L 1 CHÂSSE n. f., d'abord casse, forme normande (v. 1150), puis châsse (1680), est issu du latin capsa (→ caisse, chas) dans son sens spécialisé en latin médiéval « coffret richement travaillé renfermant une relique » (v. 720).
❏  Le mot, terme d'art religieux désignant un grand coffret renfermant les reliques d'un saint, a évincé son ancien synonyme fiertre. Il est entré dans la locution ironique être paré comme une châsse (1718, être doré comme une châsse) à propos d'une personne somptueusement habillée. Il a développé des sens techniques : « manche d'un couteau pliant » (1184) et « cadre maintenant une pièce en place » (v. 1375), ce dernier concurrencé par le dérivé châssis. Par extension, châsse s'emploie en bijouterie en parlant d'une cage de verre protégeant un objet précieux (1285).
❏  CHÂSSIS n. m., d'abord chasiz (v. 1160), a d'emblée le sens technique de « cadre d'une fenêtre ». Par extension, il désigne le cadre sur lequel on fixe une toile pour peindre (1372), un cadre de bois maintenant toile, papier, verre... (1535) et, par métonymie, l'ensemble formé par le cadre et la surface encadrée. À partir du XVIe s., toujours avec l'idée de « cadre », il prend divers sens spéciaux, en menuiserie (1532), imprimerie (1611), architecture (1694), horticulture (1694), théâtre (1753, à propos des décors), photographie (1866). ◆  En français du Canada, le mot s'emploie par métonymie pour la fenêtre entière, tout en gardant le sens premier de « cadre de fenêtre ». Châssis double : « cadre supplémentaire permettant de doubler une fenêtre ; double vitrage ».
■  Dans la seconde moitié du XIXe s., châssis commence à désigner l'armature métallique supportant le moteur, la carrosserie d'un véhicule, d'abord en parlant d'une locomotive (1866) puis d'une automobile (1888). De là le sens métaphorique de « silhouette, conformation du corps féminin » (1929), par exemple dans un beau châssis. ◆  La valeur métaphorique de châssis pour « œil » (1803) fait allusion à la fenêtre encadrée ; elle est populaire ou familière ; elle est à la source du dérivé régressif 2 CHÂSSE n. m. (1833), quelquefois employé au féminin.
ENCHÂSSER v. tr., d'abord encasser (v. 1120), précède dans les textes l'emploi de châsse en orfèvrerie ; il exprime l'action de loger des pierres précieuses dans une monture. Il correspond aussi au sens religieux du substantif et s'emploie au sens figuré d'« intercaler, insérer une phrase, un son », dans l'usage littéraire.
■  ENCHÂSSEMENT n. m., d'abord enchacement (1385), présente le sens concret de « châssis, cadre », issu par métonymie de celui de « action d'enchâsser », enregistré en 1611. ◆  Enchâsser et enchâssement, par calque de l'anglais, s'emploient en linguistique formelle.
■  ENCHÂSSURE n. f., d'abord enchasseure (fin XIVe s.), avec une vocation plus concrète, désigne le support dans lequel une chose est enchâssée et, quelquefois, la manière dont elle l'est.
CHASSELAS n. m., d'abord chasselat (1673), puis chacelas (1680) et, conformément à la graphie moderne du nom propre, chasselas (1718), est tiré du toponyme Chasselas, commune de Saône-et-Loire, proche de Mâcon, où fut d'abord cultivé ce cépage pour la production de raisin de table.
❏  Le mot désigne une variété de raisin de table estimée pour la délicatesse de sa chair et, par métonymie, un vin blanc issu du cépage de même nom.
CHASSEPOT n. m. est tiré (1866) du nom de l'armurier français A. Chassepot (1833-1886) à qui l'on doit l'invention de ce fusil de guerre à aiguille utilisé de 1866 à 1874.
L CHASSER v., d'abord chacier (1130-1160), cachier et cassier (deux formes attestées en ancien picard, XIIIe s.), prolonge un bas latin °captiare qui a progressivement éliminé le latin venari « poursuivre les animaux » (→ vénerie, veneur). °Captiare, avec une spécialisation de sens à rapprocher de captiosus (→ captieux) et employé dans une lettre du prêtre africain Stéphane au sens de « relatif à la chasse » (XIe s.), est une forme parallèle de captare (→ capter), fréquentatif de capere (→ capable, capacité) signifiant « chercher à prendre, à saisir », « convoiter » et « capter ».
❏  Le verbe exprime l'idée de « poursuivre les animaux pour les tuer ou les capturer » en emploi transitif et absolu (av. 1188) ; les valeurs particulières du verbe découlent de celles qu'a prises dans l'histoire la notion de chasse (ci-dessous). Par extension, dès le XIIe s., il signifie « pousser en avant (une personne) » (v. 1160), « faire avancer devant soi (un animal) » (1172-1175). ◆  Avec l'idée supplémentaire d'un contact brutal, ce verbe a eu le sens technique de « frapper violemment (une chose) pour la faire entrer dans une autre » (fin XIIe s.) dont procède la locution figurée un clou chasse l'autre (1690), comprise aujourd'hui d'après un autre sens usuel de chasser, « pousser dehors » (1172-1174). Ce dernier a donné, après le moyen âge, le sens figuré de « priver d'un emploi » (1576) et, à partir du XIXe s., le sens abstrait de « dissiper » (chasser les soucis, les illusions).
■  Au XVIIe s., le verbe commence à s'employer intransitivement en marine, en parlant d'un navire poussé dans une certaine direction (1678, chasser sur ses ancres ; dès 1545, chasser absolument), et en typographie, à propos d'un caractère qui occupe plus d'espace que prévu (1688). ◆  Par extension du sens premier, il est appliqué aux nuages poussés par le vent (1797), emploi qui est à l'origine du belgicisme « venter, souffler », puis aussi, techniquement, à une figure de danse (1835), d'abord au participe passé substantivé chassé (1752), qui a produit chassé-croisé (ci-dessous) et à une automobile qui patine par manque d'adhérence au sol (1929), plus particulièrement à ses roues (1954). Le groupe des sens intransitifs du verbe est quasiment détaché de celui des sens transitifs, comme chasse d'eau l'est de chasse à courre.
❏  CHASSE n. f., d'abord chace (1167-1170), a exprimé une idée de « chevauchée rapide », dans l'ancienne expression a chace « à bride abattue » (1167-1170), et a pris rapidement le sens usuel de « poursuite des animaux » (v. 1175) et plus généralement de « poursuite » (v. 1175). On ne parlera de chasse à l'homme qu'au XIXe s. (Balzac, 1841), mais un texte du XVe s. se référait déjà à la poursuite en mer avec la locution donner la chasse. De là à escadrille de chasse (1931), avion de chasse (1936) et, par métonymie, chasse (1937, la chasse ennemie), en aviation, il n'y avait qu'un pas, de nature technique et non linguistique. ◆  Dans son sens initial et dominant, le nom, comme le verbe, désigne une réalité sociale qui a changé. Phénomène archaïque, la chasse est, dans notre civilisation, d'abord liée à la société féodale. Elle est passée du rôle de pourvoyeuse de viande fraîche à celui de sport pour la classe dominante. Puis, avec l'apparition et surtout la diffusion des armes à feu, elle s'est modifié et démocratisée : dans le monde du fusil, de la carabine et du permis de chasse, la poursuite de gibier pratiquée sans tir, avec chevaux et chiens, doit recevoir une désignation spécifique. C'est ce qui explique la survivance de vénerie* et le maintien du syntagme chasse à courre (→ courre). Les syntagmes chasse à tir, chasse au fusil, utiles lorsque chasse faisait d'abord penser à la vénerie, sont aujourd'hui vieillis ou administratifs : on dit chasse, sans plus. ◆  Par métonymie, le mot a reçu plusieurs valeurs : « gibier pris » (1635), « ensemble des chasseurs et de leur équipage » (1690) et « terre où l'on chasse » (1690) ; il désigne aussi l'air de musique qui reproduit les airs utilisés dans les chasses à courre (1635).
■  Aux sens techniques du verbe correspondent des sens dont le plus usuel est « écoulement rapide d'un liquide » (1549), notamment dans l'expression chasse d'eau (1901), apparue sans doute avec les « cabinets à l'anglaise ».
CHASSEUR, EUSE n., d'abord chaceür (déb. XIIe s.), a désigné un cheval de course, par opposition au palefroi. Jusqu'au XVIIe s., le mot sert essentiellement à désigner celui qui s'adonne à la chasse, valeur qui a évolué avec l'histoire de la chasse. Par extension, il s'applique à la personne qui cherche à se procurer qqch. avec ardeur (1835), entrant dans des expressions dont certaines calquent une expression anglaise avec hunter (chasseur de primes, chasseur de sorcières). ◆  Par l'intermédiaire du sens de « domestique occupé à chasser pour son maître » (1718), il a désigné un valet en livrée de chasse (1787 Laclos), puis un domestique en livrée attaché à un hôtel, un restaurant (1890). ◆  En relation avec l'emploi de chasser et chasse dans le domaine militaire (marine, aviation), le mot est devenu le nom d'une compagnie militaire instituée en 1670, d'abord à pied puis à cheval (1743), la dénomination étant adoptée pendant la Révolution (1793). Il est passé en marine (1831) et dans l'aviation (1937). ◆  L'emploi du mot en cuisine (lapin chasseur), sémantiquement bizarre, est métonymique pour « lapin préparé avec une sauce chasseur », d'abord réservée à un produit de la chasse.
■  Le féminin chasseuse (1551), relativement rare dans une activité traditionnellement virile, n'a pas éliminé le doublet CHASSERESSE n. et adj. f. (av. 1305), maintenu dans l'usage poétique et dans l'expression Diane chasseresse.
La forme verbale (il, elle) chasse connaît, dès l'ancien français, une grande vitalité dans la formation de substantifs (en général masculins) dans la langue de la technique et le langage populaire, de CHASSE-MARÉE n. m. (1260, cacemaree comme anthroponyme) à CHASSE-MOUCHES n. m. (1555) et à CHASSE-NEIGE n. m. (1834).
■  CHASSÉ-CROISÉ n. m., formé (1839) avec deux participes passés substantivés, est probablement à l'origine un terme de chorégraphie, même si la chronologie des attestations donne d'abord le sens figuré, puis le sens technique en danse (1863).
CHASSE-GALERIE n. f., cortège aérien, dans la légende canadienne, de personnes ayant conclu un pacte avec le démon, et qui sont transportées dans un canot volant là où ils veulent, dans un vacarme effrayant. Le mot désigne d'abord la légende.
POURCHASSER v. tr. (1080), d'abord en emploi pronominal au sens ancien de « s'évertuer à », fonctionne comme le doublet intensif de chasser avec le sens figuré de « chercher à obtenir » (v. 1140) et le sens propre « poursuivre avec acharnement » (mil. XIIe s. ou apr. 1250). ◆  Son dérivé POURCHASSEUR, EUSE n. (XIIIe s.) est rare. ◆  Quant au déverbal POURCHAS n. m. « peine, effort » (v. 1140), il ne s'emploie plus que par archaïsme pour l'action de poursuivre, en particulier, le fait de rechercher les faveurs d'une femme (1534).
❏ voir CATCH.
L CHASSIE n. f., d'abord chacide (v. 1100) puis chacie (XIIIe s.) et chassie, est probablement issu d'un latin vulgaire °caccita, dérivé du radical de cacare (→ chier) avec réduplication expressive de la consonne et finale d'après pituita (→ pituite). °Caccita est attesté sous la forme cacida notée entre les mots scabiosus « galeux » (→ scabieuse) et pituita dans les Notes tironiennes. Le recours au grec kakkê « excrément » ou au gaulois °caccos pour expliquer le radical redoublé °cacc- ne semble pas nécessaire.
❏  Le mot désigne l'humeur onctueuse et jaunâtre sécrétée sur le bord de la paupière ; il est assez rare.
❏  CHASSIEUX, EUSE adj., d'abord chacios (v. 1125) puis chacieux (1342), peut-être formé d'après le latin tardif cacidosus, qualifie la personne qui a de la chassie, ainsi que les yeux.
CHÂSSIS → 1 CHÂSSE
CHASTE adj. est issu, par voie demi-savante (1130-1140), du latin religieux castus « qui se conforme aux règles et aux rites » correspondant au sanskrit c̥iṣṭaḥ « éduqué, bien dressé » (→ peut-être caste). Sous l'influence de castus, participe passé de carere « manquer de » (→ carence) avec lequel il s'est confondu, produisant une forme cassus, il a pris le sens second de « pur, exempt de » et, absolument, « exempt de fautes et d'impuretés » d'où « vertueux, pur » (par opposition à incestus → inceste).
❏  Le mot, passé en français par l'intermédiaire des auteurs chrétiens, qualifie une personne pure, vertueuse, sens aujourd'hui dominant mais rare à l'époque classique. Il qualifie aussi une chose (fin XIIe-déb. XIIIe s.) concrète ou abstraite, avec une valeur symbolique (1552, chaste feu) et, spécialement dans le domaine littéraire (av. 1676) et artistique, une représentation.
❏  L'adjectif a pour dérivé CHASTEMENT adv. (v. 1135).
■  CHASTETÉ n. f. (1180), emprunt savant au dérivé latin castitas « pureté », d'abord employé en parlant des vestales, et repris par les auteurs chrétiens, a éliminé l'ancien français chastée (v. 1121) encore attesté au XVe s., adaptation demi-savante du même mot latin correspondant à chaste. ◆  Chasteté désigne la pudicité, en particulier l'abstinence des plaisirs de la chair prescrite en religion (1656-1657, Pascal). Sa spécialisation dans le domaine artistique apparaît chez les théoriciens du classicisme (av. 1654).
❏ voir CHÂTIER.
L CHASUBLE n. f. est issu (1175) du bas latin casubula d'où casubla, d'origine controversée, probablement altération du bas latin casula « manteau à capuchon » puis (IXe s.) « vêtement enveloppant sans manches ». Celui-ci est un emploi figuré de casula « petite cabane », diminutif de casa (→ case). L'hypothèse d'un étymon bas latin °casupula « cabane à toit arrondi », issu du croisement de casula et de capula « petite cuve » (→ coupole), pose des problèmes sémantiques.
❏  Le mot désigne un vêtement sacerdotal et, par extension, un type de vêtement féminin enveloppant (1893), en apposition dans robe chasuble, manteau chasuble.
L 1 CHAT n. m. est issu (v. 1175) du latin tardif cattus ou gattus (IVe s.) lequel a remplacé feles (→ félin) et vient probablement d'une langue africaine (le berbère et le nubien ont des termes proches). Le latin paraît à l'origine des noms romans (italien gatto) mais aussi celtiques (anglais cat), germaniques (allemand Katz) et slaves (russe kot).
❏  C'est à la fois le nom de l'espèce zoologique et couramment celui d'un petit animal domestique, en particulier celui du mâle de l'espèce, à côté du féminin chatte, d'abord chate (1200-1250). L'expression chat sauvage s'est étendue, après avoir désigné le haret, à d'autres espèces (au Québec, « raton laveur »). De même, en français du Viêtnam, on a appelé chat doré, chat marbré, chat pêcheur, plusieurs félins sauvages. ◆  Le mot chat a inspiré de nombreuses locutions, surtout au masculin (alors que les mêmes, en italien, sont réparties entre le masculin et le féminin) parfois en opposition à chien*, rat* ou souris*. On peut citer ne pas trouver un chat (av. 1778) « ne trouver personne », puis (il n'y a) pas un chat « il n'y a personne » ; ou encore avoir un chat dans la gorge (1835). Certaines méritent un éclaircissement : écrire comme un chat (1853) se comprend à partir du jeu de mots paronymique sur griffe / greffe et de greffier*, nom argotique moderne du chat ; donner sa langue au chat est une atténuation de jeter sa langue (à manger) aux chiens, féroce automutilation symbolique. Plus explicable, acheter chat en poche, en Belgique, acheter un chat dans un sac, « acheter qqch. sans l'avoir vu, sans bien connaître ce que c'est ». Le mot sert aussi d'appellatif affectueux (1672, mon petit chat, Sévigné) et donne son nom à plus d'un jeu de poursuite (1852, chat perché).
■  Il a reçu plusieurs sens spécialisés fondés sur une analogie avec la forme d'une partie du corps de l'animal ou avec sa démarche souple. Il désigne une sorte d'instrument muni de griffes que l'on introduisait autrefois dans une bouche à feu pour s'assurer qu'il n'y avait pas de dépression (1704). Chat à neuf queues sert d'appellation du martinet (1845), par calque de l'anglais cat o'nine tails. ◆  Le sens argotique « sexe de la femme », assumé tant par le masculin (XVIIIe s.) que par le féminin CHATTE, également sous la forme argotique CHAGATTE, forme provenant d'un code en ga- (v. 1950), est probablement dû à une rencontre homonymique avec chas* « trou, fente ».
■  Chat s'emploie comme élément de composition dans poisson-chat et dans des expressions (en chorégraphie, saut de chat [1611 puis 1931], en météorologie, queue de chat « petit nuage blanc allongé »). ◆  Chatte, en français de la Guyane, désigne d'après le créole une coiffe de femme.
❏  En sont dérivés CHATIÈRE n. f. (v. 1278) et 2 CHATON n. m. (1261) qui, par analogie d'aspect avec la queue d'un jeune chat (forme, douceur), est aussi un terme de botanique (1531).
■  Avec une idée figurée de douceur insinuante, le féminin a produit CHATTERIE n. f. (1558), spécialt « caresse » (1845) et CHATTEMITE n. f. (1295) de chatte et de mite, ancien nom populaire du chat, appellation familière pour une personne affectant des manières doucereuses et hypocrites pour tromper qqn.
Chat est aussi à l'origine de CHATOYER v. intr. (1742), d'après l'image des reflets de l'œil du chat dans l'obscurité, d'où CHATOYANT, ANTE adj. (1760), et CHATOIEMENT n. m., d'abord chatoyement (av. 1788). Ces trois mots sont démotivés en français moderne.
❏ voir CHAFOUIN, CHAGRIN, CHAT-HUANT et aussi CHAT-PARD.
2 CHAT n. m. est un emprunt écrit (attesté en 1999) à l'anglais chat « bavardage », dans son usage en informatique.
❏  Prononcé tchat, qui serait une graphie préférable en français, le mot concerne la communication en temps réel sur Internet par échange de messages écrits, et la conversation écrite entre internautes, en général sous des pseudonymes.
❏  Le dérivé CHATTER v. intr. (1998) est parfois écrit tchatter.
L CHÂTAIGNE n. f., d'abord chastaigne (1180), est issu du latin castanea désignant à la fois l'arbre et le fruit, mot qui a passé dans les langues romanes, ainsi qu'en germanique et en celtique. Le latin est lui-même un emprunt au grec kastanea, de kastana (m. pl.) « châtaignier », mot probablement originaire d'Asie Mineure, également emprunté en arménien (kask, kaskeni « châtaignier »).
❏  Le mot français désigne seulement le fruit et par analogie, en emploi qualifié ou déterminé, d'autres fruits (1561, chastaigne d'eau) et, par analogie d'aspect avec la bogue, l'oursin appelé (1564) chastaigne de mer. ◆  Le langage populaire l'utilise au sens figuré de « coup de poing » (1866 ; déjà en 1635, au sens de « coup sur les doigts ») de même que sa variante méridionale castagne* (Cf. aussi marron). Prendre une poignée de châtaignes se dit dans quelques régions pour « recevoir une décharge électrique ». ◆  Par analogie, le mot s'emploie parfois en français d'Afrique pour « fruit de l'arbre à pain », et surtout, en Guyane, à Haïti, « fruit d'une variété d'arbre à pain, qui, lorsqu'il est jeune, est garni de pointes simples (comme une bogue de châtaigne) » ; l'arbre lui-même est appelé châtaignier.
❏  Le dérivé CHÂTAIGNIER n. m. a d'abord eu les formes chastenier (v. 1100, encore en 1560), chastaignier (v. 1165) et castegnier (1370, en ancien normand). Le mot désigne l'arbre et, par métonymie, son bois, pour bois de châtaignier (1694). ◆  Une châtaignier, au féminin (1697), est une ellipse pour pomme de châtaignier (1571) désignant une pomme rougeâtre de chair farineuse.
CHÂTAIN, AINE adj., d'abord chastaigne (fin XIIe-déb. XIIIe s.) en emploi adjectif puis châtain (av. 1345, chastain) et châtaine (1839, Balzac), qualifie ce qui est couleur de châtaigne. L'adjectif, s'appliquant surtout aux cheveux qui ne sont ni blonds, ni bruns, est substantivé pour désigner une personne aux cheveux de cette couleur (1704) et le coloris de la châtaigne elle-même.
CHÂTAIGNERAIE n. f., d'abord chastaigneraye (1538), désigne un terrain couvert de châtaigniers.
■  CHÂTAIGNER v. (1927) constitue un synonyme rare de castagner* « se battre », d'usage familier.
L 1 CHÂTEAU n. m., d'abord castel en ancien provençal (fin Xe s.), puis chastel (1080) et château d'après le pluriel chastaus (1174), est issu du latin castellum « forteresse », « château d'eau » et, en latin médiéval « citadelle » « ville fortifiée, oppidum » (VIIIe s.) ; il est passé dans de nombreuses langues européennes (italien castello, espagnol castillo, portugais castelo, anglais castle). Castellum est dérivé, par suffixation diminutive de castrum « retranchement, lieu fortifié » (d'abord en parlant d'une propriété gardée ou retranchée). Ce mot est apparenté à castrare (→ castrer, châtrer) « couper, émonder », avec l'idée d'une séparation. Au vocalisme près, castrum est à rapprocher du sanskrit çastrám « instrument tranchant », à côté de çásati « il coupe ».
❏  Le sens du mot a évolué avec l'histoire de la bâtisse qui, au moyen âge, consistait en une forteresse quelconque, mais le syntagme château fort date seulement de l'époque de la mode médiévale (1835). À la Renaissance, le château changea de fonction et d'architecture. L'idée de « grande et belle demeure » prévaut alors, d'où le sens d'« habitation royale » (1606), qui a fait du mot un synonyme de palais, désignant aussi une importante demeure de plaisance à la campagne. ◆  L'expression châteaux en Espagne, déjà attestée en moyen français, a connu un grand succès, supplantant des variantes localisées en d'autres lieux (en Albanie, pour Albion, etc.). Château de cartes (1651) est une modernisation de château de carte* (1690 « de carton »), qui au XVIIe s. désignait une bicoque ou une chose sans valeur. ◆  Dès l'ancien français, le mot a reçu des sens techniques spécialisés en marine (« structure élevée sur un bâtiment », 1165-1170), en blason (v. 1275). Ultérieurement, il est entré dans le syntagme château d'eau (1704) « bâtiment surélevé destiné à fournir l'eau sous pression ». ◆  Après avoir désigné des lieux divers en argot (au XVIe siècle « hospice, hôpital »), le château s'applique à la résidence d'un chef, d'un président. ◆  Par allusion aux châteaux viticoles du Bordelais, château La Pompe (milieu XXe siècle) se dit parfois pour « eau (du robinet) ».
❏  L'ancienne forme chastel, chatel a donné le diminutif CHÂTELET n. m. (1155) : à Paris, le Grand Châtelet, après avoir gardé le Grand Pont, servit de prison.
CHÂTELAIN, AINE n. (v. 1155) est issu du dérivé latin castellanus « celui qui habite dans un château fort et le défend » (IIe s.) puis à époque médiévale « celui qui est préposé à la garde d'un château » (1002-1024), ce fonctionnaire ayant un rang dans la hiérarchie seigneuriale. Châtelain désigne celui à qui la possession d'un château confère un certain rang dans la hiérarchie féodale et, au féminin châtelaine, d'abord chastelaine, son épouse (v. 1170). Historiquement, il évolue en « seigneur d'un château et de son territoire » (av. 1309), « juge officiant à la place du seigneur » (1636). Ces sens ne demeurent que comme archaïsmes de civilisation, le mot référant de nos jours au propriétaire d'un château de plaisance et à sa femme (1840). L'adjectif de même forme (1611) correspond au latin castellanus « relatif au château ».
■  CHÂTELLENIE n. f. (XIIe s.), terme de droit féodal, désigne la seigneurie ou juridiction d'un châtelain.
❏ voir CASTEL.
2 CHÂTEAU → CHATEAUBRIAND
? CHATEAUBRIAND, CHÂTEAUBRIANT n. m., d'abord écrit châteaubriant (1865) puis également chateaubriand (1866), est d'origine incertaine. Les uns, défenseurs de la graphie châteaubriant, en font un nom commun tiré du nom de la ville de Châteaubriant (Loire-Atlantique), située dans un important centre d'élevage. Les autres y voient le nom de l'écrivain François René de Chateaubriand, parce que l'invention de cette préparation serait due à son cuisinier Montmireil. Les premiers emplois connus ne permettent pas de trancher.
❏  Le mot désigne une tranche épaisse de filet de bœuf grillée, servie avec des pommes de terre soufflées et une béarnaise ou une sauce chateaubriand (sauce brune). Il est couramment abrégé (1920) en 2 château (un château saignant).
CHAT-HUANT n. m., d'abord chahuan (v. 1278) puis chat-huant (fin XIVe s.), est la réinterprétation, d'après le cri et la forme de la tête de cet oiseau, en chat* huant « chat qui hue » du verbe huer* « crier (des oiseaux de nuit) », d'un type attesté sous la forme javan dans les Gloses de Rashi (v. 1100). Ce mot est lui-même issu du bas latin cavannus (Ve s.), d'origine gauloise, à rattacher à la même racine °kaw- que chouette*, chouan*, chahut*.
❏  Le mot désigne un oiseau de proie de la famille des Nocturnes.
L CHÂTIER v. tr., d'abord castier (v. 980) puis chastier (1160-1174), est issu du latin castigare qui a dû signifier « essayer d'instruire » d'où « corriger, réprimander », attesté en latin chrétien au sens réfléchi de « se mortifier ». Le mot est dérivé de castus (→ chaste) au sens de « conforme aux règles ».
❏  Le verbe, pour « réprimander, blâmer », relève de l'usage soutenu, surtout avec le sens spécial, introduit par la langue classique, de « épurer son style » (1661). Il est plus courant avec la valeur forte de « punir, corriger sévèrement » (1160-1174), mais seule la locution proverbiale qui aime bien châtie bien (1350-1400) est usuelle. ◆  Le sens spécialisé, dans un contexte religieux, « se mortifier, se flageller » et avec un complément « mortifier » (v. 1121), appartient également à l'usage très soutenu.
❏  En sont dérivés CHÂTIMENT n. m. (v. 1170, chastiement), synonyme soutenu de punition mais plus courant que châtier, surtout en contexte religieux, et parfois connu par allusion littéraire (Crime et Châtiment, de Dostoïevski), et, moins usuel, CHÂTIEUR, EUSE n. (av. 1755).
G 1 CHATON n. m., d'abord chastun (1160-1170), est issu du francique °kasto « boîte, caisse » (reconstitué d'après l'ancien haut allemand kasto, l'allemand Kasten et le néerlandais kast « coffre »). La spécialisation en joaillerie se serait faite en français : en effet, dans ce domaine, c'est plutôt le germanique qui a emprunté au latin (→ gemme). Les correspondants romans étant pris au français, l'étymon germanique occidental est moins probable que le francique. P. Guiraud préfère supposer un dérivé du latin capsa « châsse » (→ caisse, capsule, châsse) qui aurait été démotivé par suite de son homonymie avec 2 chaton, de chat.
❏  Le mot désigne la partie saillante d'une bague où est enchâssée une pierre précieuse et, par métonymie, cette pierre précieuse (1780). Par analogie d'aspect, il a reçu des sens techniques spécialisés en anatomie (1611, chaton de l'œil) et en botanique où il désigne l'enveloppe verte de la noisette (1704), la partie du gland dans laquelle il se trouve enchâssé ; dans ce sens, il n'interfère pas avec l'homonyme 2 chaton.
2 CHATON → CHAT
? CHATOUILLER v. tr., (XVe s.) forme en ch- et réfection suffixale en -ouiller de catellier (v. 1220), catoillier (1414), est d'origine incertaine, probablement onomatopéique : en effet plusieurs langues européennes expriment cette même notion par la succession des consonnes k-t-l avec voyelle initiale a (italien ; provençal catilha, gatilha) et dans les langues germaniques, avec voyelle radicale i (ancien norrois kitla, ancien haut allemand kizzilon, moyen haut allemand kitzeln). En français, le type moderne chatouiller a prévalu. Dans les formes non dialectales en ca-, la force expressive de l'onomatopée se serait maintenue empêchant le développement régulier k ou ch. Cette évolution montre d'ailleurs l'ancienneté du mot et fait écarter l'hypothèse d'un emprunt au bas allemand ou au néerlandais katelen de même sens. Une dérivation directe de chat (et des formes issues de cattus) est seulement à évoquer comme étymologie seconde, populaire.
❏  Le mot a signifié « provoquer des tressaillements », avec une valeur neutre dont semble procéder le sens figuré « exciter » (1414). Le sens s'est infléchi dès le XVe s. vers l'indication d'une sensation agréable (XVe s.), au propre comme au figuré ; la langue classique lui a ajouté la valeur figurée de « flatter par d'aimables propos ou attitudes » (av. 1625, Malherbe). ◆  Par extension, il s'emploie pour « démanger » (emploi plus courant en français de Belgique).
❏  CHATOUILLEUX, EUSE adj., d'abord en picard catillose (XIIIe s.) et en normand catoilleus (1370) puis chatoilleus (XIVe s.), chatouilleux (fin XVe s., chatoulleux), a qualifié d'abord de manière neutre une personne sensible, d'où, avec la préposition à, sensible à, enclin à (fin XVe s.). Il a évolué comme le verbe vers l'idée de « sensible à des démangeaisons agréables » (v. 1370) tout en gardant au figuré la valeur de « susceptible » et, d'une chose, « qui peut éveiller la susceptibilité » (av. 1564).
CHATOUILLEMENT n. m. (v. 1390), d'abord en picard catoullement, la forme actuelle étant attestée depuis 1580, assume une fonction de substantif d'action et désigne également le résultat de l'action, une sensation agréable (1580), mais aussi quelquefois désagréable (1801).
■  CHATOUILLEUR, EUSE adj. et n. de sens actif, après une attestation isolée en 1636, semble repris assez tard dans le XIXe s. (1886).
■  CHATOUILLE n. f., déverbal de chatouiller, est un synonyme familier (1787) de chatouillement, surtout employé au pluriel.
■  CHATOUILLIS n. m. (1891) exprime, lui aussi dans la langue familière, la notion d'un léger chatouillement.
CHATOYER → CHAT