CHAT-PARD n. m., d'abord chatpard en un mot (1690), graphie employée par Hugo (1823), puis chat-pard (1704), est composé de chat* et de pard, ancien nom de la panthère (v. 1390) supplanté par panthère et qui ne survit qu'en composition (→ léopard et l'ancien chameau-pard qui désignait la girafe). Pard est lui-même l'adaptation du latin pardus apparenté au grec pardalis « panthère, léopard », la forme synonyme pardos étant probablement reprise au latin. Le mot, dont le suffixe -alis n'est pas éclairci, est un emprunt oriental dont on a rapproché le persan palang et des formes iraniennes (auxquelles est emprunté le terme sanskrit pr̥dāku-). Le mot latin a donné l'ancien haut allemand pardo, le russe pardus.
❏  Le mot désigne un félin à pelage fauve taché de noir.
L CHÂTRER v. tr., d'abord chastrer (1121), est le doublet populaire correspondant au type savant castrer* ; il est issu du latin castrare « rendre impuissant (un homme, un animal) », « élaguer (des arbres) » et, au figuré, « atténuer, affaiblir ».
❏  Outre son sens usuel de « rendre un mâle (généralement un animal) impropre à la reproduction en le mutilant », le verbe est employé en horticulture (1562) et, par métaphore, au sens de « mutiler, amoindrir » (d'un abstrait, d'une œuvre littéraire ; 1690, au participe passé livre châtré).
❏  CHÂTREUR n. m. (1585), d'abord sous la forme picarde castreur (1416), désigne proprement celui qui a pour métier de châtrer les animaux et, au figuré, celui qui mutile (1659).
❏ voir CASTRAT.
CHATTEMITE → CHAT
L CHAUD, AUDE adj. et n., d'abord écrit chaut et chaud (1080), est issu du latin de même sens caldus ou calidus (au propre et au figuré), mot panroman (italien caldo, espagnol caliente) et celtique (irlandais caót), dérivé de calere (→ chaloir art. chaland).
❏  Le mot s'oppose à froid* dans la plupart de ses emplois : il qualifie proprement un corps qui a une température élevée ou (1170) qui a gardé une température naturelle ou transmise, notamment en parlant de plats cuisinés ou d'une partie du corps et, au figuré, des larmes dans chaudes larmes (1165), d'où l'expression (pleurer) à chaudes larmes. ◆  La nuance temporelle de « récent » (1243), beaucoup plus fréquemment confiée à frais*, subsiste dans quelques expressions (1243, une chaude nouvelle annonçant une nouvelle toute chaude). ◆  Utilisé de bonne heure au figuré (1165), d'abord comme épithète de la colère (valeur conservée en français de Suisse, à propos d'un humain : être chaud « en colère »), puis aussi et surtout avec la valeur d'« ardent, sensuel », il présente encore l'idée d'« emportement » en langue classique (avoir la tête chaude) et plus souvent aujourd'hui d'« enthousiasme » (n'être pas chaud pour...). ◆  Avec une valeur physique, on dit en Afrique avoir le corps chaud pour « avoir de la fièvre ». ◆  En français du Canada, l'adjectif peut signifier « ivre ». Il lui arrive de traduire les nuances de « fort, épicé », de l'anglais hot « chaud », dans quelques expressions comme quartier chaud ou, en contexte politico-social point chaud, printemps chaud. Une métaphore analogue est courante en français d'Afrique, où chaud, chaude peut s'appliquer à une situation difficile, dangereuse.
■  Comme froid, l'adjectif est substantivé de bonne heure (1080) : de son ancien emploi au sens de « chaleur » demeurent de nombreuses tournures lexicalisées : avoir, faire chaud, au chaud, à chaud (par extension en parlant d'une opération chirurgicale, 1906). Au figuré, il entre dans l'expression ne faire ni chaud ni froid (v. 1236, dans un ordre différent). ◆  Le féminin CHAUDE n. f. (av. 1511) est peu utilisé, sinon avec une valeur temporelle dans la locution à la chaude « sur le champ », à propos du degré de température nécessaire pour travailler certaines matières (1611) et régionalement ou familièrement comme appellation métonymique d'une flambée (faire une chaude).
Le mot s'emploie en interjection, avec l'idée du danger de se brûler, dans chaud devant !, employé par les garçons de café, les serveurs de restaurant.
❏  CHAUDEMENT adv. (1172-1174) est employé au propre (dès les premiers textes, chaudement vêtu) et, au figuré, avec une double valeur affective (1380-1388) et, plus rarement, temporelle (1544). ◆  Le diminutif CHAUDET, ETTE adj. s'est employé dans plusieurs régions de France pour « bien au chaud » (d'une personne). Au Québec, le mot peut correspondre à « un peu ivre ». ◆  Le composé CHAUDEAU n. m. (fin XIIe s.) est encore vivant régionalement, pour « bouillon chaud » et aussi « lait chaud, sucré et aromatisé ».
CHAUDE-PISSE n. f. (XIIIe s.) (→ pisser), doublé ultérieurement par CHAUDE-LANCE (1837), est un terme populaire pour la blennorragie.
■  CHAUD-FROID adj. et n. (1808), qualifie et désigne ce qui associe de faibles et fortes températures spécialement, en cuisine, un plat de volaille ou de gibier préparé à chaud et servi froid.
❏ voir ACHALANDER, CÂLIN, CALORIE, CHALOIR (art. 2 CHALAND), CHAUDIÈRE, CHAUFFER, 1 ÉCHAUDER, NONCHALANT.
L CHAUDIÈRE n. f., réfection (v. 1230), peut-être d'après chaud, de jaldiere (v. 1100), caldiere (v. 1120), est issu du bas latin caldaria ou calidaria « chaudron », pluriel pris comme féminin singulier du neutre calidarium « étuve, chaudron », de l'adjectif calidarius « chaud, chauffé », dérivé de calidus, caldus (→ chaud).
❏  Le mot a longtemps désigné un grand récipient de métal pour faire cuire, chauffer ou bouillir (v. 1120) avant que ne s'impose le sens moderne courant d'« appareil transformant l'eau en vapeur » (v. 1831), quelquefois dans chaudière à vapeur (1835). ◆  Une trace de son sens ancien demeure au Canada, où il désigne un seau métallique (une chaudière d'eau).
❏  L'ancien sens de chaudière se retrouve dans le dérivé CHAUDRON n. m., formé avec suffixe -eron (v. 1150) d'où longtemps la graphie chauderon. Le mot désigne un récipient plus petit que l'ancienne chaudière, destiné aux usages domestiques et à la fabrication de certains produits, spécialement le baquet dans lequel on prépare les boyaux pour faire les cordes à musique (1753). En français québécois, la chaudière est un récipient pour la cuisine et le mot est aussi courant que casserole, avec le dérivé CHAUDIÉRÉE n. f. « contenu du seau ».
■  Les dérivés, à part CHAUDRONNÉE n. f. (1473) qui partage avec chaudron le sens de « contenu d'un chaudron », et qui est archaïque, sont des termes de métier : CHAUDRONNIER, IÈRE n. (1277), CHAUDRONNERIE n. f. (1611), dont le sens moderne « fabrication de récipients en métal » (1680) a éliminé celui de « mets cuit dans un chaudron », évinçant le plus ancien chauderonnie (1408).
CHAUDRÉE n. f. continue l'ancien français chauderée (XIIIe s.), dérivé de chaudière au sens de « marmite », spécialisé dans l'ouest de la France (1870 en Aunis) pour « portion de la pêche réservée aux marins pour leur consommation personnelle », d'où, notamment en Charentes (1911) le sens de « plat de poissons et de pommes de terre préparés dans leur bouillon de cuisson » appelé ailleurs cotriade.
L + CHAUFFER v. est issu (v. 1150) d'un latin populaire °calefare, abréviation de calefacere « rendre chaud » (Plaute) et au figuré « exciter » (→ caléfaction, calfater), composé de calere « être chaud » (→ chaloir, art. chaland) et de facere (→ faire).
❏  En construction intransitive, le verbe signifie « devenir chaud », d'où quelquefois, en parlant d'un appareil, « devenir excessivement chaud et risquer un grippage » (1906). ◆  Ses premiers emplois figurés datent du XVIIe s. (en locutions le bain chauffe) et se développent au XIXe s. (d'abord argotiquement ça va chauffer, 1830) avec une valeur péjorative. ◆  Également transitif dès les premiers textes (1176), chauffer reprend les sens latins dès le XIIe s., au propre et au figuré. La valeur figurée pour « attaquer vivement qqn par des raisonnements et des plaisanteries » (1798), passe à échauffer sauf dans quelques locutions familières (chauffer les oreilles). ◆  À la forme pronominale, se chauffer (XIIIe s.) a surtout le sens propre de « recevoir l'action de la chaleur » (avec un complément ou absolument, avec le sens de « chauffer son logement »). Il entre dans la locution montrer de quel bois on se chauffe (1585) « montrer de quoi l'on est capable ».
En français du Québec, d'après le sens pris par chauffeur, chauffer s'emploie pour « conduire (une automobile) ».
❏  Chauffer a de nombreux dérivés.
■  CHAUFFAGE n. m. est d'abord attesté sous la forme latinisée chaufagium (1202), peut-être à l'exemple du latin médiéval calefagium (1145) avec le même sens : « approvisionnement en bois de chauffage », spécialement dans l'expression ancienne droit de chauffage (1611). Il sert de substantif d'action et d'appellation des installations qui chauffent, avec des syntagmes courants comme chauffage central, individuel, urbain ; au gaz, électrique ; appareil de chauffage...
■  CHAUFFAGISTE n. m. a été tardivement formé (v. 1970) pour désigner le spécialiste du chauffage central.
CHAUFFE n. f. (XIVe s.), déverbal de chauffer, après une attestation isolée au sens de « combustible », a été réintroduit dans l'usage technique au XVIIIe s. pour « foyer d'un fourneau de fonderie » (1701) et « opération de distillation » (1783), puis aussi (XIXe s.) « opération relative au fonctionnement d'un appareil de chauffage » dans surface de chauffe (1838), chambre de chauffe (1876).
CHAUFFERIE n. f. (1334), rare avec le sens d'« action de chauffer », s'est répandu à partir du XVIIIe s. avec la valeur technique concrète de « fourneau, forge où l'on travaille le fer » (1723). Il est plus usuel avec le sens de « local où se produit la chaleur » dans un navire, une usine, un immeuble (1873).
CHAUFFERETTE n. f., d'abord chauferete (1379), est issu de chauffer par l'intermédiaire du moyen français chaufete (1360) avec substitution de suffixe. Il désigne un petit ustensile destiné à chauffer une partie du corps ou un objet et, spécialement au Canada, un appareil de chauffage, là où on dirait radiateur en français de France.
CHAUFFEUR, EUSE n. (1680), proprement « personne qui s'occupe du feu d'une forge, d'un fourneau, d'une chaudière », est entré dans le vocabulaire des chemins de fer (1834) : par assimilation entre les fonctions de chauffeur d'une locomotive à vapeur et de conducteur. ◆  Bien qu'il s'agisse de deux fonctions différentes, le mot a glissé vers le sens usuel de « conducteur d'un véhicule automobile » (1896), sens avec lequel il a produit le mot familier CHAUFFARD n. m. (1897), de suffixe et de sens péjoratifs, et a été doté d'un féminin resté rare (1898). ◆  Chauffeur, au sens initial de « celui qui chauffe », fut le nom (attesté 1797) donné à des malfaiteurs qui torturaient leurs victimes en leur brûlant les pieds, pour leur faire révéler la cachette de leur magot (la bande des chauffeurs d'Orgères fournit lors de son procès une riche documentation sur son argot). On a parlé aussi de chauffage n. m. et de chauffer v. tr., dans cette acception.
■  CHAUFFEUSE n. f. existait déjà comme terme d'ameublement pour désigner un siège bas, permettant de se chauffer au coin du feu (1830).
CHAUFFOIR n. m. (1680), anciennement employé pour la pièce commune de certains établissements où l'on peut se chauffer, a pris par métonymie le sens d'« appareil qui chauffe » (1690, d'un linge chauffé pour tenir chaud).
Le participe présent de chauffer, adjectivé en CHAUFFANT, ANTE, sert à qualifier des dispositifs, par exemple couverture chauffante.
L'élément verbal CHAUFFE- est entré dans de nombreux substantifs composés, de sens concrets tels CHAUFFE-ASSIETTES n. m. (1835), CHAUFFE-PLATS n. m. (1890), CHAUFFE-BAIN n. m. (1899), CHAUFFE-EAU n. m. (1902), tous devenus très courants, ou encore CHAUFFE-BIBERON n. m. (1926). CHAUFFE-MOTEUR n. m., propre au français du Québec, se dit d'un dispositif électrique fixé au moteur d'une voiture, et que l'on branche avant de démarrer, par grand froid. ◆  INCHAUFFABLE adj. (1848, Amiel) a précédé CHAUFFABLE, à propos d'un local.
■  CHAUFFER a servi à former RÉCHAUFFER v. tr. (v. 1190), lequel a perdu son sens intransitif de « redevenir chaud » pour le sens transitif correspondant « chauffer (ce qui est refroidi ou froid) » (XIIIe s.). Par extension, il exprime l'idée de « donner de la chaleur à (un être, une chose) » (1273) et reçoit, au XVIIe s., des valeurs figurées (1671), d'abord dans la locution réchauffer un serpent dans son sein « élever ou aider un ingrat » (1662). ◆  La forme pronominale se réchauffer, attestée depuis 1661 au figuré pour « devenir plus ardent », signifie depuis le XVIIIe s. au sens concret « redevenir plus chaud, en parlant de l'air » (1740), puis « redonner de la chaleur à son corps » (1798) et, à nouveau au figuré, « se réconforter moralement » (1932).
■  Le verbe a produit les dérivés RÉCHAUFFÉ, ÉE adj. (XIIIe s.) dont le sens familier de « rebattu, sans originalité » (1671) a donné lieu à un emploi substantivé (fin XVIIe s.) : c'est du réchauffé ; RÉCHAUFFEMENT n. m. (1611), dont le sens concret général « action de se réchauffer » est attesté bien plus tard (1962) que divers sens spéciaux ; RÉCHAUFFANT, ANTE adj. (1808) et RÉCHAUFFAGE n. m. (1842), enregistré dès le début du XIXe s. avec des sens aujourd'hui oubliés.
■  RÉCHAUD n. m., plus surprenant par sa forme (reschauld, 1549 ; réchaud, XVIIe s.), est la réfection, d'après chaud*, d'une forme non attestée °réchauf, déverbal de réchauffer. ◆  Le mot désigne concrètement un ustensile de cuisine, un petit fourneau portatif (1664) et, en horticulture, un amas de fumier destiné à réchauffer les plantes autour desquelles il est disposé (1869).
SURCHAUFFER v. (1694) est d'abord un terme de métallurgie, comme SURCHAUFFURE n. f. (1676) ; ce dernier est un mot technique désignant le défaut présenté par l'acier ou le fer surchauffé, devenu archaïque et supplanté par pailles. Le verbe, d'usage courant en technique, puis dans la langue courante (mil. XIXe s.), exprime l'idée d'un excès de chaleur et, au figuré, d'un état d'agitation extrême (av. 1892 ; 1873 au p. p.).
■  Ses dérivés, SURCHAUFFÉ, ÉE adj. (1835), SURCHAUFFAGE n. m. (1877), SURCHAUFFE n. f. (1875), participent du sens physique, le déverbal réalisant aussi en économie l'idée d'un phénomène caractérisé par l'augmentation de la demande solvable de biens de consommation, plus rapide que l'accroissement du produit national brut (1963, dans les dictionnaires généraux).
PRÉCHAUFFAGE n. m., terme technique (1949) désigne un chauffage préliminaire, et l'action de porter à la température requise avant chauffage. Le verbe PRÉCHAUFFER v. tr. était attesté au début des années 1930.
❏ voir ÉCHAUFFER.
CHAUFOUR → CHAUX
CHAULER → CHAUX
L CHAUME n. m. est issu (1195), par une forme tardive °calmus, du latin classique calamus « roseau » puis « tige d'une plante », fréquemment en parlant de céréales (Pline). Calamus est un emprunt ancien au grec de même sens kalamos, qui a fini par éliminer le terme latin (h)arundo (→ calame).
❏  Le mot est surtout employé au pluriel pour les blés en tiges (1195) et, avec une valeur collective, pour désigner la paille couvrant le toit des maisons rurales (v. 1278), appelées plus tard chaumières (ci-dessous). Il est ainsi pris, notamment au sens métonymique « maison », comme emblème de la condition modeste (1651-1652) ou rustique (XVIIIe s.).
❏  Chaume a produit quelques dérivés relatifs au travail agricole comme CHAUMER v. (1355) « couper le chaume d'un champ », ultérieurement CHAUMET n. m. (1863), nom d'outil, et CHAUMIER n. m. (1863), nom d'ouvrier.
■  Dans l'intervalle, il a produit CHAUMINE n. f., ancien adjectif (1486) substantivé (1606), pour désigner une petite maison à toit de chaume.
■  Celui-ci a été absorbé par CHAUMIÈRE n. f. (1666), désignant d'abord une petite maison rurale couverte d'un toit en chaume, puis pris au XVIIIe s. comme symbole des charmes de la vie rurale, loin de l'immoralité des villes (d'où des locutions comme pleurer dans les chaumières et le titre de la publication La Veillée des chaumières), sens encore actif au début du XXe s. Les maisons couvertes en chaume disparaissant ou devenant de coûteuses fantaisies, le mot, démotivé ou remotivé, a perdu ces connotations ou acquis une valeur ironique.
L CHAUSSE n. f. d'abord écrit chauce (v. 1150), est issu d'un latin populaire °calcea, attesté à l'époque médiévale (800), féminin tiré du latin calceus, mot désignant une chaussure d'abord portée par les rois et les patriciens, et probablement d'origine étrusque. Calceus est dérivé de calx « talon », « pied (d'un mât, d'une échelle) » dont l'origine pourrait être étrusque, les autres relations avec des langues indoeuropéennes, comme le lituanien kulnìs « talon », le bulgare kŭlka « hanche », étant assez lointaines. °Calcea a évolué de bonne heure vers le sens de « guêtre couvrant à la fois le pied et la jambe », également attesté par l'italien calza et l'espagnol calza « bas », vêtement d'origine gauloise qui reparut après l'invasion franque : dès le VIe s. en effet, les Francs adoptèrent certaines parties du costume du peuple vaincu, remplaçant par les chausses les braies, qu'ils avaient importées.
❏  Chausse, au singulier mais surtout au pluriel (XIIe s.), a désigné des jambières, sorte de pantalons collants en drap ou en laine qui furent, jusqu'à l'avènement de la culotte, le vêtement masculin normal, en Occident, de la partie inférieure du corps. Ce vêtement, qui tenait lieu à la fois de bas et de culotte, était divisé en bas-de-chausses (1538), expression qui est à l'origine du terme d'habillement bas*, et haut-de-chausses (1546). L'apparition de ces deux expressions au XVIe s. correspond au vieillissement du mot employé seul, à la suite de l'évolution de l'habillement masculin. Cependant, l'importance du vêtement se reflète encore aux XVIIe-XVIIIe s. dans une phraséologie abondante : tirer ses chausses « partir » (1611), porter les chausses, ancienne variante de porter la culotte (1656), n'avoir pas de chausses « être en panne » (1694), faire dans ses chausses « avoir peur » (1798), toutes quasiment sorties d'usage. Une sorte particulière de chausses, le chausses de mailles, formait au moyen âge le complément de l'armure à haubert avant l'usage des cuissards, platines et « grèves » et l'adoption de l'armure à cuirasse vers la fin du XIIIe siècle.
◆  Le singulier chausse a connu une évolution sémantique plus riche par extension analogique : le mot désigne un filtre (XIVe s.), également appelé chausse d'Hippocrate (1552, chausse d'Hippocras) par les pharmaciens. Il est passé dans le langage de la construction comme dénomination (chausse d'aisance ; d'abord causse de l'aysement, XVIe s.) du conduit des latrines, emploi disparu. Enfin, après avoir désigné un type d'ornement (v. 1250), il se dit d'une pièce d'étoffe que les membres de l'Université portent sur l'épaule gauche dans les cérémonies (1740) et que l'on nomme aussi chaperon. De nos jours, chausse a vieilli dans tous ses emplois.
Le diminutif CHAUSSETTE n. f., d'abord chalcette (v. 1150), cauchette en picard (1282), puis chaucette (fin XVe s.) « bas s'arrêtant à mi-jambe », est au contraire resté très vivant, malgré la concurrence de mots récents, comme socquette. L'expression populaire chaussette à clous (1909) désignait les chaussures ferrées des agents de police, pouvant servir d'armes.
■  Il a produit à son tour CHAUSSETIER n. m. (1337, cauchetier) qui, après avoir supplanté CHAUSSIER n. m. (1268-1271), est sorti d'usage, et CHAUSSET(T)ERIE n. f. (1347), mot sorti d'usage avant sa reprise au début du XIXe s. (1832, Hugo).
CHAUSSON n. m. (apr. 1150) a désigné des espèces de chaussettes portées sous le soulier, avant de devenir le nom de chaussures souples que l'on porte généralement chez soi (1832). ◆  Dès 1627, il désigne des souliers plats et légers pour jouer à la paume ou faire de l'escrime, devenant par métonymie (1844) le nom d'une variété de lutte où les coups de pied sont permis (Cf. savate). ◆  Par analogie d'aspect, le mot désigne une préparation de pâte renfermant des fruits, une compote (1783), notamment dans l'expression chausson aux pommes.
■  Il a produit CHAUSSONNIER n. m. (1841) et CHAUSSONNERIE n. f. (1869), termes de métier aujourd'hui archaïques, et un verbe CHAUSSONNER « donner des coups de pieds » (1869) qui a disparu.
❏ voir CALEÇON, CHAUSSÉE, CHAUSSER.
L CHAUSSÉE n. f., d'abord chauciee (v. 1155), chaucie (1309), est issu d'un latin populaire °calciata (946), substantivation d'un adjectif féminin par ellipse du syntagme °calciata via. °Calciata pourrait dériver de calx « chaux » (→ chaux), les Romains ayant utilisé le mortier de chaux pour certaines substructions de routes, notamment en terrain marécageux ; le mot aurait été étendu à toutes sortes de routes. L'hypothèse d'une dérivation de calx « talon » (→ chausse, chausser), à travers un latin vulgaire calcia (Ve s.), s'appuie sur un document catalan de 988 définissant la chaussée comme une route formée de morceaux de pierres tassés, foulés (avec le talon) ; elle est cependant moins probable.
❏  Appliqué à désigner la partie centrale d'une route où roulent les voitures, d'où les Ponts et Chaussées (XVIIIe s.), administration chargée de la construction et de l'entretien des voies, le mot désigne aussi (1309) une levée de terre retenant l'eau d'un cours d'eau et pouvant servir de chemin de passage. Il entre dans la désignation géographique d'un site d'Irlande du Nord, constitué de grands prismes basaltiques, appelé en français la Chaussée des Géants (anglais Giants' Causeway). ◆  Par analogie, chaussée s'applique encore au pignon portant l'aiguille des minutes en horlogerie (1752) et à un écueil sous-marin affleurant l'eau.
❏  REZ-DE-CHAUSSÉE n. m. (1450) est formé avec rez, ancien doublet de ras* utilisé jusqu'à l'époque classique dans des locutions prépositionnelles (rez pied, rez terre 1495). Le mot a désigné la surface d'un terrain situé de niveau avec une chaussée, une rue, avant de prendre, par métonymie, la valeur moderne de « partie d'une maison au ras du sol » (1548), servant à désigner un appartement, un logement ainsi situé (1835).
L CHAUSSER v. tr., d'abord calcer (1080) puis chaucier (v. 1155), est issu, comme l'italien calzare et l'espagnol calzar, du latin calceare « mettre des chaussures », de calceus « soulier », mot dont une forme féminine a donné chausse*.
❏  Le verbe exprime l'acte de mettre à ses pieds des chaussures, des éperons. Il s'emploie en constructions transitive et pronominale (v. 1175). Le complément désigne l'objet ainsi ajusté ou, par métonymie, une partie du corps (1080), la personne (v. 1155) à laquelle on l'ajuste. Dans ce dernier cas, il revêt secondairement les valeurs d'« aller bien ou mal, en parlant d'une chaussure » (v. 1225) et de « fournir en chaussures » (1611). Par extension, il exprime le fait de mettre des lunettes (1552). Il se prête à un emploi métaphorique, équivalant à « concevoir, mettre dans son esprit » (1566) et qui a disparu. ◆  Par analogie, il est employé en horticulture au sens d'« entourer de terre le pied de (un végétal) » (1690), sens toujours vivant.
❏  Le dérivé en -ure CHAUSSURE n. f., d'abord chaucëure (v. 1175), s'est immédiatement fixé au sens concret de « ce qui sert à envelopper le pied », entrant avec une valeur figurée dans la locution chaussure à son pied (1611). Malgré la concurrence de soulier et de termes spécifiques, chaussure est resté le mot générique usuel, d'où par métonymie au singulier le sens de « fabrication, industrie, commerce des chaussures ». Le préfixé COUVRE-CHAUSSURE n. m. s'emploie (1914) en français du Canada, pour une protection imperméable destinée à protéger les chaussures (le mot le plus courant en ce sens est claque).
■  CHAUSSAGE n. m. (1435) fournit dès le XVe s. un substantif d'action spécialisé en horticulture.
■  CHAUSSE-PIED n. m., composé (1549) de la forme verbale chausse et de pied*, désigne concrètement une lame facilitant l'introduction du pied dans une chaussure ; à l'époque classique, il s'est employé avec la valeur figurée de « ce qui facilite qqch. » (1610).
DÉCHAUSSER v. tr. a, dès ses premières attestations sous la forme desjalcier (v. 1100), le sens spécial de « détacher (les dents) des gencives », qui procède par analogie de celui d'« enlever ses chaussures » (v. 1160) et s'emploie surtout au participe passé (dents déchaussées) ; il est également employé en horticulture (v. 1230) pour « dégager le pied de (un arbre, un végétal) ».
■  Son dérivé DÉCHAUSSAGE n. m. (1390), après s'être référé, dans le folklore, à ce qu'une jeune mariée donnait aux jeunes garçons le jour de ses noces pour boire, est passé en horticulture d'après chaussage (1838).
■  DÉCHAUSSOIR n. m., d'abord deschaussouers (1471), fournit un nom d'outil en agriculture et (v. 1560) en chirurgie dentaire.
■  DÉCHAUSSEMENT n. m. (1538), bien que de sens plus général, tend à s'employer surtout en agriculture (1671) et en médecine dentaire.
■  ENCHAUSSER v. tr. (1752) concurrence chausser en agriculture.
❏ voir CALEÇON, CALQUE, CHAUSSE.
CHAUSSE-TRAP(P)E n. f. est la réfection (1430), par remotivation d'après chausser* et trappe*, de l'ancien français canketrepe (v. 1180), chauchetrepe (av. 1220), lui-même fréquemment altéré, notamment en caude treppe. Ce mot, déjà attesté en latin médiéval par la forme calcatripa « chardon » (IXe s.), est composé de l'ancien français chauchier « fouler », hérité du latin calcare (→ cauchemar) et de treper, soit au sens de « fouler aux pieds, marcher sur », soit de « sauter » (→ trépigner) ; il signifie donc littéralement « foule, marche dessus ».
❏  La chronologie et l'extension géographique des attestations du mot, d'abord repéré en picard, montrent l'antériorité du sens « plante commune aux fleurs ornées d'épines » (à rapprocher du sens du latin médiéval). ◆  Le développement du sens de « pièce de fer munie de pointes » (1284) est vraisemblablement, comme l'indique une glose (« tribles, c'est à dire chardons, kanketreppes »), un calque sémantique du latin tribulus, lui-même du grec tribolos, dit à la fois d'un engin à trois pointes et, en botanique, d'une plante piquante. L'apparition du sens de « piège pour prendre les animaux sauvages » (1320-1350) s'explique partiellement par l'attraction de trappe « piège ». Les hésitations graphiques entre chausse-trape et chausse-trappe reflètent la perte de conscience de l'histoire du mot.
CHAUT (peu me chaut) → 2 CHALAND
L CHAUVE adj., d'abord chals (v. 1160) devenu chauve (apr. 1250) par généralisation de la forme féminine, est hérité du latin calvus « dégarni de cheveux » (→ calvitie) employé par analogie pour qualifier une sorte de noix et de vigne. Le mot est rapproché du sanskrit kulvaḥ et de l'avestique kaurva- « chauve », mais aussi, avec un kh- populaire, du sanskrit khalatiḥ de même sens.
❏  Le mot, comme son étymon latin, qualifie une partie du corps, une personne et, par analogie, des espèces végétales et animales qui ne sont pas couvertes de cheveux, de poils, alors qu'elles devraient normalement l'être.
CHAUVE-SOURIS → SOURIS
CHAUVIN, INE adj. et n. est tiré (1843) du nom de (Nicolas) Chauvin, type du soldat patriote naïvement exalté de l'Empire, mis en scène par Cogniard (la Cocarde tricolore) puis par Scribe. Le nom correspond moins à un personnage réel qu'à une tradition narrative.
❏  D'abord attesté avec la valeur positive de « soldat valeureux », le mot a évolué vers sa valeur négative actuelle, « qui manifeste un patriotisme, un nationalisme fanatique ».
❏  CHAUVINISME n. m. semble directement tiré du nom propre (1832) et CHAUVINISTE n. et adj. (1859), doublet de chauvin, est influencé par l'anglais chauvinist, lui-même emprunté au français mais qui en a étendu le sens, male chauvinist équivalant à phallocrate.
L CHAUX n. f. est issu (v. 1155) du latin calx, calcis (→ calcaire), mot probablement emprunté au grec khalix « caillou », « pierre à chaux », à moins que les deux mots ne soient des emprunts indépendants à une langue méditerranéenne non déterminée.
❏  La dérivation consiste en quelques termes techniques : CHAULER v. tr. (1372), « traiter avec de la chaux », s'est imposé au XIXe s. au détriment des types chauter (1762), chauder (1785). En est dérivé le substantif d'action CHAULAGE n. m. (1764) ainsi que le préfixé verbal 2 ÉCHAUDER v. tr. (1783) « enduire d'un lait de chaux », et « faire macérer dans du lait de chaux », aujourd'hui vieilli, tout comme son dérivé ÉCHAUDAGE n. m. (1846), sans doute à cause de l'homonymie avec le dérivé de chaud.
■  CHAUFOUR n. m., d'abord cauffor (1248) et chauffour (1311), formé de chaux et four*, désigne proprement un four à chaux et, par extension, le magasin où l'on entrepose le bois et la pierre à chaux destinés à ce four. ◆  En est dérivé CHAUFOURNIER n. m., mot dont la forme actuelle (XVIe s.), qui a remplacé caufornier (1200), a subi l'influence de l'ancien français fournier « boulanger » ; le mot désigne celui qui travaille dans un four à chaux et qui est également appelé CHAULIER n. m.(1610), par dérivation de chaux.
❏ voir ÉCHAUFFOURÉE.
CHAVIRER v. est tiré (1687) du provençal cap-vira, cavira « (se) tourner la tête en bas, (se) retourner », soit par francisation, soit plutôt par l'intermédiaire de dialectes d'oc, limitrophes du domaine d'oïl ou du domaine franco-provençal où c + a produit cha. Le mot provençal est lui-même composé de cap « tête » (→ cap) et de vira « tourner » (→ virer).
❏  Le mot a été introduit dans le vocabulaire de la marine au sens de « se retourner », en parlant d'une embarcation. ◆  Par extension, il exprime le fait d'une personne qui chancelle (1830), d'une chose qui vacille, en particulier d'un œil qui se révulse. Dès 1835, il signifie figurément « aller à sa ruine ». Au Québec, il s'emploie au figuré pour « prendre la tête ». ◆  Des emplois transitifs correspondants se sont développés parallèlement, en marine (1701) puis dans l'usage général (1859). Au figuré, en français de la Réunion, de Madagascar, il s'emploie pour « provoquer la chute de (qqn) ».
❏  Les substantifs d'action CHAVIREMENT n. m. (1838) et CHAVIRAGE n. m. (1839), qui s'emploient indifféremment, ne sont pas usuels. ◆  INCHAVIRABLE adj. se dit (1878) d'une embarcation conçue pour diminuer les risques de chavirement.
CHAWARMA n. m., emprunt à l'arabe, désigne au Liban et en Afrique subsaharienne un sandwich à la viande grillée, pimenté, et (en Afrique seulement) un établissement où l'on sert ce sandwich.