CIVIL, ILE adj. et n. est emprunté (1290) au latin civilis « relatif au citoyen, à ses droits, à son existence ». Ce mot est employé en droit où il tend à remplacer son synonyme civicus (→ civique), s'opposant à la fois à criminalis (→ criminel) et à militaris (→ militaire). En philosophie politique, civilis traduit le grec politikos (→ politique) dans sa double acception de « social » et « sociable, civilisé » ; de cette dernière procède, à basse époque, le sens moral « doux, affable » (souvent jumelé à humanus). Civilis est dérivé de civis (anciennement ceivis) « membre libre d'une cité », « citoyen libre » par opposition à hostis « étranger, hôte », qui désigne aussi l'ennemi (→ hostile, hôte). Civis appartient à une famille indoeuropéenne qui a des représentants en germanique (ancien haut allemand hīwo « mari », hīwa « épouse »), baltique et slave.
❏
Civil a été introduit en droit, où l'adjectif qualifie ce qui concerne les citoyens en tant que particuliers, notamment par opposition à
criminel (
cause civile, 1290) et à
militaire ; il y a donné un certain nombre d'expressions dont
droit civil (fin
XIIIe s.) qui s'opposera à
droit public, partie civile (1611),
requête civile.
◆
Le sens général « qui concerne le citoyen, les rapports entre citoyens » (1330) est surtout vivant dans des expressions comme
mort civile (1330),
société civile, guerre* civile, état* civil (1773-1774),
liste civile (1791),
année civile ; il est pris spécialement par opposition à
militaire (1718) ou à
religieux, ecclésiastique.
◆
Quant au sens « qui observe les usages de la bonne société, civilisé » (v. 1460), usuel en français classique, il tend à décliner soit au profit de
civilisé, malgré le soutien de
civilité, soit au profit de
poli, bien élevé.
■
La substantivation du masculin civil (1835) sert à désigner un homme qui n'est ni militaire ni religieux, la première opposition étant la plus courante, le civil désignant aussi l'état non militaire, surtout dans des expressions comme en civil (opposé à en uniforme), dans le civil (dans la vie civile).
❏
CIVILEMENT adv., dérivé de
civil dans sa double acception, générale (v. 1370) et juridique (1381), a reçu le sens de « conformément aux usages » (1606) dans la langue classique, d'après la valeur sociale de
civil (dès le
XVe s.) et de
civilité (un demi-siècle plus tôt que l'adv.), mais cette valeur a perdu de sa vitalité au
XIXe siècle.
■
CIVILISER v. tr., d'abord au participe passé civilisé (1568), a tendu à glisser du sens de « rendre civil, plus apte à la vie en société » (encore à la forme pronominale se civiliser) à celui de « faire passer (une collectivité humaine) à un état de plus haut développement matériel, intellectuel, social » : cette mutation de sens, liée à l'apparition de la valeur moderne de civilisation, s'inscrit dans l'évolution de la pensée anthropologique au XVIIIe s., non sans un certain ethnocentrisme (1791, Volney opposant l'homme civilisé à l'anthropophage).
◆
Le sens juridique, « porter (un procès) devant un tribunal civil » (fin XVIe s.), déjà déclaré vieilli au XIXe s., n'a pas résisté à la nouvelle orientation du mot.
◆
Celle-ci se retrouve dans les dérivés du verbe.
■
CIVILISATION n. f. (1721), sans conserver son acception technique en jurisprudence, a été défini au XVIIIe s. comme ce qui rend les individus plus aptes à la vie en société (1757, Mirabeau) et surtout comme le processus historique de progrès (on dira plus tard évolution) matériel, social et culturel (1760, Mirabeau), ainsi que le résultat de ce processus, soit un état social. Le mot désigne aussi une société caractérisée par son degré d'avancement (1767, Mirabeau), emploi avec lequel le pluriel tend à l'emporter à partir du XIXe siècle.
◆
L'accent étant mis sur le degré de perfection atteint, le nom est employé absolument avec le sens de « caractère civilisé, état social avancé » (1767) ; il tend à entrer aujourd'hui en concurrence avec culture*, plus neutre et relatif, et qui répond mieux aux besoins d'une description d'intention objective. CIVILISATIONNEL, ELLE adj. didactique et lourd, s'emploie surtout en contraste avec culturel, lorsque les deux notions sont clairement distinguées.
■
CIVILISABLE adj. (fin XVIIIe s.), d'où INCIVILISABLE adj. (1831), et CIVILISATEUR, TRICE adj. (1829) ont suivi de peu civilisation au sens positif et ont été très utilisés comme alibis moral et social dans le cadre des colonisations.
◈
CIVILITÉ n. f. a été emprunté (v. 1370) au dérivé latin impérial
civilitas « sociabilité, courtoisie », à basse époque « ensemble des citoyens » et « cité », de
civilis.
◆
Le mot n'a pas gardé le sens philosophique de « communauté organisée » (Oresme) après le
XVe siècle. Il a été repris avec le sens d'« observation des règles du savoir-vivre qui régissent la vie en société » (apr. 1550), entrant par exemple dans les titres des
Traités de civilité puérile (pour les enfants)
et honnête, écrits au
XVIe s. et au
XVIIe s. et qui concernent le savoir-vivre.
◈
INCIVIL, ILE adj. est emprunté (av. 1382) au latin impérial
incivilis « violent, brutal », dérivé du sens moral de
civilis. Le mot s'est appliqué à une personne manquant de savoir-vivre, de sociabilité, parallèlement au sens correspondant de
civil, d'où son emploi métonymique plus vivant pour qualifier un comportement humain (1549) ; ces emplois ont vieilli comme ceux de
civil.
◆
Incivil a été reformé sur
civil au sens juridique de « contraire aux lois qui s'imposent aux citoyens » (1456), sans parvenir à s'imposer.
◆
Son dérivé
INCIVILEMENT adv. (1462) est, plus nettement encore que l'adjectif, d'usage littéraire.
■
INCIVILITÉ n. f. (1408), peut-être emprunté au latin tardif incivilitas « violence, brutalité » ou tiré de incivil d'après civilité, s'est d'abord employé au sens didactique de « ce qui est contraire aux lois civiles ». Ce sens n'a pas vécu, de même que celui de « manque de courtoisie » (1566) précédé par le sens concret d'« action, parole incorrecte » (1426), éliminé par impolitesse. On a pris dans les années 1990 le mot incivilité comme euphémisme pour « acte ou parole agressive et insultante ».
CIVIQUE adj. est emprunté (1504) au latin civicus « du citoyen » et « de la cité », dérivé de civis « citoyen », et déjà employé en concurrence avec l'autre adjectif de civis, civilis (→ civil).
❏
Emprunté dans le latinisme couronne civique (1504), calqué sur le latin civica corona qui désignait une couronne en feuilles de chêne, décernée chez les Romains à celui qui avait sauvé la vie à un citoyen, le mot a pris à la veille de la Révolution avant 1781 son sens moderne de « relatif au citoyen », spécialement avec la valeur appréciative de « caractéristique d'un bon citoyen » (vertu civique). Ses emplois sont dès lors liés à ceux de citoyen et détachés de ceux de civil et de ses dérivés.
❏
En ont été dérivés CIVISME n. m. (1770) et, par préfixation, les antonymes ANTICIVIQUE adj. (1789), ANTICIVISME n. m. (1791), ainsi que INCIVIQUE adj. (1794), INCIVISME n. m. (1790). Toute la série s'est développée, comme citoyen, par le discours prérévolutionnaire et révolutionnaire.
?
CLABAUD n. m., d'abord Clabault, nom propre de chien (v. 1450), est d'origine incertaine : la dérivation d'un radical expressif klab-, déduit de l'existence du néerlandais klabaard « crécelle » et « bavard », est peu sûre car le mot néerlandais est rare et obscur. On évoque une dérivation d'un °claber qui serait une variante régionale de clapper* et dont l'existence est soutenue par le picard clabet « crécelle » (1388), mais ce dernier peut être lié au mot néerlandais évoqué plus haut.
❏
Le mot est employé comme nom commun comme dénomination d'une espèce de chien qui aboie fortement (1501), sens devenu archaïque. Par extension, il est employé au figuré à propos d'une personne qui crie beaucoup sans motif (1718). Par allusion aux oreilles pendantes de ce chien, il a caractérisé une coiffure, un chapeau à bords pendants (1680), mais il a vieilli dans tous ses emplois.
❏
CLABAUDER v. (av. 1500), « aboyer fort », s'est répandu dans la langue figurée pour « médire » (1611), « crier à tort et à travers », notamment dans la construction
clabauder contre qqn (1648) ; le verbe reste plus vivant que
clabaud, mais dans un usage limité, en général littéraire.
■
Les dérivés du verbe sont apparus entre le XVIe s. et le XVIIe s. : CLABAUDEUR, EUSE adj. (1554), CLABAUDAGE n. m. (1567) et CLABAUDERIE n. f. (1611) sont devenus eux aussi archaïques.
CLAFOUTI(S) n. m. est un régionalisme (attesté 1864, mais ancien) du Centre (Limousin, Berry) passé (1866) dans la langue commune. Il est issu du croisement d'un dérivé en -eïz de foutre* « mettre, ficher » et de l'ancien français claufir, du latin clavo figere « fixer avec un clou » (→ fixer, clou), attesté dans les Passions médiévales au sens de « fixer avec des clous (le Christ sur la croix) » (v. 980) et conservé dans les dialectes avec celui de « clouter, recouvrir d'objets semblables aux clous » (ici, les cerises).
❏
Le mot désigne un entremets que l'on fait cuire au four après y avoir ajouté des cerises ou, par extension, d'autres fruits.
CLAIE n. f., d'abord cleide (v. 1100) en ancien français des gloses bibliques juives, puis cleie (v. 1155) et enfin claie (1306), vient du gaulois cleta, attesté en latin médiéval sous la forme clida au sens de « treillage de bois où l'on déposait le cadavre d'un supplicié ou de la victime d'un meurtre » (VIIe s.).
❏
Le mot désigne, plus généralement que son étymon, un treillis d'osier à claire-voie tendu sur un support de bois. Parmi ses nombreux sens particuliers en relation avec les divers usages de l'objet, celui d'« échelle de charpente sur laquelle on traînait la victime d'un duel » (1690) réactive le sens étymologique du latin. La locution figurée de style soutenu traîner qqn sur la claie « le traiter publiquement de manière infamante », a vieilli.
❏
La dérivation consiste en quelques termes techniques : le diminutif
CLAYON n. m. (1642 ; v. 1300
cloon) dont est tiré
CLAYONNAGE n. m. (1694) et
CLAYONNER v. tr. (1845) ;
CLAYÈRE n. f. (1856) « parc à huîtres » est demeuré technique mais
CLAYETTE n. f. (1863) s'est répandu avec le sens d'« emballage léger à claire-voie pour le transport de denrées périssables », et, récemment, de « support à claire-voie, dans un réfrigérateur ».
◈
La forme
CLÉDAR n. m., attestée en français de la zone francoprovençale (de Lyon à la Suisse romande) et venant des dialectes, conserve le
d étymologique, ce qui paraît anormal. On a expliqué ce fait par l'époque tardive de la latinisation du mot celte, ou par une influence occitane. En Suisse (attesté 1716), il se dit d'une porte à claire-voie fermant l'entrée d'un espace ouvert (champ, jardin, cour...). On écrit aussi
clédard.
L +
CLAIR, CLAIRE adj., adv. et n. d'abord clar (Xe s.), cler (1050) puis clair (XIVe s.), est issu du latin clarus. Ce mot, apparenté à calare « appeler » (→ intercaler, nomenclature) et à clamare (→ clamer), voire à classis (→ classe), a dû d'abord s'appliquer à la voix et aux sons avant d'être étendu aux sensations de la vue (« brillant ») puis, au figuré, aux choses de l'esprit et même aux individus et aux choses avec la valeur de « illustre, glorieux, brillant ».
❏
L'étymologie du mot explique la quasi-simultanéité, en ancien français, des sens auditif, « éclatant par sa sonorité », et visuel (1080). Sur le plan de la sensation visuelle, l'adjectif a d'abord renvoyé à une notion de luminosité, de brillance qu'il ne conserve guère que dans
sang clair (1080),
jour clair (1080) ; on parlait aussi d'
armes claires (1080,
helme clair) ;
Cf. arme blanche*. Il est appliqué à un fluide avec la nuance de « limpide, transparent » (v. 1250), d'après l'idée de ce qui laisse passer la lumière d'où, en parlant d'un bois, « peu touffu, clairsemé » (v. 1174), repris essentiellement par les dérivés
clairsemé, clairière (ci-dessous).
◆
Fortement associé au jour, à la lumière, il est employé en ancien français avec une valeur de « pur », « beau ». Cette transposition sur un plan abstrait en fait, dans le domaine intellectuel, le qualificatif de ce qui est évident, compréhensible (fin
XIIe s.) et, appliqué à une personne, de qui comprend aisément (fin
XIIe s.) ; de là, par métonymie,
style clair (1680),
esprit clair (1690). Récemment, la langue familière a retrouvé l'ancienne signification psychologique en l'appliquant à une personne aux intentions louches ou incompréhensibles et douteuses
(ne pas être clair).
◆
En clair (att. 1948) correspond à « non codé »
(message, texte... en clair).
◆
Le sens latin d'« illustre, brillant », encore attesté au
XVIe s., ne vit plus que dans les prénoms démotivés
Claire, Clara.
◆
Dans le domaine visuel,
clair a glissé vers le sens courant de « faiblement coloré » (1690), l'opposition
clair-foncé se substituant par affaiblissement à l'opposition
clair-obscur.
■
L'emploi adverbial (1080) est surtout vivant dans quelques expressions comme voir clair, semer clair (→ clairsemer), chanter clair (d'où le nom du coq Chantecler), concurrencé par l'adverbe clairement.
■
L'emploi substantivé le clair, a reculé devant clarté, mais se maintient dans quelques syntagmes usuels : le plus clair de (1585), au clair (XVIe s.) dans tirer au clair (1803), au clair de « à la clarté de », ou clair de lune (1611).
❏
Tous les sens de
clair sont représentés dans ses nombreux dérivés.
■
CLAIRET, ETTE n. et adj. a absorbé l'ancien type claré vers 1150, lui-même issu du latin médiéval claratum « vin de liqueur fait avec du miel et des épices » (Xe s.), dérivé de clarus qui était spécialement appliqué à des liqueurs. Par substitution du suffixe -etum à -atum qui donne claretum dès le XIe s., le mot est devenu claret (XIIIe s.), ultérieurement modifié en cleret, clairet sous l'influence de clair.
◆
Le substantif désigne encore de nos jours un vin rouge léger (1509) par ellipse pour vin clairet (fin XIVe s.) — d'où l'anglais claret appliqué au bordeaux — et, en joaillerie, une pierre de couleur très pâle. L'adjectif (XIIIe s.) qualifie ce qui est clair sur le plan de la sensation visuelle et, plus rarement, auditive (av. 1250, clerete voix), mais il est devenu archaïque. Son féminin clairette a été substantivé elliptiquement pour eau clairette désignant une liqueur (1601), d'abord sous la forme clairete (1800), puis clarette (1829) et enfin clairette (1838), désignant un vin mousseux (1829) et, par métonymie, un cépage blanc (1838).
◈
CLAIREMENT adv. (v. 1174) s'est spécialisé dès l'ancien français avec ses sens abstraits de « distinctement » et « avec évidence » (
XIIIe s.) sur le plan de l'audition et de l'intellection. Dans la seconde moitié du
XXe s., le mot est devenu un tic de langage dans la parole politique, pour souligner la clarté des attitudes et positions, surtout lorsqu'elles sont ambiguës.
◈
CLAIRER v. tr., attesté en 1490 à Neuchâtel, s'emploie dans l'est de la France pour « éclairer », et comme intransitif pour « bien éclairer » et « briller, étinceler ». Le feu qui
claire brûle en éclairant.
◈
CLAIRVOYANT, ANTE adj., composé de
clair et du participe présent de
voir sous la forme ancienne
cler-veant (v. 1121), a progressivement perdu son sens propre, « qui a la vue perçante », au profit du sens figuré « perspicace » (1174, dans un contexte religieux).
■
CLAIRVOYANCE n. f. a été composé sur son modèle avec l'adverbe clair et voyance (1580, clervoyance), sous l'infuence de voyance il s'applique à la divination.
◆
Les antonymes INCLAIRVOYANT, TE adj. (1874) et INCLAIRVOYANCE n. f. (av. 1877) sont peu usités.
◈
CLAIRSEMÉ, ÉE adj., formé de l'adverbe
clair et de
semé* par soudure de
cler semé (apr. 1150), signifie « rare », sens avec lequel il a supplanté
clair.
■
Par substitution de désinence, il a produit CLAIRSEMER v. tr. (1574-1590) « parsemer en espaçant », surtout employé à la forme pronominale.
◈
CLAIRON n. m., d'abord
cleron (v. 1270), procède de
clair « sonore » ; rare avant le
XVIe s., le mot désigne un instrument à vent, un cuivre au son clair et strident sans pistons (ce qui l'oppose à
trompette), et ne produisant que des harmoniques. Il s'est spécialisé comme désignation d'un instrument militaire.
■
En est dérivé CLAIRONNER v. (1559), de sens propre et figuré dès 1578, peu employé avant la fin du XIXe s. (1873, Rimbaud), et dont le participe passé féminin claironnée est substantivé (av. 1892) chez A. Daudet pour « bruit évoquant un clairon ».
■
CLARINE n. f. est la forme féminine (1579-1599) de clarin, ancien nom qui a désigné un clairon (v. 1310), puis une clochette à son clair (1370), avant d'être évincé respectivement par clairon et clarine. Il est lui-même la substantivation de l'ancien adjectif clarin (v. 1220) « sonore, clair en parlant d'un cor ».
◈
CLAIRIÈRE n. f. (av. 1573) désigne proprement un endroit plus ou moins dégarni d'arbres dans une forêt, quelquefois précisé techniquement en
PRÉ-CLAIRIÈRE n. m. (1922),
CHAMP-CLAIRIÈRE n. m. (1958).
◈
CLAIR-OBSCUR n. m., d'abord sous la forme italienne
chiar obscuro (1596), puis sous la forme francisée actuelle (1668) précédée par
le clair et l'obscur (1655), emprunte l'italien
chiaroscuro (fin
XVe s.-déb.-
XVIe s., Léonard de Vinci), terme de peinture désignant l'art de distribuer des nuances de lumière contrastant avec un fond d'ombre. Ce terme technique de peinture est passé dans l'usage soutenu et littéraire avec des valeurs figurées.
◈
Le
XVIIIe s. a vu l'apparition de dérivés plus techniques,
CLAIRE n. f. (av. 1708), désignant un bassin où l'on élève certaines huîtres, d'où
huîtres de claires puis
des claires, pour ces huîtres ;
CLAIRÉE n. f. (1753) « sucre clarifié » et « réservoir de saline » (1765) et
CLAIRCE n. f. (1790), déverbal de
CLAIRCER v. tr., bien que ce verbe soit seulement enregistré en 1842, et synonyme de
clairée en parlant du sucre clarifié.
◈
CLARTÉ n. f., d'abord
claritet (v. 980),
clartet (1080) puis
clarté (1538), est emprunté au latin
claritas « éclat » au propre et au figuré, de
clarus.
◆
Le sens concret est, dès le
XIIIe s., suivi d'un sens figuré, « caractère de ce qui est illustre » (1268), sorti d'usage. Le sens abstrait actuel, « qualité de ce qui est intelligible » (1580), se répand à l'époque classique, donnant un emploi particulier du pluriel
clartés avec les valeurs de « vérité lumineuse » (1643) et surtout de « connaissance » (1672). Cet emploi, aujourd'hui archaïque, se rencontre encore en référence à des textes classiques comme
Les Femmes savantes de Molière :
« Je consens qu'une femme ait des clartés de tout. »
◆
CLARTEUX, EUSE adj. s'emploie en Lorraine (attesté 1775) et dans les Vosges pour « clair, lumineux » (d'un local).
◈
CLARIFIER v. tr., emprunté (av. 1200) au latin
clarificare, proprement « rendre clair », de
clarus et
-ficare, a signifié « rendre illustre » en ancien français et surtout au
XVIe s. où cet emploi se répand. Ce sens a été évincé par celui de « rendre compréhensible » (1391). Le sens concret renvoie essentiellement à une opération technique (1530,
clarifier le miel).
■
CLARIFICATION n. f. sert de nom d'action à ce verbe avec une valeur abstraite (1474) et concrète (1690, clarification d'un sirop).
❏ voir
CLARINETTE, DÉCLARER, ÉCLAIR, ÉCLAIRCIR.
L
CLAMER v. tr. est issu (1080) du latin clamare « pousser des cris, crier, proclamer » et, en latin médiéval, « faire appel à une autorité judiciaire » (VIIIe-IXe s.), mot ancien et usuel dont la forme évoque un nom qui aurait été évincé par clamor. Clamare correspond au grec kalein « appeler », à l'ancien haut allemand hellan « résonner » ; il se rattache à un vaste ensemble de mots à initiale kr-, kl- exprimant des bruits : en latin même, calare « appeler » (→ intercaler, nomenclature), clarus (→ clair) et classis (→ classe), en grec kelados « bruit », en vieux slave klakolŭ (russe kolokol « cloche »).
❏
En ancien français, clamer signifiait « appeler (qqn) » notamment « par son nom », sens qu'il a conservé régionalement (en Champagne) et qui vit dans son correspondant italien chiamare. Il avait le sens de « proclamer publiquement » (1080) et celui de « revendiquer », parfois « exiger » (1131), tous deux en contexte juridique d'où clamer quitte une chose (1080) « la céder sans retour ».
◆
Le sens de « crier, s'écrier » (XIIIe s.), en emploi transitif ou absolu, plus rare en ancien français et très rare au XVIIe s., a été repris dans la seconde moitié du XIXe s. avec une connotation littéraire (1874), peut-être sous l'influence du provençal.
❏
CLAMEUR n. f., d'abord
clamor (1050), est issu du latin
clamor (à l'accusatif
clamorem) « cri », spécialement « acclamation » et « plainte » (souvent avec une valeur collective) et, à époque médiévale, « plainte en justice ».
Clamor est dérivé de
clamare. Le mot a évincé l'ancien dérivé de
clamer, claim, clain, répertorié jusqu'au
XIXe s. dans des expressions juridiques.
■
Le sens de « cri bruyant, prolongé » s'est maintenu spécialement au pluriel avec la valeur de « cri tumultueux d'improbation » (XVe s.), le singulier collectif (la clameur publique) étant devenu archaïque. En revanche, la spécialisation juridique de « plainte en justice » (v. 1175), encore attestée au XIXe s. en droit coutumier dans clameur de haro (1583) « sommation de comparaître devant le juge », est sortie d'usage.
❏ voir
ACCLAMER, CHAMADE, DÉCLAMER, EXCLAMER, PROCLAMER, RÉCLAMER.
?
CLAMSER, CLAMECER v. intr., identifié sous les formes krapser (1867), crapser (1867) dans l'argot des ouvriers, cramser (1878) dans celui des croquemorts, puis crampser (1883) chez les typographes et enfin clamser (1888) chez les soldats, est d'origine incertaine. La diversité des formes suggère une origine onomatopéique sur un radical alterné kla- ou kra- (→ claquer, craquer). Esnault conçoit une dérivation multiforme à partir de °crampecer « être pris de crampes » de crampe* ; mais les premières formes non nasales en crap- font alors difficulté. En tout état de cause, la finale reste inexpliquée.
❏
Le verbe est synonyme de « mourir » en argot puis dans la langue populaire.
CLAN n. m. est emprunté (1746) à l'anglais clan (v. 1425) « groupe social issu d'un même ancêtre en Écosse » d'où « tribu », puis aussi par extension « groupe, association » (XVIe s.). Lui-même est emprunté à l'ancien gaélique clann « race, famille » qui ne serait autre que le représentant, avec une altération de p en c propre au gaélique, du latin planta « plant, rejeton » (→ plante). L'emprunt direct du français aux langues celtiques, écossais ou irlandais, est moins probable.
❏
Le mot a été introduit à propos d'une réalité écossaise ou irlandaise. Il a repris à l'anglais le sens courant de « coterie, petit groupe uni par une communauté de goûts, d'idées » (1808), quelquefois avec une valeur péjorative (en politique, en parlant de malfaiteurs). Depuis le milieu du XVIIIe s., il sert à décrire un groupe ethnique, sa définition étant précisée par l'anthropologie au XXe s., comme « groupe social formé de lignages remontant à un ancêtre réel ou mythique » (Cf. totem).
❏
La dérivation consiste en quelques termes didactiques d'ethnologie : CLANIQUE adj. (1935), devenu relativement courant à propos de la structure des sociétés organisées en clans ; et MATRICLAN n. m. et PATRICLAN n. m. (XXe s.) pour « clan matrilinéaire », « patrilinéaire », selon que la filiation est établie par les femmes ou par les hommes. CLANISME n. m. s'applique à une organisation sociale reposant sur le clan.
CLANDESTIN, INE adj. est emprunté (av. 1380) au latin clandestinus, ancien adjectif (Plaute) formé sur le modèle d'intestinus (→ intestin) dont il est voisin par le sens, étant apparenté à celare « cacher » (→ celer).
❏
Le mot qualifie ce qui se fait en cachette, une personne qui vit en marge des lois par nécessité. Il est substantivé avec deux sens spéciaux, en parlant d'un résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, puis d'un immigré ayant passé illégalement une frontière, emploi où il est aussi adjectif (travailleurs, immigrés clandestins).
❏
De clandestin sont dérivés CLANDESTINEMENT adv. (1398), CLANDESTINITÉ n. f. (fin XVIe s.), appliqué spécialement à la Résistance française, belge, etc. en 1941-1945 et à des situations analogues.
◆
L'abréviation argotique CLANDÉ n. m. est appliquée (1948) à une maison de prostitution clandestine ou (1953) à un tripot clandestin.
CLAP, onomatopée réalisée dès le moyen âge en français sous la forme clapper* (et dérivés) a été reprise à l'anglais (1952), où le verbe clap est lui aussi ancien.
❏
Le mot, dans la langue du cinéma, désigne le petit tableau muni d'une claquette, où est inscrite chaque prise de chaque séquence d'un film ; la claquette elle-même ; le moment où on signale le départ de la prise.
❏
Cet anglicisme a donné naissance, dans le jargon professionnel, au faux anglicisme CLAPMAN n. m. « personne qui manœuvre le clap ».
CLAPIER n. m., dès 1210 clapier en franco-provençal, puis glapier (1365) en Bourgogne et clapier dans plusieurs régions (1395), est un terme alpin largement attesté dans la toponymie de tout le domaine franco-provençal et provençal pour désigner un terrain pierreux. Dans les mêmes domaines, le mot s'employait comme substantif aux sens de « tas de pierres, éboulis » (1058, claperius en latin médiéval à Marseille) et garenne (1212, claperius, encore à Marseille). Il est dérivé de clap « tas de pierres » (v. 1250) qui, de même que ses correspondants d'Italie du Nord, est issu d'un radical préroman °klappo- « roche, pierre », se rattachant lui-même à une racine verbale °klapf- « fendre ».
❏
Le mot a désigné les petits trous creusés dans une garenne par les lapins d'où, au XVIe s., le sens de « cavité souterraine ». Ce sens a été concurrencé et éliminé par son extension « cabane où on élève les lapins » (1365, en Bourgogne). Par allusion à la sexualité des lapins, clapier a désigné au figuré un lieu de débauche (1395) avant de se dire, par allusion aux conditions de vie des lapins en clapier, d'un lieu insalubre, sale où l'on est entassé. Toujours d'après l'idée de « milieu sale », clapier est passé en pathologie avec le sens de « foyer d'infection, abcès d'où le pus s'écoule difficilement » (1707).
◆
Le sens étymologique, « éboulis, tas de pierres » (1456, dans le Lyonnais) est encore employé régionalement (dans les Alpes, de la Savoie à la Provence) et dans le vocabulaire géographique.
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Le verbe 1 SE CLAPIR v. pron., « se blottir, en parlant du lapin » (1718), appartient à la même base préromane que clapier, avec un sens propre qui serait « s'enfouir sous les pierres comme le font les lapins de garenne ». L'attraction de clapier explique que le verbe exprimant le cri du lapin soit 2 CLAPIR v. intr. (1701), altération de glapir*. L'un et l'autre mots sont rares.
CLAPPER v. intr. est formé (v. 1288) sur un radical onomatopéique klapp- soit directement, soit moins probablement à travers une langue germanique. Ce radical est en effet représenté dans le néerlandais et le bas allemand klappen, l'anglais to clap « claquer » (→ clap).
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Le sens de « frapper » est sorti d'usage vers les XVe-XVIe s., tout en restant vivant dans divers dialectes. Si l'on excepte une attestation isolée au XVIe s. au sens d'« aboyer », le mot n'a été repris qu'au XIXe s. avec le sens de « produire un bruit sec avec la langue » (1834). Par extension, il est quelquefois employé pour « faire entendre un bruit sec » (1866), en parlant d'une chose.
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Le dérivé
CLAPET n. m. (1516), relativement démotivé, a immédiatement pris son sens concret d'« élément en partie mobile adapté à un orifice pour permettre ou empêcher le passage d'un fluide » ; par analogie, il désigne un petit volet mobile et, par allusion aux mouvements de la langue ou de la bouche qui s'ouvre et se ferme en parlant, le sens étant à la fois métaphorique et lié aux emplois modernes de
clapper, il est employé dans l'usage populaire au sens de « bouche », seul et dans l'expression
boîte à clapet (1907). La notion de « bruit » est sensible dans le sens métonymique de « bavardage intempestif ».
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CLAPPEMENT n. m. (1831, clapement) sert de substantif d'action à clapper ; on rencontre chez Giono CLAPPÉE n. f., néologisme ou régionalisme désignant la quantité de liquide que l'on peut avaler avec un clappement (1929).
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Le même radical
klapp- sert de base au groupe de
CLAPOTER v. intr. (1611) attesté une fois avec le sens de « frapper sur qqch. avec la main » et repris avec le sens moderne « se heurter (de petites vagues) » (1833), dont procèdent, malgré de légers décalages chronologiques
CLAPOTEUX, EUSE adj. (1730), quasiment éliminé par
CLAPOTANT, ANTE (1866),
CLAPOTAGE n. m. (1746 au Canada),
CLAPOTIS n. m. (1792),
CLAPOTEMENT n. m. (1832), ces trois noms étant assez usuels, et
CLAPOT n. m. (1888), demeuré rare.
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CLAQUE n. f.est dérivé (1306) de l'onomatopée klakk- exprimant un bruit sec, bref et assez fort, d'où l'interjection clac.
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Le mot, par glissement métonymique de l'idée de « bruit » à celle de « processus produisant un bruit », désigne un coup retentissant frappé du plat de la main
(Cf. gifle).
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Le sens de « chapeau haut de forme à ressorts » (1750), évoquant de nos jours un temps révolu et un apparat de cérémonie, fait référence à l'utilisation de ce chapeau haut de forme lorsqu'il est ouvert, et qui se déploie ou s'aplatit en claquant.
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Quelques sens familiers se sont développés au
XIXe s. : rapproché du verbe expressif
claquer, claque lui sert de déverbal, indiquant des applaudissements et surtout, par métonymie, l'ensemble des personnes payées pour applaudir un spectacle (1801). Cet emploi a vieilli avec l'usage qu'il désigne, mais donne lieu à des emplois figurés littéraires.
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La locution
en avoir sa claque (1867), d'abord en référence à une personne ayant trop bu ou trop mangé, puis avec une signification générale (1877), peut être rapprochée de
claque « coup » par l'intermédiaire de l'idée d'« accablement » ou plutôt du verbe
claquer, par
être claqué « exténué ».
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Quant au sens argotique de « maison de tolérance » (1883) d'où « maison de jeu » (1886), réalisé par
claque au masculin, il peut être rapproché de
claquer « dépenser de l'argent » et de
claqueur « souteneur » (1828), ainsi que de
claque-dent et
claque-bosse (1880), deux autres dénominations pour la maison de jeu (mais non de prostitution) ;
claque « bordel » reste mal expliqué.
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Reste aussi à élucider le pluriel claques dans la locution familière courante prendre ses cliques et ses claques (1830) : il correspond peut-être à un emploi concret de claques en cordonnerie (1743) pour désigner des sandales que l'on attachait avec des cordons par-dessus les souliers afin de les protéger des intempéries ; ce sens, dont procède l'acception technique de « partie d'une chaussure recouvrant l'avant-pied » (1890), est remotivé d'après l'onomatopée klakk- ; il est en usage au Canada depuis le XVIIIe s., où ce type de couvre-chaussures en caoutchouc est usuel.
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CLAC interj., attesté au
XVe s. (v. 1480,
faire clac,) est resté usuel, de même que
clic en composé dans
clic-clac. → clic.
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CLAQUER v. (1508), formé sur la même base onomatopéique
klakk-, exprime l'idée de produire un bruit sec et éclatant, puis, en particulier, de donner une claque (1648) et, familièrement, par l'intermédiaire de l'idée de
claquer dans ses mains « applaudir », d'applaudir une pièce, un acteur (1732).
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Le mot a développé au
XIXe s. quelques sens figurés, procédant de l'idée de « rompre en faisant un bruit sec » dans le langage populaire ; celui de « manger gloutonnement » (1848), sorti d'usage, a produit par métaphore celui de « dépenser tout son argent » (1861), toujours très vivant dans l'usage familier.
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Les sens de « mourir » (1859, absolument), « être épuisé » (au passif, 1892) et spécialement, en sport, « se déchirer un muscle » (à la forme pronominale, 1902) participent également de l'idée de « rompre » appliquée à l'être humain, probablement par celle d'« éclater » comme un ballon trop gonflé, en relation avec le sémantisme de
crever*.
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L'expression
claquer du bec (1902) correspond à « avoir faim ».
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L'antériorité de
CLAQUET n. m. (1460-1470), par rapport au verbe
claquer, ne devrait pas empêcher d'y voir un déverbal, peut-être celui du diminutif
CLAQUETER v. intr. (1530).
Claquet désigne une petite latte, sur la trémie d'un moulin, qui bat continuellement.
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Le dérivé CLAQUETTE n. f. (1539) s'est appliqué à un instrument articulé pour faire du bruit, comme la crécelle, mais en faisant claquer deux pièces. Le mot a été pris pour désigner au cinéma un dispositif formé de deux planchettes solidaires d'un tableau qui permet de synchroniser son et image au début d'une séquence filmée (1934). Voir clap. Le pluriel claquettes, désignant des lames métalliques placées sous les semelles des chaussures, s'applique à une danse pratiquée avec ce genre de semelles (danseur de claquettes).
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En français de Nouvelle-Calédonie, le mot s'applique à une sandale légère, sans dessus (Cf. tong).
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CLAQUEMENT n. m. (1552) sert de nom d'action à
claquer dans ses emplois concrets avec des spécialisations en cardiologie et en pathologie sportive (probablement v. 1900,
Cf. claquage).
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CLAQUEUR n. m. (1781) « applaudisseur à gages » a vieilli en dehors d'emplois stylistiques péjoratifs (XIXe s.) et n'a pas d'emplois figurés, à la différence de claque n. f.
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CLAQUAGE n. m. (1901) fournit un substantif d'action spécifique à claquer en médecine sportive.
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Le dérivé CLAQUOIR n. m. (1931) fournit à l'anglicisme clap*, à côté de claquette, un équivalent francisé.
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La productivité de
claquer doit beaucoup à l'utilisation de l'élément préfixant
claque- dans la formation de substantifs.
CLAQUEMURER v. tr. (1644) est le dérivé d'un ancien
claquemur, dans
jouer à claquemur, jeu d'enfant (1660) consistant probablement à enserrer un joueur si étroitement qu'il se heurte aux bornes qui le cernent. De là le sens du verbe, « emprisonner (qqn) dans une enceinte très étroite », qui a vieilli au profit d'extensions, « enfermer », « cacher ».
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La vitalité de l'élément claque- a été importante dans les domaines de l'argot et de la langue expressive (claque-faim, claque-soif, claque-patins).
CLAQUETTE, CLAQUOIR → CLAQUER
CLARIFIER, CLARINE → CLAIR