? CHIC n. m. et adj., d'introduction tardive (1793), est d'origine incertaine, peut-être emprunté, par l'alsacien, à l'allemand Schick, proprement « façon, manière, bon ordre », attesté en Allemagne du Sud et en Suisse alémanique au sens de « convenance, habileté, savoir-faire ». Schick est le déverbal de schicken, proprement « faire que qqch. arrive » d'où « arranger, préparer », lui-même apparenté à geschehen « se produire, avoir lieu » d'une racine germanique °skē̆h- que l'on rapproche du vieux slave skakati « bondir, jaillir ». Selon une autre hypothèse, chic serait le dérivé d'un verbe dialectal chiquer « donner un petit coup » (Lorraine, Wallonie), apparenté à chicaner* et de formation onomatopéique. Les premières attestations ne permettent pas de trancher entre ces deux hypothèses.
❏  Le mot, d'abord relevé dans le langage poissard au sens d'« aisance, air dégagé », est enregistré par Boiste en 1803 (sous une graphie chique) au sens de « subtilité, finesse ». Il fait fortune dans l'argot des ateliers de peintres pour exprimer une certaine facilité, une vigueur rapide dans le maniement du pinceau et du crayon (1833). Sacré mot à la mode chez les artistes de la Jeune France, il développe parallèlement le sens de « désinvolture élégante, cachet original auquel le vulgaire ne peut accéder » (1835), se plaçant dans le voisinage sémantique de galbe*, terme à la mode dans les ateliers et qu'il a évincé. Il s'implante dans la phraséologie (1832, attraper le chic ; 1842, avoir le chic) et s'emploie adjectivement (1842, chique). ◆  Sa migration dans le domaine de l'élégance et de la mode est consacrée par l'expression récente bon chic bon genre (1970), abrégée familièrement en B. C. B. G. et qualifiant, puis désignant ironiquement une personne, souvent un jeune, d'apparence bourgeoise et d'élégance traditionnelle. ◆  Dernier avatar, il a pris le sens de « sympathique », « brave » (chic type) et s'emploie comme interjection (chic !) marquant le plaisir, cédant aujourd'hui du terrain à d'autres interjections en vogue (super, génial), mais réanimé par le dérivé familier CHICOS (s prononcé) apparu dans les années 1980.
❏  Les dérivés ont moins bien résisté. 2 CHIQUER v. tr. (1823) est à l'origine un terme de peintre signifiant « peindre avec habileté » (1845, chiquer bien un tableau). Il est devenu dépréciatif, connotant une habileté artificielle, et de là est passé dans l'usage populaire (1846) avec l'idée de « feindre, mentir, faire de l'esbroufe », idée exprimée aujourd'hui par frimer*.
■  Le participe passé CHIQUÉ a été substantivé au masculin (1837) et a très vite adopté la nuance défavorable d'« affectation », passée dans l'usage (1872, faire des chiqués). Employé également comme adjectif (1839), il a connu la même mutation de sens avant de sortir de l'usage, sauf dans c'est du chiqué ou chiqué ! dénonçant un comportement affecté et trompeur.
? CHICANER v. tr., intr. et pron. d'origine incertaine (1461) est probablement issu du croisement de ricaner* (pour la finale) et du radical onomatopéique tchikk- exprimant la petitesse (→ chic, chiche, chichi, chicot), l'idée première du verbe étant « se disputer pour des vétilles ». P. Guiraud y voit plutôt le fréquentatif du verbe expressif chiquer « donner un petit coup », le doublet de chicoter, chicailler, avec un suffixe -ener altéré en -aner sous l'influence de hagner « mordre, critiquer ».
❏  Chicaner est d'abord un terme juridique signifiant « poursuivre en justice » d'où, spécialement « soulever des difficultés pour embrouiller une affaire judiciaire » (1606), nuance aujourd'hui perdue. Il est passé dans l'usage commun avec le sens de « quereller sur une petite chose » (v. 1657) et (comme pronominal réciproque) « se chamailler ».
❏  Le déverbal CHICANE n. f. (1582) est non seulement un terme de procédure, élargi au sens de « querelle » et employé pour désigner péjorativement le milieu juridique (1675 ; av. 1664, gens de chicane), mais aussi un terme de jeu (de mail) qui réalise soit l'idée d'un petit coup, soit (XXe s. particulièrement en ski, 1931) celle d'un tracé tortueux (en chicane : « en zigzag ») comme celui d'une procédure embrouillée. ◆  Un développement original de chicane et chicaner, en français québécois, correspond à l'idée de « tracasser, ennuyer ».
Du verbe ont également été tirés en moyen français les adjectifs CHICANEUR, EUSE (v. 1460), CHICANIER, IÈRE (av. 1573) ainsi que CHICANERIE n. f. (XVe s., chiquanerie). La satire des milieux de procédure a rendu ces mots très vivants aux XVIe (Rabelais), XVIIe (Racine, Furetière, Molière) et XVIIIe siècles.
Par substitution de suffixe, on a tiré de chicaner le doublet sémantique 1 CHICOTER v. intr. (1583, chiquoter) « débattre, discuter sur des vétilles ». Ce verbe a rencontré un homonyme formé sur le radical tchikk- exprimant un petit craquement et référant à l'idée de « marmotter » (1829) et « crier (de la souris) » (1845). Aux emplois régionaux du verbe dans l'ouest de la France correspond celui du français du Canada, où le mot est courant pour « tracasser, inquiéter ».
CHICANO n. m. est un mot espagnol du Mexique, déformation avec aphérèse de Mexicano, passé vers 1954 en anglais des États-Unis et diffusé en d'autres langues.
❏  Depuis les années 1970, on l'emploie en français à propos des Mexicains établis en Californie.
1 CHICHA n. f., d'abord dans vin de chiche (1545), puis vin de chicha (attesté en 1866), est pris à l'espagnol chicha (prononcé tchitcha), emprunt à un mot amérindien du Panama courant en espagnol d'Amérique centrale. Le mot désigne le maïs fermenté à effet psychotrope (mâcher la chicha) et la boisson préparée avec ce produit.
2 CHICHA n. f. est emprunté à l'arabe égyptien, où le mot semble venir du persan shisha « verre ».
❏  Le mot désigne un type de pipe à eau, de narguilé. Un bar à chicha, par métonymie, un chicha.
3 CHICHA, « haschisch », est la forme de ce mot traité en verlan.
? 1 CHICHE adj. et interj. (1165-1170) est d'étymologie incertaine, probablement dérivé du radical onomatopéique tchitch- exprimant l'idée de « petitesse » (→ chichi). Cette hypothèse est préférable à un emprunt au bas grec des gloses kikkos « un rien », emprunté au latin ciccum « membrane fine (celle de la grenade) » d'où « chose de rien », et lui-même d'origine inconnue.
❏  Le mot qualifie une personne qui regarde à la dépense d'où, au figuré, qui n'est pas prodigue (1538, chiche de). Par métonymie, il qualifie une chose qui témoigne de cet esprit d'avarice (1732), ou qui est peu abondante (1798, moisson chiche).
❏  Chiche a produit CHICHETÉ n. f. (1050), CHICHERIE n. f., à peu près inusités, et CHICHEMENT adv. (1539), relativement rare de nos jours.
Il semblerait que l'interjection familière 3 CHICHE ! (1866) soit un emploi particulier de l'adjectif chiche, probablement par abréviation de la locution ne pas être chiche de faire qqch. (1830) « ne pas être capable de faire qqch. ». L'emploi adjectif attribut : il, elle est (serait...) chiche de (suivi de l'infinitif) « capable de », relève de la même évolution probable, mais il se pourrait aussi que cet emploi soit d'origine différente.
2 CHICHE adj. dans pois chiche (1244), serait l'altération influencée par 1 chiche de l'ancien français cice n. m. (cependant attesté v. 1256), emprunté au latin cicer de même sens, à l'origine du surnom Cicero (→ cicérone). Ce mot rappelle d'une part le vieux prussien keckers « pois », de l'autre, l'arménien sisėrn « pois chiche » dont les gutturales ne concordent pas. Pour P. Guiraud, les deux mots 1 et 2 chiche viendraient du latin ciccum « zeste, fragment de peau » et « objet sans valeur », ce légume, souvent donné aux animaux, ayant une faible valeur.
❏  Pois chiche désigne la graine comestible d'une plante méditerranéenne (Cicer arietinum), d'un autre genre botanique que le pois (pisum).
CHICHE-KÉBAB n. m. est emprunté (1907) au turc şiş kebap, composé de şiş « broche, brochette » (lui-même de l'arabe šîš de même sens), et de kebap « morceaux de viande grillée », repris de l'arabe kabāb. Antérieurement le français a emprunté à l'arabe kébab n. m. par des relations de voyage (1743, kab-ab), l'anglais ayant cabob dès 1690.
❏  Le mot désigne un plat oriental de brochettes de viande rôties à feu vif, souvent très épicées. ◆  D'autres composés en kébab sont plus récents.
CHICHI n. m. (1886) est probablement une forme enfantine à redoublement (comme bobo, bibi), issue du radical onomatopéique tchitch- exprimant l'idée de « petitesse » (→ chicaner, chicot). Il peut se rattacher plus précisément à 1 chiche* dont il aurait pour fonction de puériliser et de minimiser la valeur.
❏  Généralement employé dans la locution faire des chichis (à l'origine faire du chichi, 1886) « faire des manières », il est passé dans le vocabulaire des modistes et des couturières (1897) pour désigner des boucles de cheveux postiches, puis des fanfreluches.
❏  À l'idée de « manières affectées et prétentieuses » se raccordent CHICHITER v. intr. (XXe s.), rapidement vieilli, et CHICHITEUX, EUSE adj. (1920), ce dernier courant, formés avec un t de liaison.
CHICHOURLE n. m. est en français régional du sud-est de la France (Provence, Marseille...) un emprunt au provençal chichourlo « jujube », pour désigner ce fruit et, au figuré, le sexe de la femme. De là, la valeur de « prostituée », conservée dans l'expression enfant (surtout fan) de chichourle, insultante au XIXe s., aujourd'hui exclamation de surprise sans vulgarité ni agressivité. Un autre sens figuré correspond à l'appellatif chichourle, chichourlette, adressé à un enfant, garçon ou fille, ce qui souligne l'oubli de la valeur initiale.
1 CHICORÉE n. f., d'abord cikoré (XIIIe s.) et cicoree (v. 1370), puis chicorée (1528) sous l'influence de la prononciation de l'italien cicoria (av. 1250), est emprunté au latin médiéval cicorea, cicoria (VIIe s.). Ce mot est emprunté au grec kikhoria, forme de neutre pluriel du singulier kikhorion (d'où le latin classique cichoreum), de même sens, sans origine connue.
❏  Nom de plante, chicorée est employé par métonymie (1792) pour désigner la racine torréfiée et la boisson qu'on prépare avec elle et qui est comparable au café, qu'elle remplace traditionnellement dans le nord de la France, ou encore les feuilles que l'on mange en salade.
❏  CHICON n. m. (1651) est probablement dérivé par fausse régression de chicorée pour désigner la laitue romaine ; ce sens est inconnu en français moderne. ◆  Le mot est employé dans le nord de la France et en Belgique comme nom du légume appelé endive en français central (alors qu'endive, en français de Belgique s'emploie pour la plante appelée chicorée en France).
■  CHICORACÉ, ÉE adj., formé sur chicorée avec le suffixe botanique -acé (1698), qualifie et désigne comme nom féminin, surtout au pluriel chicoracées (1835), les plantes d'une sous-famille des composées, comprenant notamment la chicorée.
CHICORER (se) est un dérivé du verbe populaire se chiquer* pour « se battre, se bagarrer », sans rapport avec chic, ni avec chique (→ 1 et 2 chiquer). Ce dérivé a subi l'attraction homonymique de chicorée.
❏  Ce verbe argotique a donné naissance à 2 CHICORÉE n. f. « correction », à CHICORE n. f. (même sens).
CHICOT n. m., réfection (1581) de cicot (1553), également chiquot en 1611, est formé sur le radical onomat. tchikk-, exprimant l'idée de « petitesse » (→ chic, chicaner, 1 chiche, chichi, chiquenaude), avec le suffixe -ot.
❏  Le mot désigne un reste de branche ou de tronc, d'un arbre coupé ou arraché et, par extension, un petit morceau de bois (1690). Par analogie, il désigne familièrement un reste de dent cassée ou cariée (1611), fournissant par métonymie une désignation populaire de la dent. Le sens général « reste (d'une chose rompue) » (1800), réalisé notamment dans le syntagme un chicot de pain (1869), a disparu.
❏  2 CHICOTER v. tr., d'abord noté chiquoter (1611) parallèlement à chicoter (XVIIe s.), exprime l'idée de « couper de manière à laisser un chicot, déchiqueter ». Il s'est répandu en langue populaire au XIXe s. (1851, chicoter le cou) avant de disparaître.
CHICOTE ou CHICOTTE n. f. est emprunté (1840) au portugais chicote « natte de cheveux » (XVIIIe s.) puis « fouet à lanières nouées » (1813), mot probablement emprunté, de même que l'espagnol chicote « extrémité d'un cordage » au français chicot. Sous la forme chicotte n. f., le mot désigne, en français d'Afrique, par emprunt à l'espagnol chicote au sens de « fouet » un bâton ou un fouet pour infliger des punitions corporelles, avec un verbe 3 CHICOTER ou CHICOTTER « donner des coups de chicotte à (qqn, un enfant) ».
1 CHICOTER → CHICANER
CHICOTIN n. m. est l'altération (par attraction de chicot ?) de cicotrin (1478), cicotin (XVe s.), pour socotrin, du nom de l'île de Socotra.
❏  Le mot désignait le suc et la poudre de goût très amer extrait d'un aloès et de la coloquinte. Seule l'expression amer comme (du) chicotin est restée en usage.
L CHIEN, IENNE n., d'abord chen (1080) puis chien (1195-1200), est issu du latin canis (et canes) « chien, chienne », employé aussi comme terme d'injure. Ce mot s'est substitué à un ancien thème terminé par n (comme le grec kuôn) qui a été éliminé en raison de son caractère anomal. Canis se rattache au groupe indoeuropéen du grec kûon (→ cynégétique, cynique), avec un vocalisme difficile à expliquer.
❏  Le mot, nom de l'animal domestique par excellence, a inspiré de nombreuses locutions, quelquefois par opposition à loup, nom de l'animal sauvage le plus semblable (heure entre chien et loup, av. 1250) ou à chat, autre animal domestique très familier. ◆  De nombreux syntagmes, chien de chasse, chien de berger, signalent la fonction, comme chien d'attaque, d'autres la race (chien-loup, ci-dessous). Chien de manchon a pour équivalent québécois chien de poche, au figuré « personne, enfant qui suit qqn et lui obéit en tout point ». Le syntagme de chien (1552) comprend toujours une idée de difficulté, de peine (mener une vie de chien) par allusion aux mauvais traitements supportés par l'animal et à son infériorisation par rapport à l'homme.
■  Dès l'ancien français (1195-1200, comme adjectif ; 1223, comme nom) chien prend d'ailleurs un sens figuré fortement péjoratif, appliqué à un homme, parfois avec des valeurs spéciales, comme « avare » (1829), ou, au féminin, à une femme avec une référence de réprobation sexuelle. En revanche, dire d'une femme qu'elle a du chien (1866) c'est exprimer une idée de charme racé. L'expression a une valeur différente au Québec où avoir du chien signifie (d'une femme) « avoir du caractère, de l'énergie » (aussi avoir du chien dans le corps). Au XIXe s., chien est passé dans l'argot des journalistes (1874) où il est entré dans l'expression chiens écrasés (1881) « rubrique de faits divers ».
■  Parallèlement, il a développé, depuis le XIIIe s. dans des syntagmes, des sens analogiques (av. 1250, chien de mer « petit requin »). Par allusion à une attitude coutumière de l'animal, le mot est devenu un terme technique pour la pièce coudée de certaines armes à feu (av. 1630), repassant dans l'usage courant dans la locution dormir en chien de fusil (1866) ; d'autres acceptions techniques sont enregistrées en 1704. ◆  Outre l'emploi figuré signalé plus haut, le féminin CHIENNE a surtout des valeurs négatives (« femme de mauvaise vie », l'expression chienne de vie...). En français québécois, le mot a pour sens figuré « peur », par exemple dans avoir la chienne.
Une valeur particulière du mot, en rapport avec l'expression coiffure à la chien, est représentée en français des Antilles par un chien pour « une frange », des chiens, en Belgique « mèches de cheveux retombant sur le front », et des chiennes, aussi en Belgique, au Luxembourg, « frange ».
❏  CHIENNAILLE n. f. (1174-1177) désigne une troupe de chiens, très tôt avec une valeur péjorative figurée (av. 1195), partagée par son doublet canaille*.
■  CHIENNERIE n. f. (v. 1210), « groupe nombreux de chiens », a lui aussi reçu des acceptions figurées péjoratives, s'appliquant à un comportement dégradant (v. 1460), souvent sexuel, et, familièrement, à l'idée d'« avarice » (1669), également réalisée dans l'ancienne langue par chienneté.
Chien est entré en composition dans CHIENDENT n. m., d'abord toponyme (1340) selon un mode inhabituel en français, là où l'on attendrait °dent de chien (comme on a dent de lion). Le mot continue peut-être un type latin médiéval °canis dente, de même que l'ancien français chevauqueue, désignant un végétal, la prêle, continuait le latin caballi coda « queue de cheval ». Attesté depuis 1559, chiendent a reçu le sens figuré de « complication, embarras » par allusion à la difficulté à extirper cette plante d'un terrain (1690).
CHIEN-LOUP n. m. (1775) est le calque de l'anglais wolf-dog, formé avec wolf « loup » et dog « chien », « variété de chien employée pour la chasse au loup » (1652) puis « race de chien obtenue par croisement d'un loup et d'un chien domestique » (1736).
■  CHIENCHIEN n. m. (1875) est issu de chien par redoublement affectif de sa syllabe.
CHENET n. m. (1287) est un diminutif ancien de chien, ces pièces figurant à l'origine des chiens accroupis. ◆  Le mot désigne les pièces métalliques jumelles placées perpendiculairement au fond d'une cheminée et sur lesquelles on peut disposer les bûches. Le mot symbolisait le coin du feu (les pieds sur les chenets : bien au chaud).
■  CHIEN-ASSIS n. m. (1841), comme chien de fusil, est un terme technique tiré d'une observation de l'attitude du chien : il désigne en architecture un type de fenêtre pratiqué dans une toiture.
CHENIL n. m. (1387) est issu du latin populaire °canile, mot formé sur canis d'après des mots comme bovide, caprile, ovide.
■  Au sens de « lieu où sont enfermés les chiens de chasse », puis aussi « lieu où l'on garde des chiens » en général (1676), le mot a développé le sens péjoratif attendu de « logement sale » (1694). ◆  En français de Suisse, CHENI n. m. (prononcé chni) parfois écrit chenis, chenit, et initialement chenil (1864), signifie « désordre », « situation embrouillée et mauvaise » (Cf. bordel). En Suisse et dans les régions de France qui en sont proches, du cheni désigne les balayures, les ordures ménagères (pelle à cheni, jeter au cheni). ◆  Le sens moderne courant (en France) de chenil, « lieu où l'on héberge des chiens contre paiement et où l'on élève des chiens de chasse », ne semble attesté qu'au milieu du XXe siècle.
❏ voir CAGNE, CAGNOTTE, CANAILLE, CANARI, CANICULE, CANIN, CHENILLE, REQUIN, également CHIOT.
CHIENDENT → CHIEN
CHIENLIT → CHIER
L + CHIER v. est issu (1202) de même que ses correspondants régionaux (et moins triviaux) caquer et (par l'ancien provençal cagar) caguer, du latin classique cacare « évacuer des excréments » (→ caca, cagot).
❏  Surtout intransitif sauf dans quelques expressions pittoresques, le verbe a pris de nombreux sens métaphoriques comme « avoir peur », « en baver » (en chier) et, en construction factitive très courante (se) faire chier « (s')embêter » (Cf. emmerder). Une autre image aboutit au même sens avec envoyer chier qqn (dès 1649, in P. Enckell) ou l'injonction : va chier et encore dans c'est à chier « horrible, ennuyeux ou très mauvais », qui semble récent mais à chier dessus est relevé en 1742. C'est nul à chier est récent (v. 1985) ; il peut être rendu par les initiales N. A. C. prononcées nac.
■  Le verbe sert à former de nombreuses expressions familères, telle (il n')y a pas à chier « c'est obligé » (1920). Ça va chier (1920) confère au verbe la valeur de « barder, aller fort ». ◆  Participe passé adjectivé CHIÉ, ÉE y ajoute le sens mélioratif de « réussi » (il est chié ! et, dès 1534, c'est bien chié « c'est bien dit »), peut-être en renouant avec le symbolisme traditionnellement favorable de l'excrément.
❏  En dehors de quelques dérivés formés sur le sens propre, la majorité réalise l'idée figurée d'« ennui », certains autres présentant des dérivations de sens importantes. Dès le XVIe s., chier produit CHIERIE n. f. dont le sens propre « défécation » a été supplanté dans la langue populaire (1881) par le sens figuré « ennui ».
■  CHIENLIT n. m. et f. (1534), composé de la forme verbale chie, de en* et lit*, a eu le sens propre de « celui qui chie au lit ». Par extension, il a désigné un personnage de carnaval (1740) d'où, au féminin, une mascarade débridée, développant le sens moderne de « pagaille, désordre », popularisé par un mot historique du général de Gaulle à propos de mai 68. Presque entièrement démotivé, il conserve un lien avec l'idée étymologique de « défécation » dans le sens populaire « morceau de chemise dépassant de la fente postérieure de la culotte d'un enfant » (1866).
CHIASSE n. f. (1578) est demeuré aussi marqué comme trivial que le verbe ; le nom s'est spécialisé pour désigner la diarrhée, avec les mêmes métaphores que colique, trouille, concernant la peur.
■  CHIURE n. f. (1642, chieüre) ne désigne que des excréments d'insectes (chiure de mouche est courant) ; le mot est moins marqué que chier et chiasse.
■  1 CHIARD n. m., « jeune enfant », est d'abord attesté comme adjectif (v. 1530, peur chiarde), repris fin XIXe s. pour qualifier une personne (1894). En français de Suisse, comme n. et adj., il correspond à « peureux », par la même figure que trouillard.
■  CHIEUR, EUSE n. n'est guère attesté au sens concret (1887, Zola) ; le mot ne s'est répandu que comme dérivé (anormal) du figuré faire chier pour « personne ennuyeuse », comme équivalent plus fort de emmerdeur.
■  CHIANT, ANTE adj. (1920) a été formé dans le même champ sémantique pour « ennuyeux » avec la double valeur « lassant » et « pénible », comme le dérivé irrégulier CHIATIQUE adj. (1901), qui pourrait être un jeu de mots sur sciatique (à cause des douleurs).
■  2 CHIARD n. m. se dit au Québec pour « chose informe », comme pétrin en français de France (se mettre dans un beau chiard) et aussi « histoire confuse » (faire tout un chiard de qqch., Cf. en France, en chier une pendule). Au concret, le mot peut s'appliquer à une sorte de ragoût de viande et de pommes de terre.
Autre nom de la défécation, attesté au XIXe s. (Goncourt) après le sens figuré, 1 CHIADE n. f. désigne dès 1835 dans l'argot de Saint-Cyr une brimade consistant à pousser la victime contre un mur. Esnault fait venir le mot de ça chie dur « ça va fort », mais une métaphore plus directe est concevable.
■  De chiade vient CHIADER v. tr. qui a pris (1863) la valeur de « travailler dur », alors sans doute dérivé de l'emploi figuré de chier « aller fort » ; de là 2 CHIADE n. f., déverbal pour « gros travail », CHIADEUR, EUSE n. (1878), et CHIADÉ, ÉE adj. (1829) « difficile » et aussi « bien fait ; travaillé avec soin ». Toute la série a vieilli.
CHIOTTE n. f., dérivé (1885) de chier, s'emploie au pluriel pour « cabinets (d'aisance) » ; l'emploi au singulier (XXe s.) entraîne parfois le passage au masculin. Courant dans l'usage familier, le mot s'emploie dans l'exclamation aux chiottes ! pour conspuer et au figuré pour « ennui, désagrément (qui fait chier) ». ◆  Le sens argotique « automobile » (1918) est probablement issu de chignole*.
Le composé CONCHIER v. tr. (XIIe s.) issu du latin concacare, signifie « souiller d'excrément » et correspond au figuré à emmerder.
❏ voir CHIALER.