CATELLE n. f., mot de Suisse romande et de Savoie, est considéré comme provenant du mot dialectal Kakel de l'alémanique Chachel n. f., correspondant à l'allemand Kachel. Voir l'étymologie de caquelon. Une variante alémanique, chachtel, pourrait expliquer le t.
❏  Le mot, en français de Suisse, désigne un carreau de céramique vernissée (catelles de salle de bain, de cuisine, de poêle). Poêle à catelles (de, en catelles), « poêle en faïence ». Les carreaux de céramique de sols sont plutôt appelés planelles.
CATHARE n. et adj. est emprunté au XVIIe s. (1688 chez Bossuet) au latin médiéval catharus, relevé pour la première fois au XIIe s. dans un acte de Nicolas, évêque de Cambrai (1164-1167), qui enregistre la condamnation portée par les évêques de Cologne, Trèves et Liège entre 1151 et 1156 contre un clerc, Jonas, « convaincu de l'hérésie des cathares ». Il est également employé en Allemagne au XIIe s. par Eckbert, abbé de Schönau qui, dans ses Sermones adversus catharos (Sermons contre les cathares, 1163), leur reproche d'avoir eux-mêmes assumé cette appellation de « purs ». Le mot est en effet emprunté au grec katharos « pur », « propre », dit concrètement du grain vanné, et employé au sens moral, la pureté religieuse se trouvant d'ailleurs associée à la propreté du corps ; par la suite, le mot gréco-latin a été employé par Eusèbe, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze pour désigner différentes sectes. Ce mot, qui subsiste en grec moderne, est sans étymologie connue, bien que l'on puisse supposer un ancien neutre °kathar ou °kothar.
❏  Le mot, qui a pris place aux côtés de l'appellation plus générale et plus fréquente hereticus dès le latin médiéval, désigne et qualifie les hérétiques dualistes qui se manifestèrent en Occident dans la seconde moitié du XIIe siècle. Il s'est surtout appliqué aux hérétiques de la région d'Albi, persécutés et exterminés ensuite (croisades contre les albigeois). Voir Albigeois.
❏  CATHARISME n. m., terme d'histoire des religions, n'est attesté qu'au XXe s. et désigne la doctrine religieuse des cathares.
❏ voir CATHARSIS, CATIN, CHARRÉE.
CATHARSIS n. f., d'abord francisé en catharsie (1865) puis, par retour à la forme grecque (1874, en grec dans le texte), catharsis (1897), est emprunté au grec katharsis. Ce mot, qui signifie « purification, évacuation », recouvre un concept élaboré en médecine par Hippocrate pour qui la bonne répartition des humeurs, clef de la santé, exige le dégorgement d'une humeur surabondante. Il est repris par Aristote (Politique, VIII, 1340 a) à propos des effets éducatifs de la musique, et aussi (Poétique, 1449 b, 27-28) à propos de la visée du mécanisme tragique ; le concept est influencé par les rites purificatoires religieux et la philosophie pythagoricienne. Le mot est dérivé de katharein « nettoyer, purifier, purger », de katharos « propre, pur », de sens propre et moral ou religieux (→ cathare).
❏  Le mot a été introduit avec son sens médical, probablement d'après cathartique (ci-dessous), sans s'imposer. Bien que la notion qu'il recouvre au théâtre ait été débattue sous le nom de purgation dès la Renaissance par les commentateurs d'Aristote et, au XVIIe s., dans les traités de poétique et les essais sur la tragédie (par ex. : Corneille, Discours de la tragédie, 1660), le mot n'est attesté qu'en 1874 (à propos de Lessing) et répandu en français à partir de 1897 (E. Weil, Études sur le drame antique). L'anglais catharsis (1803), lui aussi repris en médecine, a été défini comme terme de poétique à partir de 1867. ◆  Au XXe s., le mot est repris en psychanalyse.
❏  CATHARTIQUE adj. et n., d'abord catartique (1598), est emprunté au grec kathartikos « qui purifie », employé spécialement en médecine par Hippocrate et en parlant de la musique par Aristote. C'est un dérivé de kathartês « purificateur », du groupe de katharein.
■  Le mot s'est maintenu dans son acception médicale, employé comme substantif (pour un purgatif) et comme adjectif (1614). Après catharsis (ci-dessus), il a été repris (1905) en philosophie, en psychanalyse et en poétique.
CATHÉDRAL, ALE, AUX adj. et n. f. est emprunté (v. 1180) au latin chrétien cathedralis (IVe s.) « de la chaire de Rome », attesté en latin médiéval dans les syntagmes canonici cathedrales (845-1280), ecclesia cathedralis (936-973), sedes cathedralis (1158-1160) à propos de chanoines, d'une église, d'un siège. Le mot est dérivé de cathedra, nom d'un siège, spécialement appliqué à un trône royal, un siège d'évêque (avec des extensions métonymiques « dignité épiscopale » et « église épiscopale »), une chaire de professeur. Cathedra est un emprunt au grec kathedra « siège, banc » qui, à date tardive, a développé les mêmes acceptions spéciales. Lui-même appartient à une racine indoeuropéenne °sed- « asseoir, placer » qui est représentée en latin dans sedere (→ seoir).
❏  L'adjectif n'est guère employé que dans les syntagmes calqués du latin yglise cathedrale (v. 1180), chanoine cathedral (av. 1307), siège cathedral (v. 1360). Par ellipse d'église, il est substantivé en CATHÉDRALE n. f. au XVIIe s. (28 juin 1666, Journal des savants) pour « église où se trouve le siège de l'évêque », en particulier dans cathédrale de Paris à propos de Notre-Dame (1680). Historiquement, la floraison des cathédrales date du XIIe s., illustrant la renaissance des villes et, au XIIIe s., l'alliance du pouvoir spirituel et du pouvoir royal se dégageant des féodalités : c'est par elles et pour elles que s'affirme le style gothique. ◆  L'engouement romantique pour le moyen âge (1830-1840) inspire la reliure à la cathédrale et le style à la cathédrale, dit aussi style troubadour.
CATHODE n. f. est emprunté (1838) à l'anglais cathode (1834), mot formé par Faraday, qui introduisit également électrolyse, électrolyte, électrode et anode ainsi que ion. Il représente l'adaptation du grec kathodos, littéralement « descente » (à la fois « chemin pour descendre » et « action de descendre »), de kata- « vers le bas » (→ catastrophe) et de odos « route, chemin », « voie, méthode » (→ prosodie).
❏  Le mot désigne, dans l'électrolyse, l'électrode reliée au pôle négatif du courant et par laquelle sortent les électrons. Il est employé en électronique à propos de l'électrode de potentiel négatif, source émettrice d'électrons.
❏  CATHODIQUE adj. (1897) qualifie ce qui est relatif à la cathode ou est émis par elle, en physique et en électronique (tube cathodique). ◆  L'élément CATHODO- a donné quelques composés (CATHODOLUMINESCENCE n. f., CATHODOPHONE).
CATHOLIQUE adj. et n., d'abord chatoliche (XIIIe s.), puis catholicque (déb. XIVe s.) et catholique (av. 1603), est emprunté au latin chrétien catholicus, lui-même emprunté au grec ecclésiastique katholikê ekklêsia « église universelle » (Clément d'Alexandrie), de katholikos « général, universel », dérivé de l'adverbe katholon « en général », de holos « tout entier » (→ holocauste, hologramme). Étant donné l'intention de diffusion universelle de l'Église fondée par le Christ, le mot latin a pris le sens d'« orthodoxe » (apr. 207), le nom catholicus servant à opposer, chez saint Augustin, les chrétiens aux hérétiques réunis en sectes.
❏  Le mot désigne et qualifie ce ou celui qui appartient à l'Église romaine. Par allusion à la réputation de fermeté de la doctrine catholique, il a donné l'expression orale pas (très) catholique (1840 chez Mérimée) « peu conforme à la morale, à la norme ». ◆  Le sens étymologique d'« universel », réactivé dans le domaine technique, a donné lieu à quelques emplois spéciaux en astronomie, chimie et médecine anciennes (av. 1603).
❏  CATHOLIQUEMENT adv. (XIVe s.) « universellement, à propos de l'Église romaine », a vieilli au profit de chrétiennement ; CATHOLICITÉ n. f. (1578), « conformité à la doctrine catholique » et par métonymie « ensemble des catholiques », est un mot didactique, alors que CATHOLICISME n. m. (1598), synonyme rare de catholicité, est devenu courant après sa reprise pendant la Révolution (1794) pour désigner l'Église catholique.
■  CATHOLICISER v. tr. (XVIIIe s., Voltaire), qui succède à catholiser (fin XVIe s.), est demeuré rare par rapport à christianiser ; de ce verbe a été cependant dérivé CATHOLICISANT, ANTE adj. (1875) qualifiant des opinions religieuses proches du catholicisme. ◆  Par composition ANTICATHOLIQUE adj. et n. (1827) et NÉO-CATHOLIQUE adj. et n. (1833) servent surtout à désigner des mouvements historiques précis. ANTICATHOLICISME n. m. est attesté en 1896.
Enfin, l'abréviation CATHO désigne d'abord (1920) comme nom féminin un établissement d'enseignement supérieur catholique (pour faculté, université catholique), puis est repris comme adjectif et nom (1968) pour « catholique pratiquant ou convaincu », dans les séries des abrègements en -o s'appliquant aux opinions.
? CATIMINI (EN) loc. adv. est d'origine incertaine (1370). On a évoqué une dérivation de sens du moyen français catimini « menstrues » (XVIe s.) emprunté au grec katamênia de même sens (Hippocrate), pluriel neutre substantivé de katamênios « de chaque mois », de kata- (→ catastrophe) et de mên « lune », « mois » (→ mois). Cette étymologie se heurtant à des difficultés chronologiques, car le sens moderne est attesté longtemps avant celui de « menstrues », on peut envisager l'hypothèse voyant dans catimini un mot d'origine picarde, composé de cate « chatte » (→ chat) et de mini, de la racine min désignant le chat (→ minou, minette) : cette étymologie alignerait le mot sur des formations de type chattemite* ou marmite* avec la même idée d'hypocrisie, selon un préjugé traditionnel envers le chat. En outre, une influence de l'ancien verbe catir*, du latin °coactire, a pu se faire sentir. On trouve en effet en ancien français faire le catinus « l'hypocrite » (XIIIe s.) et des locutions dialectales de sens analogue, en catimuchon (de mucher, musser « cacher »), en catifaillons « sans bruit ». Dans ce cas, le catimini s'interpréterait comme « en se dissimulant hypocritement, comme fait le chat ». Catir, comme cate « chatte », appartient au domaine picard.
❏  Le mot, d'abord dans la locution faire le catimini puis de nos jours en catimini (v. 1360), exprime l'idée de « secrètement, discrètement ». Il est quelquefois employé comme nom à propos d'une manière d'agir dissimulée, secrète.
CATIN n. f. (mil. XVIe s.) est le diminutif affectueux (« hypocoristique ») de Catherine (on rencontre encore des filles du nom de Catinette ou Catiche dans l'est de la France) formé par apocope et suffixation en -in. Catherine est issu du latin Catharina, nom d'une sainte, vierge et martyre, décapitée en 307, du grec mystique Katharina, dérivé de katharos « pur » (→ cathare, catharsis).
❏  Le sens péjoratif de « femme de mauvaises mœurs, prostituée » (1547, Marot) a éliminé les anciens emplois. Au XVIIIe s., le mot désignait aussi une poupée, sens conservé au Canada où l'on emploie aussi le mot pour un pansement autour d'un doigt (poupée en français de France). L'évolution s'expliquerait par une assimilation entre la fille de campagne ou la servante, à laquelle ce nom était donné (encore au XXe s., en français de Saint-Pierre-et-Miquelon, ce nom désigne une femme chargée des gros travaux), et la fille facile, évolution que le sens de « poupée » au XVIIIe s. n'a pu que favoriser.
CATION → ION
L CATIR v. tr. est issu (XIIe s.) d'un latin populaire °coactire, dérivé du supin coactum du latin classique cogere « rassembler », « condenser », d'où « presser, serrer » et aussi « contraindre, dissimuler » (d'où « hypocrite » pour coactus → catimini), mot dont certains dérivés verbaux sont à l'origine des doublets cailler*, coaguler* et, avec un autre développement sémantique, de cacher*.
❏  Le sens de « cacher » est sorti d'usage au XVe s. sous la concurrence de cacher* mais vit encore dans certains dialectes à la forme pronominale. Il est revenu en français, méconnaissable dans l'anglicisme squatter*. ◆  La valeur de « frapper, heurter » (XIIIe s.), « enfoncer » (v. 1250, en picard) a elle aussi disparu au profit d'une spécialisation technique : « donner le lustre à une étoffe en la pressant et en la frappant » (1606), d'où cati, adjectivé, et d'autres dérivés (ci-dessous). Par analogie, le mot a reçu une autre acception technique en orfèvrerie : « appliquer de l'or sur les filets d'une pièce à dorer » (1751).
❏  La dérivation consiste en quelques termes techniques. CATI n. m. (1694), CATISSEUR, EUSE adj. et n. (1723), CATISSOIRE n. m. (1751, nom d'instrument archaïque) et CATISSAGE n. m. (1838).
Le préfixé DÉCATIR v. tr., enregistré dans l'Encyclopédie (1753) pour « démêler le poil d'une peau destinée à la fabrication de chapeaux », signifie « enlever l'apprêt et le brillant de (un tissu) » (1812). ◆  C'est le seul mot de la série à être passé dans l'usage commun avec le sens figuré familier de « perdre de sa fraîcheur, de sa force » en parlant d'une personne, surtout réalisé au pronominal et au passif être décati, d'où au XIXe s. le participe passé adjectivé DÉCATI, IE adj., « usé, marqué par l'âge », devenu usuel avec une connotation très péjorative.
■  Ses dérivés DÉCATISSAGE n. m. (1828), DÉCATISSEUR, EUSE adj. et n. (1832), DÉCATISSURE n. f. (1888) et DÉCATISSEMENT n. m. (1889) connaissent surtout un emploi technique.
CATOGAN ou CADOGAN n. m. est emprunté (1768) à l'anglais cadogan puis catogan, du nom du comte de Cadogan, mort en 1726, qui aurait lancé la mode de cette coiffure.
❏  Le mot, sous sa double forme catogan (1768) et, moins courante, cadogan (1772), désigne une façon d'attacher les cheveux sur la nuque avec un nœud ou un ruban. Cette coiffure, d'abord masculine, succéda aux perruques « à marteaux » sous Louis XV. Pendant la période où les hommes ont porté les cheveux courts, elle est devenue l'apanage des femmes (notamment vers 1936-1942). Elle revient à la mode vers 1980, chez les femmes élégantes et parfois chez les hommes d'un certain style (artistes, publicité, mode).
CAT(T)LEYA n. m., d'abord francisé en cattleye (1845) puis relatinisé en cattleya (1893), par alignement sur d'autres noms de fleurs, est l'adaptation du latin scientifique cattleya. C'est le nom donné par le botaniste anglais John Lindley (1799-1865) à un genre d'orchidées en hommage au botaniste anglais W. Cattley (1828, en anglais).
❏  Ce nom de plante éveille chez les lecteurs de Proust la locution métaphorique faire catleya, employée par Swann et Odette pour « faire l'amour » (Un amour de Swann).
CAUCASIEN, IENNE adj. et n. est dérivé du nom Caucase, qui provient du grec ancien kaukasos (Ve s. avant J.-C.). L'origine du mot grec est obscure, peut-être le cas- des Cassites et de Caspienne, qui pourrait être le nom signifiant montagne dans une langue de cette région (le hourrite ?). ◆  Le mot qualifie ce qui a rapport au Caucase, chaîne de montagnes entre mer Noire et Caspienne, limite traditionnelle entre l'Europe et l'Asie. Les pays caucasiens, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, ont fait partie de l'URSS.
■  Dans les théories racistes de la fin du XIXe s., le type caucasien était considéré comme un des types purs de la « race » blanche. Caucasien n. m. s'applique à une famille de langues parlées surtout dans cette région. Variante CAUCASIQUE adj.
CAUCHEMAR n. m., d'abord cauquemare (v. 1375), puis cauchemare (1564) avant cauchemar (1677), est un mot d'origine picarde. Son premier élément cauche est une forme verbale de cauchier « presser » qui résulte probablement d'un croisement entre l'ancien chauchier « fouler, presser » (apr. 1150) et la forme picarde correspondante cauquier, du latin calcare (→ côcher). Le second élément est l'ancien picard mare (v. 1290), emprunté au moyen néerlandais mare (maer) « fantôme provoquant de mauvais rêves ». Ce dernier correspond à l'anglo-saxon mare « spectre » (d'où l'anglais nightmare « cauchemar », proprement « spectre nocturne »), à l'ancien haut allemand mara, à l'ancien norrois mara, formes remontant à un germanique °maron-, apparenté au slave (polonais mora, tchèque můra de même sens).
❏  Le mot est d'abord le doublet sémantique d'incube* au sens de « suffocation, oppression nocturne ». Ce malaise étant souvent imputé à l'action des sorcières, il a désigné, par métonymie, une sorcière (sous la forme cauquemaire, 1440-1442), un homme qui donne des cauchemars (1718), sens réactivé inconsciemment dans l'emploi figuré moderne pour « personne qui importune jusqu'à l'obsession » (1835), perçu comme une extension du sens actuel dominant de « rêve pénible ou angoissant » (1833).
❏  De cauchemar dérivent CAUCHEMARDER v. intr. (1840) d'où CAUCHEMARDANT, ANTE adj. (1928) et CAUCHEMARDESQUE adj. (1902), réfection de cauchemaresque (1881) par alignement sur le modèle de cauchemarder avec d d'après des mots comme bavard-bavarder pour « effroyable, digne d'un cauchemar ».
CAUCUS n. m., attesté en 1887 en français, est un emprunt à l'anglais d'Amérique du Nord (États-Unis et Canada), pour « réunion d'électeurs ou de membres d'un parti politique, à huis clos ». En français de France, c'est un terme d'histoire spécialisé. En revanche, en français québécois, le mot est courant pour « réunion à huis clos de parlementaires, d'élus » et, par extension, « réunion d'un petit groupe pour discuter de questions communes » (caucus de famille, de bureau...).
CAUDAL, ALE, AUX adj. est dérivé savamment (1800) du radical du latin cauda* (→ queue) avec le suffixe -al.
❏  Cet adjectif didactique signifie « relatif à la queue », d'abord chez Lacépède à propos des poissons (nageoires caudales).
CAUSE n. f. est emprunté (v. 1120) au latin causa, d'origine inconnue (prélatin ou terme emprunté) et dont il est par conséquent difficile de déterminer le sens originel. Si le sens juridique « intérêts d'une partie dans un procès, affaire judiciaire » paraît antique (d'après ses composés, → excuser, accuser, récuser), il semble que celui de « motif » soit plus ancien encore (Cf. l'ablatif causa pris au sens de « à cause de »). En pénétrant dans le domaine du droit, causa s'est spécialisé au sens de « procès », sur le modèle du grec aitia qu'il traduit aussi dans la langue grammaticale et dans celle de la médecine, où le sens de « maladie, infirmité » a dû être influencé par l'acception pour « cas de réforme » dans le langage militaire. Souvent accompagné de res « faits de la cause d'un procès, affaire » (→ rien), il en a pris insensiblement le sens et, par affaiblissement continu, s'est substitué à res « chose » (italien cosa, français chose*).
❏  Les deux sens du latin classique ont fait fortune en français : le sens juridique, d'abord réalisé dans l'ancienne locution faire la cause de « assumer l'affaire de », a inspiré de nombreuses locutions passées dans l'usage commun : être, mettre en cause (1718), donner gain de cause (1796), en désespoir de cause (v. 1820), (être, mettre) hors de cause (en français de Belgique, hors cause). ◆  D'après un autre sens latin, « intérêts particuliers d'une personne », le mot (1465, Pathelin) est passé dans l'usage courant en parlant d'un intérêt général, enrichissant la phraséologie de cause perdue (fin XVe s.), prendre fait et cause (XVIIIe s.), faire cause commune (1787), les besoins de la cause (av. 1850).
Le sens de « motif, raison » (v. 1170) est introduit comme latinisme, reprenant le sens de causa « motif », spécialement entendu en philosophie comme « la raison première » chez les stoïciens et à propos de Dieu chez les auteurs chrétiens (tel saint Augustin). Le sens courant, de nature logique, s'est implanté le premier, fournissant plusieurs locutions verbales — être cause de (1174), très courant, avoir pour cause — et prépositionnelles : à cause de (1348), pour cause de (1803). À cause que a été remplacé en français d'Europe, où l'on dit parce que, mais s'emploie en français du Canada. Comme adverbe interrogatif, à cause ? correspond à pourquoi ? ◆  L'acception philosophique (v. 1370, Oresme), introduite en parlant de Dieu et débattue au XVIe s. (1541, cause efficiente), est demeurée didactique, en histoire de la philosophie et en théologie.
❏  Le dérivé 1 CAUSER v. tr. (v. 1271) est rare avant le XVIe s. avec le sens de « produire, être la cause de ». En ancien et en moyen français, le verbe a surtout signifié « amener (qqn) à faire qqch. » et « alléguer, donner (qqch.) comme cause », « justifier, fonder, motiver », également « mettre en cause » et, à la forme pronominale, « s'occasionner, avoir lieu ».
■  La dérivation, probablement gênée par le groupe de 2 causer* « bavarder », se limite à CAUSATEUR, TRICE adj. (1829) et CAUSATION n. f. (1829), deux termes du langage philosophique employés par V. Cousin, le premier succédant aux adjectifs moyen français causatif et causeur.
CAUSAL, ALE, AUX adj. est emprunté (XVe s.) au latin impérial causalis, terme de grammaire employé dans les textes chrétiens au sens de « qui contient en germe qqch., qui est la cause de qqch. ». Le mot, attesté une première fois dans causal de (qqch.) « cause de », se répand à partir du XVIe s., à la fois comme terme de grammaire (proposition causale, 1680) et de philosophie.
■  Il a servi à former CAUSALISME n. m. (1864), d'où CAUSALISTE adj. (XXe s.), et CAUSALEMENT adv. (1907), tous d'usage didactique.
CAUSALITÉ n. f. est emprunté (1375) au dérivé bas latin causalitas attesté de manière isolée au sens philosophique « rapport, relation avec la cause » (IVe s.) en contexte religieux, puis répandu en ancien et moyen français pour « faculté de produire un effet, action » (1243-1248) et « rapport causal » (1248-1256).
■  Le mot, introduit dans la philosophie médiévale au sens de « recherche de la cause première » et employé au XVIe s. au sens de « faculté de produire un effet, action » (1527), s'est répandu au XVIIIe s. (1752, causalité morale, causalité physique). Son emploi en philosophie kantienne (1801) est la traduction de l'allemand Causalität (1787, Kant, Critique de la raison pure).
1 CAUSER → CAUSE
2 CAUSER v. intr. est emprunté (1174) au latin causari « plaider, disputer », « alléguer, débattre des arguments » et « faire des objections pour gagner du temps », de causa (→ cause). La forme causatus de sens passif (Tertullien) suppose une forme causare, attestée au VIe s. (Cassiodore). Le doublet populaire choser « blâmer » (v. 1125) s'est maintenu dans le normand causer « blâmer ».
❏  Attesté une première fois au sens juridique de « faire comparaître qqn en justice pour qu'il s'explique », le mot a eu en ancien et moyen français le sens de « raisonner, expliquer » en emploi pronominal (v. 1265) et en construction transitive (XIVe s.). ◆  Le sens moderne de « bavarder » (1572) est une extension propre au français de l'idée de discussion, implicite au sens de « plaider ». De bonne heure, ce sens est infléchi négativement en « se moquer » (XVIe s.) d'où « parler en mal de qqn » (1662) et, encore aujourd'hui, « jaser, parler de façon indiscrète » (1690). La construction causer à est proscrite par les auteurs classiques au profit de causer avec. De nos jours, l'emploi du mot connote souvent en français d'Europe, par rapport à parler, un manque d'éducation, mais il est non-marqué pour « converser », dans plusieurs régions, et s'emploie en français de la Martinique, pour « parler au téléphone ». Comme le verbe parler, causer a diverses nuances, allant de la familiarité à la médisance (causer sur, en travers de qqn, à la Réunion, « en médire »).
❏  Les dérivés sont, à la différence du verbe, d'usage général.
■  CAUSEUR, EUSE adj. désigne et qualifie la personne qui aime à parler en société, spécialement dans la langue classique et jusqu'au XIXe s. celle qui bavarde avec indiscrétion, voire malveillance (1690). Au contraire, les emplois modernes sont plutôt laudatifs (un brillant causeur).
■  CAUSERIE n. f. (1545), plutôt péjoratif au XVIe s. au sens de « bavardage », appartient de nos jours à l'usage familier et se dit, par métonymie, d'un exposé oral fait sur un ton de familiarité et de simplicité.
■  CAUSANT, ANTE adj. (1676) « qui aime à parler », est senti de nos jours comme familier. Il est plus courant au négatif (il n'est pas causant).
CAUSEUSE n. f. désigne l'un de ces meubles (1787), notamment des sièges, qui tirent leur nom de leur destination.
CAUSETTE n. f., apparu dans les dialectes et attesté par écrit au XVIIIe siècle (1744, Potier, au Canada ; 1790 à Saint-Omer ; 1807, Lorraine), est passé dans le langage familier au XIXe s. (faire un brin de causette).
CAUSAILLER v. intr. (1838) et CAUSOTER v. intr. (1863) enchérissent sur la notion de parole familière qui caractérise causer, mais ne se sont pas implantés.
CAUSSE n. est emprunté (1791) au provençal causse « plateau calcaire » (Rouergue, Lozère), anciennement attesté sous la forme cauze (v. 1166). Ce mot remonte à la base pré-indoeuropéenne °cal(a)- « pierre, rocher » (→ caillou, calanque, cale), élargie en °kal-s-, °kalso.
❏  Le mot est d'abord décrit dans une encyclopédie agricole comme le nom que l'on donne en Rouergue, à un canton principalement destiné au froment et qui est plus ou moins élevé au-dessus des vallons, et, sous la forme caussi, comme le nom donné à Vabres, à une terre blanche et calcaire. Il désigne un plateau calcaire, dans le centre et le sud de la France, puis en géographie, dans un lieu quelconque. ◆  Le féminin est employé dans le midi de la France en parlant de la marne calcaire utilisée pour amender les terres argileuses.
❏  CAUSSENARD, ARDE adj. (1890) est emprunté au cévenol caussenard (aveyronnais coussenard, languedocien caoussinar), lui-même dérivé de causse avec -n- pour éviter l'hiatus. Le mot qualifie celui qui habite les Causses, ce qui se rapporte aux Causses, spécialement, en agriculture, une espèce de mouton acclimaté aux pâturages maigres de cette zone.