L
CHANOINE n. m., d'abord canonie (1080), chanuine (v. 1121) puis chanoine (v. 1165), est issu du latin chrétien canonicus (→ canonique), adjectif exprimant ce qui est conforme aux règles de l'Église, spécialement « conforme à la règle d'un ordre religieux » (IVe-Ve s.), puis ce qui appartient régulièrement à un diocèse, à une église. Canonicus est substantivé comme appellation d'un clerc appartenant régulièrement au clergé d'une église (IVe s.) puis à son chapitre (VIIIe s.).
❏
Le mot désigne un dignitaire ecclésiastique faisant partie du chapitre d'une église et jouissant parfois d'une prébende, d'où proverbialement, par allusion à ces privilèges, vivre comme un chanoine (1704), gras comme un chanoine, etc. Le mot désigne aussi un religieux vivant en communauté sous l'autorité d'une règle et destiné au service d'une église particulière.
❏
En sont dérivés CHANOINIE n. f., d'abord chanonie (v. 1175), supplanté par canonicat* ; CHANOINESSE n. f., d'abord channonnesse (1264), et CHANOINERIE n. f. (XIVe s.), « ensemble des chanoines, ce qui se rapporte aux chanoines », abandonné au XVIIe s. et repris en 1832 (Hugo).
L
CHANSON n. f., d'abord chançun (1080), est issu du latin archaïque et post-classique cantio (accusatif cantionem) « chant » (d'un humain, d'un instrument), du nom d'action en -tio (cantum) qui correspond à canere « chanter » (→ chanter). L'autre nom d'action, cantus, a donné 1 chant (sous chanter).
❏
Le mot, à l'origine « pièce en vers destinée à être chantée » et « poésie » (
XIIe s.), désigne de manière générale une composition chantée, divisée en couplets d'où, par métonymie, le texte ou la mélodie qui l'accompagne. Une expression comme
chanson de geste, qui désigne aujourd'hui en histoire littéraire un texte, manifeste l'union indissoluble de la poésie médiévale et de l'oralité.
Chanson a développé des sens figurés plus ou moins péjoratifs, évoquant une parole en l'air (
XVIe s.,
chansons au pluriel), des propos rebattus qui reviennent comme un refrain (1608). Par extension, il est employé à propos du chant des oiseaux ou d'un bruit agréable à l'oreille (1802), du son d'un instrument de musique (1837, de la flûte).
■
Au sens propre de « paroles à chanter » et « air chanté, poésie chantée », le mot est attesté dès le XIe s. avant chant lui-même. Ses valeurs ont évolué avec les époques ; avant le XVe s., la chanson se confond avec la poésie et la musique vocale, puis cette valeur, développée au XVIe s. avec Pierre Attaingnant (chansons nouvelles mises en musique..., 1528), Janequin, Marot, Baïf, se double d'un contenu plus spontané, populaire, puis au XVIIIe s., à partir du Caveau de Piron, Collé et Crébillon (v. 1740-1760), correspond à un genre reconnu. Celui-ci aura un immense succès avec le nouveau Caveau (1805-1815) et sera illustré par Désaugiers et Béranger. L'intérêt des écrivains pour la chanson (les Chansons des rues et des bois de Hugo, 1859-1865) tend à l'isoler par rapport à la chanson « populaire » qui entre à nouveau en politique (Eugène Pottier, Pierre Dupont). Mais la grande mutation du genre correspond à l'organisation du spectacle de « variétés », au café-concert, puis à l'apparition d'auteurs-chanteurs à partir du Second Empire et surtout après 1880, époque à la fois des premières vedettes de la chanson et des chansonniers. Au XXe s., la radio (T. S. F.), le cinéma, le disque, en un mot la diffusion de masse fait entrer la chanson dans son âge moderne, où il faut préciser la nature de l'objet : chanson populaire, folklorique, chanson enfantine, chanson à boire, chanson employé seul désignant le genre moderne le plus répandu, à condition qu'un texte identifiable y soit chanté (on ne parle pas de chanson pour le rock).
❏
CHANSONNETTE n. f., d'abord
chancenete (v. 1175) et
chanconete (
XIIIe s.), désigne une petite chanson sur un sujet léger.
■
CHANSONNIER n. m. (XIVe s.) s'applique d'abord à un recueil de chansons, sens qui se répand au XVIIIe s. (La Clé des chansonniers, 1717).
◆
Appliqué à une personne, anciennement comme adjectif au sens de « qui aime chanter » (1571), il a désigné un compositeur de chansons (fin XVIIe s.) puis un artiste qui interprète des chansons satiriques, dans un cabaret (1862) ; ce sens fait suite à la spécialisation du verbe chansonner (ci-dessous). Cependant, en français québécois, le mot conserve la valeur générale d'« auteur-compositeur de chansons ».
■
CHANSONNER v. tr. (1584) a rapidement perdu le sens de « jouer d'un instrument de musique » ; il a été repris au XVIIIe s. avec celui de « faire des chansons contre (qqn) » (1734) dans un contexte satirique.
■
CHANSONNAGE n. m. lui sert exceptionnellement de substantif d'action (1848, Michelet).
L
2 CHANT ou 2 CHAMP n. m. est issu (v. 1155) du latin canthus « bande de fer qui entoure la roue », mot probablement d'origine celtique (gauloise) (plutôt qu'espagnole ou africaine, comme le dit Quintilien).
❏
Le mot est technique et désigne la face la moins large d'un objet parallélépipédique. On rencontre aussi can ou cant (charpente, marine).
❏ voir
2 CHANFREIN, CHANTOURNER.
L
CHANTER v. est issu (v. 980) du latin cantare, forme intensive qui a très tôt concurrencé le verbe simple canere sans que la nuance intensive soit toujours sensible, et s'est spécialisé au sens de « chanter », passant dans toutes les langues romanes. Canere est un terme de la langue augurale et magique dont les formules sont des mélopées rythmées. Employé à propos des devins et des poètes, il a pris le sens de « célébrer les exploits d'un personnage » ou aussi « prédire ».
❏
Le mot, d'abord dans un contexte liturgique, signifie « célébrer avec des chants », notion qui se maintient jusqu'à nous, s'affranchissant parfois de l'idée de « chant » (av. 1528) et qui, par extension, s'affaiblit en « glorifier » (1796, chanter victoire). Le sens usuel de « faire entendre un chant », présent dès les premiers textes (v. 980, chanter la messe), est réalisé en constructions transitive et intransitive (v. 1050), également avec un sujet désignant un oiseau (1100-1150) ou un instrument de musique (v. 1265). L'expansion s'est faite vers les sens figurés de « dire, raconter » (1165-1170) et, au XVIIe s., « obtenir des aveux » d'où faire chanter qqn (1640), et « parler avec des inflexions rappelant le chant » (1690). Ultérieurement, le mot reçoit le sens figuré de « convenir, plaire » (1847).
◆
La locution faire chanter qqn a été reformée au sens de « extorquer de l'argent à qqn par la ruse ou par la force » (1808), peut-être par allusion ironique aux cris de l'interrogé qui avoue (Cf. ci-dessous chantage et maître chanteur).
◆
Des emplois figurés anciens, très vivants dans les métaphores littéraires, donnent à chanter la valeur de « produire des sons harmonieux » ; on retrouve ce sémantisme dans des dérivés et composés (ci-dessous, chantoir, chantepleure).
❏
Chanter, indépendamment des autres emprunts de la famille de
cantus (→ chanson, ci-dessous chant) a servi à former plusieurs dérivés réguliers.
■
CHANTABLE adj. (déb. XIIe s., cantable ; forme moderne déb. XVe s.) « qui peut être chanté », n'a guère varié de sens.
■
CHANTANT, ANTE, adj. tiré du participe présent (1281), se dit des personnes (par exemple le Fou chantant, surnom de Charles Trenet), d'un air qui se prête au chant, est synonyme de mélodieux, en parlant d'une voix, d'une langue, et s'est spécialisé dans cet emploi avec basse chantante. Café chantant « où se produisent des chanteurs » (milieu XIXe s.) a été supplanté par café-concert (→ café).
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CHANTONNER v. tr. (1538) signifie « chanter à mi-voix » et s'emploie parfois au figuré ; il a pour dérivé CHANTONNEMENT n. m. (1834, Sand).
■
CHANTAGE n. m. est dérivé (1836, Vidocq) au sens spécial et figuré de faire chanter (qqn).
◈
1 CHANTERELLE n. f., dérivé du verbe, désigne surtout la corde la plus fine, au son le plus aigu, de quelques instruments à corde (violon, alto). Le mot a suscité des expressions figurées, comme
appuyer sur la chanterelle « insister pour convaincre ».
◈
CHANTOIR n. m., par allusion au bruit de l'eau qui s'écoule
(Cf. chantepleure) est un mot de la région de Liège, correspondant au
tchantwèr du dialecte wallon, et désignant en français de Belgique l'excavation par laquelle un cours d'eau devient souterrain (correspondant à l'
aven occitan).
◈
Parmi les verbes préfixés,
RECHANTER v. tr. (1487) « chanter de nouveau » et aussi (1573) « célébrer de nouveau », est peu usité.
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En revanche, 1 DÉCHANTER v. intr. (v. 1223), formé plaisamment sur chanter au figuré pour « se lamenter, se plaindre », a été reformé au XVIIe s. (1663, Molière) au sens de « changer de ton, en rabattre » et a pris en français moderne la valeur de « perdre ses illusions ».
■
CHANTEUR n. (XIIe s., chantur) est issu de l'accusatif latin cantorem (cantor) et cantatorem (cantator). Son féminin CHANTEUSE, (1680), précédé par chanteresse, l'est aujourd'hui par cantatrice* dans le domaine du chant lyrique.
◆
Le composé MAÎTRE CHANTEUR (1837) est lié à faire chanter et à chantage ; la forme semble calquée (1840) de l'allemand Meistersinger « poète musicien allemand, aux XIVe-XVIe siècles ».
◆
Comme adjectif, chanteur se dit aussi des oiseaux (1805, Cuvier), sens précédé par l'application du nom à un type d'oiseau (1732).
◈
■
Le nominatif latin cantor a produit CHANTRE n. m. (1227), d'abord synonyme de chanteur puis réservé à un chanteur religieux et au figuré — suivi de la préposition de — à un poète lyrique ou épique (littéraire).
◈
1 CHANT n. m. est issu (v. 1120) du latin
cantus, de
canere. Le mot désigne l'émission de sons musicaux par la voix humaine, en relation avec le verbe
chanter, dont il est le substantif d'action ;
un chant, des chants désigne les sons émis par une personne et, par analogie, un instrument (1857), un animal, oiseau (fin
XIIIe s.), insecte, avec des expressions figurées comme
le chant du cygne (1640, remplaçant
l'hymne du cigne, 1611). Le mot s'est spécialisé à propos d'une composition musicale destinée à la voix, dans un contexte différent de
chanson, plus sérieux (
chant d'Église, etc.) ou plus savant. Il désigne aussi (1541) le genre musical et toute forme particulière de musique vocale (
chant grégorien, chant choral, etc.), ainsi que la technique et l'art de la musique vocale
(l'art du chant ; école de chant).
◆
Enfin, l'accent étant mis non plus sur la musique mais sur les paroles,
chant désigne un poème lyrique (par exemple
chant royal 1521, Marot) ou une division d'un poème (1644,
les Douze Chants de l'Énéide) ; au pluriel,
les chants s'est dit pour « la poésie lyrique ».
■
Sur chant est formé le terme technique DÉCHANT n. m. « composition à deux voix, chant principal (→ plain : plain-chant) et contre-chant » (v. 1175), d'où 2 DÉCHANTER (v. 1223) rendu archaïque par 1 déchanter (ci-dessus).
■
CONTRE-CHANT n. m. (1578) désigne une mélodie en contrepoint avec un chant principal.
◈
CHANTEPLEURE n. f., de
chanter au sens figuré, associé à
pleurer par une image poétique, est un mot ancien (
XIIe s.) devenu régional ou technique, et désignant un entonnoir à long tuyau, un robinet de tonneau en perce et, par métonymie, un cuvier muni de ce robinet, ou encore, dans un mur de terrasse, un orifice d'écoulement des eaux.
◆
La variante réduite
CHAMPLEURE ou
CHAMPLURE n. f. est passée au
XVIIe siècle au français du Canada (1676) pour « robinet ».
◈
CHANTEFABLE n. f., d'abord
cantefable dans
Aucassin et Nicolette (déb.
XIIIe s.) désigne un récit poétique médiéval où alternent le récit, la fable, et le chant, la poésie. Le mot a été repris par Robert Desnos pour un type de lyrisme familier proche de la comptine.
❏ voir
CANTATE, CANTATRICE, CANTIQUE, CHANSON, ENCHANTER.
2 CHANTERELLE n. f. est l'adaptation (1752) du latin des botanistes cantharella, littéralement « petite coupe » à cause de la forme du chapeau du champignon. Ce mot est le diminutif du latin cantharus « sorte de coupe », lui-même du grec kantharos (→ canthare, cantharide).
❏
Le mot désigne un champignon comestible, également appelé girolle.
L
CHANTIER n. m. résulte, sous les formes gantier (v. 1202), cantier (1249), localisées dans le Nord, puis chantier, de l'évolution phonétique du latin cantherius. Ce mot, proprement « cheval hongre, mauvais cheval de charge », a reçu par une métaphore fréquente (Cf. poutre, chèvre) les sens techniques de « chevron », « support auquel on fixe la vigne ». Il rappelle le grec kanthôn « baudet » et, comme lui, est probablement emprunté.
❏
Le mot réalise le sens de « support », désignant en particulier les pièces de bois sur lesquelles on place les tonneaux (1261), la cale supportant l'objet que l'on veut façonner (1611), d'où l'expression
mettre en chantier « commencer (un travail) » (1753) par métaphore de la construction d'un navire soutenu par un bloc de bois (1690).
■
Dans l'usage moderne, le mot désigne le lieu où sont entassés des matériaux (1553, du bois ; par métonymie du sens antérieur d'« entassement de matériaux », 1400), prenant dans la seconde moitié du XVIIe s. (1680) le sens moderne, demeuré usuel, d'« atelier en plein air », « lieu où l'on construit un bâtiment », « où on le démolit » (chantier de construction, de démolition), « où l'on effectue divers travaux » (construction ou réfection de voies, etc.). L'idée de « grand travail en progression » qu'il implique alors fait que la locution mettre en chantier est remotivée et que le mot s'emploie pour « grande entreprise matérielle ». Ce sens a été utilisé dans diverses expressions, comme en 1940 les Chantiers de jeunesse, organisme créé sous le régime de Vichy pour soumettre les jeunes à un travail éducatif obligatoire (1940-1944).
■
En français du Canada, le mot s'est appliqué spécialement à une exploitation forestière, homme de chantier signifiant « bûcheron ».
L
CHANVRE n. m., d'abord chenvre (1089), chanve (1172-1175) puis chanvre (1268-1271), est issu d'une forme altérée du latin cannabis n. f., lui-même calqué sur le grec kannabis « plante textile », emprunt pour lequel on a proposé une origine thrace ou scythe ou babylonienne (sumérien kunibu). Quoi qu'il en soit, le mot latin « doit être emprunté au grec » (Chantraine) ; le terme germanique (ancien haut allemand hanaf) est probablement pris au latin. Le caractère emprunté du mot grec suggère une implantation relativement tardive du chanvre en Europe, ce qui est important dans l'histoire des techniques : selon A. G. Haudricourt « la corde de chanvre a donc été absente lors de la formation des techniques européennes ; on n'a connu que les liens d'osier ou de paille » (in Les Pieds sur terre).
❏
Le mot désigne une plante textile et, par métonymie, le textile produit avec les fibres de la tige de cette plante (1690). Son importance était grande au moyen âge et localement jusqu'au XIXe siècle.
◆
Aujourd'hui, chanvre indien comme l'emprunt au latin cannabis (ci-dessous), désigne la plante de la même famille produisant le haschisch.
◆
Chanvre de Guinée, en français d'Afrique, est le nom d'une variété d'hibiscus d'où l'on tire une fibre textile, très robuste, appelée aussi kénaf, et dah, ainsi que cette fibre.
❏
Les principaux dérivés sont des mots techniques :
CHANVRIER n. m. (1283),
CHANVRIÈRE n. f. (1429) et
CHANVREUR n. m. (1855).
■
Chanvrière lui-même est moins usité que CHENEVIÈRE n. f. (1226, chanevière, canebière dans le Sud-Est d'où le nom d'une célèbre avenue marseillaise), « champ où croît le chanvre », issu d'un latin populaire °canaparia.
◈
Le nom de la graine du chanvre
CHÈNEVIS n. m. (1205-1250) est hérité d'un latin populaire
°canaputium.
■
CHÈNEVOTTE n. f., d'abord chenevotte (1461-1462) dérivé du radical de chènevis, chenevieu, désigne la partie ligneuse du chanvre, utilisée pour la production de cellulose.
◈
CANNABIS n. m. est un emprunt (1846) au latin des botanistes
cannabis (voir ci-dessus l'étymologie de chanvre). D'abord terme de botanique et de pharmacologie, synonyme savant de
chanvre indien, le mot s'est répandu dans l'usage général à partir des années 1950, à propos du haschisch, avec le synonyme courant,
herbe. Le dérivé
CANNABISME n. m. (1945), pour « accoutumance au cannabis », est resté médical.
❏ voir
CANEVAS.
CHAOS n. m. est emprunté (1377) au latin chaos « état de confusion ayant précédé l'organisation du monde » (Virgile), employé au figuré à basse époque (IVe s., Marcus Victorinus) et utilisé par les pères de l'Église (IVe s., Lactance) pour désigner le premier état de la terre avant l'intervention créatrice de Dieu. Chaos traduisait le mot hébreu connu en français sous la forme tohu-bohu*. Chaos est emprunté au grec khaos de même sens, désignant dans la mythologie le premier état de l'univers avant la naissance des dieux, puis aussi l'espace infini, le gouffre, l'abîme (encore en grec moderne). Le mot serait à rapprocher de l'allemand Gaumen « palais (de la bouche) », ancien haut allemand goumo et, en grec même, du groupe de khainein « s'ouvrir, ouvrir la bouche, béer » ; ces mots appartenant à la racine indoeuropéenne °ghen-, °ghei- qui exprime la notion de « vide, manque ».
❏
Le mot désigne l'état de confusion des éléments avant l'organisation du monde, dans les cosmogonies antique et chrétienne. Par extension, il exprime un état de grande confusion (fin XVIe s., Desportes), développant une acception spécialisée en politique (1756, Voltaire) et, concrètement, le sens d'« amas, amoncellement de blocs naturels, de roches » (1796).
❏
CHAOTIQUE adj., dérivé de
chaos avec intercalation de la consonne de soutien
t, est d'abord employé (1838) dans des contextes didactiques ; il ne se répand que vers 1890.
■
Il a servi à former CHAOTIQUEMENT adv. (1928), peu usité et qui ne s'emploie guère, comme chaotique, qu'abstraitement.
❏ voir
GAZ.
CHAOUCH n. m. est un emprunt, attesté au XVIe s. sous la forme chaoux, diffusé au XIXe siècle par les voyageurs, au turc tchaouch « sergent », adopté par l'arabe algérien.
❏
Le mot, devenu courant en français du Maghreb avant les indépendances, désignait un huissier, un appariteur.
?
CHAPARDER v. tr. introduit par l'argot des zouaves d'Algérie (1859), est d'origine inconnue, peut-être de chapar « voler » en sabir algérien ou de cape, par l'ancien picard caper « prendre », ou l'ancien provençal -acapa « dérober ». L'hypothèse d'une formation verbale à partir de chat-pard*, nom donné au tigre sur le modèle de léopard*, n'emporte pas la conviction.
❏
Le mot s'est répandu dans l'usage familier avec le sens de « commettre de petits vols, généralement d'objets ».
❏
CHAPARDERIE n. f. (1863), son doublet plus courant CHAPARDAGE n. m. (1871) et CHAPARDEUR, EUSE adj. et n. (1859) sont apparus immédiatement et sont familiers, comme le verbe.
L
CHAPE n. f., d'abord cape (1050) puis chape (v. 1131), est issu du bas latin cappa « capuchon » et « manteau à capuchon » (VIIe s.), en particulier « vêtement de moine » (av. 850). Cappa a donné cape* par voie savante et intermédiaire provençal.
❏
Le mot ne s'est pas immédiatement distingué de
cape, désignant jusqu'au
XVIIe s. divers manteaux amples sans manches. Il a gardé la spécialisation religieuse de « manteau d'ecclésiastique » (1250-1300), sens encore sensible dans l'expression
chape de plomb, nom d'un ancien instrument de torture passé dans l'usage avec une valeur figurée.
◆
Ce sens s'est effacé devant des valeurs techniques de « revêtement » en maçonnerie (1403), « couvercle bombé » (1690), emploi disparu, « pièce honorable de l'écu constituée de deux triangles » en blason (1690).
Le mot a reçu de nombreuses acceptions particulières dans les techniques, au
XIXe et au
XXe siècle, pour des enveloppes ou des revêtements protecteurs, isolants, ainsi qu'en construction.
■
C'est avec ces emplois techniques, notamment à propos de la chape protégeant un pneu, qu'ont été formés les mots RECHAPER v. tr. et RECHAPAGE n. f. (1428), avec un participe adjectivé RECHAPÉ, ÉE (pneu rechapé).
❏
CHAPERON n. m. (v. 1131), diminutif de
chape, a désigné une coiffure à bourrelet, terminée par une queue, que portaient les hommes et les femmes au moyen âge. Ce sens est conservé dans l'expression
(petit) chaperon rouge, par référence au conte de Perrault (1697) où une petite fille coiffée d'un chaperon rouge est ainsi nommée.
◆
Par extension, le mot a reçu le sens figuré de « personne servant de duègne à une jeune fille » (1690), par allusion à la décence et à la protection qu'implique la coiffure. Comme
chape, il a développé l'acception technique de « revêtement » (en construction, horlogerie).
■
CHAPERONNER v. tr. (1174-1176), rarement attesté en ancien français et seulement au participe passé, n'exprime plus de nos jours l'idée de « coiffer d'un chaperon » (1596), sinon dans une spécialisation en fauconnerie (av. 1614), mais celle de « accompagner (une jeune personne) pour la protéger et la surveiller » (1835), d'après le sens déjà ancien de chaperon.
◆
Il a produit CHAPERONNAGE n. m. (1867) et les préfixés verbaux ENCHAPERONNER v. tr. (v. 1160), DÉCHAPERONNER v. tr. (1465), sortis d'usage.
◈
PORTE-CHAPE n. m. (1285) « porteur de la coiffure appelée
chape », a été appliqué à un cuisinier.
❏ voir
CHAPEAU, CHAPELLE, ÉCHAPPER.
L
CHAPEAU n. m., d'abord chapel (v. 1130) puis chapeau (v. 1225), est issu du bas latin capellus, diminutif de cappa (→ cape, chape), attesté au sens de « coiffe » (av. 833) et, au figuré, de « couvercle » (XIIIe s.).
❏
Le mot est en premier lieu le terme générique des coiffures masculines et féminines, et en particulier le nom de la coiffure du cardinal (1288), généralement assortie d'un qualificatif (
chapeau rouge, 1542 ;
chapeau vermeil). L'objet symbolique dans les relations sociales
(Cf. être couvert), est devenu au
XIXe s. un signe d'appartenance sociale à la bourgeoisie, par opposition à
casquette* ; les femmes sans chapeaux hors de chez elles (« en cheveux ») étant réprouvées. La phraséologie produite avec
chapeau consiste en locutions dont plusieurs transposent au figuré des marques concrètes de respect :
ôter, tirer son chapeau (1585) et
chapeau bas (1694, elliptiquement
chapeau !). L'argot emploie
travailler du chapeau (1935) « déraisonner » (au Québec
faire du chapeau), en donnant à
chapeau le sens métonymique de « tête ». L'expression
porter le chapeau (1928) « être tenu pour responsable d'une faute » procède de l'idée de « coiffer qqn » pour en médire (
XVIIe s.) et continue la locution vieillie
servir de chapeau « couvrir », c'est-à-dire assumer la responsabilité.
◆
D'autres locutions, calquées de l'anglais, ont cours au Québec, telles
passer le chapeau « collecter de l'argent »
parler à travers son chapeau « à tort et à travers » (qui commence à s'employer aussi en France). Dans le contexte du hockey, le
tour du chapeau correspond à « réussite de trois buts dans une même rencontre (pour un joueur) ». Par une image voisine de celle que permet
casquette en France,
porter un double chapeau se dit pour « cumuler deux fonctions » et
porter, mettre le chapeau de (et nom de fonction), pour « agir en tant que ».
■
Par analogie de forme ou de destination, le mot a divers emplois techniques, notamment en construction (1414), en botanique (1809, en parlant des champignons), en mécanique (1867 ; d'où sur les chapeaux de roues, 1928 « à toute allure »). Dans l'argot des journalistes, il se dit d'un court texte précédant un article ou un écrit (1907).
❏
Presque tous les dérivés du mot sont formés sur son ancienne forme
chapel.
■
CHAPELET n. m. (v. 1200) a d'abord désigné une couronne de fleurs ; par analogie entre la couronne de roses dont on ornait la tête de la Vierge (Cf. rosaire) et le collier de grains enfilés, il s'est spécialisé en « objet de dévotion catholique » (1390), entrant dans les locutions dire son chapelet (1597), débiter son chapelet (av. 1655), remplaçant l'ancien français patenôtre (de pater noster). Par analogie, il réalise l'idée d'une « suite d'éléments semblables » (v. 1560) en médecine, architecture (1676), comme terme de manège (1680), en hydraulique (1685) et couramment, au propre (1675) et au figuré (chapelet d'injures).
■
CHAPELIER, IÈRE n. et adj. (fin XIIe s.), appellation ancienne de la personne qui tressait des couronnes de fleurs (encore en 1614), désigne de nos jours celle qui fabrique des chapeaux (v. 1268). Il s'est employé adjectivement comme épithète de malle à propos d'une malle contenant robes et chapeaux (1877).
L
CHAPELLE n. f., d'abord écrit chapele (1080), est issu du latin populaire capella, diminutif de cappa « manteau à capuchon » (→ cape, chape), attesté en latin médiéval (679) pour désigner le manteau de saint Martin, relique conservée à la cour des rois francs. Par extension, capella en vint à désigner le trésor des reliques royales et l'oratoire du Palais-Royal abritant ce trésor (788). De là, le mot s'applique d'une part à l'oratoire rattaché à un domaine privé, église non pourvue des pleins droits paroissiaux (801-810) d'où « bénéfice attaché à cette église » (av. 842) et, d'autre part, à la chancellerie (794) et enfin, aux objets de culte, les vases liturgiques (811), les clercs chargés du culte au Palais-Royal (972).
❏
Le mot français a d'abord désigné le sanctuaire du palais d'un souverain (en l'occurrence, du palais de Charlemagne à Aix). Il désigne dès l'ancien français un lieu de culte dans une demeure particulière et une petite église secondaire non pourvue des pleins droits paroissiaux (déb.
XIIe s.), ainsi que la partie adjacente d'une église, où se trouve un autel secondaire (1405). Par métonymie, il se dit de l'ensemble des objets du culte servant à célébrer la messe (1328), et, autrefois, d'un bénéfice ecclésiastique (v. 1461). L'expression
chapelle ardente désigne une chapelle « où brûlent des cierges » (av. 1558). Ultérieurement, d'après le sens de « groupe d'ecclésiastiques desservant une chapelle » (1527), le mot a pris le sens de « groupe de musiciens et de chanteurs sous la direction d'un
maître de chapelle » (1549). Le sens figuré « groupe de personnes désirant rester entre elles » (1870) est souvent péjoratif
(esprit de chapelle).
■
Parallèlement, dès le moyen français, il a développé des sens techniques fondés sur une analogie de forme avec la voûte d'une chapelle : « voûte d'un four de boulangerie » (1332), « couvercle d'un alambic » (1392). En marine, l'expression faire chapelle (1643) s'explique par la forme voûtée des voiles sous l'action du vent.
❏
Le dérivé
CHAPELAIN n. m., d'abord
chapelein (v. 1155), a vieilli au sens de « celui qui a la charge d'une chapelle et en est bénéficiaire ». Il désigne spécialement (1170) le prêtre desservant une chapelle autonome. Il a pu être influencé par le latin médiéval
capellanus (741) « clerc attaché à une cour seigneuriale ou desservant une chapelle » et « clerc attaché à la chapelle royale, gardien des reliques » (742, en emploi adjectif).
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A CAPPELLA a été emprunté en musique (1859) à l'italien
a cappella « à chapelle », pour un chant interprété sans accompagnement instrumental.
❏ voir
CAPELAN.
CHAPELURE n. f., réfection (1611) de chappeleure (v. 1393), est formé par suffixation sur le radical de l'ancien verbe chappeler, chapeler v. tr., d'abord capler (1080) et chapler « frapper rudement en combattant, tailler en pièces », maintenu au sens de « taillader », « frapper » dans les parlers gallo-romains de l'Est, et repris au XIXe s. dans l'usage régional et familier. Le mot signifie spécialement « réduire en miettes la croûte du pain » (1393). Il est issu d'un bas latin °cappulare, attesté sous la forme capulare « découper un mets, une nourriture » (VIe s.), lui-même dérivé du bas latin °cappare de même sens, probablement du latin populaire °cappo (→ chapon). Un rattachement de °cappare au germanique °kappan ou kappôn « fendre » semble à écarter ; le néerlandais kappen « couper », néerlandais capen (d'où haut allemand kappen) sont au contraire d'origine romane.
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Le mot désigne la croûte de pain séchée, émiettée ou râpée, utilisée dans les préparations culinaires dites panées.
L
CHAPITEAU n. m., d'abord chapitel (v. 1160) puis chapiteau, est issu du latin capitellum, diminutif de caput « tête » (→ chef), « extrémité », employé à basse époque comme terme d'architecture « partie élargie, ornementale, au sommet d'une colonne », devançant en ce sens capitulum (→ chapitre).
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Le mot désigne la partie supérieure d'une colonne, d'un pilastre ou d'une ante en architecture, et, l'accent étant mis sur son ornementation
(chapiteau roman, gothique), il se dit aussi des ornements formant un couronnement et (1690) de la corniche d'un meuble.
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Le sens de « petit couvercle », « couverture », extension du précédent ou retour à l'étymologie du mot latin, est réalisé dans quelques emplois techniques (chimie, art militaire ancien) et en parlant de la tente d'un cirque (1905), sous le chapiteau signifiant « au cirque ».
L
CHAPITRE n. m., d'abord chapitle (v. 1119) et capitre (v. 1190), est issu du latin capitulum, diminutif de caput « tête » (→ chef), littéralement « petite tête », en particulier à basse époque « partie (essentielle) d'un écrit » et, par métonymie, en latin médiéval, « réunion de chanoines au début de laquelle on lisait un chapitre de la règle », puis « salle capitulaire ».
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Le mot désigne une partie d'un texte, d'où, par une extension figurée, (1671), un sujet particulier (
sur le chapitre de..., etc.). Dès le
XIIe s., il a repris au latin médiéval le sens spécialisé « passage de l'Écriture lu dans un office » (v. 1190).
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Le mot a repris au latin le sens de « lieu où se réunissent les chanoines d'une cathédrale », « assemblée de ces chanoines » (1174-1176). De là, par l'intermédiaire d'une variante ancienne avoir plus grande voix en chapitre (av. 1544), l'expression figurée avoir voix au chapitre (1798) « avoir autorité pour se faire entendre ».
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CHAPITRER v. tr., d'abord capitrer (1440-1442), littéralement « réprimander (un religieux) en plein chapitre », s'est rapidement répandu dans l'usage au sens général de « faire des remontrances » (v. 1460).
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Les dictionnaires généraux récents attestent le sens (rare) de « diviser un écrit en chapitres », d'après chapitre « partie d'un écrit ».