CHENAPAN n. m., d'abord sous les formes snaphaine (6 juillet 1551) et snaphan (1568), est emprunté au néerlandais snaphaan (moyen néerlandais snaphaen) « voleur de grand chemin ». Ce mot est emprunté à l'allemand Schnapphahn (1494, « voleur de grand chemin monté à cheval »), qui passera lui-même en français pendant les guerres du XVIIe s. sous la forme schnaphan (1694), refaite d'après la prononciation en chenapan (1739). Le mot allemand est composé d'une forme du verbe schnappen « attraper », à l'impératif schnapp. Ce verbe vient du moyen haut allemand snappen, dont la racine est probablement apparentée à celle du moyen haut allemand snaben de même sens et pourrait évoquer le bruit des mâchoires qui se referment. Le second élément est Hahn « coq », de l'ancien haut allemand hano, à rattacher à un radical germanique °hanan- (d'où l'anglais hen « poule ») apparenté au latin canere « chanter » (→ chanter). Au sens propre de « coq », Hahn, complément du verbe, serait une allusion au vagabond qui fait main basse sur la volaille ; au sens figuré de « gaillard » (XVIe s.), il serait devenu le sujet du verbe.
❏  Le mot a désigné un voleur de grand chemin et, spécialement à propos des armées d'Allemagne, un type de pillard s'attachant au parti qui est en campagne. Comme plusieurs mots de l'ancien vocabulaire de la marginalité, il s'est affaibli au sens plaisant de « mauvais garçon », « enfant turbulent, garnement ».
L CHÊNE n. m., d'abord écrit chaisne, chesne (v. 1100), est probablement l'altération précoce de l'ancien type chasne (v. 1100), sous l'influence de fraisne, frêne*. Chasne est issu d'un latin populaire °cassanus attesté sous la forme casnus à époque médiévale (866), probablement d'origine gauloise ou prégauloise, certains y voyant le représentant gaulois du grec kastanos (→ châtaigne). Le nom latin du chêne, quercus, n'a pas pénétré en Gaule parce que cet arbre saint du druidisme a gardé le nom indigène casnus ; il s'est seulement conservé en sarde (kerku) et en italien (quercia, de quercea). De nos jours, chêne est le seul mot des parlers septentrionaux, mais il est concurrencé, dans ceux du Midi, notamment par garric au sud du Massif Central et dans le Languedoc (→ garrigue et aussi rouvre, yeuse).
❏  Comme tous les noms d'arbres, le mot désigne à la fois l'arbre — seul ou en emploi déterminé : chêne vert (1600), chêne-liège (1793) — et, par métonymie, son bois (v. 1225). Feuille de chêne, motif décoratif, évoque en France le képi des généraux. Le chêne étant le symbole de la force, la comparaison comme un chêne est vivante.
❏  CHÊNAIE n. f., d'abord chesnoie (1240), encore quelquefois chesnaie (1600), a éliminé le type parallèle chaisnoi, masculin, issu d'un latin médiéval casnetum (508). Le mot désigne une plantation ou un ensemble de chênes.
■  CHÊNEAU n. m., d'abord attesté sous la forme picarde kaisniel (1323) avant chesneau (1551), a supplanté son doublet CHÊNETEAU n. m. (1544), encore vivant régionalement, pour désigner un jeune chêne, dans l'usage didactique.
■  Le paronyme chéneau (de chenal*) a pris sa forme moderne sous l'influence de chêne.
CHENET → CHIEN
CHÈNEVIS → CHANVRE
CHENIL, CHENI → CHIEN
L CHENILLE n. f. (1214) représente le même mot latin que canicule* ; il est issu par voie populaire de canicula « petite chienne » (de cana « chienne »), qui aurait pris en français le sens de « larve du papillon », par analogie de forme avec la tête d'une petite chienne. P. Guiraud, s'appuyant sur chenillée, nom de diverses fleurs en forme de coupe, et sur l'emploi de chenille pour désigner des espèces d'escargots de mer, voit en canicula un autre mot : la forme dissimilée de °calicula, d'après caliculum « coupe, calice », dérivé de calyx (→ calice).
❏  Chenille, outre son sens propre « larve des lépidoptères », souvent utilisé rhétoriquement par opposition à papillon, a pris le sens figuré de « personne repoussante » (1690), vieilli malgré la permanence des connotations de laideur, et des sens analogiques spécialisés dans la passementerie (1680) et l'automobile (1922), peut-être pour ce ,dernier par calque de l'anglais de même sens caterpillar (1913), lui-même passé en français.
❏  CHENILLÈRE n. f., d'abord chenilliere (déb. XVIIe s.), est resté rare pour désigner un nid de chenilles.
■  CHENILLETTE n. f., après avoir eu en ancien français le sens de « petite chenille » (XIIIe s.), a été repris en botanique (1783) pour une plante dont la gousse, roulée sur elle-même, évoque une chenille. ◆  Il a reçu (1951) le sens de « petit véhicule sur chenilles ».
ÉCHENILLER v. tr., d'abord escheniller (XIVe s.), signifie « éliminer les chenilles de (un végétal, un lieu) » ; il n'a pas conservé son sens figuré « se débarrasser de » (1843, Balzac).
■  En sont tirés le nom d'instrument ÉCHENILLOIR n. m. (1700) et le nom d'action ÉCHENILLAGE n. m. (1783). La série est employée à propos de la récolte des chenilles ou autres larves, pratiquée par des ethnies tropicales de chasseurs-cueilleurs (Afrique, Amérique).
L CHENU, UE adj., d'abord canu (1050) devenu chenu (v. 1175), est issu du latin canutus qui serait peut-être attesté une fois comme qualificatif de poisson par Plaute puis au sens de « blanchi » (en parlant de cheveux) à époque médiévale, peut-être dès le VIe siècle. Ce mot est dérivé de l'ancien adjectif poétique canus « blanc » (surtout appliqué aux cheveux et beaucoup moins général que albus) [→ aube] et candidus (→ candide), et au figuré « vénérable ». Un dérivé a donné par emprunt le mot didactique canitie* n. f. ◆  Canus semble être un adjectif radical à vocalisme populaire a de l'indoeuropéen occidental qui aurait été élargi par des suffixes variés (ancien haut allemand hasan « brillant, joli », haso « gris », ancien islandais hǫss).
❏  Le mot, qui signifie « blanc de vieillesse » (en parlant des cheveux) et, par analogie, « dégarni » (XIIIe s.), appartient à l'usage littéraire. Il a été appliqué argotiquement au vin, au sens de « bonifié par le temps » (1628), d'où quelques usages vieillis de chenu, du chenu dans le même registre avec une idée de « bonne qualité ».
❏  CHENÛMENT, CHENUEMENT adv. est une création argotique (1725), exprimant au figuré l'idée de « parfaitement bien » ; cet emploi a disparu au XXe siècle.
L CHEPTEL n. m. est la réfection tardive (1762), avec p étymologique en principe non prononcé, de l'ancien français chetel. Ce dernier est lui-même l'altération, d'après chef* au sens de « principal » dans des locutions juridiques (chef-lieu, chef sens), de chatel (v. 1100) « bien, propriété ». Chatel continue le latin capitale « ce qui fait l'essentiel d'un bien » (IXe s.), « bétail », substantivation de l'adjectif capitalis « de la tête » et au figuré « principal » (→ capital).
❏  Le mot chatel, chetel est introduit en droit au sens général de « bien, patrimoine », lequel sort de l'usage au XVe siècle. Il laisse place à l'acception plus restrictive de « bétail considéré comme un capital » (v. 1260). La locution à chetel, À CHEPTEL (1466), s'applique à un type de contrat de bail convenu sur l'entretien du bétail. De là cheptel désigne ce type de contrat et, par une nouvelle métonymie, le bétail concerné (1804, Code civil). Par analogie, les expressions juridiques cheptel mort (1863) et cheptel vif s'appliquent aux bâtiments et instruments de travail donnés à bail avec le bétail, et au bétail lui-même. Le passage du mot dans l'usage courant, au sens d'« ensemble du bétail » sans implications juridiques, mais avec l'idée de capital présente dès l'origine, est seulement constaté en 1929 par les dictionnaires généraux. Par extension, il se dit de manière insultante à propos d'un groupe de personnes (en particulier de prostituées) exploitées.
❏  CHÉDAIL n. f. est la modification, d'après bétail, de chédal, emprunt du français de Suisse (XIVe s.) à un mot dialectal doublet de cheptel (prononcé sans doute chéd-), d'abord au sens de « patrimoine, capital », et aujourd'hui dans l'usage rural, de « matériel d'exploitation (d'une ferme) » [le bétail et le chédail].
CHÈQUE n. m., d'abord check (1788) francisé en chèque (av. 1863), est emprunté à l'anglais check, graphie surtout en usage aux États-Unis, ou cheque (dès 1706, checque), signifie « écrit par lequel une personne donne ordre de prélèvement sur son crédit ». Ce mot est une spécialisation de sens de check « arrêt, échec », « contrôle, vérification » d'où, concrètement, « talon, souche, marque de contrôle ». Il continue le moyen anglais chek, chak, lui-même issu par abréviation de °eschek, °eschak, emprunté à l'ancien français eschec (→ échec).
❏  Le procédé des chèques bancaires s'est répandu en France au XIXe siècle. En dehors de chèque barré (1863, une première fois en 1858), la plupart des syntagmes formés avec ce mot : chèque postal (1918), chèque de voyage (1953, traduction de l'anglais traveller check), chèque-restaurant (1963) sont apparus au XXe siècle. Par ailleurs, au sens le plus usuel de « chèque bancaire », le mot entre dans de nombreux syntagmes, comme chèque sans provision (familièrement : chèque en bois), carnet de chèques, etc.
❏  De chèque ont été dérivés CHÉQUIER n. m. (1877), qui correspond au syntagme carnet de chèques. Le mot a un préfixé, PORTE-CHÉQUIER n. m. (1972), qui s'applique, sur le modèle de portefeuille, porte-cartes, à un étui pour chéquier.
■  CHÉQUARD n. m. (1893), terme historique, est appliqué à un politicien accusé d'avoir accepté de l'argent, lors de l'affaire du canal de Panamá.
L + CHER, ÈRE adj. et adv. est issu (v. 980) du latin carus au double sens de « chéri, aimé » et « précieux, coûteux », mot passé dans les langues romanes (italien, espagnol, portugais caro) et ayant des correspondants dans les langues celtiques (irlandais carac « ami ») et germaniques (ancien haut allemand huora « fille publique »).
❏  Les deux sens du latin sont passés en français (v. 980) ; celui d'« aimé » en antéposition au nom, en fonction attribut et dans des formules de politesse (1050, cher fils), celui de « coûteux » surtout en postposition et en fonction attribut. Dans ce sens, faute d'un mot antonyme, on emploie pas cher (en concurrence avec bon marché*) pour « qui coûte peu ». ◆  Avec ce sens, cher est employé adverbialement (1080) avec une valeur qui, dès les premiers emplois, est souvent abstraite ou imagée, par exemple dans vendre cher (1080), coûter cher (1538), payer cher (1538) et, familièrement, faire payer cher (1718).
❏  CHÈREMENT adv. (1080) correspond aux deux sens de l'adjectif mais s'est surtout implanté avec le sens affectif et en emplois figurés.
■  CHÉRIR v. tr. (v. 1155), abandonné au XVIe s. au sens de « flatter, honorer », a conservé le sens d'« aimer tendrement » (v. 1155) et, avec un complément désignant une chose, « attacher un grand prix à (qqch.) » (1580), d'où « tenir beaucoup à, se complaire dans » (1641-1642). Le participe passé CHÉRI, IE a été adjectivé (1669) et, ultérieurement, substantivé (1830-1833), recevant dans la langue familière la valeur d'« amant(e) » (av. 1857). C'est notamment un appellatif amoureux, employé seul ou avec le possessif.
■  Le verbe a lui-même pour dérivé CHÉRISSABLE adj. (1559), peu usité. ◆  CHÉROT adj. m. et adv., dérivé argotique (1883), s'emploie pour « un peu cher », financièrement ; il a vieilli.
Par préfixation, chérir a donné ENCHÉRIR v. (1172-1174), qui a perdu l'ancien sens affectif d'« élever en dignité » pour ne garder que celui de « rendre (qqch.) plus cher » (v. 1195) et, en construction intransitive, « devenir plus cher ». ◆  Le dérivé de ce verbe, ENCHÉRISSEMENT n. m. (1213) a la portée générale de « hausse des prix ».
■  D'autres dérivés de enchérir se sont détachés sémantiquement par spécialisation. C'est le cas de ENCHÈRE n. f. (1259), surtout employé au pluriel pour désigner une opération de vente où le prix est fixé par propositions successives et montantes des participants. Le syntagme vente aux enchères est synonyme de les enchères, mot autour duquel gravite un vocabulaire spécial (commissaire-priseur, adjudication, etc.).
■  ENCHÉRISSEUR n. m., proprement « personne qui enchérit » (1325), s'est rattaché à la valeur spéciale de enchères.
Enchérir a aussi servi à former par préfixation RENCHÉRIR v. (v. 1175) qui a vieilli dans l'emploi transitif de « rendre plus cher », conservant toutefois la valeur intransitive correspondante de « devenir plus cher » (v. 1360). Pris lui aussi comme terme de vente aux enchères (v. 1350), il a reçu, par une extension figurée, le sens d'« aller plus loin qu'un autre en actes ou en paroles » (déb. XVIIe s.).
■  Ses dérivés sont RENCHÉRISSEMENT n. m. (v. 1283), RENCHÉRISSEUR n. m. (v. 1350) de sens concret, mots rares, et RENCHÉRI, IE adj. et n. (déb. XVe s.) dit au figuré d'une personne dédaigneuse, difficile à contenter, notamment dans faire le renchéri, la renchérie. Ce mot a vieilli au cours du XIXe siècle.
■  Le composé intensif SURENCHÉRIR v., relativement tardif (mil. XVIe s.) et rare avant le début du XVIIe s., est morphologiquement le dérivé de SURENCHÈRE n. f. (1569), formé directement sur enchère. Ces termes de droit commercial se sont répandus tardivement dans l'usage avec leur sens figuré (1900) qui se substitue au sens figuré de renchérir, lui-même devenu archaïque. Surenchérir s'emploie intransitivement pour « devenir plus cher » (1841, Balzac). SURENCHÉRISSEMENT n. m. (1792) et SURENCHÉRISSEUR n. m. (1804), dérivés du verbe, relèvent de son sens économique.
Au XIXe s., cher a produit les dérivés populaires : CHÉROT adj. m. et adv. (1883) « coûteux » et CHERRER v. (av. 1883), ce dernier ayant eu le sens de « battre, maltraiter » d'après cher au sens figuré de « rude » et ayant pris, par l'intermédiaire de l'idée de « forcer la dépense » (1919), le sens figuré de « exagérer » (1915) avant de se confondre avec charrier*.
CHERTÉ n. f. (Xe s.), adapté du latin caritas (→ charité), d'après cher, a perdu son sens affectif pour ne plus correspondre qu'à la valeur économique de cher, avec le sens de « caractère, état de ce qui est cher » (1210-1220), attesté indirectement par un emploi métonymique dès le milieu du XIIe siècle.
❏ voir CARESSE, CHARITÉ.
L CHERCHER v. tr. est la modification, par assimilation (1468), de cercier (1080), cerchier (v. 1172), encore cercher au XVIIe s., issu du bas latin circare. Le mot, qui signifie « faire le tour de, parcourir pour examiner » (IVe s.) puis « fouiller, scruter » (IXe-XIe s.), est formé sur la préposition circa « autour de », de circus « cercle, cirque » (→ cirque). Chercher a supplanté le verbe quérir* ou querre et s'est répandu dans les parlers septentrionaux au détriment de son concurrent qui n'a guère de vitalité qu'en wallon et en lorrain. Il s'est implanté également dans les parlers méridionaux (ancien provençal cercar), dans l'italien cercare, l'espagnol cercar « entourer ». L'anglais to search est repris à l'ancien français cercher, sercher.
❏  Chercher, « parcourir en tous sens » puis « essayer de découvrir qqch., qqn » (1210), a parfois gardé une notion de déplacement dans certains de ses emplois concrets, jusque dans aller, venir chercher (XVIIe s.). Avec une valeur abstraite (1538), il signifie « essayer de trouver mentalement (une idée, un souvenir) », en mettant l'accent sur l'effort de la démarche, dans la construction chercher à (XVIIe s.) et chercher à ce que (1549). ◆  Plus particulièrement, il induit l'idée d'un gain dans chercher femme (1538), chercher un emploi (1694), voire celle d'un résultat inévitable (XVIe s.) au sens de « s'exposer à un danger » (tu l'as cherché !). S'y ajoute une valeur agressive dans chercher querelle (1592) et, familièrement, chercher (qqn), pour s'expliquer, s'affronter (1776), par exemple dans la phrase de menace si tu me cherches, tu me trouves ! ◆  L'usage populaire dit (1945) ça va chercher dans les (mille francs) au sens d'« atteindre ».
❏  CHERCHEUR, EUSE n. et adj., d'abord cercheur (1538), l'unique dérivé du verbe par suffixation, est d'abord un nom puis aussi, tardivement, un adjectif (XIXe s.). En emploi absolu, il a pris la valeur de « scientifique adonné à des recherches spécialisées » (1829), cet emploi spécial étant en rapport avec recherche et non avec les verbes chercher et rechercher, plus généraux.
■  Le composé RECHERCHER v. tr. (1636 ; 1080, recercher) redouble les emplois du simple avec une valeur intensive, se bornant rarement au sens itératif de « chercher une nouvelle fois » (XVIIe s.), tout comme RECHERCHÉ, ÉE, l'adjectif tiré de son participe passé (1580), qui a le sens (parfois péjoratif) de « raffiné, étudié » et prend plus tard celui de « rare » (v. 1750). ◆  Le déverbal RECHERCHE n. f. (1508) se spécialise au début du XVIIIe s., en sciences, et devient par la suite institutionnel. Si l'emploi absolu du mot a cours depuis le début du XVIIIe s., la notion a changé de nature au cours du XXe s., avec la distinction entre recherche pure ou fondamentale et appliquée, avec l'apparition de plans, de programmes, d'organisations privées (services de recherche) ou publiques, comme le Centre national de la recherche scientifique, en France (CNRS). On parle aussi de recherche et développement, dans l'industrie, s'agissant de la conception et de la mise au point de nouveaux produits. À la notion de « recherche », en ce sens, correspond pour les personnes qui s'en chargent, le mot chercheur. ◆  Le dérivé RECHERCHISTE n. désigne en français du Canada les personnes chargées de recherches documentaires, notamment pour une publication ou une émission. Le mot tend à s'implanter en français de France.
L CHÈRE n. f. est issu (1080) du bas latin cara « visage » (peut-être attesté dès le VIe s.), lui-même emprunté au grec kara « tête ». On admet généralement que le mot grec est apparenté à keras « corne » (→ kératine) et au latin cornu (→ corne).
❏  Le français n'étant pas en peine de dénominations pour le visage (Cf. visage, figure, face, mine, minois), le sens héréditaire de « visage » a décliné avant le XVIe s., se maintenant plus longtemps dans quelques locutions du type faire bonne (mauvaise) chère à qqn (v. 1200) « bon (mauvais) visage », c'est-à-dire « bon (mauvais) accueil ».
■  De l'idée d'« accueil », on est passé par métonymie à celle de « repas qui le traduit » (1282) ; par extension, le mot a pris le sens général de « repas, nourriture », évolution favorisée par l'homonymie de chair « nourriture, viande » : la locution faire bonne chère (v. 1345), totalement détachée de son origine à partir de l'époque classique, exprime l'idée de « faire un bon repas » ; dans ce sens, elle est restée vivante, seulement sous la forme bonne chère.
CHERGUI n. m., emprunt à l'arabe marocain, de l'arabe classique šarqiyy « oriental », désigne en français du Maroc le vent du sud-est apportant une grande chaleur. Il est synonyme de sirocco.
CHÉRIF n m., CHÉRIFA n. f., emprunt à l'arabe šarif, proprement « noble », désigne en français des pays arabophones, une personne descendant de la fille du prophète, Fatima, et jouissant d'une notoriété particulière de ce fait.
■  Le mot, avec la valeur de « prince musulman », est connu en français depuis le XVIe s. (chériph dans Rabelais, 1552, sérif en 1528). Le titre peut être accordé à des personnes d'une piété exceptionnelle, en islam. Pluriel francisé : des chérifs ; plur. arabe : des cherfa.
❏  CHÉRIFAT n. m. correspond à « dignité de chérif ». ◆  CHÉRIFIEN, IENNE adj. (1867 écrit chériffien) « relatif à un chérif, une chérifa », s'est spécialisé à propos de la dynastie royale du Maroc, issue par Fatima du prophète Mohammed. Le mot s'emploie pour marocain, aine, s'agissant du royaume.
CHÉRUBIN n. m. est emprunté (1080), par l'intermédiaire du latin chrétien cherubim, considéré dans la Vulgate tantôt comme singulier tantôt comme le pluriel de cherub, à l'hébreu kerūb (pluriel kerubim) « sorte d'ange ». Ce mot est issu de l'akkadien karūbu « gracieux », kirūbu « propice ». C'est la forme cherubim (parfois cherubin, apr. 207) qui est à la base des mots romans, comme l'italien cherubino, l'espagnol querubin, le portugais querubin, cherubin, et du français. Une distinction, conforme à la morphologie hébraïque, a été faite avec les formes cherub (1295) et cherubim (chez Hugo kéroubims, 1866) opposant le singulier au pluriel, mais elle est restée limitée à l'usage savant.
❏  Le mot désigne un ange chargé notamment d'assurer la tâche de gardien (dans la religion hébraïque) et un ange du second rang de la première hiérarchie, dont les attributs sont la connaissance et la sagesse (dans la religion chrétienne). Par métonymie, il désigne la représentation de cet ange par une tête d'enfant ailé (v. 1576). ◆  Dès le XVe s., par référence à la représentation traditionnelle de l'ange, il est employé familièrement à propos d'un jeune enfant ou d'une personne au visage rose et poupin, notamment en locutions (v. 1576, rouge comme un chérubin). Il donne lieu à un terme d'affection à l'adresse d'un enfant (1808) et, par référence au personnage de Chérubin dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, s'applique à un adolescent gracieux et aimant (XIXe s.).
❏  Un féminin CHÉRUBINE n. f. (1809) a été formé comme terme d'affection, mais a rapidement vieilli.
CHESTER n. m. dans l'expression fromage de Chester (1714-1726) puis en emploi autonome (1845), est emprunté à l'anglais Chester, elliptiquement Chester cheese. Chester y est le nom de la capitale du comté de Cheschire, où l'on fabrique un fromage réputé. L'anglais emploie plus souvent cheschire, mot qui n'a eu qu'un succès limité en français (malgré l'introduction de fromage de Cheschire au début du XVIIIe s. [1714-1726]).
L CHÉTIF, IVE adj. est issu, par les formes caitin (v. 980), caitif (1080), chaitif (v. 1150) et chétif, d'un latin populaire °cactivus, croisement du latin captivus « prisonnier » (→ captif) et d'un gaulois °cactos que l'on déduit de l'irlandais cacht « serviteur » et du breton caez. Captivus, utilisé par Sénèque sur un plan moral pour qualifier l'homme prisonnier d'une passion et par les auteurs chrétiens pour l'homme captif du péché, a pris chez saint Augustin la nuance de « misérable » (d'où l'italien cattivo « mauvais, méchant ».)
❏  Le mot, en ancien français, fonctionne comme doublet de captif au double sens de « prisonnier » et de « malheureux, misérable » (1080). C'est cette valeur, conservée dialectalement dans le domaine picard, que l'on retrouve dans CH'TIMI n. et adj. « pauvre (chétif) moi », désignant plaisamment les gens du nord de la France (répandu en français général vers 1914). Par transposition sur le plan physique, chétif a pris le sens de « malingre, de faible constitution » (1150, rare avant le XVIIe s.).
❏  Les dérivés CHÉTIVETÉ n. f. (v. 1120, caitiveted) et CHÉTIVEMENT adv. (XIIIe s., chativement) ont suivi l'évolution de l'adjectif ; le premier est archaïque, le second littéraire.
Une forme orale de chétif, attestée par écrit dès le XIIe s. (chaitit, 1150) a produit, par croisement avec une prononciation de petit avec t palatalisé, soit p'tchi, en Auvergne, un adjectif régional et rural, CHTIT, ITE ou CHETIT, ITE, attesté par écrit au XVIIe s., employé dans le centre de la France pour « petit » avec plusieurs valeurs de l'adjectif (pauv' chtit gars ; un chetit verre) et aussi « mauvais, médiocre ». Substantivé pour « enfant », le sens se détache de « chétif » pour « petit ».
L + CHEVAL, AUX n. m. est issu (1080) du latin caballus, désignation populaire d'abord péjorative, qui s'appliquait à un cheval hongre et à un mauvais cheval, et s'est généralisée, éliminant le latin classique equus (→ équestre, équitation). Son étymologie est obscure : on suppose à caballus une origine gauloise (celtique) ou balkanique, mais certains étymologistes proposent, comme pour hongre qui correspond à Hongrois, un nom ethnique qui se serait répandu dans toute l'Europe. À partir du français cheval, un traitement phonétique populaire a donné choval et le mot québécois joual*.
❏  Le mot désigne un mammifère équidé, utilisé comme monture, et en particulier le mâle, par opposition à jument* (1195), et, par métonymie (1873), la viande de l'animal (du cheval). L'immense rôle du cheval dans la civilisation jusqu'au XIXe s. s'évalue dans la langue au nombre de termes spécialisés (coursier, destrier, etc.), de noms de couleurs (alezan, bai, pie), d'appellations dépréciatives (rosse, bidet, canasson) que la notion a suscités, sans compter les locutions où figure le mot cheval. Celles qui avaient un sens abstrait se sont conservées : ainsi la locution adjectivale et adverbiale à cheval (v. 1165) au sens concret « à califourchon », a développé le sens moral de « très strict » : à cheval sur les principes (1835) ; on peut citer encore monter sur ses grands chevaux (av. 1592) ou cheval de bataille (1690).
■  Appliqué à un homme, le mot réalise une idée physique de robustesse, de grossièreté ou de grande taille. La locution de cheval implique une idée de force brutale dans médecine de cheval (1690) ou fièvre de cheval (1798).
■  Le mot possède en outre plusieurs emplois analogiques, désignant des représentations plus ou moins sommaires de l'animal, cheval de bois (1556, au pluriel les chevaux de bois « manège »), cheval d'arçons*. Chevaux de bois se dit par extension d'un manège tournant, quels que soient les animaux ou véhicules représentés. L'idée du cheval de bois maigre et sec, qu'on n'a pas à nourrir, conduit à la locution populaire manger avec les chevaux de bois (mil. XXe s.) « se passer de manger », après à la graisse de chevaux de bois (1894) « absurde, ridicule » (Cf. à la graisse d'oie).
■  Cheval a reçu une acception technique dans cheval vapeur*, inspiré de l'anglais horse power, et dans cheval fiscal (d'une automobile), utilisé par les noms de modèles : par ex. la deux-chevaux Citroën, abrégé en deuch', deuche (1975).
❏  Le dérivé diminutif CHEVALET n. m. est passé du sens propre de « petit cheval » (1285) au sens analogique de « support » (1429), selon une figure qui met en rapport les animaux quadrupèdes et des dispositifs techniques (Cf. poutre, chèvre...), spécialement appliqué à un instrument de torture (1559), et au XVIIe s. au support de la toile sur laquelle travaille un peintre (1680), d'où peinture de chevalet.
CHEVALER v. a lui aussi perdu son sens propre « monter à cheval » pour exprimer l'idée de « étayer un travail de maçonnerie » (1676), produisant le substantif d'action CHEVALEMENT n. m. (1694), qui est resté vivant en technique. Le verbe doit à chevalet son autre sens technique « se servir d'un chevalet » (1723).
Empruntés au latin, CHEVALIN, INE adj. (1119) représente caballinus, et CHEVALIER n. m. (1080, chevaler) caballarius. Le premier sert à qualifier ce qui évoque l'apparence physique du cheval (un visage chevalin). ◆  Le second, au contraire, s'est essentiellement imposé au sens qu'il a pris dans la société féodale, « membre de l'ordre de la chevalerie », son image étant élaborée et idéalisée à travers les romans (voir ci-dessous) et la littérature courtoise (d'où chevalier servant) [→ cavalier]. ◆  En est dérivé le féminin CHEVALIÈRE n. f. (1821), elliptique pour bague à la chevalière (1820) qui se réfère aux initiales ou armoiries que porte un chaton.
■  CHEVALERIE n. f., d'abord « exploit digne d'un chevalier » (1080), désigne l'état, la qualité du chevalier (1165-1170) d'où, collectivement, l'ensemble des chevaliers (1155) et l'institution. Il exprime lui aussi une notion essentielle de l'époque féodale, concernant la noblesse sur deux plans, militaire et religieux. La conception de la chevalerie cherchait à moraliser la hiérarchie féodale et la hiérarchie établie par la vassalité. Le mot, avec un décalage historique, passe de la réalité à la littérature avec les romans de chevalerie, rédigés aux XVe-XVIe s. d'après les aventures des chansons de geste et des romans courtois, et lus jusqu'au début du XIXe s. dans la Bibliothèque bleue.
■  CHEVALERESQUE adj. (1642) est emprunté à l'italien cavalleresco, dérivé de cavaliere (→ cavalier), attesté depuis le XVIe siècle. Le mot, supplantant l'ancien français chevalereux (1080), encore enregistré en 1752, mais archaïque dès les XVe-XVIe s., est passé dans l'usage courant au sens moral de « généreux, désintéressé », par allusion aux qualités prêtées au chevalier.
Le composé CHEVAU-LÉGERS n. m. pl. (fin XVe s.) désigne un corps de cavalerie servant de garde au souverain. Le mot est aujourd'hui un terme d'histoire.
❏ voir CAVALCADE, CAVALE, CAVALIER, CHEVAUCHER, JOUAL.
CHEVAUCHER v. tr., intr. et pron., d'abord chevalchier (1080) puis chevaucher, est issu du verbe bas latin caballicare « monter un cheval, voyager à cheval » (VIe s.), en latin médiéval « s'acquitter d'un service à cheval » (VIIIe-IXe s.), et dérivé de caballus (→ cheval).
❏  Le verbe, au sens d'« aller à cheval », absolument ou avec un complément (monture ou pays parcouru), s'est réservé à l'usage littéraire comme doublet noble de cavaler (→ cavale) et de monter à cheval. Considéré comme archaïque au XVIIe s., il a été remis en honneur par les ballades romantiques évoquant le moyen âge. Son sens analogique « monter un animal comme un cheval » (1080), « être à califourchon sur » (XIIIe s.) est resté vivant, ainsi que celui de « se recouvrir partiellement » (1690, de deux choses, souvent en construction pronominale).
❏  CHEVAUCHÉE n. f., d'abord attesté (v. 1175) au sens métonymique de « troupe à cheval », est sorti de l'usage au XVIe s. avant d'être repris au XIXe siècle ; il est resté vivant, en concurrence avec cavalcade. Le sens d'« expédition militaire à cheval » (XIIe s.) a donné, par glissement, celui de « course, promenade à cheval » (XIIIe s.). Le sens féodal, « service à cheval dû par un vassal » (1240, cevacie en wallon), lié aux notions et aux mots chevalerie, chevalier, est passé dans le vocabulaire historique. La locution a chevauchons (v. 1225) a disparu, supplantée au XVIIe s. par à califourchon.
■  CHEVAUCHEUR, EUSE n. (XIIIe s., chevaucheer) est sorti de l'usage au XVIe siècle ; Furetière le qualifie de « creux mot » ; il a été remis en honneur par la langue littéraire, surtout chez les romantiques (1832, Hugo) en même temps que chevaucher (ci-dessus).
■  CHEVAUCHEMENT n. m. (XVe s.), qui a perdu sa vitalité au sens propre d'« action d'aller à cheval », a été repris en parlant de la position de deux objets empiétant l'un sur l'autre (1814). ◆  CHEVAUCHAGE n. m. (1847) s'est limité à une acception technique en imprimerie.
? CHEVÊCHE n. f., d'abord chevoiche (fin XIIIe s.), chevesse (1530) puis chevêche (1556), est d'origine incertaine : il vient probablement du bas latin cavannus qui a donné, par déformation, chat-huant*, avec peut-être une suffixation en -ecca, correspondant à la finale -êche.
❏  Le mot désigne une petite chouette à tête plate ; on lui connaît les variantes régionales chevestre, chavoche.
❏  Le diminutif CHEVÊCHETTE n. f. désigne une petite chouette, vivant surtout en Afrique, dans la savane.