L
CHAPON n. m., d'abord écrit chiapun (av. 1150), graphie isolée, puis chapon (v. 1175), est hérité du bas latin de même sens °cappo, variante à géminée expressive de capo, -onis, également capus (un peu antérieurement, Varron). Ce mot est probablement à rattacher à la racine indoeuropéenne °(s)kap- « couper avec un instrument tranchant » : il y a correspondance avec le grec koptein « frapper, couper », kopis « couteau », le lituanien kapóti « hacher menu », le slave kopati « creuser » ; le rapprochement est plus compliqué avec le persan šikāfad « il fend », kāfad « il creuse, il fend ».
❏
Le mot désigne un coq châtré, engraissé spécialement pour la consommation.
◆
Par analogie, il désigne une jeune pousse de vigne qui ne produit pas encore de raisin (1425), d'abord en Suisse romande et dans la partie lyonnaise du domaine franco-provençal, puis en Bourgogne (1611).
◆
Le sens « morceau de pain trempé dans un bouillon gras et servi sur un potage maigre » (1690) et « croûte de pain frottée d'ail dans la salade » (1787) s'explique soit par une image ironique, ce bon morceau tenant lieu de chapon pour le pauvre, soit en relation avec l'ancien chap(e)ler, de même origine (→ chapelure) « rogner la croûte ».
◆
L'emploi régional, en Provence, de chapon, est un emprunt au provençal capon, qui correspond à la forme française, avec allusion à la chair appréciée du « chapon de mer », la scorpène, proche de la rascasse.
❏
Le dérivé CHAPONNER v. tr. (XIIIe s.), « châtrer un jeune coq pour l'engraisser », a quelquefois le sens plus général de « castrer (un animal) » (v. 1275).
❏ voir
CAPON.
CHAPUSER v. tr. attesté au
XVIe s. en Poitou, représente l'ancien français
chapuiser « tailler, fendre », et correspond à l'occitan ancien
capusa, chapusa.
■
Ce verbe d'usage rural, dans plusieurs régions de France (de l'Ouest à la Savoie) s'emploie pour « tailler, travailler (le bois) avec un instrument tranchant ». En Franche-Comté, il a pris le sens de « fabriquer en bois taillé », et (aussi en Auvergne) « couper, fendre (du bois pour le feu) ».
L
1 CHAR n. m. est issu (1172-1174) du latin carrus, emprunté au gaulois comme d'autres noms de véhicules par les Romains sédentaires (→ carpentum à charpente). Carrus désignait un type de grand chariot utilisé par les conquérants gaulois (IVe s. av. J.-C.) pour transporter leurs bagages et entourer leur camp, la nuit.
❏
Le mot s'est éloigné de son sens premier, assez général, par diverses spécialisations : « voiture à deux roues utilisée par les Anciens lors des jeux » (1538), « voiture décorée portant les masques de Carnaval » (1636) et « voiture riche et légère » (1648). Déterminé,
char désigne au contraire un type de voiture rustique (
char à bœufs, char à bancs, 1764) et, en contexte militaire, une voiture blindée (1917,
char d'assaut) en concurrence avec
tank*.
◆
Au Canada, par anglicisme
(→ car), il a encore parfois le sens de « voiture » (1826), « voiture automobile », par exemple dans
un char de police. L'expression figurée
c'est pas les gros chars correspond à « ce n'est pas beaucoup d'argent ».
■
En Suisse, jeu du char (1821), puis char se dit d'un jeu de pions où il faut aligner trois pions formant un « char », sur les neufs dont chaque joueur dispose.
❏
1 CHARRETTE n. f., d'abord
carette (1080), s'est spécialisé au sens de « voiture à deux roues et brancard, d'usage rustique ». Le mot s'applique plaisamment à une voiture automobile (1935).
■
Par allusion à la coutume des élèves d'architecture qui, le jour de l'exposition, chargeaient leurs projets dans une charrette tirée par le plus jeune, il a pris le sens argotique scolaire de « travail intensif en prévision d'un retard possible dans l'exécution d'un projet ». À se mettre, être en charrette (1886), a succédé être charrette.
■
À son tour, ce mot a donné CHARRETÉE n. f., d'abord caretede (1086), et CHARRETIER, IÈRE adj. et n. (1172-1175), nom d'un conducteur de charrette ayant souvent une connotation péjorative (jurer comme un charretier), employé adjectivement et qualifiant les voies par où peuvent passer les charrettes (fin XIIe s.).
■
CHARRETER v. tr. et CHARRETON n. m., qui figurent tous deux dans l'œuvre de Chrétien de Troyes, Le Chevalier à la charrette (1172-1175), sont vieillis ou rarement employés ; charreton étant encore d'usage rural.
◈
CHARRIER v. (1080), d'abord
carier, signifie « transporter dans un chariot, un char ». Par extension, il a glissé vers une valeur différente : « entraîner dans son cours » (1600).
■
Son sens argotique, puis familier, de « duper, tromper » (1837 ; charriage ci-dessous, 1835), est soit une extension métaphorique comparable au sens pris par l'expression mener en bateau, soit (selon Guiraud) issu de charrer « tourmenter en paroles », attesté dans les parlers de Normandie et de même origine que le provençal charra (→ charabia, charade), par croisement avec charrier au sens de « tourmenter » en moyen français (v. 1460), sens encore vivant au Canada avec celui de « pourchasser ». On a évoqué aussi l'emploi du verbe charrier en fauconnerie, à propos du comportement de l'oiseau qui emporte, « charrie » sa proie.
■
Le verbe a produit CHARRIAGE n. m. (1240), spécialement employé en géologie (1886), notamment dans nappe de charriage, d'après un emploi déjà attesté en minéralogie en 1760.
◆
Le sens argotique de « vol où l'on utilise la mystification » (1835) correspond à l'emploi correspondant de charrier.
■
Le diminutif de charriage, 2 CHAR ou CHARRE n. m. (1881), « bluff » en argot, est compris comme un emploi métaphorique de 1 char (dans la locution arrête ton char !).
◈
CHARRIÈRE n. f. (v. 1119) a désigné un chemin pour les chars et charrettes ; le mot est encore connu en milieu rural, dans quelques régions.
◈
CHARIOT n. m. (1285), d'abord également
charriot, orthographe proposée par analogie avec les autres mots de la série en 1990, désigne un type de véhicule à quatre roues tiré par des chevaux ou des bœufs. Par analogie, le mot désigne un jouet d'enfant (1680,
chariot d'enfant) et une constellation (1611). Par analogie de fonction, il désigne une pièce mobile encastrée dans un mécanisme (1638), dans divers domaines techniques (bâtiment, technologie, bureautique, tissage).
◈
CHARRIEUR, IEUSE adj. et n., après une attestation isolée au
XVIe s. au sens de « celui qui conduit la charrue », est repris au
XIXe s. en argot (1834) au sens de
charrier « mystifier ».
◈
CHARROYER v. tr. (v. 1225) réalise des sens propres voisins de ceux de
charrier, sans être aussi répandu, de même que ses dérivés
CHARROI n. m. (v. 1150, dans le titre d'une chanson de geste,
Le Charroi de Nîmes) « chariot », « convoi, train » (v. 1200) et « action de transporter » (1398), et
CHARROYEUR n. m. (1765 ; variante
charoïeur 1762, au Canada).
◆
Charroi est en concurrence avec
CHARROYAGE n. m. (1683 en français du Canada).
◈
CHARRON n. (1268) est l'appellation du constructeur et réparateur des véhicules à traction animale.
■
En est dérivé CHARRONNER v., qui a produit CHARRONNERIE n. f. (1295, caronnerie) et CHARRONNAGE n. m. (1690), termes de métier.
❏ voir
CAR, CARGO, CARICATURE, CARRIÈRE, CARRIOLE, CARROSSE, CHARGER, CHARRUE.
?
CHARABIA n. m., d'origine incertaine, est probablement dérivé (1802) du provençal charrá « faire conversation », issu d'un radical onomatopéique tcharr- « bruit confus de paroles » élargi par une finale exprimant l'embarras, le bégaiement (→ charade, charivari, charlatan). Le premier élément incite à rapprocher charabia du lyonnais charabarat « marché aux chevaux », dont le second élément représente l'ancien français barat « tromperie, tumulte » (→ baratin).
❏
Charabia a été appliqué (comme baragouin* et bredouille* l'est aux Bretons) comme sobriquet ethnique aux Auvergnats (XIXe s. av. 1835, le sens des premières attestations n'étant pas clair) à cause de leur prononciation palatisée du s, interprétée à tort par les Parisiens comme un ch-. Par généralisation, il a pris le sens moderne (1838) de « langage incompréhensible, à cause de son incorrection ou de son caractère hyper-spécialisé ».
❏
CHARABIAÏSER v. intr. (1859), repris par Queneau (1959), CHARABIER v. intr. (1873) et CHARABIATER v. intr. (1891), dérivés expressifs pour « parler en charabia », sont peu usités.
?
CHARADE n. f. est d'origine incertaine, probablement emprunté (1770) au provençal charrado « causerie, conversation », dérivé de charrá « converser, babiller » (→ charabia, charivari, charlatan), mot onomatopéique apparenté à l'italien ciarlare « jaser ».
❏
Le mot, dans sa première attestation, est glosé comme un terme régional (Languedoc) signifiant à l'origine « discours propre à tuer le temps ». Très vite, il s'est spécialisé (1777) pour désigner un jeu de langage, où les syllabes successives d'un mot (le tout) sont suggérées par les définitions d'homonymes monosyllabiques (le premier, le second), développant par extension le sens figuré de « chose bizarre, incompréhensible » (1835, Balzac, La Fille aux yeux d'or).
?
CHARANÇON n. m., attesté en 1370 selon Bloch et Wartburg, puis charenson (1465), charenton (1508), charanton (1546) et charanson (1611), charançon (1678), est d'origine controversée. L'étymon préférable semble être un gaulois °karantionos, dérivé par double suffixation (-nt- et -n-) du radical gaulois °ker-, °kar- désignant le cerf (voir ce mot), utilisé pour un insecte (→ cerf-volant). On a aussi proposé une dérivation de l'ancien français supposé °charenz, issu du participe présent substantivé du verbe latin °carire « ronger », lui-même issu de caries (→ carie), dont les dérivés désignent de petits insectes rongeurs.
❏
Le mot est le nom courant de petits coléoptères nuisibles qui s'attaquent notamment aux graines de céréales.
❏
CHARANÇONNÉ, ÉE adj., dont la forme moderne (1835) est la reprise de l'ancien charansonné enregistré par Cotgrave (1611), qualifie une denrée attaquée par les charançons.
L
CHARBON n. m. est issu (v. 1120) du latin carbo « charbon de bois, ce qui résulte de la combustion » et, dans les textes médiévaux, « charbon à usage graphique », « charbon de terre ». Par voie savante, le mot a donné le terme de chimie carbone*.
❏
Le mot désigne le résultat de la combustion du bois, utilisé comme source d'énergie. Dans charbon de terre (1251) ou seul, il a désigné une roche formée surtout de carbone non cristallisé, mélangé à d'autres minéraux, avant d'être en partie supplanté par houille* au XIXe siècle. Dans l'usage courant (français d'Europe) le mot employé seul désigne le combustible tiré de la houille, faisant partie des sources d'énergie non-renouvelables, fossiles, et entraînant des connotations assez fortes (couleur noire, salissure) ; en revanche en français d'Afrique, de la Réunion, le mot charbon évoque en général le charbon de bois.
◆
Pris au sens de « morceau, parcelle de charbon incandescent », il est entré dans quelques expressions figurées, dont être sur des charbons ardents qui fait allusion à l'ancienne ordalie médiévale.
◆
Par analogie de production, le mot désigne le résidu de la combustion incomplète d'une matière autre que le bois, en particulier d'un aliment (v. 1200).
◆
Au XVIe s., il est repris en médecine (v. 1560) comme appellation d'une maladie infectieuse, par emprunt au latin de basse époque carbo qui avait pris ce sens par analogie de couleur ; il désigne spécialement une maladie des végétaux (1701) et des animaux (1792).
◆
Nom d'un produit industriel constitué essentiellement de carbone, il passe dans le langage des arts graphiques, ce produit servant à dessiner (1635), et de la chimie et pharmacie (1821, charbon animal), à propos d'un produit obtenu par la calcination d'os, utilisé comme décolorant et anti-infectieux. Il est repris en physique pour un sous-produit de la distillation de la houille, très bon conducteur d'électricité (1888), et aux éléments techniques utilisant ce conducteur.
◆
L'expression aller au charbon viendrait, selon A. Simonin, de ce que des proxénètes poursuivis par la police se faisaient engager comme dockers, vers 1900, pour décharger les péniches de la Seine ou du canal Saint-Martin (mais on n'observe la locution, pour « aller au travail », qu'à partir de 1939).
❏
CHARBONNER v. tr. (v. 1190), « noircir avec du charbon (ou autrement) », signifie ensuite (1549) « dessiner au charbon, au fusain » et aussi (1830) « carboniser », sens archaïque. Comme intransitif, il correspond à « se réduire en charbon, sans flamber » et a pris une valeur technique (1911) « se ravitailler, en charbon (d'un navire) ».
◆
CHARBONNÉ, ÉE est adjectivé (1842 ; 1732 à propos de la maladie des végétaux).
◆
CHARBONNAGE n. m. (1379,
carbonnage) « action de charbonner », s'est diffusé au sens métonymique, « exploitation de la houille » (fin
XIVe s.).
◆
CHARBONNERIE n. f. (1590 ; 1521,
carbonnerie),
CHARBONNEUX, EUSE adj. (v. 1610) sont techniques ou littéraires.
◆
CHARBONNETTE n. f., diminutif, s'est employé (il est dans l'
Encyclopédie, 1765) à propos du bois coupé pour faire du charbon de bois. Le mot s'est conservé en Bourgogne, Champagne, Lorraine, pour le petit bois de chauffage.
◈
CHARBONNIER, IÈRE adj. et n. (fin
XIIIe s. ; fin
XIIe s.,
carboner) est issu du latin
carbonarius, dérivé de
carbo. Qualificatif d'animaux divers de couleur noire (fin
XIIIe s.), il est substantivé au féminin en ornithologie comme nom d'une mésange (1778) et comme nom d'un champignon à chapeau noir (aussi
russule charbonnière).
■
En histoire, il a traduit l'italien carbonaro « membre d'une société secrète révolutionnaire au XIXe s. », ses membres se réunissant dans les cabanes des charbonniers en Calabre et dans les Abruzzes ; mais on emploie aujourd'hui en français le mot italien (→ carbonaro). Charbonnerie a désigné (1838) le carbonarisme.
CHARCUTIER, IÈRE n., d'abord chaircuttier (1464), forme encore employée par Rousseau en 1762, puis charcuytier (1484), charcutier (1680), est dérivé, avec le suffixe caractéristique des noms de métiers, de chair* cuite*.
❏
Progressivement, le mot, qui désigne la personne qui fait commerce de viande et de préparations de porc, tôt distingué de boucher, a été démotivé jusqu'à ne plus être analysé par le locuteur moderne. Par métaphore, il a reçu assez récemment le sens péjoratif de « chirurgien maladroit et brutal » (1866), plus généralement « personne qui saccage un travail ».
❏
CHARCUTERIE n. f., d'abord
chaircuicterie (1549) forme usuelle jusqu'en 1671, désigne l'établissement du charcutier, sa profession et, avec une valeur collective, les produits alimentaires à base de chair de porc, de veau, de gibier (1802).
◆
En ce sens, il est altéré populairement en
CHARCUTAILLE n. f. (1939), mot probablement construit sur le modèle de
cochonnaille et suggérant les idées d'abondance et de variété. L'apocope
CHARCUTE n. f. est également entrée dans l'usage familier.
◈
CHARCUTER v. tr. (fin
XVIe s.) contient dès l'origine l'idée de maladresse, d'action grossière, « couper maladroitement (la viande) », qui explique que très tôt il a développé le sens de « tailler inconsidérément ou froidement dans les chairs vives de qqn », à propos d'un mauvais chirurgien (1690).
L
CHARDON n. m. est issu, sous la forme cardun (1086) puis chardon (1200), du bas latin cardo, forme altérée du latin impérial carduus « chardon, artichaut », lequel est à l'origine de carde* et des dérivés carder*, cardage* (cette opération textile se faisant à l'origine avec des têtes de chardon) et de cardon*, par le provençal cardoun désignant un légume.
❏
Le mot, qui désigne proprement une plante de la famille des Composées, s'est étendu à l'appellation de plusieurs plantes du même type.
◆
Par analogie d'aspect, il a donné son nom à la pointe en fer destinée à empêcher d'escalader un mur, une grille (XVIe s.) et a reçu quelques acceptions techniques (serrurerie, textile).
❏
CHARDONNERET n. m. (1479), nom d'un petit oiseau friand de graines de chardon, est probablement la forme altérée d'un type
°chardonerez. L'ancien français avait de nombreux termes pour désigner cet oiseau, tous dérivés de
chardon (
chardonneriaus, 1225-1230 ;
chardonnail, etc.).
■
Le synonyme CARDALINE, usité surtout en Provence, est emprunté (1838) au provençal cardalino, diminutif en -ino d'un représentant du bas latin cardella, du bas latin cardellus, latin impérial carduelis, de carduus. CHARDONNETTE n. f. (1530) désigne une espèce d'artichaut sauvage dont la fleur sert à faire cailler le lait.
■
CHARDONNER v. tr. (1583) s'emploie quelquefois comme synonyme de carder.
L +
CHARGER v. tr., d'abord carger (1080), chargier (1160-1174), également chergier (1299), puis charger (v. 1150), est issu du bas latin de même sens carricare, syncopé en carcare, dérivé de carrus « chariot » (→ char) proprement « mettre qqch. dans un chariot ».
❏
Le mot a toujours conservé l'idée de « mettre sur » tout en diversifiant ses sens selon le contexte et la nature concrète ou abstraite de son complément. Il a gardé la visée primitive d'un transport à effectuer (sur une bête de somme, un navire, puis un véhicule) jusque dans le sens moderne familier de « prendre un client en charge » (1929, d'un cocher, d'un taxi) et dans l'acception très particulière de
charger une lettre (voir ci-dessous chargé : lettre chargée).
◆
Il signifie également (1564) « munir (une arme à feu) de ce qui est nécessaire au tir » et, par extension, s'est appliqué à d'autres objets (pipe, appareil photographique, stylo) au sens de « garnir ». La même métaphore en électricité (1751) donne lieu à
charge (électrique), voir ci-dessous.
◆
En plusieurs emplois, dont les premiers sont antérieurs au
XIIIe s., il s'ajoute au verbe l'idée d'une abondance excessive, au figuré dans
une nourriture qui charge estomac (1611), plus souvent confiée à
surcharger.
◆
Dans un contexte militaire, il a pris le sens d'« attaquer violemment » (1195, avec complément ou absolument), avec l'ordre à l'impératif :
chargez !
■
Dès l'ancien français, il a développé des valeurs abstraites (XIIe s.) « accuser qqn » (fin XIIe s.), plus précisément en droit « aggraver les chefs d'accusation », d'où, psychologiquement, « exagérer les défauts de (qqn) pour le ridiculiser » (av. 1704) [Cf. caricature et ci-dessous charge].
◆
Avec une valeur neutre, il a le sens de « confier une fonction, une mission à (qqn) », dès le milieu du XIIe s. dans une construction disparue, remplacée par charger qqn de qqch. (1538). La forme pronominale se charger assume les sens de « prendre une charge à transporter » et abstraitement « prendre la responsabilité, la conduite d'une chose ».
Les emplois québécois pour « facturer », « demander (une certaine somme) pour qqch. », par calque de l'anglais to charge, constituent un homonyme.
❏
CHARGE n. f. (1170), d'abord
carge (v. 1130), désigne la chose qui pèse sur, ce que peut porter un homme ou un animal, un véhicule, un bâtiment puis, abstraitement, ce qui constitue un effort imposé (v. 1170,
être à charge). Du sens concret procèdent des extensions en art militaire (1564,
charges de poudre à canon) et en électricité pour « action de se charger d'électricité » (1752, trad. Franklin) puis « quantité d'électricité dont un corps est chargé », d'où
charge positive, négative.
◆
Du sens figuré procèdent diverses acceptions : « redevance » (1226), « fonction, mission » (v. 1225), spécialement en droit « responsabilité publique » (1580) et « fait qui pèse à l'encontre d'un accusé » (1437) d'où
témoin à charge.
◆
Ultérieurement, le mot reçoit le sens de « caricature » (1680), spécialement en littérature (1753) avec des syntagmes comme
portrait charge.
◆
La valeur active, « action de charger », est d'abord et surtout réalisée dans un contexte militaire comme dérivé du verbe
charger « attaquer » (1540), d'où au figuré
revenir à la charge, (1690) ; elle est plus rare dans son acception concrète (1690).
◆
L'anglicisme
(être) en charge de, « avoir la responsabilité de », usuel en français québécois, ainsi qu'à l'île Maurice (où les institutions sont du modèle britannique), tend à s'étendre en français d'Europe, dans les jargons administratifs et d'entreprise.
◈
CHARGEMENT n. m., qui n'a pas survécu au sens figuré d'« obligation » attesté une fois en 1253, a été repris au
XVIIe s. comme substantif d'action concret de
charger (1694), désignant aussi, par métonymie, l'ensemble des choses chargées, la cargaison (1694). Au
XIXe s., il est passé dans l'usage technique, désignant l'action de charger, de garnir une arme à feu (1874), un four (1890), une caméra (1946).
◆
Avec une valeur spéciale, le mot désigne le traitement applicable aux lettres, boîtes que les expéditeurs veulent assurer contre les risques de perte, de spoliation (1835) d'où, par métonymie, l'objet ainsi traité (1906).
◈
CHARGEUR, EUSE n., d'abord
chargeeur (1332), désigne la personne qui charge des marchandises et, dès 1495 — laissant entendre que le sens correspondant du verbe existait déjà — celui qui charge l'arme à feu.
◆
La première valeur a été reprise dans le nom d'une compagnie française de transports maritimes, les
Chargeurs réunis.
◆
Le mot a reçu, avec la valeur de « dispositif permettant d'approvisionner divers appareils », différents sens concrets (1890). Le féminin est surtout employé comme nom de la machine assurant le chargement ou le transport de charges diverses (1899).
◈
Le participe passé de
charger, CHARGÉ, ÉE est adjectivé à propos de nombreux contextes :
fusil, pistolet... chargé ; lettre chargée « qui contient des valeurs ». Une acception spéciale correspond à « embarrassé »
(estomac chargé, langue chargée). En français d'Afrique,
chargé, ée s'emploie à propos des personnes, pour « surchargé, accablé (de travail, de charges) ». Un emploi spécial concerne l'électricité, pour « qui porte une charge électrique »
(chargé positivement, négativement). Au figuré,
chargé, alors littéraire ou archaïque, se dit pour « excessif, exagéré »
(un récit chargé).
◆
Chargé de s'emploie concrètement pour « couvert, garni de »
(un ciel chargé de nuages), et dans le domaine humain, pour « couvert, accablé » (
être chargé d'ans, expression archaïque). Une valeur très vivante est « responsable », dans la vie privée (
être chargé de famille) ou professionnelle
(chargé de mission). Les syntagmes lexicalisés sont alors substantivables, formant des composés.
◆
CHARGÉ(E) D'AFFAIRES (1790 au masculin) se dit d'un agent diplomatique représentant un État.
CHARGÉ(E) DE COURS, en France (1866), d'un professeur délégué dans l'enseignement supérieur, n'appartenant pas à une université.
CHARGÉ(E) D'ENSEIGNEMENT et
CHARGÉ(E) DE RECHERCHE désignent en France des statuts dans l'enseignement et la recherche (C. N. R. S.)
Elle est chargé ou
chargée d'enseignement. CHARGÉ(E) DE MISSION s'applique à une personne engagée pour une mission (administrative, gouvernementale) précise.
◈
DÉCHARGER v. tr., à rapprocher du bas latin
discaregare au
VIe s. (de
discarricare), signifie proprement « ôter le chargement » (v. 1080), le complément d'objet désignant soit la bête de somme, le lieu, la personne supportant la charge (1130-1160), soit l'objet que l'on déplace (
XIIIe s.). Dès l'ancien français, il reçoit des sens figurés tournant autour de l'idée de « libérer, soulager », spécialement d'une obligation (v. 1220), d'une accusation en justice (v. 1283), d'une dette (1287), d'un problème de conscience (v. 1360), ou d'un sentiment, dans les syntagmes
décharger son cœur (1508),
sa bile, sa colère (1538).
◆
Les acceptions techniques spécialisées apparaissent en moyen français avec
décharger une arme « tirer » (1477), puis « ôter la charge de (une arme à feu) » (1680). La forme pronominale
se décharger (1559) s'applique à un liquide ou un cours d'eau qui se déverse d'où, par métonymie, à un tissu qui déteint (1680).
◆
Décharger lui-même acquiert d'autres acceptions en typographie (1794), marine (1694), électricité (1808).
◆
Il a aussi la valeur érotique d'« éjaculer ».
■
Il a produit la dérivation habituelle : DÉCHARGEMENT n. m. (1272) et surtout DÉCHARGE n. f. (1306), qui a pris de nombreuses valeurs techniques notamment en électricité (1752, trad. Franklin) et, dès le XIVe s., le sens figuré de « délivrance », servent de substantifs d'action.
■
DÉCHARGEUR n. m. (1241) lui fournit un nom d'agent, ouvrier ou (1811) machine, aujourd'hui archaïque.
■
DÉCHARGEOIR n. m. (1548-1550) désigne le conduit par lequel s'écoule le trop-plein d'un réservoir, d'un étang, sens avec lequel il a supplanté le moyen français deschargeur (1419) et imité l'ancien provençal descarguador (v. 1200). Depuis 1680, il est également attesté comme nom du cylindre autour duquel le tisserand roule la toile.
◈
RECHARGER v. tr., d'abord
rechargier (v. 1160), a échangé son ancienne valeur intensive « ajouter à la charge » pour une valeur itérative « charger de nouveau » (v. 1268), avec la plupart des sens concrets du simple, y compris avec celui de « diriger une nouvelle charge contre l'ennemi » (1564) d'où, au figuré, « insister, faire une nouvelle démarche » (1564), aujourd'hui éliminé par
revenir à la charge (1564).
■
RECHARGEMENT n. m. (XVe s.), après une attestation isolée (requierquement), est repris au XIXe s. comme substantif d'action (1835).
■
RECHARGE n. f. (1433) a eu les sens « charge, mission donnée à qqn » et « action de revenir à la charge » (1587), sortis d'usage.
◆
Il s'est spécialisé comme appellation concrète de ce qui permet d'approvisionner de nouveau un appareil (1611).
◈
SURCHARGER v. tr., d'abord
sorchacier (déb.
XIIIe s.), avant
surcharger (
XVIe s.), exprime l'idée de « charger à l'excès » au propre (
surcharger l'estomac, 1588, Montaigne), puis dans un contexte esthétique (1623, à propos d'ornements), puis aussi au figuré, spécialement dans un jugement esthétique (1746, du style).
◆
Il se dit pour « charger d'impôts à l'excès » (1624).
◆
Au
XIXe s., ce verbe reçoit le sens de « recouvrir une chose par une autre » (1832), dans quelques domaines précis, rédaction d'un écrit, typographie (1933), peinture (1962).
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SURCHARGE n. f. (déb. XIVe, puis XVIe s.) assume à la fois la valeur de « nouvelle charge, surplus de poids » et celle de « charge excessive » (déb. XVIe s.), quelquefois au figuré (1738, Voltaire), spécialement dans le domaine artistique (1788). Il désigne aussi une chose qui en recouvre une autre, en parlant d'un mot (1636), d'une impression typographique sur un timbre-poste (1933), d'une partie peinte par-dessus une autre dans un tableau (attesté 1964 dans les dictionnaires généraux).
❏ voir
CARGAISON, CARGO, CARGUE, CARICATURE.
CHARIA ou SHARIA n. f. est un emprunt à l'arabe shari᾿a, littéralement « voie », pour désigner la loi religieuse canonique de l'islam. L'emploi du mot dans les langues emprunteuses (shariat en anglais, 1855), dont le français, insiste sur l'aspect politique de l'application de la charia, qui concerne à la fois la vie sociale et la vie privée, en l'associant avec la notion d'islam intégriste, de république théocratique islamiste.
CHARISME n. m. est la francisation savante et tardive (1879) du grec chrétien kharisma « don, faveur, grâce d'origine divine » (Philon), attesté depuis saint Paul au sens précis de la théologie catholique, « don surnaturel accordé à un croyant ou à un groupe de croyants pour le bien de la communauté ». Le mot est dérivé de kharizein « être agréable à qqn, faire plaisir, être complaisant, pardonner » et, au passif, « être agréable ». Ce verbe est apparenté à kharis « grâce », avec les spécialisations « beauté », « gloire », à la fois « faveur de qui accorde » et « reconnaissance de qui reçoit », concrètement « faveur », en particulier « faveurs érotiques ». Ce substantif abstrait, très ancien, est très probablement un déverbatif de khairein « se réjouir, être heureux, aimer » (→ cerfeuil) ; il n'a pas de correspondant exact mais, avec un autre vocalisme, on en rapproche l'arménien ancien jir (moderne jirḱ) « don, grâce ».
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Attesté dans l'Histoire des origines du christianisme (Renan), charisme est un terme de théologie catholique. Il est passé dans le domaine de la sociologie politique avec le sens d'« autorité, fascination irrésistible qu'exerce un homme sur un groupe humain » (v. 1960).
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CHARISMATIQUE adj. (1928), dérivé de charisme d'après le grec °kharismatikos, et d'autres adjectifs en -ique (pragmatique), qualifie ce qui est relatif aux charismes et, en sociologie politique, celui qui est doué d'un pouvoir de fascination.
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Son dérivé CHARISMATISME n. m. (1957) est strictement un terme de théologie.
CHARITÉ n. f., d'abord caritet (v. 980), puis charité (v. 1170), est la francisation du latin caritas, tatis, dérivé de l'adjectif carus (→ cher), à la fois « cherté, prix élevé » et figurément « tendresse, amour, affection ». Dans la langue de l'Église, caritas a servi à traduire le grec agapê (Cf. agape) « amour » qui désigne en grec chrétien la plus haute des trois vertus théologales, l'amour de Dieu et du prochain en vue de Dieu. Le sens concret de « don, aumône » est attesté depuis le IIIe s., et celui de « repas de bienfaisance » depuis le VIe siècle.
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Le mot est passé en français comme nom de la vertu théologale, l'amour de Dieu et du prochain ainsi que l'amour parfait qui est en Dieu. Au XIIe s., il commence à désigner à la fois l'attitude ou le sentiment de générosité envers les pauvres (v. 1175) et, concrètement (une charité), un don, une aumône (1172-1176), précisément un repas offert aux voyageurs dans les monastères (1160-1174). Le proverbe charité bien ordonnée commence par soi-même est le calque maladroit d'une locution du latin médiéval, peu conforme à l'esprit de charité évangélique.
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Du sens moral viennent également les noms des ordres religieux Frères de la charité (v. 1550), Sœurs de la charité (1688) et, par métonymie, les noms des hôpitaux desservis par ces ordres (1694). D'autres syntagmes, dames de charité (1835 ; après dames de la charité, 1688), bureau de charité (1770), bal, vente de charité expriment diverses manifestations de la charité dans la vie sociale. Désignant un sentiment de bonté, de bienfaisance (1662), il est surtout vivant dans la locution avoir la charité de... où il s'affaiblit.
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Le dérivé
CHARITABLE adj. qualifie la personne qui a de la charité envers son prochain (1172-1175) et, par métonymie, un acte manifestant ce sentiment (1250-1300), quelquefois avec une nuance ironique
(mensonge charitable). Son dérivé
CHARITABLEMENT adv. (v. 1300) a le même sémantisme.
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CARITATIF, IVE adj., emprunté (déb.
XIVe s.) au latin médiéval
caritativus, est resté rare à côté de
charitable. Abandonné après 1611, signalé en 1838 par l'Académie avec la mention « vieux », il ne s'est répandu qu'au
XXe s. dans la terminologie des mouvements catholiques d'action charitable. Cette acception est probablement empruntée à l'anglais
caritative (1884), d'abord employé en économie politique.
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CHARIVARI n. m., d'abord chalivali (1316) puis charivari (v. 1370), est d'origine incertaine, peut-être issu du bas latin caribaria, attesté dans une traduction d'Oribase (VIe-VIIe s.), et calqué du grec karêbaria « lourdeur de tête, mal de tête » (de kara « tête » → chère, et -baria, de barus « lourd » → baryton), formation expressive apparentée au provençal charrar (charabia) et au lyonnais charabarat « bruit sauvage ». L'hypothèse d'une origine sémitique, hébreu ḥaverim, pluriel collectif de ḥaver « personne appartenant à une communauté israélite » par allusion aux célébrations bruyantes de certains événements, demanderait à être approfondie, notamment du point de vue historique. Un rattachement à l'ancien français harer « exciter les chiens », terme de chasse (→ haret) fait difficulté, en l'absence d'une attestation du type °harivari. Cependant, hari, cri pour faire marcher les bêtes, et hari-hari exprimant la moquerie (XIIIe s.), ont pu contribuer au maintien du premier i de charivari. L'hypothèse d'une formation tautologique de charrier « tourmenter » (en moyen français) et varier, apparenté au provençal varai « remue-ménage », est peu fondée, notamment pour le premier élément.
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Le sens de « tapage accompagnant un remariage ou un mariage mal assorti » (encore connu des ethnologues) s'est étendu à celui de « tapage, chahut » (XVe s.), en particulier en parlant d'une musique discordante (1690).
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Les dérivés CHARIVARISER v. (1706), CHARIVARIQUE adj. (1839) et CHARIVARESQUE adj. (1872), ce dernier formé sur le nom d'un journal satirique de l'époque, sont peu usités.
CHARLATAN n. m. est emprunté (1572) à l'italien de même sens ciarlatano (XVe s.), lequel est issu du croisement de cerretano, littéralement « habitant de Cerreto », d'où au figuré « crieur sur les marchés », « bonimenteur, marchand de drogues », — Cerreto est le nom d'un village près de Spolète dont les habitants vendaient souvent des drogues sur les marchés —, et de ciarlare « bavarder », formation expressive correspondant au provençal charrá (→ charabia, charade).
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Le mot désigne un bateleur, souvent péjorativement un vendeur ambulant qui débitait des drogues sur les marchés et arrachait les dents d'où, par extension, tout imposteur exploitant la crédulité publique (1668).
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Il n'a pas cette valeur négative en français d'Afrique, où il désigne celui qui a des pouvoirs de devin.
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En sont dérivés CHARLATANERIE n. f. (1575) ; CHARLATANER v. (1578) « faire le charlatan », archaïque ; CHARLATANESQUE adj. (av. 1598) et, relativement plus courant, CHARLATANISME n. m. (1736), « attitude du charlatan », au propre et au figuré et, en français d'Afrique, « pouvoirs magiques du sorcier, du guérisseur appelé charlatan ».
CHARLEMAGNE (FAIRE) loc. v. est formé (v. 1800, Vidocq) du nom de l'empereur Charlemagne par allusion au fait que celui-ci était resté en possession de toutes ses conquêtes à la fin de sa vie. Le roi de cœur, dans le jeu de cartes moderne, portant le nom de Charlemagne (parfois seulement Charles), l'allusion à ce personnage se comprend mieux sans que l'on puisse affirmer que l'expression soit issue d'un coup du jeu permettant de gagner la partie avec le roi de cœur : l'expression apparaît d'abord au jeu de la bouillotte, sorte de brelan dont les règles ne laissent pas prévoir de coup particulier à l'aide du roi de cœur.
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L'expression s'emploie au jeu avec le sens « se retirer vainqueur sans offrir de revanche à ses adversaires ».
CHARLESTON n. m. est emprunté (1925) à l'anglo-américain charleston (v. 1923), nom d'une ville de la Caroline du Sud, donné par les Noirs américains à une danse.
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En 1925, la Revue nègre du théâtre des Champs-Élysées présente pour la première fois cette danse où l'on agite les jambes sur le côté en serrant les genoux. Elle connut un grand succès en Europe dans les années 1920, donnant son nom à un style de robe (robe charleston). Le mot désigne aussi la musique sur laquelle cette danse se dansait.
CHARLOT est un diminutif populaire de Charles, prénom.
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Ce fut une désignation populaire du bourreau (1744, Vadé), parce que plusieurs Sanson, bourreaux de Paris, portaient ce prénom. La
bascule à Charlot a désigné la guillotine.
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Les valeurs modernes utilisent le nom français du personnage de Charlie, créé par Charles Chaplin. Elles correspondent en partie à rigolo, à guignol, à clown, pour « personnage insignifiant, incompétent », « pauvre type, incapable ».