s.) issu par dissimilation du premier i de °ciattia du grec kuathos « coupe, vase pour puiser », dérivé de kuar « trou », « cavité », qui est un terme indoeuropéen.
❏  Le mot désigne un ustensile de cuisine cylindrique servant à la cuisson et à faire chauffer les liquides. En Belgique, il s'emploie à propos d'un autre instrument de cuisine, fait-tout ou marmite. Par l'intermédiaire de la locution culinaire à la casserole (pour divers mets ainsi cuisinés), il donne la locution familière passer à la casserole (1906) — par allusion aux volailles que l'on tue pour les faire cuire — « être mis dans une mauvaise posture » (1896 dans A. Jarry) et spécialement « subir des violences sexuelles » (1906 dans Esnault). ◆  Les extensions de sens sont des emplois métaphoriques familiers fondés sur une analogie de forme — « casque de combat » (1916), « projecteur » —, ou de résonance : « piano de mauvaise qualité » (1931), d'où chanter comme une casserole. ◆  En argot, le mot sert à désigner un mouchard ; c'est alors un dérivé plaisant de casser (sur qqn). ◆  Une casserole, par allusion à la mauvaise plaisanterie qui consiste à attacher une casserole à la queue d'un chien, évoque un fait qui est reproché à quelqu'un et lui fait mauvaise réputation (valeur attestée chez M. Barrès en 1902 [T. L. F.]).
❏  Sur le sens propre du mot, on a formé CASSEROLÉE n. f. (1838), concurrencé par l'emploi métonymique de casserole, et CASSEROLIER n. m. (XXe s.), terme usuel en Suisse pour désigner le marmiton chargé de l'entretien de la batterie de cuisine dans un restaurant.
3 CASSE n. f. (voir ci-dessus son étymologie), bien attesté en moyen français au sens de « grande cuillère », s'est maintenu régionalement (notamment dans l'ouest de la France) et comme terme technique de verrerie (1704), puis de savonnerie (1832). Il a disparu avec les techniques traditionnelles. Casse, attesté en Suisse depuis le XVe s., y a pris le sens qu'a le français général casserole. ◆  CASSOTON n. m., dérivé soit de 3 casse soit d'un dérivé cassette, s'emploie aussi en Suisse (1771 à Neuchâtel) et désigne un poêlon destiné notamment aux rôtis.
❏ voir CASSOLETTE, CASSOULET.
CASSETTE → CAISSE
CASSIA → 2 CASSE
? 1 CASSIS n. m., attesté au milieu du XVIe s. (1552, selon Bloch et Wartburg ; 1561), est d'origine obscure. On a évoqué une transposition du latin cassia (→ 2 casse), le cassis ayant les mêmes vertus médicinales que la casse ; cependant, le -s final reste inexpliqué. A. de Candolle, dans son livre sur L'Origine des plantes cultivées, dit ne pas l'avoir trouvé dans les livres de botanique avant le milieu du XVIIIe s., et ne pas connaître, sur plus de quarante dénominations vulgaires de la plante dans différentes langues et patois, un seul nom analogue. Cependant, Buchoz, dans son Dictionnaire des plantes (1770) appelle la plante le cassis ou cassetier des Poitevins, ce qui appuie l'étymologie de cassis par 2 casse.
❏  Le mot désigne d'abord une plante, glosé « poivre d'Espagne » par Wartburg dans l'attestation de 1561, en référence aux anciens noms, poivrier et groseillier noir, qu'il a remplacés. Les attestations se rapportant au fruit sont beaucoup plus tardives (1860) mais la boisson faite avec le fruit est appelée cassis en 1808. Il semble pourtant qu'on ait commencé à cultiver la plante en jardin dès le moyen âge, bien que la plupart des auteurs du XVIe s. n'en parlent pas et qu'on lise, dans l'Histoire de la vie privée des Français par Legrand d'Aussy (1782, vol. 1, p. 232) que « le cassis n'est guère cultivé que depuis une quarantaine d'années ». Selon cet auteur, l'engouement pour la plante et son fruit serait dû à une brochure intitulée Culture du cassis, leur attribuant toutes sortes de vertus. Quant à la liqueur, appelée d'abord ratafia puis cassis, sa nature n'était pas clairement connue, puisque le Grand Dictionnaire de P. Larousse déclare qu'on fabriquait des liqueurs de ce genre estimées à Cassis. ◆  Par métaphore, l'argot puis la langue populaire en a fait un nom de la tête (1907) comme de beaucoup de noms de fruits sphériques, citron, poire, pomme, fraise.
❏  La formation d'un nom spécifique pour le végétal, CASSISSIER n. m. est tardive (1907-1909).
2 CASSIS → CASSER
CASSOLETTE n. f., d'abord cassollette (1529), puis cassolette (1561), est, plutôt qu'un emprunt à l'ancien provençal casoleta ou à l'espagnol cazoleta, le diminutif de l'ancien français cassole « petit récipient » (déb. XIVe s.), lui-même dérivé diminutif du nom de récipient casse (comme casserole*).
❏  Le mot, qui désigne un petit récipient de métal (souvent précieux) dans lequel on fait brûler des parfums, s'est appliqué à un petit récipient utilisé pour cuire un mets au feu et le servir à table (1929) et, par métonymie, au plat ainsi cuit.
CASSONADE → CASSER
CASSOULET n. m., attesté récemment en français (1897), est emprunté à un mot languedocien ancien désignant un plat cuit au four. Celui-ci est le diminutif de cassolo « terrine », d'où « mets que l'on cuit dans une terrine », lui-même diminutif de casso « poëlon », correspondant masculin de l'ancien provençal cassa, à l'origine du français casse (→ casserole, cassolette).
❏  Le mot désigne un ragoût de haricots blancs — d'abord de fèves —, de charcuterie et de viande (notamment d'oie), préparé dans le sud-ouest de la France, avec deux recettes principales à Toulouse et à Castelnaudary. Le mot désigne aussi un plat en conserve à base de haricots blancs et de charcuterie, et qui évoque vaguement la recette régionale (boîte de cassoulet).
CASTAGNE n. f. est un emprunt (1898) à l'occitan castagna, correspondant au français châtaigne.
❏  Mot argotique ou populaire, qui a pris au milieu du XXe s. le sens de « bagarre, rixe » et au figuré « conflit, guerre ».
❏  CASTAGNER semble d'abord employé au pronominal (1929 dans Esnault) pour « se battre aux poings ». Depuis les années 1980, il est plutôt impersonnel (ça castagne).
CASTAGNETTE n. f., d'abord cascagnettes (1585) puis castaignettes (1606) avant castagnettes (1607), est emprunté à l'espagnol castañetas (1571) « petit instrument de musique espagnol », diminutif de castaña « châtaigne » (→ castagne, châtaigne) à cause de la forme et de la couleur de cet instrument.
❏  Le mot, surtout employé au pluriel, a gardé le sens de l'espagnol.
? CASTAR ou CASTARD, ARDE adj. et n., apparaît v. 1920 en français de Belgique.
❏  Le mot pourrait être un croisement de costaud avec la finale de mastar, variante populaire de mastoc. Cette origine est douteuse ; n'était la date d'apparition, on pourrait penser au sens ibérique de casta (→ caste).
■  C'est un mot familier pour « fort, vigoureux » et, en parlant de substances, d'objets, « résistant, solide ».
CASTE n. f. est emprunté (1615), tout comme ses correspondants européens, au portugais casta « race », d'abord à propos des animaux (XVe s.) puis « classe de la société hindoue » (1516), d'origine discutée, le concept, dans les langues du nord de l'Inde, correspondant au même mot qui désigne un classement logique. L'hypothèse d'une substantivation de l'adjectif casta, féminin de casto « pur » (→ chaste), ne rend pas compte du sens apparu d'abord en portugais et dans les autres langues ibériques (catalan casta « race » au XVe s., espagnol casta « race » et « procréation, reproduction », déb. XVe s.). Se fondant sur ce sens originel des langues ibériques, Corominas propose un étymon gotique °kasts à l'origine de l'anglais to cast « jeter ».
❏  Le sens de « race » (à propos des Portugais de race pure) cède rapidement la place à celui de « classe de la société hindoue » (1659 ; encore aujourd'hui, bien que les castes aient été théoriquement abolies par Gandhi). Les castes de l'Inde sont fortement hiérarchisées, de celle des brahmanes à celles qui sont affectées à des travaux impurs, et aux hors caste, les intouchables (→ paria). ◆  À propos de l'Afrique, le mot désigne un groupe social caractérisé par une activité technique (la caste des forgerons, des pêcheurs) ou artistique (la caste des griots). Voir ci-dessous casté. ◆  Par analogie, caste a été appliqué à la société française au sens de « classe » (1789, Siéyès), péjorativement « classe élevée caractérisée par son esprit d'exclusion » (préjugé de caste).
CASTÉ, ÉE adj. est dérivé de caste dans le contexte africain (les métiers, les gens castés).
■  CASTÉISME n. m. et CASTÉISTE adj. et n. s'appliquent en français de l'île Maurice à la mentalité de certains « Indo-mauriciens » respectueux du système hindou des castes.
CASTEL n. m. est emprunté (déb. XVIIIe s.) au provençal castel (Xe s.), de même sens et de même origine que le français château* (chastel en ancien français), d'autres emplois pouvant venir par archaïsme de l'ancienne forme normanno-picarde castel.
❏  Le mot désigne un château fort, dans un style littéraire évocateur et, généralement par hyperbole ou ironiquement, une vieille demeure seigneuriale, un manoir.
❏  CASTELET n. m. est emprunté (1872) au provençal castelet, diminutif de castel, proprement « petit château » (déb. XIIIe s.), correspondant à l'ancien français chastelet (v. 1150), châtelet.
■  Employé par A. Daudet à propos d'un petit château en province, le mot a été dérivé directement de castel pour désigner, par analogie de forme, le dispositif scénique d'un théâtre de marionnettes (1907).
CASTOR n. m. est emprunté (v. 1121) au latin castor, doublet sémantique de fiber, calqué sur le grec kastôr. Ce mot, d'abord attesté comme anthroponyme en mycénien, paraît formé avec le suffixe d'agent -tôr sur le radical de kekasthai « exceller, briller », verbe que l'on rapproche du sanskrit śāśaduḥ « exceller, se distinguer ». Le nom de Kastôr, proprement « celui qui brille, se surpasse », a été donné au héros Castor, fils de Léda et frère de Pollux ; il est devenu l'appellatif puis le nom de l'animal à cause de sa sécrétion utilisée dans les affections de l'utérus, le dioscure Castor étant le protecteur des femmes. En français, castor a supplanté l'ancien bièvre (XIIe s.), issu de beber, variante celtique de fiber, encore attesté comme toponyme ; il s'agit là d'un mot très ancien signifiant « brun » et utilisé en indoeuropéen pour désigner le castor (sanskrit babhrúh « brun » et « mangouste »).
❏  Le nom de l'animal, mammifère rongeur qui vit en troupe en milieu aquatique et qui est notoire pour ses activités de constructeur, est devenu, par métonymie, celui d'un objet en fourrure de castor. En français du Canada, chapeau, tuyau de castor s'est dit d'un haut-de-forme, d'abord en fourrure de castor. Huile de castor s'emploie parfois pour « huile de ricin ». Dans l'argot des libertins (1695), ce fut le surnom de celle que l'on nommera plus tard une demi-mondaine. Ce sens donne naissance à 1 DEMI-CASTOR n. m. (1784) « fille galante », opposé à castor fin. Demi-castor s'employait encore au début du XXe s. (le mot est dans Le Temps retrouvé, de Proust). ◆  Un autre 2 DEMI-CASTOR n. m. (1690) désignait (XVIIe-XVIIIe s.) un tissu feutré comportant du poil de castor et un chapeau fait de ce feutre. ◆  Dans les années 1950, castors a servi à désigner un groupe de personnes associées pour construire elles-mêmes leurs logements, par analogie avec le comportement bâtisseur du castor.
❏  CASTORÉUM n. m., emprunt ancien (XIIIe s.) au latin médiéval castoreum, désigne la sécrétion de l'animal.
■  CASTORINE n. f. (1802) est le nom d'une étoffe en poils de castor et en laine et CASTORETTE n. f. (1925) une peau traitée pour évoquer la fourrure de castor.
CASTRAT n. m. est emprunté (1749) à l'italien castrato, participe passé de castrare (→ châtrer), employé comme adjectif en médecine vétérinaire (fin XIIIe s.) et comme substantif (XVIIe s.) à propos d'un chanteur castré dans son enfance pour conserver son timbre de soprano. Cette pratique s'était répandue en Italie dès la basse Antiquité, ainsi que dans la péninsule Ibérique. Les femmes n'étant pas autorisées à chanter à l'église, les castrats furent admis dans les chapelles au XVIe s., puis connurent de grands succès dans le théâtre lyrique, notamment au XVIIIe siècle. Après l'interdiction de la castration par le pape Clément XIV (1769-1774), ils disparurent progressivement de la scène. Dès 1556, on trouve le mot gascon castrat (mouton castrat), de l'ancien provençal castrat (XIVe s.).
❏  Le mot, « individu mâle qui a subi la castration ; eunuque », n'est employé que dans le contexte musical italien.
CASTRER v. tr. est emprunté très tardivement (1906) au latin castrare « couper, émonder » d'où, au propre et au figuré, « amputer » (→ châtrer). Les attestations de castrer en ancien français (v. 1285), en moyen français (1401) puis en 1600 sont des formes normandes, picardes ou encore méridionales de châtrer*.
❏  Le mot est employé comme doublet de châtrer en chirurgie et en médecine vétérinaire. Il partage avec lui le sens figuré de « tronquer, mutiler (une œuvre) ».
❏  CASTRATION n. f. est emprunté (1380) au dérivé latin castratio de même sens (aussi « tonture ») de castratum, supin de castrare. ◆  Le mot s'est implanté solidement dans le langage médical dès le moyen français, empêchant toutes les tentatives pour dériver un substantif d'action de châtrer*. Le sens figuré est tardif (1866) et exceptionnel, à la différence de l'acception psychanalytique freudienne (élaborée en allemand en 1908), relativement vulgarisée. ◆  Le préfixé AUTOCASTRATION n. f. est attesté en 1926.
CASTRATEUR, TRICE n. et adj. (v. 1930) fait partie, encore plus que castration, de ces termes psychanalytiques passés dans l'usage courant (mère, attitude castratrice).
❏ voir CASTRAT, ENCASTRER.
CASUARINA n. m. est l'emploi francisé (1786) du latin des botanistes casoaris, par allusion aux rameaux plumeux de l'arbre, comparé aux plumes du casoar*.
■  Le mot désigne en botanique un grand arbre originaire de Malaisie, d'Australie, au bois très dur, pour cela appelé bois de fer, et filao en Afrique.
CASUISTE n. est probablement — vu la notoriété des casuistes espagnols aux XVIe-XVIIe s. : Molinar, Suarez, Sánchez, Escobar... — emprunté (1613) à l'espagnol casuísta (1616, très probablement antérieur), dérivé savamment du radical latin scolastique casus « cas de conscience » (av. 1596) avec le suffixe -ista (→ cas).
❏  Le mot désigne un théologien chargé de résoudre les cas de conscience. Par extension, il se dit péjorativement d'une personne aimant à justifier par des arguments subtils ses fautes ou celles d'autrui (1703).
❏  Les dérivés tardifs sont CASUISTIQUE n. f. (1829) d'usage didactique et, avec une valeur figurée négative, soutenu, et le péjoratif CASUISME n. m. (1843) « attitude hypocrite des casuistes », mot didactique et rare.