L
CHÂLIT n. m., d'abord chäelit (1160), puis chaelit (1174) et châlit (1740), est issu du latin populaire °catalectus. Celui-ci serait, plutôt que le composé de cata (du grec kata « de haut en bas » → catastrophe et de lectus → lit), le résultat du croisement de catasta « estrade exposant les esclaves à vendre » et « lit de supplice, sorte de gril » avec le même lectus. Ce catasta est lui-même soit un hybride gréco-latin de kata et -sta, de stare « se tenir » (→ station), soit l'emprunt du grec katastasis, de kata et stasis (→ stase).
❏
Le mot, dont seul l'élément -lit est encore compris, est un terme technique ayant désigné le lit de parade d'un mort, avant d'être supplanté par catafalque, et appliqué par suite à un bois de lit (1174). Il était archaïque au XVIIe s., comme le remarque Richelet en 1680, mais a été repris, notamment dans le contexte militaire.
CHALLENGE n. m., une première fois sous la forme francisée et composée challinge-coupe (1857 in Höffler), puis challenge cup (1876), elliptiquement challenge (1884), est emprunté à l'anglais challenge dans sa spécialisation sportive, alors associé à cup, mot de même origine que le français coupe*. Challenge, anciennement « accusation » (XIIIe s.), puis « récusation » et « sommation » en droit, et « défi », est emprunté (sous les formes calenge, chalenge) à l'ancien français calenge, chalenge « accusation » (XIe s.) et « défi » (XIIe s.), lequel est dérivé du verbe chalengier, ancien représentant, disparu au XVIIe s., du latin calumniare (→ calomnie).
❏
Cet anglicisme a donc réintroduit un mot d'ancien français, avec une spécialisation sportive, pour « épreuve dans laquelle le vainqueur obtient un prix, un titre, jusqu'à ce qu'un vainqueur nouveau l'en dépossède » et « prix de cette épreuve ». Il s'est répandu avec le sens général de « défi », au figuré.
❏
CHALLENGER n. m. est emprunté (1896) à l'anglais
challenger « accusateur » (
XIIIe s.), puis « celui qui lance un défi » (
XVIe s.). Le mot, qui renoue à plusieurs siècles de distance avec l'ancien français
chalengeur, doublet de
calomniateur, appartient surtout au vocabulaire des journalistes sportifs et (1964) politiques. Il peut être francisé en
challengeur.
■
Challenger v. tr. (1915), francisation de l'anglais to challenge, reprend, après quatre siècles, l'ancien français chalengier ; cependant, il est moins usité que les autres mots de la même série.
?
CHALOUPE n. f., d'abord chaloppe (1522) puis chaloupe (XVIe s.), est d'origine controversée. Une première hypothèse en fait un emploi figuré du dialectal chalope (moyen français chaloppe, attesté 1678) « coquille de noix » issu par abrègement (aphérèse) de l'ancien français °eschalope (1224) de même sens, formé sur eschale (→ écale) avec la finale de enveloppe*. Une seconde hypothèse, moins probable, en fait un emprunt au néerlandais sloep « embarcation » de sluipen « glisser ». Cette hypothèse se heurte au caractère tardif du mot néerlandais (1598) et à l'origine française de la plupart des termes germaniques de la série : allemand Chaloupe (1648), anglais shallop (1578). Le rapport du mot français avec l'ancien gascon calup est obscur et, s'il existe, excluerait un emprunt au néerlandais.
❏
Le mot désigne une petite embarcation plate au service d'un navire. Il est plus courant au Québec, où chaloupe peut désigner toute barque, soit de pêche, soit de plaisance. En français de Madagascar, le mot ne se dit que pour les barques de pêche.
◆
Par analogie avec le mouvement de la barque, chaloupe a pris en argot le sens figuré de « danse échevelée » (1845) ; Cf. ci-dessous chalouper et chaloupé.
❏
CHALOUPIER n. m. (1828-1829) est d'abord un terme de l'argot du bagne ayant désigné un forçat chargé de faire la toilette des nouveaux venus, peut-être parce que ces hommes étaient choisis parmi ceux qui étaient affectés aux chaloupes. Depuis 1838, il s'emploie avec le sens normal de « matelot de chaloupe ».
◈
CHALOUPER v. intr. (1858) procède de
chaloupe, nom de danse, pour exprimer le fait de danser la chaloupe et, par extension et retour au sens propre du substantif, de tanguer comme une chaloupe en mer.
■
Son participe passé CHALOUPÉ, ÉE est adjectivé (1907, valse chaloupée) et, elliptiquement, substantivé au féminin comme appellation d'une danse, valse ou cancan (1910), chaloupe au sens de « danse » étant sorti d'usage.
L
CHALUMEAU n. m., d'abord chalemel (v. 1120), est issu du bas latin calamellus, diminutif de calamus « roseau » (→ calame), lequel a désigné également la branche creuse d'un candélabre (Vulgate), un pipeau (Ve s.), une pipette pour le vin eucharistique.
❏
En français, le sens initial de « roseau » a été éliminé par des spécialisations du latin
calamus, notamment en musique où il désigne une flûte de berger (1165-1170), le tube sonore de la musette (1680) et, par métonymie, le registre grave de la clarinette (1832).
■
Par analogie, le mot désigne un tuyau de métal destiné à canaliser les vapeurs d'un parfum (v. 1160), à aspirer le vin (1530), spécialement dans un usage liturgique (1625), et le tuyau servant à diriger un souffle d'air sur une flamme pour la rendre plus intense (1680), de nos jours à produire une flamme d'une température élevée à l'aide d'un jet de gaz (chalumeau oxhydrique).
◆
Le sens de « petite branche enduite de glu pour attraper les oiseaux à la chasse » (1832) était déjà une acception du latin calamus.
❏
La dérivation est quasiment inexistante, l'ancien chalemeler « jouer du chalumeau » (XIIe s.) survivant à peine dans chalumer.
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CHALUMEUR-COUPEUR n. m. (1955) désigne l'ouvrier qui découpe les métaux au chalumeau ; c'est un dérivé de chalumeau.
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CHALUT n. m., une fois en 1753 et de nouveau à partir de 1815, est d'origine obscure, probablement dialectale — de l'Ouest et des côtes normandes (Bayeux) — à rapprocher de chalon « grand filet traîné entre deux bateaux sur les rivières ». Ce mot lui-même est obscur (le moyen français chalon « bateau » étant plus probablement une forme de chaland*). P. Guiraud propose de voir dans chal- l'élément de chaloupe*, de chale, eschale (→ écale), mais le sémantisme paraît s'y opposer.
❏
Le mot désigne un grand filet de pêche remorqué. Il entre dans de nombreux syntagmes techniques (chalut de fond, pélagique...) ou non (pêche au chalut).
❏
CHALUTER v. intr. « traîner le chalut » (1845) a donné
CHALUTABLE adj. (1853) et
CHALUTAGE n. m. (1909).
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CHALUTIER n. m. (1866, Hugo, les Travailleurs de la mer) est quelquefois employé comme adjectif (chalutier, ière). Le substantif est usuel et donne lieu à plusieurs syntagmes techniques ; il désigne aussi le pêcheur au chalut.
CHAMADE n. f., d'abord chiamade (1570), puis aussitôt chamade (v. 1570), est emprunté à l'italien du Nord ciamada (prononcé tcha-), participe passé substantivé du verbe ciamà « appeler » correspondant au toscan chiamata, de chiamare, du latin clamare (→ clamer). L'hypothèse d'un emprunt au portugais chamada, de même sens et de même origine, est moins satisfaisante historiquement, étant donné le grand nombre de termes militaires repris à l'italien par le français.
❏
Ce mot, qui n'est plus guère employé que dans l'expression battre la chamade au figuré (XIXe s.) « battre très fort » (du cœur), appartient originellement au vocabulaire militaire où il désigne une batterie de tambour et une sonnerie de trompettes annonçant le désir de parlementer.
CHAMAILLER v. tr. et pron., attesté au début du XIVe s. (1307-1315), résulte très probablement du croisement de deux anciens verbes de sens voisin. Le premier est chapier (1080) « tailler en pièces, frapper en combattant », issu d'un latin °cappulare, « couper » dérivé de °cappare, lui-même de °cappo (→ chapon). Le second est maillier (v. 1175) « donner des coups », de mail*.
❏
Ce verbe familier, d'abord utilisé en contexte guerrier en construction intransitive, puis transitive et pronominale (1540), est passé sous cette forme dans l'usage commun pour « se disputer au sujet de futilités » (1694 ; 1690, en construction absolue).
❏
CHAMAILLIS n. m. (1541), sorti de l'usage dès le
XVIIIe s. avec son sens militaire, s'est employé à propos d'une querelle confuse accompagnée de tapage (av. 1755).
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Le déverbal CHAMAILLE n. f. (XVIe s.) a suivi le même type d'évolution de « combat », sens disparu au cours du XVIIe s., à « dispute » (1866).
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CHAMAILLEUR, EUSE adj. et n. (1571), autrefois « qui combat », a été abandonné au XVIIe s. et repris pour « qui aime à se disputer » (1857-1863).
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CHAMAILLERIE n. f. (av. 1689, Mme de Sévigné) reste le plus courant des dérivés substantifs au sens de « dispute ».
CHAMAN ou SHAMAN n. m., d'abord schaman (1699) puis chaman (1791), également shaman, sous l'influence de l'anglais shaman (1698), est emprunté, par le russe chaman', aux langues de Sibérie (toungouse šaman). Dans les autres langues du centre et du nord de l'Asie, les termes correspondants sont le yakoute ojun, le mongol bügä, bögä et udagan auquel répondent le bouriate udayan, le yakoute udoyan « la femme chamane », ainsi que le turco-tatar kam. On a essayé d'expliquer le terme toungouse par le pâli çramana, samaṇo « ascète », ancien indien çramanas « ascète bouddhiste », mais cette étymologie est controversée.
❏
Le mot, introduit par les relations de voyage, désigne le prêtre de certaines ethnies de l'Asie centrale et septentrionale, spécialiste d'une fonction donnée dans l'extase, exerçant des fonctions de devin et de guérisseur. Par extension, il est employé à propos d'un prêtre-sorcier que l'on rencontre dans d'autres sociétés des autres continents (Amérique du Nord, Indonésie, Océanie), devenant un terme important en histoire des religions, comme chamanisme.
❏
Les dérivés appartiennent à l'usage didactique (ethnologie, étude des religions) : CHAMANISME n. m. (1801, dans une traduction du russe) et CHAMANISTE adj. et n. (1866), d'où CHAMANISTIQUE adj. (1936) ; CHAMANIQUE adj. (schamanique, 1788) sont courants en anthropologie et en histoire des religions. CHAMANISER v. tr. (1972) est didactique et rare.
CHAMARRER v. tr., attesté au XVIe s. (1557 ; voire 1530, selon F. e. w.), est dérivé du substantif féminin CHAMARRE, d'abord samarre (1447) puis chamarre (1490). Ce mot désigne un ample vêtement porté aux XVe et XVIe s., confectionné avec des bandes de tissus alternés, et bordé de galons. Par extension, il désigne un ornement destiné à enrichir un vêtement. Il est emprunté à l'espagnol zamarra « vêtement de berger en peau de mouton » (v. 1330), du basque de même sens zammar, zamarra également « toison de mouton », ou de son correspondant ibérique. L'origine de ces types est mal éclaircie : un emprunt au turc samur « zibeline » ou à l'arabe sammur (vraisemblable géographiquement) est peu probable des points de vue phonétique (passage du u au a) et sémantique, les plus anciennes formes romanes désignant un vêtement de berger grossier et non une peau précieuse.
❏
Chamarrer est un verbe d'habillement signifiant « rehausser d'ornements somptueux ». Son extension péjorative « surcharger d'ornements de mauvais goût, criards » a pris de l'importance, donnant le sens figuré de « gâter par une surcharge d'ornements hétéroclites »
❏
Outre le participe passé adjectivé CHAMARRÉ, ÉE adj., chamarrer a produit CHAMARRURE n. f. (1595) et, ultérieurement, le substantif d'action CHAMARRAGE n. m. (1828), peu usité.
❏ voir
SIMARRE.
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CHAMBARDER v. tr. est l'altération (1881) de chamberder, chamberter (1847) d'origine obscure. L'hypothèse que proposent Bloch et Wartburg d'une formation à partir des termes dialectaux chambe (pour jambe*) ou 2 chant « côté » avec barder* « glisser », n'est pas sûre. L'étymologie ancienne de champartir « jouir du droit de champart », de champart (→ champ), qui a pu signifier « endommager » n'est pas étayée. Par ailleurs la forme chamberter n'est pas prise en compte.
❏
Le mot se serait introduit par l'argot des marins pour « briser, renverser, abattre ». De là, il s'est répandu dans le langage familier avec le sens de « mettre sens dessus dessous » (1881), dans un contexte concret, puis abstrait (1901).
❏
En sont dérivés CHAMBARDEMENT n. m. (1855, argot militaire ; puis 1881, en politique), son synonyme CHAMBARD n. m. (1888 dans l'argot de Polytechnique au sens de « chahut ») et CHAMBARDEUR, EUSE n. et adj. (1886).
❏ voir
CHAMBOULER.
CHAMBELLAN n. m. est l'aboutissement (1559), par les formes cambrelenc (v. 1050), chamberlent (1150-1170), chamberlan (fin XIIe s.), chambellanc (1221), chambellen (1285), du francique °kamerling, proprement « personnage préposé au service de la chambre », reconstitué d'après l'ancien haut allemand kamarling (→ camerlingue). Le mot germanique est formé sur kamara, adaptation du latin camera (→ caméra, chambre), les Germains ne semblant pas avoir connu la division de l'habitation en pièces et n'ayant pas eu à leur disposition de terme équivalent. Le suffixe -ling, commun aux langues germaniques, sert à former des noms de personnes ; il signifie « concernées par ». En tout cas, un emprunt du français ou du latin médiéval à la cour des rois francs est plus probable qu'un emprunt antérieur au germanique (avant le Ve s.) à travers la langue des esclaves.
❏
Le mot désigne le gentilhomme de la cour qui assurait le service de la chambre d'un prince, le grand chambellan se rapportant au plus élevé en dignité, chargé du service de la chambre d'un roi ou d'un empereur. Ultérieurement, il est appliqué à un dignitaire de l'administration royale ou pontificale.
❏
CHAMBELLAGE n. m., précédé par le latin médiéval
chamberlagium (1370) et lui-même sous la forme
cambrelage (1387) avant
chambellage (1412), recouvre, en termes de féodalité, le droit en argent versé par les vassaux au chambellan d'un seigneur ou d'un roi lors de la prestation d'hommage. Depuis l'ordonnance de Philippe III en 1272, tout vassal du roi décédé devait, en faisant hommage à son successeur, acquitter une certaine somme au grand chambellan de France et autres chambellans du roi.
■
CHAMBELLANIE n. f., « dignité, fonction du chambellan » est présent dans Voltaire (1762). Le mot correspond à une réalité dans les régimes monarchiques, et trouve une expression en français à la cour royale du Maroc, où il est un terme officiel, reconnu par l'Académie française.
■
On rencontre chez Stendhal le dérivé CHAMBELLANISME n. m. (1800-1842) à propos d'un genre littéraire selon lequel un familier consigne par écrit les conversations qu'il a eues avec un grand homme (par exemple Eckermann et Goethe). Le mot n'a pas vécu.
❏ voir
CAMERLINGUE.
?
CHAMBOULER v., attesté au début du XIXe s. (1807), est d'origine douteuse : c'est un mot d'origine dialectale (mosellan et meusien), composé pour le second élément du verbe bouler*. Pour le premier, on peut penser à 2 chant* « face étroite d'un objet » ou à un croisement avec chanceler* (→ chambranle). En revanche, les hypothèses le rattachant au latin gamba ou au franco-provençal chambe « jambe » (→ chambarder) se heurtent au fait qu'au lorrain jambe correspond déjà le dérivé jambouler.
❏
Si le sens de « chanceler, tituber comme un homme ivre » est premier comme l'indique la chronologie des attestations, l'emploi transitif pour « bouleverser, mettre sens dessus dessous » (1915), au propre et au figuré (1916), semble dû à l'influence de chambarder.
❏
En est dérivé CHAMBOULEMENT n. m. (XXe s.).
L
CHAMBRANLE n. m., d'abord chambranlle (1389) puis chambranle (1518), est l'altération, sous l'influence de branler*, de l'ancien chambrande (1313). Ce mot est issu du latin camerandus, gérondif substantivé de camerare « construire en forme de voûte », lui-même de camera (→ chambre). L'hypothèse d'une altération du moyen français chambril « lattis, lambris », du latin camerare, fait difficulté des points de vue phonétique, car il ne peut expliquer la forme initiale, et géographique : chambril est emprunté au limousin, alors que chambrande et chambranle appartiennent au nord du domaine d'oïl.
❏
Le mot désigne le cadre qui borde une porte, une fenêtre, une cheminée.
◆
En français de Nouvelle-Calédonie, l'une des deux statues de bois ornant l'entrée d'une case kanak.
CHAMBRANLER v. intr. semble être un composé de branler* « trembler, être secoué », peut-être avec influence de chanceler, ou de 2 chant, du latin canthus, comme dans chantourner. Ce verbe régional de l'ouest de la France est passé au français du Canada (1880).
❏
Le mot signifie « vaciller, chanceler ».
❏
Le participe présent CHAMBRANLANT, ANTE adj. correspond à « vacillant ».
L
CHAMBRE n. f., d'abord cambra, cambre (1050) puis chambre (XIIe s.), est issu du latin camera, emprunt au grec kamara, mot technique dont l'origine est obscure ; il désigne divers objets couverts par une voûte (tombe, bateau, voiture ouverte). Le mot latin, transmis directement en italien, signifie surtout à basse époque « pièce (notamment pour dormir) » et au moyen âge (1191) « endroit où l'on juge ».
❏
Le mot, introduit avec la valeur de « pièce », en particulier « pièce où l'on dort », désigne, lorsqu'il est employé avec majuscule la pièce où dort un grand, roi ou prince, sous l'Ancien Régime : de là vient, d'après l'italien
camera, la locution
musique de chambre (1855), d'abord
musique de la chambre (1690) « du petit coucher du roi ».
◆
Par extension, le mot évolue vers le sens de « domicile, logement » dans quelques emplois comme
chambre meublée, en chambre (1303 « chez soi », d'un artisan ou ouvrier) et entre dans des syntagmes désignant des domestiques attachés au service personnel :
valet, fille de chambre (
XVIIe s. ; 1576,
homme de chambre). Un sens ancien indéterminé, « pièce d'habitation » (conservé en divers usages de la francophonie) s'entend encore lorsqu'on précise
chambre à coucher, en français central de France. Cependant dans plusieurs régions de France, en Belgique, en Suisse, au Québec, le mot, surtout qualifié (en Suisse,
chambre haute, sous les combles,
chambre à lessive « buanderie »,
chambre à lait « pièce du chalet où on entrepose le lait »), peut désigner diverses pièces du logement. Là où le français de France emploie
salle, on dit
chambre de bains au Québec et on l'a dit en Suisse ;
chambre de passage, en Belgique, correspond à
chambre d'amis en France. En français de Suisse,
la chambre peut désigner ce qu'on nomme en France, dans plusieurs régions,
la salle.
■
Chambre a cette valeur extensive dans le vocabulaire de la marine avec chambre de chauffe (1866), chambre des cartes, chambre des machines.
◆
De là, le mot a étendu ses sens en conservant l'idée seulement de « pièce, salle », sans la fonction d'habitation : c'est le cas dans des syntagmes modernes, comme chambre froide (1930), chambre de sûreté, chambre à gaz (1951, calqué de l'anglais).
■
Dans le vocabulaire des institutions, l'emploi extensif est nettement plus ancien : la première attestation remonte à 1388 en ancien picard à propos de la section d'une cour ou d'un tribunal. Le mot entre ainsi dans les syntagmes chambre de justice (1680), Chambre des communes (1789, sous l'influence de l'anglais chamber of Commons), Chambre des pairs dans un contexte anglais (1797). En France, chambre des députés (1814) s'abrège en (la) chambre. En Suisse, il est question de chambres fédérales, de chambre des cantons... Par métonymie, le mot désigne les assemblées elles-mêmes, s'occupant de la discipline et des intérêts d'un corps (1631, Chambre de commerce ; 1697, Chambre syndicale).
■
Dans le domaine technique, c'est l'idée d'un contenant, d'une enceinte fermée qui prime : dans l'armée (1414 ; 1671, « cavité recevant les explosifs »), en optique chambre close (1690), puis chambre noire, chambre claire (→ caméra), en technique avec chambre à air (1891).
◆
Le mot désigne aussi une cavité naturelle d'organismes animaux et végétaux en anatomie (1637, Descartes chambre de l'œil) et en botanique (av. 1892, chambre pollinique).
❏
La dérivation de
chambre a d'abord donné des appellations pour les officiers de la chambre.
■
CHAMBRIER n. m. (fin XIIe s., chamberier) a suivi le développement sémantique du bas latin camerarius et de camararius « dignitaire de la cour qui s'occupait du trésor royal » (VIe s.), « trésorier d'une abbaye ». Le mot a désigné jusqu'au XVIe s. le grand officier de la couronne chargé de l'intendance de la chambre du roi et de la garde du trésor royal. Il s'est également employé pour « officier claustral », dans quelques monastères (XIIIe s.).
■
CHAMBRIÈRE n. f., d'abord chamberiere (1165-1170) « fille de chambre », a souffert de la concurrence de femme de chambre et des emprunts camérière*, camériste*. Il s'est maintenu comme appellation pour divers objets qui aident (comme servante, valet...), en terme de manège (1678), en marine, en parlant du support d'une charrette (1803).
◈
CHAMBRETTE n. f. (1174,
chambrete) « petite chambre », a reçu une valeur affective familière.
■
CHAMBRÉE n. f. (1377) a désigné une mesure pour les fourrages, d'après l'idée de « contenant, enceinte » attesté un peu plus tard pour chambre.
◆
Il a été reformé au sens dominant de chambre, avec la valeur collective d'« ensemble de personnes partageant la même chambre » (1539), spécialement dans un contexte militaire, le mot général étant dortoir. L'ancienne extension, « ensemble des spectateurs remplissant une salle d'opéra, de réunion » (1690) et « recette de la représentation » (1680), s'est éteinte au XVIIIe siècle.
◈
CHAMBRER v. (1678) n'a pas gardé le sens de « loger ensemble » qu'il a eu à l'époque classique. Son sens transitif « tenir (qqn) enfermé par violence » (1762) se maintient surtout dans un emploi figuré pour « endoctriner, circonvenir » et par extension « railler, se moquer » (1926).
◆
L'emploi du mot en œnologie (1907) est d'origine régionale (Bourgogne, Suisse romande) ; il signifie « mettre à la température de la pièce où l'on boit » (par opposition à celle de la cave) et se réalise couramment au pronominal et au participe adjectivé
CHAMBRÉ, ÉE adj., opposé à
frappé, frais. Le sens de « se moquer » a fourni le dérivé
CHAMBRAGE n. m.
◈
De
chambre dans
musique de chambre (ci-dessus) a été tiré
CHAMBRISTE n. désignant un musicien (1902).
◈
CHAMBREUR, EUSE n., dérivé de
chambre (à louer), s'emploie en français de Suisse et du Canada, pour « personne qui loue une pièce dans une maison privée », « pensionnaire ». Au Canada, un verbe
CHAMBRER intr. s'emploie pour « loger dans une pièce ainsi louée ».
❏ voir
CAMÉRA, CAMERLINGUE, CHAMBELLAN, CHAMBRANLE.
L
CHAMEAU n. m., d'abord cameil (1080, encore au XIVe s.), puis chameil (v. 1121) et chameau (XIe s.), est issu du latin camelus. Ce mot est un emprunt au grec kamelos, lui-même emprunté à une langue sémitique occidentale (Cf. hébreu gāmāl, araméen gamlā, et le nom de la lettre grecque gamma).
❏
En dehors de son emploi strict en zoologie, le mot englobe, en français courant, l'espèce dromadaire, ce mot étant rare dans l'usage général, non zoologique. On parle ainsi de
chameau, chamelle à propos de littérature arabe, où il s'agit de dromadaires. Pour spécifier qu'il s'agit de
Camelus bactrianus, le chameau asiatique, on emploie parfois l'expression redondante
chameau à deux bosses, manifestant ainsi le sémantisme plus général du vocable
chameau.
◆
Au début du
XIXe s., il s'emploie (ainsi que
dromadaire) comme terme d'insulte à l'égard d'une femme (1828), d'abord au sens de « putain » (métaphore de la « monture »), puis de « personne hargneuse », par oubli du premier emploi
(Cf. l'évolution de vache*).
■
La bosse de l'animal a donné lieu à des sens techniques (« caisson à air » 1722, du néerlandais kameel ; appellation métaphorique donnée à un bâtiment inventé en 1691 par Meeuwes Bakker).
❏
CHAMELLE n. f. semble repris au
XIXe s., après que l'ancien français ait eu
cameille, chameille (v. 1160) et que le
XVIe et le
XVIIe s. aient employé
chameau femelle.
■
CHAMELIER n. m. (v. 1430) est probablement emprunté au bas latin camelarius « conducteur d'une caravane, chargé du soin des chameaux », de camelus.
■
CHAMELON n. m. (1845) ou chamelet (1877) désigne le petit du chameau ou du dromadaire.
◈
CAMÉLIDÉS n. m. pl., terme de classification zoologique (1867) « famille de mammifères à laquelle appartient le chameau », est formé sur le radical du latin
camelus.
CHAMITOSÉMITIQUE adj. est un composé (attesté en 1929) de chamitique, adjectif tiré du nom de Cham, deuxième fils de Noé dans la Bible, et de sémitique (→ sémite), d'après le composé créé en allemand par K. Lepsius, vers 1860.
❏
Le mot s'emploie en linguistique pour qualifier la famille de langues comprenant les langues sémitiques (hébreu, arabe, etc.), l'égyptien antique, le phénicien, le groupe des langues berbères et le couchitique (Éthiopie, Somalie, Érythrée).
L
CHAMOIS n. m., d'abord camois (1164-1174) puis chamois (1220-1230), est issu, par le bas latin de Gaule camox (attesté au Ve s.) d'un préroman °kamōke, mot essentiellement alpestre désignant cet animal. Les formes latinisées du domaine franco-provençal chamosius (1272 en Savoie), chamessius (1389-1390, à Chamonix), le latin médiéval chamos (Cognomen, Hautes Alpes 1135), l'ancien dauphinois chamos, l'ancien provençal chamos (av. 1244) remonteraient à un type °kamŭsso.
❏
D'abord attesté au sens métonymique d'« objet en peau de chamois », le mot est en français moderne exclusivement le nom de l'animal, et l'usage est tenu de préciser peau de chamois (1387) là où la langue classique, par métonymie, disait un chamois (v. 1610). Par métonymie, il désigne une couleur jaune clair rappelant la robe de l'animal (1690) et s'emploie comme adjectif (1818, gilet chamois).
◆
L'agilité de l'animal sur les pentes a fait donner ce nom (1933) à une épreuve de ski.
❏
CHAMOISER v. tr., d'abord
chamoissier (1165-1170) puis
camoisser (1393) en ancien et moyen français, a eu le sens de « meurtrier », qui procède du sens technique de « apprêter une peau de chamois » (1393, mais antérieur) par allusion aux opérations effectuées
(Cf. carder le poil, etc.).
■
Il a été repris sous sa forme moderne (1780) avec ce sens technique, produisant CHAMOISEUR n. m. (1723), CHAMOISERIE n. f. (1723) et CHAMOISAGE n. m. (1866).
◆
CHAMOISINE n. f. (1952) désigne un petit torchon de flanelle duveteux de couleur jaune servant à l'entretien des meubles vernis et carrosseries automobiles. En français de Belgique, on emploie la variante suffixale CHAMOISETTE n. f.
L
CHAMP n. m., d'abord camp (1080) à côté de champ (1080), est issu du latin campus, (→ camp, campagne), mot probablement autochtone (d'une ancienne langue d'Italie ?) désignant originellement la plaine, par opposition à mons « la montagne ». Cédant ce sens géographique au mot plana (→ plaine), il s'est spécialisé aux sens de « plaine cultivée », « terrain d'opérations militaires », « domaine d'action » (au propre et au figuré) et « campagne », par opposition à urbs « la ville ».
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Le mot est passé en français pour désigner une étendue de terrain propre à la culture et une étendue propre au combat, seul puis dans le syntagme déterminé
champ de la bataille (av. 1283) contracté en
champ de bataille (
XIVe s.).
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Au sens de « campagne » (XIIIe s.), lentement concurrencé par campagne*, il est surtout employé au pluriel (les champs, 1539) et dans quelques syntagmes caractéristiques (aux champs, le rat des champs, par allusion à la fable de La Fontaine).
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De nombreux emplois modernes réalisent l'idée plus générale d'une étendue plate à usage déterminé, notamment en syntagmes (champ de foire), héritant aussi des anciens sens militaires du mot (champ de mines, de tir). La loc. plaisante la clé du champ de tir (1897) semble avoir précédé l'image exprimée par prendre la clé des champs « s'enfuir ». Champ de course a été abrégé dans la langue du turf en champ, avec aller, faire, jouer le champ (1925). Au figuré, champ de navet s'est employé pour « cimetière » (1867).
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Le sens figuré s'est développé à partir du XVIe s., à la fois en locutions (sur-le-champ, 1538 ; à tout bout de champ, 1611 sous une forme légèrement différente) et en emploi autonome au sens de « domaine d'action ». Ce dernier a reçu en technique l'acception restreinte de « secteur délimité » réalisée dès le XIIIe s. en héraldique et qui a fait fortune en optique (1753), désignant à la fois le secteur dont tous les points sont vus dans un instrument, la portion d'image enregistrée par l'œil (champ visuel) ou, récemment, par la caméra (1911 ; d'où hors-champ, contrechamp, 1929).
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Au cours du XXe s., le mot est entré dans d'autres vocabulaires scientifiques : anatomie, physique avec champ magnétique (1854), électrique (1881), champ de force (1881), etc., mathématiques, linguistique avec champ sémantique traduit de l'allemand Feld (J. Trier), champ lexical, sociologie, etc.
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Champ a produit directement
CHAMPI ou
CHAMPIS, ISE n. (1390), « enfant trouvé dans les champs », mot sorti de l'usage général après le
XVIe s. et qui n'a survécu que dans les parlers régionaux, notamment du Berry (G. Sand,
François le Champi).
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L'emploi de champ en héraldique a produit CHAMPÉ, ÉE adj. (1611, champé d'azur), mot rare, et CHAMPLEVÉ adj. (1877) qui est le participe passé de l'ancien verbe champlever (1753), composé de champ et lever* « enlever ». Ce mot désigne un procédé d'incrustation des émaux et, par métonymie (un champlevé, n. m.), une pierre émaillée par ce procédé (1907).
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Par l'intermédiaire d'un préfixé verbal, échampir peu usité, champ a aussi donné RÉCHAMPIR ou RECHAMPIR v. tr. (1676), mot technique exprimant le fait de détacher du fond (du champ) des moulures, des ornements et, par extension, orner par ce procédé.
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Le verbe a lui-même donné RÉCHAMPISSAGE ou RECHAMPISSAGE n. m. (1692) « action de réchampir » et « résultat de cette action ».
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CHAMPÊTRE adj., d'abord
champestre (
XIe s.), est issu de l'adjectif latin
campester « de plaine », « qui se trouve, vit dans la plaine, à la campagne », de
campus. Le mot qualifie ce qui se rapporte aux champs, qui habite ou vit à la campagne (1267-1268), et signifie aussi « qui a pour cadre la campagne » (1567) d'où « qui l'évoque » (1690,
airs champestres). Il a reçu une acception spéciale en mythologie (1544,
dieux champestres) et en langage administratif, notamment dans le composé
garde champêtre (1819).
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CHAMPART n. m. est emprunté (1270) au latin médiéval
campartum (1032-1035), composé du latin
campus « champ » et de
pars (→ part). Ce terme de droit féodal désigne la part du produit des champs due par le paysan tenancier au seigneur possédant la terre.
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Devenu terme historique depuis l'abolition des droits féodaux, il est passé en agriculture à propos du mélange de céréales semées ensemble pour la nourriture des animaux (1866).
❏ voir
CHAMPAGNE, CHAMPION.