CHUT interj. est une formation onomatopéique (v. 1100) à partir d'une base chu- qui se retrouve dans plusieurs mots suggérant un murmure ou un sifflement assourdi (→ chuchoter, chuinter).
❏  Après une première attestation dans les Gloses de Raschi, le mot n'est relevé qu'au XVIe siècle.
❏  Son dérivé 2 CHUTER v. (1834), « crier, faire chut » et, transitivement, « accueillir par des chuts », n'a pas eu de succès, sans doute à cause de l'homonymie avec le dérivé de chute (→ choir).
CHUTE → CHOIR
CHUTNEY n. m. est emprunté (1964) à l'anglais chutney, également chutnee, d'abord chatna (1813) qui est une adaptation du hindi chatni « condiment constitué d'une sorte de confiture de fruits, d'herbes, de piments et d'épices ».
❏  Le mot s'est peu répandu en dehors du cercle des voyageurs, puis des amateurs de cuisine indienne qui utilisent ce condiment. Dans ce domaine, il a été réemprunté à l'anglais, les restaurants indiens de Londres ayant été les premiers en Europe.
CHYLE n. m. (chile, v. 1360) est emprunté au latin médical chylus, pris au grec khulos « jus », « sève », « suc », de même origine que khumos → chyme, probablement du verbe khêo « je verse ».
❏  Le mot, d'après la valeur prise par le mot grec chez Galien, désigne le liquide résultant de la transformation des aliments dans l'intestin, et absorbé par les vaisseaux lymphatiques.
❏  Il a pour dérivés CHYLEUX, EUSE adj. (1546), CHYLIFÈRE adj. (1665) qualifiant les vaisseaux lymphatiques transportant le chyle, et CHYLIFICATION n. f. (attesté 1932) « formation du chyle ».
CHYME n. m., une première fois chime (XVe s.) puis chyme (1559), est emprunté au bas latin médical chymus « suc de l'estomac » (IIIe s., Serenus Sammonicus). Lui-même est emprunté au grec khumos « suc », mot valant pour les sucs des végétaux et surtout des animaux (→ chyle), et pour « humeur » (→ cacochyme).
❏  Après une attestation isolée au sens de « suc d'un fruit », le mot a été réintroduit avec son sens technique de « bouillie produite par la première élaboration des aliments dans l'estomac », en physiologie (1559).
L 1 CI adv. est issu (Xe s.) du latin ecce (« voici ») hic (« ici »).
❏  Employé en droit pour ici, par ex. dans ci-gît (v. 1170) [→ gésir], ci a eu la valeur temporelle de « maintenant » (mil. XIIe s.), disparue au XVIIIe s. ◆  Le mot a survécu comme particule devant quelques prépositions (après, v. 1170 ; contre XVIIe s.) et devant des participes passés (cy inclus, cy joint, 1690). ◆  L'emploi substantif (une ci, une ça, 1844, Sue) est très familier.
❏ voir DEVANT, SOUS (DESSOUS).
2 CI correspond à ceci, mais vient peut-être de ça par changement vocalique (Cf. ceci cela).
❏ voir 1 CE (CECI et ÇA).
CIAO interj. Emprunt (v. 1950) à l'italien du Nord, du vénitien sc'iao pour sciavo « esclave », employé comme serviteur l'est en français. ◆  La variante TCHAO (chao, Camus 1957) est phonétique.
❏  Le mot, qui semble venir d'un argot, s'est répandu pour salut ! (de départ).
CIBISTE → CITÉ
CIBLE n. f., d'abord sible (1671) puis cible (1693), est emprunté au suisse romand schibe (1434, ancien fribourgeois) et siba (1476, ancien fribourgeois) « but pour le tir à l'arc ». Ce mot est l'adaptation de l'alémanique schîbe, correspondant à l'allemand Scheibe « disque, carreau » et « cible », ancien haut allemand sciba, moyen haut allemand schībe et moyen bas allemand schīve. La série est à rattacher à un groupe appartenant à une racine germanique °skē̆i- « couper, tailler ». Le type français présente un l parasite et le type cibe, noté par Boiste, ne s'est pas imposé.
❏  Le mot est parvenu dans le lyonnais en raison du renom des fêtes de tir suisses ou à la faveur de fêtes données en commun par des villes suisses et françaises et, de là, s'est répandu en français. Il est aussi employé au figuré (av. 1850, Balzac) dans quelques expressions du type servir de cible, être la cible de. ◆  Plus récemment, il est entré dans le vocabulaire de la physique et dans le langage publicitaire au sens d'« objectif visé, partie du public à atteindre ». En traduction, on appelle langue cible, d'après l'anglais target language, la langue dans laquelle un texte doit être traduit.
❏  CIBARRE n. m. « marqueur à la cible » (1728), formé sur l'ancienne forme cibe avec un suffixe patois, et CIBLERIE n. f. (1884) « emplacement pour les cibles », « abri pour les marqueurs », sont peu usités en France, mais cibarre, cibare est vivant en français de Suisse, avec deux acceptions : « marqueur à la cible, indiquant l'emplacement des impacts, dans le concours de tir », et aussi « participant à un concours de tir » ; ainsi que ciblerie avec ses deux valeurs.
Le dérivé le plus vivant de cible est CIBLER v. tr. (1896), proprement « viser comme sur une cible », repris dans le langage des publicitaires (v. 1970) et très employé au participe passé adjectivé : publicité bien, mal ciblée, ainsi que le dérivé CIBLAGE n. m.
CIBOIRE n. m., d'abord civoire (v. 1160), refait savamment en ciboire (1288), est emprunté au latin ciborium « coupe ayant la forme d'une gousse de la fève d'Égypte », employé spécialement dans la langue de l'Église chrétienne au sens de « dais surmontant l'autel d'une basilique ou la sépulture d'un saint ». Ciborium est emprunté au grec kibôrion « péricarpe, fleur ou fruit du nénuphar égyptien », d'où « coupe » et « tombe » (grec moderne kibouri), emprunt probable à un mot égyptien.
❏  Le mot a été repris comme terme d'archéologie chrétienne au sens du latin ecclésiastique. Ce sens, dont l'ancien français avait tiré, par extension, celui de « voûte, toiture voûtée » (v. 1160), a été repris par le type savant CIBORIUM au XIXe s. (v. 1850). ◆  Ciboire n'a gardé que l'acception seconde de « vase liturgique en forme de calice couvert, renfermant l'eucharistie » (1382). ◆  Le mot a servi en français québécois dans le riche répertoire des « sacres », comme calice, crisse (christ), tabernacle ou hostie. Il a pour variante cibale.
CIBOULE n. f., d'abord cibole en ancien picard (v. 1230), est emprunté au provençal cebula (av. 1350), lui-même issu du bas latin caepulla, cepulla, diminutif de caepa « oignon » (→ cive, art. civet).
❏  D'abord attesté en picard au sens analogique de « partie renflée d'une massue », le mot désigne une plante servant de condiment (1288). Par analogie avec la forme du bulbe de la plante, il est passé en argot et de là dans le langage familier au sens de « tête » (1867), sans réussir à s'implanter, alors que le dérivé ciboulot accaparait cette valeur.
❏  CIBOULETTE n. f. (1486, ciboulete) désigne une plante voisine de la ciboule. En français central, il est plus usuel que ciboule.
■  CIBOULOT n. m., autre diminutif de ciboule (1883), a été formé avec le sens analogique de « tête » en argot, puis dans l'usage familier, probablement sous l'influence de boule* ; il a supplanté ciboule au même sens.
❏ voir CHIPOLATA.
CICATRICE n. f. est emprunté (1314) au latin cicatrix (depuis Plaute) de sens physique et moral, d'étymologie inconnue.
❏  Le mot désigne la marque laissée par une blessure puis aussi, au figuré, la trace causée par une souffrance morale, un dégât (1585). Une valeur spécialisée, en français d'Afrique, correspond à « trace d'incision rituelle du visage, scarification ». ◆  Le sens physique a donné des emplois techniques en botanique et en géologie.
❏  Le seul dérivé direct est CICATRICIEL, IELLE adj. (1845), terme du langage médical.
CICATRISER v. est emprunté (1314) au latin médiéval cicatrizare (XIIe s.) de cicatrix ; il a produit CICATRISATION n. f. (1314), CICATRISABLE adj. (1845 ; une fois au XVe s.) d'où INCICATRISABLE adj. (1771), et CICATRISANT, ANTE adj. (XVe s.).
CICATRICULE n. f., emprunt (1501) au latin cicatricula, diminutif de cicatrix, a eu le sens propre de « petite cicatrice ». Il a été repris en biologie (1743) comme dénomination du disque germinatif de l'œuf.
CICERONE n. m. est emprunté (1739) à l'italien cicerone « guide appointé pour présenter les particularités touristiques d'un site » (XVIIIe s.), emploi par antonomase de Cicerone, du nom du grand orateur latin Marcus Tullius Cicero, par allusion plaisante à la verbosité des guides romains. Le nom de l'orateur latin est un sobriquet tiré de cicer « pois chiche » (→ 2 chiche).
❏  Le mot est passé en français avec les Lettres familières sur l'Italie, du président De Brosses qui emploie le pluriel italien ciceroni (aujourd'hui francisé en cicerones, cicérones) et le singulier cicerone dans la locution faire le cicerone. Le sens propre, également réalisé au XVIIIe s. par la forme française cicéron (Voltaire), tend à vieillir.
❏  Le nom de l'orateur latin Cicéron a donné lieu à un emploi plaisant au sens d'« orateur éloquent » (1792), dans la rhétorique révolutionnaire, puis chez des écrivains comme Queneau.
■  Les dérivés stylistiques CICÉRONAGE n. m. « propos grandiloquents » (1855, Goncourt), CICÉRONNERIE n. f., CICÉRONISER v. intr. (1908) et CICÉRONER v. intr. (1867, Goncourt) sont à peu près inusités.
CICLER ou SICLER v. intr. correspond, en français de Suisse (depuis 1820), à un type dialectal représenté dans presque toute la France, issu du latin populaire °cisculare. En français régional de l'est de la France, il est plutôt écrit sicler, en Suisse plus souvent cicler. Il signifie « crier d'une voix aiguë ».
❏  CICLÉE n. f. (1820) signifie « cri perçant ».
CICUTAIRE, CICUTINE → CIGUË
-CIDE, élément final, est emprunté au latin -cida (nom d'agent) et -cidum nom d'action, de la racine verbale caedere « tuer » → par ex. occire.
❏ voir 1 et 2 FRATRICIDE, HOMICIDE, INFANTICIDE, INSECTICIDE (à INSECTE), PARRICIDE, PESTICIDE, RÉGICIDE, SUICIDE.
L CIDRE n. m., d'abord sizre (v. 1120) puis cidre (1130-1140), est issu du latin chrétien de la Vulgate (et des auteurs chrétiens) sicera « boisson fermentée » (en grec, parallèlement, sikera), transcription de l'hébreu śēkār « liqueur empoisonnante, liqueur forte » (Ancien Testament). Ce mot est dérivé du verbe śākar « boire à l'excès jusqu'au malaise ». La forme sicera a dû être altérée en °cisera comme l'indique l'attestation de cisera en latin médiéval au XIIe siècle ; le développement du d est un phénomène phonétique analogue à l'évolution menant de Lazarus à ladre*.
❏  Le sens biblique, « liqueur forte », reste limité aux traductions de la Bible. Dès le XIIe s., le mot est relevé au sens spécialisé de « boisson fermentée faite avec du jus de pommes » (1130-1140) qui a dû se développer en Basse-Normandie (vallées de Risle et de la Touque) et, de là, gagner toute la France. Cependant, la vogue de la boisson ne semble pas s'être répandue immédiatement. Par extension, cidre a désigné des boissons faites avec le jus fermenté d'autres fruits (poires, 1575) ; Cf. poiré.
L CIEL, CIEUX ou CIELS n. m. est hérité (v. 881) du latin caelum (écrit à basse époque celum, coelum) « voûte céleste, séjour de la divinité » et, techniquement, « voûte, voussure ». L'origine du mot est incertaine ; on évoque un rattachement à caedere « couper » (→ césure), le ciel étant « découpé » en régions qu'observe la science des augures ou en zones que parcourent les astres. Le développement du pluriel caeli, d'origines biblique et chrétienne (rare auparavant), est fait sur l'hébreu chamayîm (pl.) ; Cf. le pluriel du grec ouranos (→ ouranien).
❏  Les trois sens du latin — « séjour de la divinité », « voûte céleste » et « plafond » — ont été repris en français. Le premier l'a été dans une perspective chrétienne, désignant, au singulier, et au pluriel cieux, le lieu de séjour de Dieu et des âmes après la mort, par opposition à terre ou à enfer (Cf. terre, enfer). Il en est sorti, par métonymie, le sens de « divinité » réalisé depuis l'époque classique dans l'interjection ciel ! (1604), juste ciel !, diverses formules de politesse, souhait et supplication et quelques locutions (aide-toi, le ciel t'aidera). ◆  Depuis 1050, le mot possède aussi le sens latin de « voûte céleste », à la fois dans une perspective cosmique, astrologique et au sens courant de « partie du ciel visible, limitée par l'horizon ». Il est diversement qualifié selon son aspect météorologique (ciel bas, lourd, serein) et a fourni l'adjectif de couleur bleu ciel (1844) par allusion à la couleur pâle d'un ciel dégagé. Avec ce sens, il entre dans de nombreuses locutions où la référence atmosphérique n'est pas toujours affranchie de connotations cosmologiques et religieuses (ambiguïté que ne connaît pas l'anglais avec ses deux noms : sky, heaven). ◆  Enfin, ciel est passé par analogie — et peut-être par réemprunt au latin — dans le vocabulaire technique, désignant le châssis au-dessus d'un lit à baldaquin (apr. 1350, d'une table) et la voûte d'une carrière (1676, les ciels d'une carrière), spécialement dans l'expression carrière à ciel ouvert, d'où est tirée la locution courante à ciel ouvert.
❏  Ciel entre dans le composé arc-en-ciel (→ arc), qui a remplacé l'ancien type arc del ciel (1150-1170).
❏ voir CÉLESTE.
L CIERGE n. m., d'abord cirge (v. 1119) puis cierge (v. 1165), est hérité du latin cereus « bougie », forme masculine substantivée de l'adjectif cereus « de cire », dérivé de cera (→ cire). Demeuré en contact avec le latin liturgique, le mot français présente un développement phonétique particulier, peut-être à rapprocher de vierge*.
❏  Le mot désigne une chandelle de cire de forme effilée utilisée dans les cérémonies et les rites chrétiens. ◆  Par analogie de forme, il est passé en botanique comme dénomination d'une plante d'Amérique tropicale, cactée dont la tige anguleuse peut atteindre quinze mètres (1694).
❏  CIERGIER n. m., d'abord siergier (1480) puis ciergier (1495-1496) « marchand, fabricant de cierges », est un mot technique.