CAUSTIQUE adj. et n. est emprunté en moyen français (1370-1478) au latin causticus « brûlant, corrosif » pris, comme nom et adjectif, au grec kaustikos « combustible » et « brûlé par la fièvre, brûlant », de kausis « brûlure, cautérisation », dérivé de kaiein « brûler, cautériser » (→ cautère), mot d'origine indoeuropéenne, mais sans étymologie établie.
❏
Introduit en médecine pour qualifier ce qui désorganise, corrode les tissus animaux et végétaux, emploi avec lequel il est substantivé (1690), le mot est passé dans l'usage avec le sens figuré de « mordant, corrosif » (1690).
■
Le féminin est substantivé en physique (1751) comme nom de la courbe sur laquelle concourent les rayons successivement réfléchis ou rompus par une surface. Ce nom a été donné à ces rayons parce qu'ils sont les plus ardents.
❏
Le dérivé
CAUSTICITÉ n. f. (1738) est d'abord attesté avec son sens figuré de « critique mordante » avant d'être également un terme de chimie (1771).
■
CAUSTIFIER v. tr. (av. 1844), mot didactique, correspond au sens concret de caustique.
■
CAUSTIQUEMENT adv. (1863) est employé dans le style littéraire avec le sens figuré pour « de manière cinglante, mordante ».
❏ voir
ENCAUSTIQUE.
CAUTÈLE n. f. est emprunté (v. 1278) au latin cautela « prudence, précaution », synonyme partiel de cautio et comme lui dérivé du verbe cavere « être sur ses gardes, prendre garde, se défier », d'origine probablement indoeuropéenne (→ caution). L'adjectif cautus avait donné l'ancien français caut, caute employé jusqu'au début du XVIIe siècle.
❏
Cautèle, usuel en ancien et moyen français, désigne la ruse, un comportement prudent destiné à tromper ou à obtenir un avantage sur qqn. De là (fin XIIIe s.) le sens de « précaution, réserve », qui n'est pas toujours péjoratif, comme le montre l'usage du mot en droit canonique dans absolution à cautèle « sous condition », seul emploi du mot encore vivant à l'époque classique (Furetière, 1690).
◆
Le sens de « prudence rusée » réapparaît dans la littérature du XIXe s. comme allusion probable au français dialectal et rural (Balzac, Les Paysans, Flaubert à propos de la Normandie) ; le mot ne se maintient que dans un usage très littéraire.
❏
Le dérivé CAUTELEUX, EUSE adj., réfection (v. 1360) de cautileus (fin XIIIe s.), signifie à « qui manifeste une prudence mêlée de ruse ». Ce sens, qui correspond à « habile et rusé », a disparu après l'époque classique au profit de la valeur péjorative de « sournois, hypocrite », développée au début du XIXe s. avec la réapparition de cautèle (ci-dessus).
◆
CAUTELEUSEMENT adv. (1860), peu usité, correspond au sens moderne de l'adjectif.
CAUTÈRE n. m. est emprunté (fin XIIIe s.) soit au latin cauterium (Ier s.) « fer à brûler un tissu organique », lui-même emprunté au grec tardif de même sens kautêrion, de kaiein « brûler » (→ caustique), soit au bas latin cauter, calque du grec kautêr, -êros « fer brûlant » et « escarre », de kaiein.
❏
Le mot désigne le fer brûlant ou l'agent chimique qui brûle les tissus ; par métonymie, il se dit de la plaie résultant de l'application du fer brûlant (1635). Il a développé comme cataplasme le sens figuré de « remède » dans la langue familière (cautère sur une jambe de bois) « remède inopérant ».
❏
CAUTÉRISER v. tr. (1314,
cauterisier) est emprunté au bas latin médical
cauterizare (
IVe s.), employé au figuré en latin chrétien par saint Irénée dans
cauteriata conscientia. Lui-même est emprunté au grec tardif
kautêriazein « marquer avec le fer chaud », dérivé de
kautêr.
■
Le français, repris en médecine, a reçu le sens figuré de « brûler, rendre insensible », d'abord dans conscience cautérisée (XVIe s., Calvin) calqué du latin ; cet emploi a disparu.
◈
CAUTÉRISATION n. f. est emprunté à la même époque (1314) au latin médiéval
cauterisatio (
XIe s.), de
cauterizare, pour désigner l'action de cautériser, en médecine.
CAUTION n. f., réfection graphique (1535) de caucion (v. 1260), est emprunté au latin cautio « prudence, précaution » et, concrètement, « garantie », de cavere « prendre garde », « se garantir de ou contre », « veiller à, sur » (→ cautèle). Ce verbe peut être rapproché du grec koein « remarquer, comprendre », thuoskoos « qui observe le sacrifice », du vieux saxon skawōn de l'ancien haut allemand scouwōn « observer », du sanskrit ā-kuvate « il a l'intention de », kavíḥ « sage, voyant », etc.
❏
Un partage sémantique a immédiatement réservé à précaution* la valeur générale de « prudence » et spécialisé caution au sens juridique de « garantie » d'où, par métonymie, « personne se portant garante » (1535). Il a donné quelques locutions passées dans l'usage : caution bourgeoise (1539) « garantie suffisante », sous caution, être sujet à caution (av. 1615), au figuré « être douteux », et être caution que « répondre de » (1660), sortie d'usage.
❏
Le dérivé
CAUTIONNER v. tr. est d'abord employé comme pronominal réciproque pour « se garantir mutuellement » (1334), puis comme transitif pour « fournir une caution pour (qqn) » (1391).
◆
En français classique, le verbe s'est répandu dans l'usage général avec un sens extensif (1655) « répondre de qqn, puis d'une chose abstraite en l'approuvant »
(cautionner une politique).
■
En sont tirés CAUTIONNEMENT n. m. (1535), d'abord attesté dans un coutumier puis repris au XIXe s. (1804, Code civil), et CAUTIONNABLE adj. (1842).
CAVALCADE n. f., d'origine italienne comme maint terme militaire et équestre, est emprunté (1349) à l'italien du Nord cavalcata « course à cheval de plusieurs personnes » (XIVe s.) et « cérémonial par lequel on va à cheval accueillir un grand personnage » (1565). Ce mot est dérivé de cavalcare « chevaucher », de cavallo « cheval » (→ cavale, cavalier).
❏
Le sens d'emprunt, « promenade à cheval faite par plusieurs personnes réunies », a vieilli, de même que le sens second de « marche en grand apparat d'une troupe de personnes accompagnant un grand personnage » (1680). Dans l'usage moderne, l'accent est surtout mis sur le nombre et l'animation, avec l'acception « chevauchée animée, bruyante ». Par extension, le mot est synonyme de « course désordonnée » (1883) dans le langage populaire et familier.
❏
CAVALCADER v. intr. (1824) exprime l'idée de « chevaucher en groupe animé », puis de « courir en troupe et bruyamment ».
1 CAVALE n. f. est emprunté (1552), plutôt qu'au provençal cavalo « jument », seulement attesté v. 1628, à l'italien cavalla (1340), du bas latin caballa « jument », dérivé féminin de caballus (→ cheval), paradigme ayant supplanté les représentants de equus, equa (→ équestre).
❏
Le mot, doublet poétique de jument*, est devenu, par métaphore, une désignation populaire pour une grande femme mal bâtie, sens sorti d'usage.
❏
Le dérivé
CAVALER v. intr. (1575), « poursuivre » et « aller à cheval » (1611), a été repris au
XIXe s. dans l'usage populaire (1821) au sens de « courir, filer », spécialement « courir après une femme » et (1888) « mener une vie désordonnée », parfois, par renforcement de
courir* (1878), « ennuyer »
(il me, il nous cavale).
■
Le déverbal 2 CAVALE n. f. (1829), d'abord argotique puis familier, désigne la fuite et l'évasion (1833), d'abord dans l'argot des malfaiteurs et de la police, puis (2e moitié XXe s.) grâce à la presse, dans l'usage général, le roman d'Albertine Sarrazin, La Cavale, au titre allégorique, ayant stimulé cette évolution.
■
CAVALEUR, EUSE n. (1901) est spécialisé au sens de « coureur de filles » (au féminin cavaleuse, « coureuse de garçons »).
CAVALIER, IÈRE n. est emprunté (v. 1460) à l'italien cavaliere, anciennement cavalliere, caval(l)iero (déb. XIIe s.) « gentilhomme servant à cheval », possédant tous les sens pris par le français, et lui-même emprunté à l'ancien provençal cavalier (XIIe s.) [→ chevalier].
❏
Le mot a progressivement évincé
chevalier dans la plupart de ses emplois, ce dernier correspondant alors à d'autres acceptions. Le sens de « gentilhomme servant à cheval » s'est maintenu à propos d'un militaire servant dans la cavalerie.
◆
En revanche, l'extension du mot à « homme d'épée » (av. 1578) est déjà vieillie au
XVIIe s., où
cavalier devient un titre de politesse pour un homme du monde (1611) et désigne bientôt celui qui accompagne une dame en société (1688), danse avec elle (1690), celle-ci étant plus tard nommée
cavalière (v. 1900). L'expression
cavalier servant n'a eu qu'un temps, ne réussissant pas à supplanter
chevalier servant. La locution
faire cavalier seul « agir seul » vient d'une figure de danse, au quadrille, où l'homme dansait seul (1813).
◆
Le sens littéral d'« homme monté à cheval » (1611) est usuel et a donné lieu, par métonymie, à des emplois spéciaux au jeu d'échecs (1752) et en papeterie, où il désigne un papier comportant à l'origine un cavalier en filigrane (1832). Dans l'armée, le mot signifie « homme ou officier de cavalerie ».
■
Par analogie de forme ou de position — « à cheval » —, le mot s'applique à des objets métalliques (1890), à un type d'engin de manutention enjambant la charge à déplacer (XXe s.).
■
Par ailleurs, cavalier, ière s'emploie comme adjectif (1620), au sens de « relatif, propre au cavalier », puis au figuré, pour « libre, aisé » (XVIIe - XIXe s. : ex. une tournure cavalière), puis « hautain, impertinent ».
Dans perspective cavalière (1866), l'adj. correspond à « vu de haut et d'arrière ».
❏
CAVALERIE n. f. est emprunté (1308) à l'italien
cavalleria (
XIIIe s.), de
cavalliere, pour remplacer dans certains de ses emplois
chevalerie*, qui répondait à une autre notion. Le mot s'est spécialisé dans le contexte militaire, désignant collectivement l'ensemble des troupes servant à cheval, l'un des corps de l'armée comprenant uniquement, à l'origine, des troupes à cheval (1546), aujourd'hui des véhicules blindés.
◆
Le sens ultérieur, « ensemble des chevaux d'une entreprise » (1866), a disparu avec l'essor de l'automobile qui a détrôné la traction hippomobile.
■
L'expression argotique puis familière papiers, chèques de cavalerie (1935), « faits par complaisance pour couvrir une opération », est obscure. C'est de la grosse cavalerie, des objets sans grande valeur, une chose banale et sans finesse, est attesté au XIXe s. (après 1850).
◈
CAVALIÈREMENT adv. (1614), dérivé de l'adjectif, a suivi une évolution analogue, de « généreusement » à « de manière impertinente » (1642).
CAVATINE n. f. est emprunté (1768) à l'italien cavatina (XVIIIe s.), diminutif de cavata, participe passé féminin substantivé de cavare « creuser » (→ caver) d'où « enlever, arracher ». Cavata est lui-même employé en musique à propos de l'émission de la voix, du fait de tirer avec art des sons d'un instrument. Cavatina désigne en italien un petit arioso, placé à la fin d'un récitatif et, dans les opéras et oratorios, un court passage confié à un soliste qui ressemble à un air, mais dont la mélodie, plus simple, ne comporte pas de da capo.
❏
Le mot a été introduit en musique avec les sens du mot italien ; par analogie, il sert à caractériser une œuvre d'inspiration douce.
1 CAVE adj. est emprunté (v. 1170) au latin cavus « creux », usité de tout temps, à rapprocher du groupe du grec koilos « creux », « qui se trouve dans un creux, vide », kôos « creux, caverne, prison », kôthôn « grande coupe ouverte et plate », kuar « trou, chas d'une aiguille », « orifice de l'oreille ».
❏
Le mot, qui exprime la notion de « creux, enfoncé », n'est guère employé que pour qualifier une partie du corps, un organe (yeux caves, XIVe s.), spécialement en anatomie dans veine cave (1538).
◆
Il a reçu en astronomie la spécialisation « qui n'est pas plein », qualifiant une année, un mois lunaire (1708).
❏ voir
2 CAVE, CAVERNE, CAVITÉ.
2 CAVE n. f. est emprunté (v. 1170) au bas latin cava « fossé » (VIe s.), employé en latin médiéval sous la forme cavea aux sens de « cellier » (1058), « puits de mine » et « boîte ». Ce mot est le substantif féminin issu du pluriel neutre cava, -orum « trous, parties creuses » (inusité au singulier cavum) de l'adjectif cavus « creux » (→ 1 cave).
❏
Le sens général de « creux, cavité, caverne » et le sens spécialisé de « fosse, caveau funèbre », usuels jusqu'au XVIe s., ont disparu au profit de mots du même groupe (→ caverne, cavité) et du dérivé caveau.
◆
Cave s'est spécialisé comme appellation du lieu souterrain où l'on conserve d'ordinaire provisions et vin (v. 1250 de manière incertaine, puis 1360-1370). Cette valeur s'est conservée en français du Canada (cave à légumes, à patates), où le mot a en général d'autres connotations qu'en Europe, s'appliquant à un aménagement en sous-sol.
◆
Par analogie de fonction, le mot désigne la boîte servant à transporter des vins, liqueurs (1669) et, autrefois, des parfums. Par métonymie, il désigne collectivement l'ensemble des vins d'une cave (1798).
◆
Par extension, il se dit d'un local souterrain aménagé en cabaret, dancing, sens apparu après la libération de la France (1945), d'abord à Paris (Quartier latin et surtout Saint-Germain-des-Prés) et disparu, sinon par allusion à cette époque et à ce milieu.
❏
CAVEAU n. m., diminutif de
cave (1250-1300), est d'abord attesté sous la forme
caviau caractéristique du picard, de l'ouest et du sud-ouest de la Champagne, voire de Paris. Littéralement « petite cave », le mot est surtout vivant dans sa spécialisation « cabaret, théâtre de chansonniers » (av. 1867) après avoir désigné au
XVIIIe s. les cafés des gens de lettres (1729).
◆
Caveau désigne couramment depuis le
XVIe s. une sépulture souterraine (1517, dans une église).
◈
CAVISTE n. (av. 1790) désigne la personne chargée de l'approvisionnement et de l'entretien de la cave en vins et l'employé qui pourvoit à la boisson des hôtes. Il est également en usage à propos de l'ouvrier viticole chargé de la fabrication des vins.
◈
ENCAVER v. tr. (1295), « mettre en cave (une boisson) », a produit les dérivés
ENCAVEUR n. m. (1571),
ENCAVEMENT n. m. (1635), ce dernier concurrencé en Suisse par la forme
ENCAVAGE n. m., notamment en œnologie.
❏ voir
CAGE, CAVER.
CAVEÇON n. m., d'abord cavezzon (av. 1583), puis caveçon (av. 1615), est emprunté à l'italien cavezzone (XVIe s.), dérivé avec suffixe augmentatif -one de cavezza « bride », issu d'un latin populaire °capitia « ce qu'on met autour de la tête », forme issue de capitium (→ chevet).
❏
Ce terme de manège désigne un appareil de dressage composé d'une têtière, d'une sous-gorge et d'une bande métallique enserrant le nez de l'animal. Avec la valeur figurée de « mortification », il est entré dans la locution mettre un caveçon à qqn (av. 1615), puis donner un coup de caveçon à qqn « rabattre son orgueil, le mortifier ».
◆
Il a été repris comme nom d'une muselière pour les agneaux en sevrage (1867).
❏
CAVEÇONNER v. tr. se rencontre exceptionnellement au propre et au figuré, où le mot est attesté en 1626 (A. Regourd, l'Art de caveçonner les ministres protestants), le sens même étant le même que donner des coups de caveçon.
CAVER v. est emprunté (1642) à l'italien cavare, représentant du latin cavare, de cavus (→ 1 cave), et signifiant « creuser, extraire » (XIVe s.) d'où, spécialement, « retirer de sa poche, débourser, dépenser » (XVIe s.).
❏
Le mot a été introduit au jeu au sens de « miser », la locution caver au plus fort passant dans l'usage familier avec le sens figuré « exagérer, porter à l'extrême » (1743), à côté de caver au plus bas (1863), caver au pire « voir les choses au pire » ; ces expressions ont disparu. À la forme pronominale, se caver est employé absolument pour « miser » (1834).
◆
Le mot a reçu en argot le sens transitif de « tromper » (1896), peu usité.
❏
3 CAVE n. f., d'abord attesté dans la locution ancienne
faire cave (
XVIe s., du Fail), semble inusité avant le
XVIIe s., où il est enregistré avec son sens de « mise » (1690).
◈
CAVÉE n. f. relevé en picard au
XIIe s., au
XVIIe s. (1642) en français central, est la substantivation du participe passé de
caver, « creuser », pour désigner un chemin creux, dans le nord et l'ouest de la France, par exemple en Normandie.
◈
DÉCAVER v. tr. (1829) signifie « gagner toute la cave d'un joueur » et à la forme pronominale
se décaver « perdre sa cave » (1834) ; en sont dérivés
DÉCAVÉ, ÉE adj. (1870), adjectivation du participe passé signifiant « ruiné », et
DÉCAVAGE n. m. (1929), beaucoup plus rare.
■
Avec un autre préfixe, SE RECAVER v. pron. (1875) exprime le fait de remplacer l'argent qu'on a perdu en misant une seconde fois.
◈
Il est probable que
4 CAVE n. m. (1882), mot d'argot désignant l'homme fait pour être dupé d'où, par extension, le niais, l'imbécile (1901), en général « homme qui n'est pas du milieu », soit dérivé de
caver au sens ancien de « tromper au jeu » par l'intermédiaire du participe passé substantivé
CAVÉ, ÉE « personne naïve » (1835), définitivement éteint après 1914. L'hypothèse d'une origine méridionale — par rapprochement avec le provençal
cavec « chevêche, chouette », employé adjectivement au sens de « sot » — pose des difficultés phonétiques.
◆
En français québécois,
cave est surtout adjectif et se dit pour « inintelligent, idiot », quasi synonyme de
niaiseux.
■
Cave a donné CAVETTE n. f. (1926), appellatif pour une prostituée qui n'est pas du milieu et CAVILLON, ONNE n. « niais, crédule ».
CAVERNE n. f. est emprunté (XIIe s.) au latin caverna « terrier, tanière », également employé à propos de la cale d'un navire et comme terme de description anatomique pour un orifice (du nez, des oreilles), dérivé de cavus « creux » (→ 1 cave). Le ca- de cahute* y est peut-être apparenté.
❏
Le mot désigne couramment une cavité naturelle creusée dans la roche ; les extensions de sens se limitent à quelques emplois spéciaux et figurés ; la locution
caverne d'Ali Baba « accumulation hétéroclite de choses précieuses » est une allusion littéraire à un conte fameux des
Mille et Une Nuits bien connu depuis la célèbre traduction de Galland.
■
La spécialisation de « creux », en anatomie (1546), n'a pas vécu mais le mot a été repris en pathologie à propos de l'excavation pulmonaire qui se forme après évacuation du pus d'un abcès ou d'un tissu nécrosé (1863).
❏
CAVERNEUX, EUSE adj., emprunté (fin
XIIIe s.-déb.
XIVe s.) au latin
cavernosus « percé de trous », de
caverna, s'est éloigné de ce sens pour se spécialiser en anatomie (1546), notamment dans la description pathologique des poumons et dans
corps caverneux (de la verge). Il s'est répandu avec le sens analogique de « qui évoque une caverne », décrivant une forme et un bruit ayant une profonde résonance (1835,
voix caverneuse).
■
Il a produit CAVERNOSITÉ n. f., d'abord attesté dans sa spécialisation en anatomie (1546), sorti d'usage, et CAVERNEUSEMENT adv. (1888) « d'une voix caverneuse », rare.
■
Le composé CAVERNICOLE adj. et n. (1874), formé sur caverne avec le suffixe -cole*, qualifie et, elliptiquement, désigne en sciences naturelles des végétaux, des animaux vivant sous terre. Par extension, il se dit aussi de ce qui concerne la vie dans les cavernes.
CAVIAR n. m., d'abord cavyaire (1432) puis caviat (1552) — encore en 1771 — et caviar (1553), aussi cavial (seule forme signalée par Furetière, 1690), est emprunté au vénitien caviaro (1585) auquel correspond l'italien caviale (XIVe s.) qui a donné, à l'époque classique, le type cavial (1660). Les mots italien et vénitien sont eux-mêmes empruntés au turc kavyar et non au russe (qui dit ikra), alors que le mets a été importé ensuite de Russie : l'Encyclopédie (1751) donne la forme caviari sckari qui (avec une fausse coupe) témoigne du nom commercial donné « en Russie » à ce mets.
❏
Le mot désigne une préparation culinaire à base d'œufs d'esturgeon et par extension d'autres poissons. Le mot, d'abord terme exotique de relation, est mentionné avant la fin du
XIXe s., surtout à cause de la consommation du caviar en Italie, puis en Allemagne. C'est au tournant du siècle que le caviar devient en France un mets de luxe, très onéreux, développant une symbolique où il est fréquemment associé au champagne, au foie gras, etc. Quant au sens, il est normalisé en commerce où le mot ne s'applique qu'aux œufs d'esturgeon (avec plusieurs types selon les variétés de ces poissons :
béluga, sévruga, osciètre) parfois pressés (
caviar pressé, on disait au
XIXe s.
compact). Mais on l'emploie aussi plus largement, comme le russe
ikra, dans
caviar rouge « œufs de saumon », etc. ; cet emploi est illégal commercialement, en France.
◆
Le mot est employé avec une valeur figurée comme symbole du luxe et d'une certaine classe sociale (le récent
la gauche caviar).
■
Par métonymie, il a reçu le sens de « tache noire servant à rendre certains passages d'un écrit indéchiffrables », par allusion à un procédé de censure pratiqué en Russie sous Nicolas Ier, (1877) ; il s'emploie aussi comme qualificatif de couleur (1935).
■
Par analogie d'aspect (petits grains), le mot désigne en cuisine des préparations écrasées (caviar d'aubergines) : cet emploi semble dater des années 1960 ou 1970.
❏
CAVIARDER v. tr. (1907) est un terme d'argot journalistique employé dans le contexte de la Russie de Nicolas Ier, puis en général pour « cacher ou supprimer, censurer » (1922).
◆
CAVIARDAGE n. m. (déb. XXe s.) lui sert de substantif d'action.
CAVITÉ n. f. réfection par emprunt (1545) de caveté (XIIIe s.), de l'adjectif cave, est emprunté au bas latin cavitas (fin IVe s.) « creux », de cavus (→ 1 cave).
❏
Le mot désigne un creux à l'intérieur d'un corps solide, spécialement, en anatomie, un espace creux dans le corps ou dans un organe (1680), d'où, en pathologie, un creux pathologique (dans l'estomac, le poumon) [1866].
❏
On en a dérivé CAVITAIRE adj. (1838) en médecine et en pathologie.
?
CAYON n. m. est un mot appartenant aux dialectes franco-provençaux, d'origine obscure. Wartburg suggère une origine préromane, voire pré-indoeuropéenne.
❏
En français de Suisse, et régionalement dans les régions de France proches de la Suisse, le mot désigne un porc, un cochon, et sa viande. Comme ses synonymes, ce peut être un appelatif injurieux.
L
1 CE, C' pron. démonstratif neutre est d'abord attesté sous la forme czo (v. 881), puis ce (1050), et résulte de l'évolution du bas latin °(ec)c(e) hoc, forme renforcée qui a fini par remplacer le démonstratif simple hoc « ceci » (→ çà, ici). Celui-ci — démonstratif de la première personne et, par suite, de l'objet le plus proche du locuteur — est composé (comme iste et ille auxquels il s'oppose, → ce, celui, il) d'un démonstratif archaïque ho à rattacher à l'indoeuropéen, renforcé par la particule -c.
❏
Ce, à mesure qu'il est devenu inaccentué, a été remplacé par
cela (voir ci-dessous), sauf dans des tours syntaxiques plus ou moins archaïques et des locutions : il est employé avec un verbe qui est le plus souvent
être et, en langage soutenu,
sembler (on trouve encore
ce semble au
XVIIe s.),
paraître, rester, devoir, pouvoir, devenir (à partir des
IXe et
Xe s.). On rencontre la tournure interrogative
est-ce depuis 1080 et
c'est introduisant une relative ou une conjonctive (1050), ou mettant en relief un élément ou un membre de phrase. Devant un attribut,
c'est est concurrencé par
il* en langage soutenu.
C'est à... de (1512) est employé au sens de « il appartient à ».
■
C'est entre dans des locutions explicatives, comme c'est-à-dire (1306, traduction du latin id est), c'est que (1863) ; des locutions adversatives : si ce n'est (1450), écartant une opinion, ce n'est pas que (1742). D'autres marquent l'intention : c'est pour (av. 1510). Ce que (av. 1710) est utilisé familièrement comme locution exclamative (ce que tu es drôle !). Ce subsiste dans d'anciennes tournures : ce faisant, ce faire (1450), pour résumer ce qui vient d'être dit — dans et ce (XIIIe s. ; Xe s., et cio), aujourd'hui sur ce —, et comme sujet d'un verbe, dans ce me semble (1450 ; remplaçant ce samble, XIIIe s., encore au XVIIe siècle.).
❏
Ce a pour composés les pronoms démonstratifs neutres
CECI et
CELA : ceci (
XIIIe s., au moyen de l'adverbe
ci*) renvoyait à ce qui a été énoncé (on emploie encore l'expression
ceci dit) avant de céder cet emploi à
cela dans l'usage moderne ; depuis le
XVIe s. (1552), il annonce ce qui va suivre. Il est employé avec
cela pour désigner deux choses plus ou moins déterminées (fin
XVe s.), pour distinguer deux choses différentes (1740) et, en opposition à
cela, pour désigner la chose la plus proche du locuteur.
◆
Quant au pronom
cela (
XIIIe s.,
çoula ; de
ce et
là*), il exprime souvent ce qui a été déjà dit, il entre dans les tours
comment cela ? (1835) et
comme cela (av. 1696).
◈
Par contraction,
cela a produit
ÇA (
XVIIe s.), d'abord réservé à l'usage oral, puis usuel même à l'écrit, et dans diverses expressions,
comme ça (1782), après
coume ça (1642),
comment ça (1855),
avec tout ça, qu'est-ce que c'est que ça, en langue parlée (noté
kekcékça ? par Hugo dans
Les Misérables, faisant parler Gavroche).
■
Ça a été substantivé en psychanalyse calquant (1946) l'allemand Es, pronom neutre par lequel Freud désigne la partie du psychisme d'où viennent les impulsions instinctives correspondant aux besoins primitifs (Das Ich und das Es, 1923, d'abord traduit sous le titre Le Moi et le Soi en 1948, retraduit en 1965 Le Moi et le Ça).
L
2 CE (CET, CETTE, CES) adj. démonstratif est hérité (842) du paradigme du démonstratif latin
ecce isti, forme renforcée en
ecce « voici »
(→ ecce homo) dans la conversation, puis à basse époque, du paradigme simple de
iste « celui-ci, ce, cet ».
Iste est employé comme pronom et adjectif de la seconde personne, parce qu'il renvoie généralement à une personne, à un objet dont un interlocuteur a parlé ou auquel on s'adresse ; il a acquis en droit la nuance péjorative de « la personne dont tu parles ou que tu défends (et qui est méprisable) », sens qui s'est répandu dans la langue courante. Le mot
iste se compose d'une particule préposée
is- et d'un démonstratif
-te, formation comparable à celle des deux autres démonstratifs personnels
hic, qui se dit de l'objet présent et concerne le locuteur
(→ çà, ce, ici), et
ille, désignant l'objet éloigné ou la « troisième personne »
(→ il, le, lui). Le système démonstratif latin était très complexe, comptant en outre
is, pronom anaphorique ou de renvoi,
idem (→ idem), pronom d'identité, et
ipse, pronom adversatif, utilisés en combinaison. Vers le
VIe s., s'est établi un système simplifié :
iste, ipse et
ille, après disparition de
is (trop bref) remplacé par
hic, lui-même éliminé par
iste (seul le neutre
hoc subsistant,
→ ce). L'ancien français — peut-être sous l'influence du système francique — ne retient du latin tardif que deux démonstratifs :
ce et
celui, qui correspondent à l'opposition entre proximité (sphères du locuteur et de l'allocuteur) et éloignement (sphère de la 3
e personne, non présente).
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Le système de l'ancien français est le suivant : au singulier et au masculin, cas sujet cist (de °[ec]ce ĭstī) ; cas régime-accusatif cest (de °[ec]ce ĭstŭ) ; cas régime-datif cestui (de °[ec]ce istui) ; au féminin cas sujet et cas régime-accusatif ceste (de °[ec]ce ĭsta) et cas régime-datif cesti (de °[ec]ce istaei) ; au pluriel et au masculin, cas sujet cist (de °[ec]ce ĭsti) et cas régime unique cez>ces (de °[ec]ce ĭstos) ; au féminin pluriel, cas sujet et cas régime confondus cestes (de °[ec]ce ĭstas) ou ces, puis ces (de °[ec]ce ĭstos).
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En ancien français, toutes les formes sont fléchies et susceptibles d'un double emploi, adjectif et pronom. L'évolution qui mène au système moderne est tout aussi compliquée :
ce (
XIIe s.) résulte de la réduction de l'ancien
cest devant consonne, les formes « régime » (complément) se substituant aux formes sujet (fin
XIIIe s.) ; la distinction proximité-éloignement tombe entre 1350 et 1500 — étant donné la fréquence des formes indifférenciées
ce / ces —, relayée par l'emploi des adverbes
ci* et
là*.
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Enfin, le système moderne impose une distinction grammaticale entre pronom et adjectif, réservant ce, cet, cette, ces au rôle d'adjectifs (acquis au XVIe s.), tandis que celui*, celle, ceux, celles s'attachent celui de pronoms (celui comme adjectif est exceptionnel au XVIIe s.), également précisés par les particules adverbiales -ci, -là.