COCU, E n. et adj. m. est, comme le montre la forme primitive kuku (av. 1350) « cri du coucou pour insulter les amants », une variante de coucou*, dont l'étymon latin possède, dès l'époque classique, le sens figuré d'« imbécile » et de « galant niais » : le coucou doit son ancienne réputation d'infidélité au fait que, ne prenant pas en charge sa progéniture, il n'éprouve pas le besoin de vivre en couple comme d'autres oiseaux. Cette interprétation rationnelle recouvre un procédé désignatif courant dans les folklores où les chants d'oiseaux, représentés par une suite de syllabes onomatopéiques ou signifiantes (« mimologiques »), désignent les oiseaux eux-mêmes et leur « message ». Le passage de kuku à cocu — par l'intermédiaire de coquehu (fin XIVe-déb. XVe s.), peut-être lié au verbe huer — semble s'être fait d'après coq*, plusieurs mots lui étant apparentés signifiant « niais » ou « galant, débauché ». Le mot désigne populairement celui dont la femme manque à la fidélité conjugale. Il a donné un terme d'injure sans contenu précis et un emploi adjectif avec le sens de « dupé, berné ».
◆
Avec la valeur initiale, « trompé par son conjoint », l'adjectif s'emploie parfois au féminin.
❏
En ont été dérivés COCUAGE n. m. (1513, coqulaige ; 1546, coquage) et COCUFIER v. tr., attesté pour la première fois chez Molière (1660).
CODA n. f. est emprunté comme terme de musique (1838) à l'italien coda, littéralement « queue », de même origine que le français queue*, attesté comme terme musical par S. de Brossard.
❏
Le mot désigne la période musicale vive et brillante qui termine un morceau. En chorégraphie, il désigne la troisième et dernière partie d'un pas de deux. Par analogie, il s'applique à la partie terminale d'un récit.
CODE n. m. est emprunté (1236) au latin caudex, codex qui, du sens initial de « tronc d'arbre », a pris par métonymie celui de « tablette (d'écorce ?) pour écrire » et, par extension, « livre ». Il s'est spécialisé dans le sens de « livre de comptes » et, dans la langue du droit, dans celui de « recueil de lois ». Son étymologie est inconnue, bien que le suffixe soit identifié comme celui de vertex « cime d'un arbre ».
❏
Le mot a été introduit en droit comme nom d'un recueil de lois et de règlements (
code pénal, 1752 ;
code maritime, 1780). Par extension, il désigne un système de préceptes et de prescriptions
(code de l'honneur). Par analogie, il désigne également (1866) un recueil de conventions constituant un ensemble de signes
(code télégraphique, code secret) [Cf. chiffre].
◆
En sciences,
code désigne un système de concordance entre deux ensembles de signes, notamment en logique, en linguistique (av. 1916, Saussure), en cybernétique et informatique (d'après l'anglais
code). Auparavant, le mot était passé en biologie
(code génétique) → génétique. Code est alors voisin de
système ; il s'oppose à
message comme
système à
réalisation.
◆
Dans ce sens, apparaît
SOUS-CODE n. m. (1964 dans Barthes).
◆
L'appellation spéciale
feux de code (1941) désigne les phares de puissance réduite prescrits par le
code de la route, ce dernier ayant été créé par un décret du 31 décembre 1922. Dans la vie quotidienne,
code a en français québécois, d'après les sens multiples de l'anglais
code, des emplois inconnus en Europe (par exemple
code régional, pour « indicatif », au téléphone).
◆
CODE-BARRE n. m. désigne, en France, un code d'identification des produits par lecture optique, formé de barres, de lignes parallèles.
■
Le mot latin CODEX est lui-même employé (1651) pour un recueil de formules pharmaceutiques approuvées par la Faculté.
■
Depuis 1838, le mot latin est employé en français, en opposition avec volumen, à propos des livres antiques (opposés aux rouleaux). De là CODICOLOGIE n. f. « étude matérielle des codices manuscrits ».
❏
La dérivation de
code date des
XIXe et
XXe s. : d'après le sens juridique, il a donné
CODIFIER v. tr. (av. 1831) d'où
CODIFICATION n. f. (1819). D'après sa valeur scientifique,
code, et l'emprunt au verbe anglais
code ont fourni
CODER v. tr. « mettre, faire figurer dans un code » et « produire selon un code », courant au participe passé
CODÉ, ÉE adj. (unités codées ; informations codées). Coder est en concurrence avec
encoder (ci-dessous). Repris en génétique, le verbe, par anglicisme, est aussi intransitif, quand on dit que tel gène « code » pour un effet. Les dérivés
CODAGE n. m. et
CODANT, ANTE adj. correspondent à tous les sens du verbe.
■
DÉCODER v. tr. (1959), d'après l'anglais to decode, a pour dérivés DÉCODAGE n. m. (1959), DÉCODEUR n. m. (1968).
◆
Cette série, en théorie de l'information et en sémiotique, correspond à l'idée de déchiffrage, de compréhension des messages par connaissance ou découverte de leur code.
◆
Décoder et ses dérivés ont des antonymes formés avec le préfixe en- : ENCODER v. tr. (v. 1960), « constituer (des informations) selon un code », d'où ENCODAGE n. m. et ENCODEUR n. m. (v. 1960).
◈
CODICILLE n. m. est emprunté au bas latin
codicillus « tablette à écrire » d'où « lettre, mémoire, petit livre » et, spécialement en droit, « écrit complétant un testament », « clause ajoutée à un écrit ».
Codicille a repris le sens juridique du mot latin et son extension.
CODÉINE n. f. a été formé savamment par le chimiste français Robiquet (1832) sur le grec kôdeia « tête de pavot » d'où « bulbe de plante », mot d'origine inexpliquée, avec le suffixe -ine.
❏
Le mot désigne un alcaloïde à propriétés narcotiques extrait de l'opium ou isolé à partir de la morphine et utilisé comme sédatif de la toux.
❏
CODÉTHYLINE n. f., formé (1890) par croisement de codéine et de éthyle* avec le suffixe -ine, désigne un homologue de la codéine préparé à partir de la morphine.
COERCIBLE adj. est dérivé (1766) du radical de l'ancien verbe coercer v. tr., d'abord cohercer (av. 1380), employé en moyen français au sens de « réprimer » et repris au XVIIIe s. par Lavoisier en chimie et en physique. Ce mot est emprunté au latin coercere « contenir, réprimer », composé de cum « avec » (→ co-) et de arcere « contenir, écarter » (→ exercer, autarcie).
❏
Introduit dans le vocabulaire de la physique pour qualifier ce qui peut être comprimé, le mot est passé dans l'usage littéraire avec le sens figuré de « qui peut être maîtrisé » (en expressions négatives ou restrictives). Il est plus rare que son dérivé préfixé.
❏
Ce dernier,
INCOERCIBLE adj. (1767), est d'usage didactique ou littéraire pour « impossible à réprimer ».
◆
De même, son dérivé
INCOERCIBILITÉ n. f. (1814), malgré son caractère très didactique, semble moins rare que
COERCIBILITÉ n. f. (1838).
◈
COERCITION n. f., réfection (1586) de
cohercion (1255), est emprunté au latin
coercitio et, pour la forme médiévale, à son altération à basse époque en
coercio « contrainte, répression ». Le mot est le substantif d'action dérivé du supin
coercitum de
coercere.
◆
Ce nom a été repris avec le sens d'« action de contraindre qqn à accomplir son devoir » en droit.
◈
COERCITIF, IVE adj. a été dérivé savamment (1559) du radical du latin
coercitum avec le suffixe
-if pour servir d'adjectif à
coercition, peut-être d'après le latin médiéval
coercitiva potentia (
XIIIe s.) « pouvoir de coercition ». À la différence de
coercible et de
incoercible, il ne s'emploie qu'au figuré à propos de « contrainte, surtout sociale ou administrative ». À son tour, il a produit
COERCITIVITÉ n. f. (v. 1950), rare, et
INCOERCITIF, IVE adj. antonyme de
coercitif.
L +
CŒUR n. m. quor (v.1050), quer (1080), cuer et coer en ancien français, puis cœur, est issu du latin cor, cordis (accus. cordem) « organe central de la circulation sanguine » et, par un symbolisme culturel ailleurs assumé par le foie, « siège des émotions, des passions, de la pensée, de l'intelligence, de la mémoire et de la volonté ». Le mot se rattache, comme le grec kardia, à une racine indoeuropéenne °k'erd- représentée dans l'ensemble des langues congénères : allemand Herz, anglais heart, russe sierdse, gallois craidd, védique h°rdáḥ.
❏
Le mot désigne l'organe central de la circulation sanguine et, par extension, s'emploie pour la région de la poitrine (
XIIe s.) et de l'estomac (
XIIIe s.), notamment la zone épigastrique (
XIIIe s.) dans les locutions
mal au cœur, au figuré
dire tout ce qu'on a sur le cœur (1508) et, par un jeu de mots avec le jeu de cartes :
coucher du cœur sur le carreau « vomir » (1633), sorti d'usage.
■
Par analogie de localisation, il désigne depuis le XIIIe s. la partie centrale d'une chose, concrète (un fromage fait à cœur) ou abstraite (le temps, dans à cœur d'année, en français québécois) et, par analogie de forme (XVIe s.), divers objets évoquant la représentation conventionnelle d'un cœur, spécialement aux cartes à jouer (1585).
Comme chez les Anciens, le mot est pris dès les premiers textes avec des valeurs métaphoriques.
◆
Celle de « siège des émotions, de l'amour et, en général, de l'affectivité » est la plus vivante. Par métonymie, il désigne même la personne chérie (1170), celle que l'on veut séduire
(bourreau des cœurs) ou qui cherche à séduire (
joli cœur, 1863).
◆
La locution comparative
jolie comme un cœur est attestée fin
XVIIIe s. (1786).
■
Les autres valeurs demeurent diversement vivantes en locutions. Celle de « siège de la volonté » vit dans les locutions avoir à cœur de (déb. XIVe s.), de tout cœur, variante de la forme ancienne de son cuer (v. 1162), de gaieté de cœur (1579), à contre-cœur (1579).
◆
Celle de « siège des sentiments moraux », de « force d'âme, courage » (1080) — Cf. ci-dessus courage — ne s'est guère conservée que dans la devise à cœur vaillant rien d'impossible (1508, prise par Jacques Cœur), et celle de « siège des qualités de caractère », propre à l'idéologie aristocratique, est tombée en désuétude. C'est une valeur symbolique voisine qu'exprime en français du Canada, l'expression s'arracher le cœur à..., pour « se donner du mal ».
◆
Celle de « siège de l'intelligence » (1130-1140) a disparu et s'est soit limitée à « intuition » (v. 1190, c'est mon cœur qui me le dit), soit prise dans une opposition religieuse ou philosophique à raison, comme chez Pascal. La locution usuelle par cœur (v. 1200) est un vestige du sens large ancien « siège de la mémoire ».
❏
COURAGE n. m., réfection irrégulière (
XIIIe s.) de
curage 1050, est formé de
cuer, cœur et du suffixe
-age. Le mot a été synonyme de
cœur dans tous ses emplois figurés jusqu'au
XVIIe siècle. À cette époque-là, il jouissait même de la vogue du suffixe
-age qui le faisait préférer à
cœur (comme
herbage, ombrage à
herbe, ombre). Sa spécialisation actuelle a dû être prise d'abord par
courageux (ci-dessous).
Courage a une valeur très générale en ancien et moyen français jusqu'au
XVIIe s. ; il désigne, avec ses variantes anciennes
(corage, couraige...), d'abord une tension psychique, intention ou désir, plus ou moins vive et ardente ; ces valeurs restent vivantes dans certains dérivés
(encourager, décourager) ; puis la force d'âme, la vertu morale dans quelque domaine que ce soit, et plus spécialement les qualités de caractère réservées à une élite, alors synonyme de
cœur, au figuré.
En son courage s'est dit pour « dans son cœur, en soi-même » ;
j'ay libre le courage, écrit encore Ronsard.
◆
La spécialisation pour « force d'âme devant le danger » est ancienne et semble plus nette dans le dérivé
corajos, courageux ; elle se répand dans la langue classique au détriment des autres emplois qu'elle élimine, à l'exception du sens d'« énergie » (pour un travail, une activité), encore usuel
(manquer de courage pour...) comme l'acception de « dureté de cœur »
(je n'ai pas le courage de l'abandonner). Le mot sert aussi d'interjection d'encouragement, au moins depuis le
XVIe s. (Montaigne).
◈
Le dérivé
COURAGEUX, EUSE adj. (1160,
corajos) se dit des personnes et des actes pleins de courage, aux divers sens du mot, mais surtout pour « qui méprise le danger ». Cependant, la valeur « qui a de l'énergie » est encore vivante comme, régionalement, celle de « travailleur ».
■
Courageux a servi à former COURAGEUSEMENT adv. (1213, corajeusement) qui a les mêmes acceptions.
◈
Les préfixés verbaux attestent les valeurs anciennes de
courage. DÉCOURAGER v. tr. (
descoragier, 1165-1170) signifie « enlever la force d'âme à (qqn) », d'où « rendre (qqn) sans énergie », et surtout « sans désir, sans envie pour qqch. ». Le pronominal et le participe passé sont usuels.
■
Le dérivé DÉCOURAGEMENT n. m. (descoragement, fin XIIe s.) s'applique plutôt à l'état d'une personne découragée qu'à un processus.
■
DÉCOURAGEANT, ANTE adj., tiré (1614) du participe présent du verbe et parallèle à encourageant (ci-dessous), qualifie les choses et les personnes qui découragent, déçoivent sans jamais s'améliorer.
◈
ENCOURAGER v. tr. (1155,
encuragier de...) signifie « donner de l'énergie, de la force d'âme à (qqn) » et spécialement « stimuler pour faire qqch. de précis », sens où la construction
encourager qqn à + infinitif (1636) est usuelle. Le verbe s'est spécialisé au
XVIIIe s. (av. 1778) avec une valeur sociale au sens de « favoriser, aider par des récompenses, de l'argent ».
■
Le dérivé ENCOURAGEMENT n. m. (encoraigement, déb. XIIIe s.) a d'abord eu le sens très fort de « colère, indignation de la personne remplie de “courage” ». Cette valeur a disparu quand le mot s'est imposé au XVIe s. (1564) comme substantif d'action de encourager. Par métonymie, un encouragement désigne (1764) un acte ou une parole qui encourage.
■
ENCOURAGEANT, ANTE adj. (1707) se dit de ce qui est propre à encourager.
◈
Cœur, avec le sens d'« estomac », a produit
ÉCŒURER v. tr. (1640), annoncé par
esqueuré (1611), au sens ancien de « très amaigri, affaibli ». Le verbe, considéré comme vulgaire à l'époque classique, s'est répandu au
XIXe s. (attesté 1864) au sens de « dégoûter » et aussi d'« indigner en provoquant un dégoût moral », puis de « démoraliser » (sans dégoût), par exemple par une réussite trop facile ou impossible à égaler. Cette valeur s'est spécialisée en sport (1924, Montherlant) dans
écœurer l'adversaire. Le participe passé
ÉCŒURÉ, ÉE est adjectivé.
■
ÉCŒURANT, ANTE adj., d'abord physiologique (mil. XIXe s., Raspail ; 1846, Baudelaire), s'emploie aussi au moral. Cet usage, fréquent au Québec, y a fourni le dérivé ÉCŒURANTERIE n. f. « action écœurante ».
■
ÉCŒUREMENT n. m. (1863, Flaubert) a les mêmes valeurs que écœurer.
◈
Cœur a également fourni le second élément de quelques composés métaphoriques comme
CRÈVE-CŒUR n. m. (
XIIe s.),
ACCROCHE-CŒUR n. m. (1837),
HAUT-LE-CŒUR n. m. (1857).
◆
L'un deux,
SANS-CŒUR n. m. (1808) a d'abord eu le sens de « paresseux sans amour-propre, à qui aucune remontrance ne fait impression ». Il a été réinterprété en « homme sans sensibilité » (1830, H. Monnier).
❏ voir
ACCORD, CARDIAQUE, CONCORDE, CORDIAL, DISCORDE, MISÉRICORDE, RANCŒUR.
L
COFFRE n. m. est issu (v. 1165) du latin impérial cophinus « corbeille » (→ couffin), transcription du grec kophinos, mot technique sans étymologie connue. Le sens de « caisse, coffre » est apparu en latin médiéval.
❏
Tandis que le sens de « corbeille » est passé dans l'italien
cofano et l'espagnol
cuebano, il s'est perdu en français, où le mot désigne un meuble en forme de caisse. Désignant une pièce maîtresse du mobilier au moyen âge, il a reçu différentes spécialisations correspondant à ses fonctions : « caisse où l'on range de l'argent, des choses précieuses » (1291 ; d'où
coffre-fort, 1543), « espace aménagé pour le rangement à l'arrière d'une voiture » (1690) puis « d'une automobile » (fin
XIXe s.).
■
Par analogie de forme, il est passé en anatomie comme dénomination du tronc d'un animal (1561) puis aussi de l'homme. Cette dénomination s'est étendue à l'usage familier, voire argotique, pour « estomac » (dès 1636, coffre naturel). De là avoir du coffre « du souffle », en parlant d'un chanteur, et aussi au figuré.
◆
Coffre ou poisson-coffre se dit d'un poisson des fonds coralliens, recouvert d'une cuirasse osseuse.
❏
Le diminutif
COFFRET n. m. (déb.
XIVe s.) désigne un petit coffre destiné à serrer des objets précieux ou, par analogie, un emballage luxueux ; seuls quelques emplois techniques modernes lui donnent une stricte valeur diminutive.
■
D'un ancien sens figuré de coffre « prison » est dérivé COFFRER v. tr. (1562), « mettre en prison » d'usage populaire. Le sens de « mettre dans un coffre » (1544, coffré) a disparu au XVIIe siècle.
◆
Une valeur technique correspond à l'usage du nom en construction pour « dispositif en bois contenant un matériau de construction ».
■
Le verbe est à l'origine des dérivés COFFRAGE n. m. (1838), DÉCOFFRER v. tr. « enlever le coffrage en bois de (un ouvrage de béton) » (1948), d'où le nom d'opération, DÉCOFFRAGE n. m. (1948). Brut de décoffrage, qui se dit en technique du béton lorsqu'il vient d'être décoffré, s'emploie au figuré pour « à l'état brut ». Voir brut.
■
ENCOFFRER v., « mettre en coffre » (1382) et, par extension, « emprisonner » (1590), est directement dérivé de coffre.
❏
C'est à propos du coffre-fort que l'usage populaire a forgé (1901) le mot COFFIOT n. m. avec l'initiale de coffre et une finale qui peut évoquer faffiot (« billets, argent liquide »).
COGITER v. est emprunté (1450) au latin cogitare « penser, méditer » de cum « avec » (→ co-) et de agitare (→ agiter), le sens propre étant « agiter ensemble des pensées ».
❏
Le mot, après avoir servi de synonyme à penser, méditer dans la langue philosophique, est devenu archaïque. Il a retrouvé un certain usage (1853, Flaubert) dans le sens ironique de « réfléchir de façon laborieuse, souvent inefficace ».
❏
COGITATION n. f., emprunt (v. 1150,
cogitatiun) du latin
cogitatio « action de penser, de réfléchir », a suivi la même évolution que
cogiter : ancien terme de la langue philosophique, il a été repris ironiquement par les romantiques (1833, Petrus Borel).
■
COGITO, première personne du présent de l'indicatif du verbe latin cogitare, continue d'être employé en philosophie (1834), par allusion à la phrase de Descartes Cogito ergo sum « je pense donc je suis » (Discours de la méthode, IVe partie, traduction latine de 1644) qui constitue le premier principe de sa philosophie. Substantivé en référence à l'argument cartésien, le cogito exprime l'expérience fondamentale du sujet pensant (1880, Flaubert).
COGNAC n. m. est issu, par ellipse puis emploi comme nom commun (1806) du syntagme eau-de-vie de Coignac (1710), du nom d'une ville de Charente où cette eau-de-vie est fabriquée avec les vins blancs de la région. La précocité des attestations en anglais de Conyack Brandy (1687) et Coniac (1755) s'explique par l'ancienneté du commerce de l'eau-de-vie avec l'Angleterre, favorisé par la situation géographique de Cognac, non loin d'un port d'embarquement. Les deux principales maisons de commerce ayant été fondées par un originaire de Jersey (Martell) et par un Irlandais (Hennessy), la correspondance et la comptabilité s'y sont faites en langue anglaise, et la diffusion du mot, donc sa désignation, semble plus tardive en France.
COGNÉE n. f., d'abord cuignee (1080), coigniee (v. 1160), coignee, est issu du latin médiéval cuneata, substantivation (déb. IXe s.) par ellipse de l'adjectif féminin cuneata (sous-entendu ascia) « hache dont la section est en forme de coin », de cuneus (→ coin).
❏
Le mot désigne la hache utilisée par les bûcherons et les charpentiers. Il a donné la locution proverbiale jeter le manche après la cognée (1548) « renoncer par lassitude ou désespoir ».
❏ voir
COGNER.
L
COGNER v., attesté à la fin du XIe s., est soit dérivé de coin, soit issu du latin impérial cuneare « serrer avec un coin », de cuneus (→ coin).
❏
Les sens anciens de « coincer » et de « marquer la monnaie » sont sortis de l'usage ; celui d'« enfoncer en frappant » (XIIIe s.), en construction transitive, subsiste seulement dans la locution se cogner la tête contre les murs et, populairement, dans cogner qqn « le rosser ». Le verbe est plus vivant en construction prépositionnelle (avec contre, sur) ou absolue.
◆
En argot, cogner s'emploie intransitivement pour « puer, sentir mauvais » (1913) par la métaphore du coup qui frappe le nez.
◆
Au pronominal, par synonymie avec se taper, se cogner qqch., qui a signifié « s'en passer » (1900), signifie aujourd'hui « se l'offrir, se l'envoyer » (1914), aussi dans un contexte sexuel.
◆
Du sens de « frapper », on est passé en sport (boxe) à celui de « vaincre » (1926).
❏
Si l'on excepte
COGNEMENT n. m., tardif (av. 1907) et peu usité,
cogner n'a donné que des termes d'argot : le déverbal populaire
un COGNE n. m. (1800) désigne, d'abord dans le contexte brutal de la répression, un agent de police. Il est à peu près démotivé, mais l'image devait être active au
XIXe siècle, puisqu'un gendarme a pu aussi être appelé un
COGNARD n. m. (1850).
◈
■
COGNAGE n. m. (fin XIXe s.) et COGNERIE n. f. (1883) ont désigné la bagarre.
■
COGNEUR n. m. reprend différents sens argotiques : « malfaiteur qui cogne » (1837), « batteur de cartes » (1883), « emprunteur » (1901), « boxeur » (1920).
❏ voir
COGNÉE.
COGNITION n. f. est emprunté (
XIVe s.
connission) au lat.
cognitio, dérivé du supin de
cognoscere (→ connaître). Le mot est resté didactique et avait vieilli pour désigner les techniques de connaissance et la connaissance en général ; la reprise de
cognitif (ci-dessous) l'a remis en usage.
PRÉCOGNITION n. f. (années 1960) désigne la conscience, la connaissance supposées de ce qui va se produire, en parapsychologie.
COGNITIF, IVE adj. est un dérivé savant du supin de cognoscere, attesté isolément au XIVe s. (v. 1370), repris au XVIe s. (1541) au sens général « de la connaissance ». Le mot s'est répandu au XXe s. sous l'influence de l'anglais cognitive, lui-même apparu au XVIe s., repris en sciences au XIXe s., et appliqué au XXe s. (v. 1960-1970) à l'étude de la connaissance, d'où psychologie, science cognitive, d'après les syntagmes anglais.
❏
De là COGNITIVISME n. m. et COGNITIVISTE n. (1985) « spécialiste en sciences cognitives ».
COHÉRENT, ENTE adj. est emprunté (1539) au latin cohaerens, participe présent de cohaerere « être soudé, attaché ensemble » (au propre et au figuré). Ce verbe est composé de cum « avec, ensemble » (→ co-) et de haerere « être fixé à, être arrêté » (→ adhérer, hésiter).
❏
Le mot se trouve chez J. Canappe pour qualifier en anatomie ce qui est attaché à qqch. Il a été repris avec son sens abstrait usuel (1798, raisonnement cohérent), le sens concret se réalisant seulement à titre de spécialisation scientifique (physique : faisceau cohérent ; 1858 géologie).
❏
De
cohérent sont dérivés
INCOHÉRENT, ENTE adj. (1751), usuel au sens abstrait, rare en physique (1858 en optique) à cause de la fréquence du figuré, et
COHÉRER v. intr. (1897), verbe didactique assez rare.
■
COHÉRENCE n. f. (1524), emprunté au dérivé latin coherentia, a connu la même évolution que l'adjectif et partage certains emplois avec cohésion.
◆
Il a pour antonyme INCOHÉRENCE n. f. (1775).
◈
COHÉSION n. f. est dérivé savamment (1740), peut-être sur le modèle du latin médiéval
cohaesio « proximité, contact » (845-868), du radical du latin
cohaesum, supin de
cohaerere « être attaché ensemble » (ci-dessus
cohérent). Le mot a été forgé pour désigner la force par laquelle les molécules des corps adhèrent entre elles.
◆
Il s'est répandu au
XIXe s. avec le sens figuré d'« union, unité » (1823), fonctionnant en quasi-synonymie avec son doublet
cohérence*, et indiquant le caractère de solidité d'un lien logique. Il s'applique aussi à un groupe humain dans l'action
(la cohésion d'une équipe, d'un gouvernement).
■
INCOHÉSION n. f. (1787) est sorti d'usage.
■
COHÉSIONNER v. tr., signalé comme « néologisme » en 1842, ne s'est pas répandu.
■
COHÉSIF, IVE adj. (av. 1866) est d'un usage didactique.
■
Enfin DÉCOHÉSION n. f. (mil. XXe s.) est didactique.
COHORTE n. f. est emprunté (1213) au latin cohors, -tis « unité de l'armée romaine ». Il s'agit là d'une spécialisation, à partir de l'idée de « division du camp », du sens premier de ce composé de hortus « jardin » (→ horticole) qui signifiait « enclos, parc à bétail, basse-cour » (→ cour).
❏
Emprunté comme terme d'antiquité romaine, le mot est passé dans l'usage, dans le langage familier, à propos d'un groupe de personnes (av. 1350) et, dans le style littéraire, d'un groupe de gens armés (1539).
COHUE n. f., déjà attesté par la transcription latine médiévale cohua (Vendée, 1232 ; Loire-Atlantique, 1235 ; Normandie, 1218), est emprunté (1278) au breton koc'hu, koc'hui « halle ». Ce mot, à rapprocher du cymrique pour « agitation, tumulte » (de chwyf « mouvement »), est ancien, attesté dès le moyen breton pour « agitation, réunion tumultueuse ».
❏
Le sens de « halle », attesté dans les chartes et les cartulaires médiévaux, est sorti d'usage. Son extension métonymique, « assemblée de justice (se tenant dans la halle) » (1318), fait aujourd'hui figure de sens historique. L'autre extension métonymique, « marché, foire », s'est également éteinte, sauf emploi littéraire.
◆
Le mot s'est répandu en français général avec le sens d'« assemblée bruyante » (1638), peut-être repris au breton, d'où « bousculade, bruit confus » (av. 1660), et surtout de « désordre de la foule ; foule en désordre, qui se bouscule ».
L
COI, COITE adj., d'abord quei (1080), puis coi (v. 1170), est issu d'un latin vulgaire °quetus, déformation du latin quietus (→ quiet).
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Le mot, le plus ancien des adjectifs exprimant l'idée de « tranquillité », était usuel en ancien et moyen français. Il n'est vraiment usité aujourd'hui que dans les locutions rester, demeurer coi.
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Le féminin coite, réfection (1798) de l'ancien type coie d'après droit, droite, est quasiment inusité.