CLARINETTE n. f. est probablement dérivé (1753), avec suffixe -ette, du provençal clarin « hautbois » (1508), de clar « clair, en parlant d'un son ». Une autre origine possible, avec une valeur diminutive, par dérivation de clarine « clochette à son clair au cou des animaux » (→ clair), est moins probable.
❏
Le mot désigne un instrument à vent, à bec et à anche. Par métonymie, il s'applique à la personne qui joue de cet instrument (1786), plus tard en concurrence avec clarinettiste. Par analogie, il est passé en argot où il a désigné un fusil (1808).
❏
Le dérivé CLARINETTISTE n. (1834) a éliminé l'emploi métonymique au sens de « personne qui joue de cet instrument ».
CLASSE n. f. est emprunté (XIVe s.) au latin classis qui a dû signifier proprement « appel » et qui, par métonymie, a désigné d'une part les différentes divisions de citoyens susceptibles d'être appelées sous les armes et, d'autre part, la troupe ainsi convoquée. Exercitus ayant accaparé le sens spécial d'« armée de terre », le mot s'est spécialisé au sens de « flotte ». Les Anciens le rattachaient à calare « appeler » (→ intercalaire, nomenclature), mais l'évolution est difficile à expliquer ; il pourrait s'agir d'un emprunt technique à l'étrusque.
❏
Le mot a été introduit en histoire romaine à propos de l'ensemble des citoyens répartis en catégories selon le cens. Un nouvel emprunt au latin lui a donné le sens de « flotte » (1559), lequel ne s'est pas maintenu, mais a déterminé un des axes de développement du mot : par l'intermédiaire de la valeur de « conscription navale » (1673), le mot s'est étendu, avec la conscription et l'armée populaire instaurées par la Révolution, système largement utilisé par Bonaparte, à l'ensemble des effectifs devant être appelés sous les drapeaux la même année (1798).
◆
Par métonymie,
classe a pris en argot militaire le sens d'« exercices » (réalisé au pluriel, 1833), surtout dans la locution
faire ses classes (1900) et, par l'intermédiaire de l'acception de « contingent libérable » (1877), le sens de « fin de service, libération » (1888), réalisé autrefois dans l'expression
c'est classe « c'est fini » d'où « c'est assez » et aujourd'hui dans
vive la classe ! et expressions analogues
(Cf. quille).
■
Parallèlement à ces emplois dans le domaine militaire, le mot s'est spécialisé dès le XVIe s. dans le domaine éducatif, désignant l'ensemble des élèves faisant les mêmes études (1549) avec les extensions métonymiques normales, « enseignement dispensé à un groupe d'élèves » (1611) et « lieu où se donne cet enseignement ; salle de classe » (1584).
■
La notion abstraite de « catégorie définie par un critère » a déterminé le sens de « division par catégories spécifiques d'êtres ou d'éléments » (1690), fécond dans la taxinomie des sciences, en botanique (1694), démographie, linguistique, minéralogie et zoologie. L'emploi en mathématiques (1903), plus abstrait encore, est en relation avec celui du mot ensemble.
◆
Classe, dans le domaine social (1758, Quesnay), a fait fortune, par exemple avec classe ouvrière (1797 dans le Père Duchesne), spécialisé au XIXe s. dans la pensée des idéologues socialistes (lutte de classes).
■
L'idée de position hiérarchique supérieure a été introduite assez tard (1680), peut-être sous l'influence de classique* dont l'étymon latin classicus avait développé le sens « de premier ordre » : elle est d'abord réalisée à propos des écrivains de première importance puis, par extension, à propos de personnes ou de choses considérées sous l'angle de leur importance, notamment avec un nombre ordinal (1789, prince de seconde classe). L'expression familière avoir de la classe, « avoir de la valeur » (1916), a d'abord été employée par les éleveurs avant de passer dans l'usage général avec le sens d'« avoir de l'élégance » (1937), et de rejaillir dans c'est classe ou class (1979), adjectif à la mode.
❏
La notion de classe en sciences naturelles a suscité
SOUS-CLASSE n. f. (1809) et
SUPERCLASSE n. f. (attesté
XXe s.).
◈
Les dérivés proprement dits de
classe sont apparus relativement tard à partir du
XVIIIe siècle.
■
CLASSER v. tr. (1756) exprime l'idée de « répartir par catégories », « ranger dans une catégorie » (1770) et, par extension, « répartir selon un certain ordre » (1777). De son emploi technique, en droit, avec le sens de « ranger définitivement (un dossier) », d'où « considérer (une cause) comme réglé » (1892), provient le sens de c'est classé « c'est terminé » et, en parlant de qqn, être classé « être étiqueté définitivement » (1900). Sans précision, classer qqn (plus rarement qqch.) et se classer sont employés avec la valeur spéciale de « mettre, être dans les meilleurs » (1877, en hippisme).
■
Classer a servi à former des dérivés usuels. CLASSEMENT n. m., qui apparaît peu avant la Révolution (1784), désigne d'abord le fait de répartir les marins selon des classes, puis (av. 1789, Beaumarchais) en général l'action de classer. Il s'emploie ensuite au figuré (1834, Balzac à propos des vins) pour « répartition hiérarchique ».
■
CLASSEUR n. m., « objet servant à classer » (1811) spécialement « dossier » et « meuble », s'est parfois appliqué (1902, Barrès) à une personne qui classe qqch.
■
CLASSABLE adj., qui semble tardif (1888, Verlaine), qualifie tout ce qui peut être classé.
◆
L'antonyme préfixé INCLASSABLE adj., formé directement sur classer, lui est antérieur (1845).
◈
Par préfixation, le verbe
classer a servi à former
DÉCLASSER v. tr. (1813) dont le participe passé
DÉCLASSÉ, ÉE est surtout employé avec le sens de « tombé dans une classe sociale inférieure » (1834).
■
RECLASSER v. tr. (1875) d'où RECLASSEMENT n. m. (XIXe s.), et les récents SURCLASSER v. tr. (1895 ; 1899 au p. p.) et INTERCLASSER v. tr. (XXe s.) participent de l'idée de « ranger par catégories » mais reclasser et surtout surclasser y ajoutent l'idée de hiérarchie. Surclasser est devenu usuel pour « être supérieur à » (1928).
◆
SURCLASSEMENT n. m. (1875) a des emplois spéciaux en sport, en fiscalité, en tourisme, de même que surclasser « faire passer dans la classe supérieure ».
◆
INTERCLASSE n. m. (v. 1950) a été formé de inter* et classe* pris avec le sens de « cours ».
◈
D'après un latin
°classificare, de
classis et
facere (→ faire), la langue du
XVIe s. avait déjà tiré
CLASSIFIER v. tr. (déb.
XVIe s.) qui s'est maintenu comme synonyme technique de
classer, surtout à partir du
XIXe s. (1824,
la manie de classifier).
■
Le verbe a lui-même produit CLASSIFICATION n. f. (1780), synonyme partiel de classement, distinct par les domaines d'emploi et proche du terme scientifique taxinomie, CLASSIFICATEUR, TRICE adj. et n. (1783) et CLASSIFICATOIRE adj. (1874).
❏ voir
GLAS.
CLASSIQUE adj. et n. est emprunté (1548) au latin classicus, adjectif correspondant à classis (→ classe) au sens de « de première classe », parmi les cinq classes entre lesquelles les citoyens romains étaient répartis d'après leur fortune. Au IIe s., Aulu-Gelle recommande de s'adresser aux classici (cives), non aux proletarii (→ prolétaire) pour connaître le bon usage en fait de langue ; de là le sens de classici (scriptores) « écrivains de première valeur ».
❏
Le mot a été introduit avec cette spécialisation d'Aulu-Gelle par Thomas Sébillet dans son Art poétique français. Par la suite, sont dits classiques les écrivains qui font autorité, considérés comme des modèles à imiter (1611) et, par conséquent, dignes d'être étudiés en classe (1680). Sous la plume de Voltaire et de l'Encyclopédie (1753), le mot qualifie les auteurs français du siècle de Louis XIV qui, par opposition aux baroques (ainsi nommés beaucoup plus tard), ont élaboré un art de mesure, de raison, en prônant le respect et l'imitation des Anciens. C'est cette notion de respect de la tradition donnée comme modèle qui sous-tend les usages postérieurs du mot. Il s'est appliqué au XIXe s. aux tenants de l'imitation antique, par opposition aux romantiques (1810, Mme de Staël) et, par extension, à un art qui respecte les valeurs esthétiques du XVIIe s. (1835). Parallèlement, le mot s'étend à la musique qui relève de la grande tradition occidentale (1768, Rousseau).
◆
Par extension, il passe dans l'usage commun au XIXe s., qualifiant avec une nuance péjorative ce qui ne s'écarte pas des règles établies (av. 1826), tandis qu'il prend familièrement, par une dévaluation de son sens originel « qui fait autorité », le sens de « ordinaire, normal » (1809). Les emplois du substantif correspondent aux divers emplois de l'adjectif. S'y ajoute, en sport, l'emploi du féminin une classique, par ellipse d'épreuve (1896).
❏
Si
CLASSIQUEMENT adv. (1809) est d'usage courant, le substantif correspondant,
CLASSICISME n. m. (1817, Stendhal) est un terme d'esthétique dénommant le caractère des œuvres qui se réfèrent à l'art antique, puis également à celui du
XVIIe siècle. Il s'est répandu à propos de ce qui est harmonieux, équilibré, respectueux des normes établies en esthétique et dans le domaine intellectuel ou moral (1829).
■
NÉO-CLASSIQUE adj. et n. m. (1861 ; 1902 en peinture) et NÉO-CLASSICISME n. m. (1905) se réfèrent spécialement en histoire de l'art à un mouvement artistique survenu en Europe entre 1750 et 1830 ; par extension, ils sont employés à propos d'un ressourcement à une inspiration antique ou se réclamant de l'esthétique du XVIIe siècle.
◆
PRÉCLASSIQUE adj. qui apparaît vers 1870, qualifie ce qui précède et prépare une période considérée comme « classique ». Le mot s'emploie surtout en histoire littéraire, la période préclassique, en France, correspondant à la fin de l'époque baroque. POSTCLASSIQUE adj. qualifie ce qui vient après une période classique mais en conserve certains caractères.
-CLASTE → ICONOCLASTE (voir art. ICÔNE)
CLAUDICATION n. f. est emprunté (fin XIIIe s.) au latin claudicatio « action de boiter », nom d'action correspondant à claudicare (forme intensive de claudere) « boiter », de claudus « boiteux ». Cet adjectif, dont le vocalisme en a et le suffixe -dus rappellent tardus « lent » (→ tard) et le grec bradus de même sens, a été supplanté par cloppus (→ clocher, clopin-clopant) et ne subsiste que dans le nom propre Claude.
❏
Le mot est le terme médical correspondant au mot usuel boiterie*.
❏
L'adjectif CLAUDICANT, ANTE (1495), emprunté au participe présent latin claudicans, a cessé d'être employé au XVIe s. ; il a été repris dans la langue littéraire au XIXe siècle. Le verbe CLAUDIQUER v. intr., formé au début du XVIe s. (1507-1508) sur claudicant, a lui aussi été repris, après une attestation isolée au XVIe s., par la langue littéraire de la fin du XIXe s. (v. 1880, Huysmans) ; c'est un doublet savant de boiter.
CLAUSE n. f. est emprunté (1172-1174) au latin médiéval clausa « membre de phrase », substantivation du participe passé féminin de claudere (→ clore), attesté comme terme de rhétorique par Cicéron pour « terminer (une phrase) par une clausule » avec influence sémantique de clausula (clausule, ci-dessous). Un emprunt sous une forme abrégée à clausula est possible mais moins probable.
❏
Le sens de « fin de vers, de ligne » a vieilli dès le XIVe s. ainsi que son extension, « conclusion, sentence » (v. 1278). L'usage moderne du mot en droit, « disposition particulière d'un acte » (1463), s'est peut-être répandu à partir du provençal clauza (1275), le sud de la France étant pays de droit écrit. Parmi différentes expressions juridiques clause de style, « formule insérée dans un texte de manière habituelle », est passé dans l'usage avec le sens figuré de « formule sans signification précise ».
❏
CLAUSULE n. f., d'abord clausele (1323), emprunté au latin clausula, diminutif de clausa utilisé en rhétorique puis, à basse époque, en droit, a suivi l'évolution inverse de celle de clause. Introduit au sens juridique, il a été définitivement supplanté par clause au XVIe siècle. Il a alors repris sa spécialisation en métrique, « fin de phrase, de sentence ou de vers » (1552, Rabelais). Il est passé en musique pour désigner l'étendue de chaque ton ou mode, du grave à l'aigu.
CLAUSTRAL, ALE, AUX adj. est emprunté (1394) au latin médiéval claustralis « propre au cloître », dérivé du latin classique claustrum (→ cloître).
❏
Le mot, qui signifie proprement « relatif au cloître et à la vie monacale », a pris par extension le sens de « qui rappelle le cloître par son ascétisme ».
❏
CLAUSTRER v. tr., noté par Richard de Radonvilliers comme un mot nouveau en 1845, a probablement existé dès le
XVIIIe s., où il est indirectement attesté par son dérivé
CLAUSTRATION n. f. (1791). Le verbe et le nom d'action et d'état réalisent les mêmes valeurs que l'adjectif et
claustrer fonctionne partiellement comme doublet de
cloîtrer. Le verbe et son dérivé s'emploient figurément en psychologie
(sentiment de claustration, claustration volontaire) avec une valeur plus large.
◈
CLAUSTRA n. f. et m. n'est attesté comme terme d'architecture qu'au milieu du
XXe siècle. C'est un emprunt au latin, pluriel de
claustrum, qui a donné
cloître*.
■
Le mot, féminin en architecture, désigne une cloison décorative évidée ou formée d'éléments non jointifs.
◆
En français d'Afrique claustra est masculin. Il est usuel pour un bloc de ciment ajouré ou un assemblage de ces blocs.
◈
L'élément
CLAUSTRO-, tiré de
claustrer, a servi à former
CLAUSTROPHOBIE n. f. (1879) et
CLAUSTROPHOBE n. et adj. (1904) à l'aide des éléments
-phobie*, -phobe*.
L
CLAVEAU n. m., d'abord clavel « goupille » (v. 1160) est issu du latin clavellus, diminutif de clavis → clé.
❏
Le mot, depuis le XIVe s. (1380) désigne une pierre taillée en oblique pour construire les arcs, voûtes, linteaux.
CLAVECIN n. m., d'abord clavessin (1611) puis clavecin (1680), est l'adaptation, avec apocope de la dernière syllabe, du latin médiéval clavicymbalum, composé de clavis (→ clé) et de cymbalum (→ cymbale). Ce mot, attesté sous la forme clavicembalum en 1397 puis sous la forme clavicymbalum en 1404 chez le poète allemand Eberhard von Cersne, a donné le moyen français clavycimbale (1447), qui a rapidement disparu.
❏
Clavecin désigne un instrument de musique à cordes pincées qui a été supplanté vers 1800 par le pianoforte (→ piano) avant d'être remis en honneur, pour interpréter la musique ancienne, au XXe siècle.
❏
CLAVECINISTE n. est attesté depuis le milieu du
XVIIe s. (
clavessiniste 1661 ; orthographe moderne 1695). Depuis les années 1920-1930, il se réapplique à un instrumentiste contemporain, le clavecin, qui n'était plus joué depuis le début du
XIXe s., ayant réapparu au
XXe s., avec tout le vocabulaire technique de la facture et un certain vocabulaire musical.
◈
CLAVICORDE n. m. est emprunté (1776) au latin moderne
clavicordium (1514), composé du latin
clavis et de
cordium, de
corda (→ corde), pour désigner le premier instrument à clavier à cordes frappées, ancêtre du pianoforte.
CLAVICULE n. f. est emprunté (1541) au latin clavicula (→ cheville), diminutif de clavis (→ clef), signifiant proprement « petite clef », passé par analogie de fonction dans le vocabulaire anatomique en latin médiéval (1230-1252).
❏
Il est repris en anatomie comme dénomination de l'os long reliant l'acromion au sternum.
❏
Le mot a produit immédiatement
CLAVICULAIRE adj. (1572, Paré) et, ultérieurement,
CLAVICULÉ, ÉE adj. « pourvu de clavicules » (1805, Cuvier).
◈
SOUS-CLAVIER, IÈRE adj., formé (v. 1560) sur le radical latin de
clavicule, qualifie en anatomie ce qui est situé sous la clavicule
(artère sous-clavière).
CLEBS n. m., d'abord cleb (1863) puis clèbs (1884 ; puis 1898), est emprunté à l'arabe maghrébin klab (arabe classique kilāb), pluriel de kelb (arabe classique kalb) « chien ». Selon Esnault, la forme clèbs, clebs ne serait pas une erreur sur le nombre du mot mais représenterait clébard (malgré l'attestation tardive de ce dernier), apocopé en clèb's d'où clebs.
❏
Le mot, introduit par les soldats d'Afrique et répandu dans l'usage familier, désigne un chien. Le sens de « caporal » (1914) qu'il a pris dans l'argot des poilus, est dérivé par paronymie de cabot* « chien » et « caporal ».
❏
CLÉBARD n. m. (1934), probablement fait sur cleb, clebs avec le suffixe -ard, constitue un doublet de clebs.
L +
CLEF ou CLÉ n. f.est issu, d'abord sous la forme clef (1080), du latin clavis « clef, loquet, barre », également employé avec un sens figuré très présent chez les auteurs chrétiens. À l'origine, le mot était synonyme de clavus (→ clou), car la serrure primitive consistait en un clou ou une cheville passé dans un anneau ; la différenciation sémantique des deux mots a accompagné des innovations techniques. Le mot pourrait être apparenté ou emprunté au grec klaïs ; en tout cas, il appartient à un groupe de mots techniques à base clau- exprimant l'idée de « fermeture » (→ clore, clou), et ses dérivés sont bien latins (→ cheville, clavicule, conclave). La graphie clé (v. 1121) est due à la réfection d'un singulier sur l'ancien pluriel clez, cles (1130-1140), d'où le f étymologique (du v latin) avait disparu. Clef est majoritaire jusqu'au XIXe siècle.
❏
Le sens concret courant a donné une phraséologie usuelle avec à clef, dans fermé, fermer à clé, sous clef (av. 1441), « dans un local fermé à clé », par exemple mettre, garder qqch. sous clé, et plus récemment clés en main (1902), au figuré, « prêt à l'usage », en français de Belgique clé sur porte.
◆
Le mot a de nombreux emplois imagés (1317, clef des champs dans prendre la clé des champs « s'enfuir »).
◆
Dès le XIIe s., il réalise aussi le sens figuré, repris au latin, de « ce qui explique, donne accès à » (v. 1121), tant avec une valeur technique en parlant d'une formule permettant de calculer les fêtes mobiles, puis aussi d'un code permettant de déchiffrer un texte (1690), qu'avec une valeur générale (1181-1190, clef d'amour).
◆
Du sens figuré procèdent deux spécialisations en stratégie militaire (1268) et en musique (av. 1407) : la première a donné, en apposition après un substantif, des emplois métaphoriques récents relativement courants du type position-clef, poste-clef, idée-clef avec la valeur de « décisif, essentiel » ; la seconde est à l'origine de l'expression familière à la clef (1872), d'après la notation musicale où clé désigne depuis le moyen français (av. 1407) un signe précisant le nom de la note placée sur une ligne de la portée, dans les syntagmes clé de sol et clé de fa. La même valeur de « signe » se retrouve dans le sens d'« élément d'un caractère chinois », servant à analyser et à classer les caractères.
◆
Du sens concret procède un certain nombre de valeurs techniques, concernant des instruments servant à ouvrir et à fermer, à serrer et à desserrer, à tendre et à détendre : clef, après avoir désigné un instrument pour tendre la corde d'une arbalète (1266-1267), est passé en architecture (1250-1300, clef de la voûte puis clef de voûte), en mécanique (1401) pour un outil (d'où clé anglaise, 1898), en charpenterie et menuiserie (1611), en musique pour le mécanisme de commande des trous réglant l'arrivée d'air dans les instruments à vent (1680, clef de viole). Ultérieurement, le mot désigne aussi une prise en lutte, en judo, consistant à immobiliser l'adversaire (1906).
❏
La dérivation en français se borne aux composés
PORTE-CLEFS ou
PORTE-CLÉS n. m. (1510) passé du sens de « gardien de prison » à son sens moderne de « dispositif servant à retenir plusieurs clés » (1835) et
DEMI-CLEF n. f. (1694), nom d'un nœud marin.
◈
Du radical de
clavis est dérivé
CLAVIER n. m. (av. 1175), employé jusqu'au
XVIe s. au sens de « gardien des clefs », sens historique repris par certains dictionnaires depuis 1704.
◆
D'après la valeur collective de « ensemble des clefs », attestée au
XIIIe s., le mot désigne en musique l'ensemble des touches de certains instruments (1419) et on parle ensuite d'
instruments à clavier à propos de l'orgue, du clavecin puis du piano, de certains accordéons, etc. Par métonymie,
clavier a pris le sens de « étendue, portée d'un instrument » (1788), passant par extension dans l'usage commun avec une valeur abstraite, « ensemble des possibilités (d'une personne) ». Par analogie de son sens concret en musique, il s'applique à l'ensemble des touches d'instruments graphiques (1857), de la machine à écrire à la Linotype, puis au terminal d'un ordinateur.
◆
Un autre sens concret apparu en moyen français, celui d'« anneau servant à porter les clefs » (1580), a été supplanté par
porte-clefs.
■
Clavier a produit CLAVISTE n. (XIXe s.), nom technique pour la personne chargée de la composition d'un texte sur un clavier de Linotype, puis (v. 1970) d'ordinateur.
■
Avec le sens de « clavier d'ordinateur », on a forgé en français canadien les mots-valises CLAVARDER v. intr. et CLAVARDAGE n. m., formés sur clavier et bavarder, bavardage, pour donner un équivalent à l'anglicisme 2 chat.
❏ voir
CHEVILLE, CLAVEAU, CLAVECIN, CLAVICULE, CONCLAVE, ENCLAVE.
CLÉMATITE n. f., d'abord clématide (1559) puis clématite (1572), témoigne par l'hésitation de sa forme au XVIe s. d'un double emprunt au latin clematis, -idis et au latin clematitis, -idis. Les formes latines sont elles-mêmes reprises à deux mots grecs : d'une part klêmatis, nom de la branche de vigne, également employé pour diverses plantes comme le liseron et la clématite, d'autre part klêmatitis (avec un suffixe féminin -itis), plus spécialement « clématite, aristoloche ». Les deux mots sont dérivés de klêma « sarment de vigne, jeune pousse », également nom de la renouée des oiseaux et d'une euphorbe. Klêma lui-même appartient à la famille de klaein « briser, casser », dont plusieurs dérivés se rapportent à la taille de la vigne et des arbres, aux rameaux et aux pousses (→ clone). D'autres mots grecs, plus éloignés par le sens, peuvent être rattachés à la même racine, par exemple klados « branche, rameau », klêros « objet tiré au sort (pierre, morceau de bois, etc.) » d'où « tirage au sort », et kolos « sans cornes, tronqué ». Hors du grec, on évoque le lituanien kali, kalti « forger, marteler », le vieux slave klati « piquer, fendre », la famille du latin °cellere « frapper » que l'on retrouve dans le composé percellere « frapper violemment » d'où « ruiner, détruire », et dans calamitas (→ calamité).
❏
Clématite n'a gardé qu'un sens du grec et du latin, celui de « plante sarmenteuse (renonculacée) possédant de nombreuses variétés, cultivées ou sauvages ».
CLÉMENT, ENTE adj., d'abord clemenz (1213), est l'adaptation du latin clemens, mot ayant deux sens ; le sens concret « en pente douce », « qui s'infléchit doucement », est rare et se trouve seulement sous l'Empire, peut-être par image ; par métonymie, il a donné un emploi poétique pour « qui coule doucement » (d'un fluide, du vent) ; le sens abstrait et moral de « doux, indulgent » (attesté depuis Plaute) est en revanche usuel et bien attesté jusque chez les auteurs chrétiens. La formation du mot est obscure, peut-être sur mens « esprit » (→ mental) avec une flexion identique à celle de vehemens (→ véhément), de sens opposé, ce qui tendrait à faire du sens physique un développement secondaire de nature savante dû au rapprochement de clinere (→ incliner).
❏
Le mot qualifie comme en latin une personne en position d'autorité qui fait preuve d'indulgence et accorde le pardon des fautes commises. Le sens figuré de « doux et propice » (1842) s'est développé tardivement, notamment à propos du temps. Sauf dans ce dernier emploi, l'adjectif est aujourd'hui propre à l'usage soutenu et devient archaïque.
❏
CLÉMENCE n. f. est emprunté, une première fois sous la forme latine
clementia (881) puis sous la forme francisée (1268), au latin
clementia « indulgence », adopté en ce sens par les auteurs chrétiens, notamment en parlant de Dieu. Le mot, repris avec son sens moral, a pris sur le tard le sens de « douceur (du temps) » (1893).
■
L'antonyme INCLÉMENT, ENTE adj. (1546), emprunté au latin inclemens, a perdu le sens fort du latin « sévère » et n'a plus guère cours qu'en emploi littéraire, en parlant des conditions atmosphériques (1801) dans un sens voisin de rigoureux.
■
INCLÉMENCE n. f., emprunté (1521) au latin inclementia, a joui d'une certaine faveur dans la langue littéraire classique. Le sens figuré, relevé dans la poésie du XVIIe s. (« Le nom est beau et poétique. » Bouhours, 1676) est devenu archaïque.
CLÉMENTINE n. f. est dérivé (1929), avec le suffixe -ine de mandarine*, du nom du père Clément (du latin Clementius, dérivé de clemens → clément), moine agrumiculteur qui obtint ce fruit en Oranie, vers 1902, en croisant un mandarinier et un oranger amer.
❏
Du nom du fruit est dérivé le nom de l'arbre CLÉMENTINIER n. m. (attesté en 1947).
G +
CLENCHE n. f., indirectement attesté par le verbe dérivé aclencier « fermer à la clenche » (v. 1200), puis sous la forme picarde clence (1240-1280) et enfin clanche (1441), est un terme du nord et du nord-est de la France et de Belgique. Il est probablement issu d'un francique °klinka, restitué d'après le moyen bas allemand klinke et le moyen néerlandais clinke « pièce d'un loquet consistant en un levier », d'origine onomatopéique, à rapprocher de la formation française clique, « loquet » de cliquer*, et du wallon cliche, « loquet » (→ clicher, dérivés).
❏
Le mot désigne la pièce du loquet qu'on lève et qu'on abaisse sur le mentonnet pour ouvrir une porte. En France, il est demeuré technique. Par métonymie, il est employé au Canada, en Belgique au sens de « poignée de porte » ou « loquet ». Cet emploi a été vivant en France, dans le Nord, l'Ouest et l'Est, ainsi que celui du verbe CLENCHER pour « ouvrir, fermer à l'aide de la clenche ».
❏
En français de France,
clenche est surtout vivant dans ses préfixés verbaux, aujourd'hui détachés et démotivés.
■
DÉCLENCHER v. tr. s'est répandu depuis la Normandie, où il est attesté sous la forme déclanquer (1625-1655), peut-être précédée par d'autres formes (ci-dessous), avant d'être enregistré dans le dictionnaire de Trévoux en 1732. De sens propre « ouvrir une porte en levant la clenche », il signifie par extension « mettre en route (un mécanisme) » (1877) et de là, par figure, « provoquer brusquement (un phénomène) » (1899).
■
Parmi les dérivés de déclencher, DÉCLENCHE n. f., attesté en normand sous la forme desclinque dès 1382, pose un problème de chronologie : il faudrait supposer que le verbe existait dès le XIVe s. en normand sous une forme °desclinquer, à moins que la première attestation ne soit issue de clin* comme le terme de marine déclinquer (→ déglinguer). Déclenche désigne un appareil ou un élément servant à séparer deux pièces pour permettre à l'une d'elles de jouer.
◆
Le rôle de nom d'action est réservé à DÉCLENCHEMENT n. m. (1863), usuel au sens de « mise en route d'un mécanisme » puis avec les mêmes valeurs modernes que déclencher.
◆
DÉCLENCHEUR n. m. (1929) désigne la pièce qui déclenche le fonctionnement d'un mécanisme.
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ENCLENCHER v. tr. (1870), « faire fonctionner un mécanisme en rendant les pièces solidaires », a reçu sous l'influence de
déclencher le sens figuré de « faire commencer (un processus) » (1964).
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ENCLENCHEMENT n. m. (1864) rejoint lui aussi déclenchement avec son sens figuré ; par métonymie, il désigne concrètement un dispositif qui en enclenche un autre (1890).
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Le déverbal ENCLENCHE n. f. (1870), d'usage technique, désigne l'entaille ménagée dans une pièce en mouvement et dans laquelle pénètre le bouton d'une autre pièce que la première doit entraîner.
CLEPSYDRE n. f., d'abord clepsedre (1377) et clepsidre (1566), puis clepsydre (1611) par conformation étymologique à la graphie latine, est emprunté au latin clepsydra. Ce dernier est emprunté au grec klepsudra « horloge à eau pour marquer un temps accordé aux orateurs », littéralement « qui retient, vole l'eau », de kleptein « voler » (→ kleptomane) et de hudôr « eau » (→ hydro-).
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Le mot désigne un appareil qui servait à mesurer le temps par écoulement régulier d'eau d'un vase dans un autre. Sa fonction, analogue à celle du sablier, n'a pas donné lieu à métaphore et le mot demeure un terme technique d'antiquité.