COMMENSURABLE adj. est emprunté (v. 1370) au bas latin commensurabilis « de mesure égale, commune » (en arithmétique, VIe s.), du latin commetiri « mesurer, mesurer ensemble, confronter », lui-même de cum (→ co-) et de metiri (→ mesurer).
❏
L'adjectif est introduit au sens didactique du latin, en parlant d'une grandeur mathématique. Par extension, il qualifie une grandeur quelconque qui peut être comparée à une autre par l'emploi d'une unité de mesure commune.
❏
COMMENSURABILITÉ n. f., d'abord
commensurableté (v. 1370), d'après le latin médiéval
commensurabilitas (
XIIIe s.), et
COMMENSURATION n. f., emprunté (v. 1380) au bas latin
commensuratio « égalité de mesure » (
VIe s.), se limitent à un usage didactique.
■
En revanche, INCOMMENSURABLE adj., lui-même repris (v. 1370) au bas latin incommensurabilis, terme de mathématiques, s'est mieux répandu dans l'usage général. D'après l'idée de « non mesurable », il a rejoint la sphère des emplois hyperboliques d'infini, exprimant ce qui est infini ou très grand (1768), substantivé avec une valeur de neutre (1810, Mme de Staël). Il a par ailleurs gardé son emploi scientifique de « qui n'est pas commensurable ».
■
INCOMMENSURABILITÉ n. f., emprunté (v. 1370) au dérivé du latin médiéval incommensurabilitas (v. 1267), relève d'un usage plus didactique.
COMMENTER v. tr. est emprunté (1314) au latin commentari « méditer, appliquer sa pensée à qqch. », puis « expliquer, interpréter des écrits » (époque impériale), de cum, com- (→ co-) et de mens, mentis « esprit » (→ mental).
❏
Le mot a été repris avec la seconde acception du latin, d'abord au participe passé. À l'époque classique, il a reçu la valeur péjorative de « interpréter malignement » (1675), puis a repris une valeur neutre, en relation avec commentaire.
❏
COMMENTAIRE n. m., emprunté (1485) au latin
commentarius « recueil de notes, compte rendu » (de
commentari), a d'abord eu le sens de « mémoires », au pluriel encore dans des titres d'écrits. Son sens moderne, « texte qui glose, explique un autre texte », est attesté depuis 1675. Sa valeur péjorative classique a laissé une trace dans l'usage familier, avec des locutions comme
sans commentaire !
■
COMMENTATEUR, TRICE n., emprunt au dérivé bas latin commentator, est introduit (v. 1370) par les clercs ; le mot, très rare, ne se répand qu'au début du XVIIe s. (1611). Il a reçu, dans le contexte journalistique, le sens de « journaliste chargé de commenter des nouvelles, un reportage » (1904).
COMMERCE n. m., d'abord commerque (v. 1370), est emprunté au latin commercium « négoce, lieu où se fait un échange économique, droit de commercer », par extension « relations humaines » et spécialement « relations charnelles ». Le mot est composé de cum (→ co-) et de merx, mercis « marchandise » (→ marchand).
❏
Apparu au sens général de « vente de marchandises », le mot désigne aussi, par métonymie, le monde commercial (1798) et
(un, des commerces) une entreprise commerciale (1812), d'où, concrètement, « boutique, magasin ». En français d'Afrique, le mot peut avoir la valeur particulière de « magasin moderne », distinct de la
boutique traditionnelle (le mot
magasin valant surtout pour « entrepôt »).
◆
Le sens abstrait de « relation réciproque », apparu au
XVIe s. (1540) et usuel au
XVIIe s., spécialement à propos de la manière de se conduire en société (fin
XVIIe s.,
être d'un commerce aisé), est sorti d'usage, sauf dans les locutions
être d'un commerce (agréable) « d'une fréquentation (agréable) » et
avoir commerce avec (1665) au sens particulier d'« avoir des relations charnelles », ces emplois étant devenus archaïques.
◆
L'importance grandissante du mot, l'évolution de ses connotations, sont liées aux développements de l'histoire économique et soulignées par l'apparition et l'évolution des dérivés.
■
En français familier de Suisse, se dit et s'écrit (depuis 1864, premier emploi écrit attesté) pour « ensemble de choses disparates, en désordre » (sens proche de celui de cheni, mais sans idée de « saleté »).
❏
COMMERCER v. intr., d'abord
commerser (1405) « faire du commerce », a complètement perdu le sens d'« avoir des relations avec autrui », très postérieur (1748, Buffon).
■
Son participe présent a été substantivé en COMMERÇANT, ANTE a été substantivé (v. 1695), devenu très courant pour qualifier une catégorie professionnelle, d'où son emploi adjectif (1756), quelquefois avec la valeur de « qui a le sens du commerce, des affaires » (XXe s.).
■
COMMERCIAL, ALE, AUX adj. (1749), outre son emploi neutre, a développé une valeur péjorative dans le domaine artistique ou littéraire (1927-1930) ; l'adjectif a été substantivé pour « employé d'un service commercial » (un commercial, 1937). Il s'est répandu au sens propre au XIXe s. (avec de nombreux syntagmes : droit commercial, études commerciales...) où il a produit les dérivés COMMERCIALEMENT adv. (1829) et COMMERCIALISER v. tr. (1872 ; une première fois en 1845). Commercial et ses dérivés sont précédés par les mots anglais correspondants, commercial étant attesté en anglais avant 1683 et commercialize vers 1830 (Dict. étym. de Chambers), sans qu'on puisse affirmer que le français commercial s'en soit inspiré. En revanche, la chose est probable pour le verbe, employé une fois en 1845 et usuel depuis 1872 seulement. L'emploi de commercial comme nom masculin pour « publicité, message publicitaire », au Québec, est un nouvel emprunt à l'anglais.
◆
Ce verbe a servi à former COMMERCIALISATION n. f. (1904 ; une fois en 1845) et COMMERCIALISABLE adj. (1955).
COMMÈRE n. f. est emprunté (v. 1175), avec adaptation d'après mère, au latin chrétien commater, proprement « marraine avec », de cum « avec » (→ co-) et de mater « mère », et « marraine » en latin chrétien (→ mère).
❏
Le mot a suivi une évolution analogue à celle de compère*. Le sens de « marraine » a disparu au profit d'extensions. Certaines, comme « mère, nourrice » (XVIe s.), n'ont pas vécu. Seul le sens de « personne bavarde qui colporte les nouvelles » (XIVe s.), développé à partir d'un emploi comme appellatif amical (fin XIIIe s.), a fait fortune.
◆
Le mot s'est même (à la différence de compère) étendu à une personne de l'autre sexe, manifestant dans tous les cas le jugement négatif sur le bavardage des femmes, l'un des thèmes antiféministes les plus anciens dans la culture médiévale bourgeoise.
◆
L'appellatif familier à une femme que l'on connaît, une voisine, signalé en France depuis l'ancien français, disparu au XIXe s., sauf en milieu rural, s'est perpétué en français des Antilles, où il est assez affectueux.
❏
COMMÉRAGE n. m., d'abord
commeraige (1546) « baptême », a suivi l'évolution de
commère : lorsqu'il reparaît au
XVIIIe s. (1761, Diderot), il désigne un bavardage futile, malveillant.
■
COMMÉRER v. intr., enregistré une première fois en 1611 par Cotgrave avec un sens disparu, est repris en 1823 avec le sens de « faire des commérages », qui est sorti d'usage.
COMMETTRE v. tr. est emprunté (v. 1216) au latin committere, littéralement « mettre ensemble », de cum « avec » (→ co-) et de mittere (→ mettre), d'où « mettre aux prises », « donner à exécuter, confier » et « mettre à exécution, se rendre coupable de qqch. ».
❏
Après une attestation isolée au sens ancien de « mettre en vente », le mot est employé en droit (v. 1260) et prend le sens de « charger (qqn) de faire qqch. » à partir du domaine picard (fin XIIIe s.). Ce sens a survécu dans la langue didactique ou littéraire tandis que le sens concret correspondant, « confier qqch. à qqn » (1310-1314), surtout classique, est sorti d'usage.
◆
Dès le XIVe s., commettre signifie couramment « accomplir, se rendre coupable de » (v. 1370, commettre adultère). Le sens de « mettre aux prises (deux personnes), exposer mal à propos » (fin XVIe s.) a décliné sous la concurrence de compromettre, bien que la langue littéraire continue d'employer la forme pronominale se commettre avec qqn (av. 1654) avec le même sens que se compromettre.
◆
Le sens littéral de « mettre ensemble » (1597) s'est maintenu comme terme technique de cordier pour « réunir par torsion (les éléments qui composent un cordage) » (1752).
❏
COMMIS n. m. est le participe passé substantivé (1369) du verbe. Le sens de « personne chargée d'une fonction » est surtout actif dans des spécialisations dans la marine, l'administration et le commerce (1675). Le sens général de « fonctionnaire » a donné lieu à l'expression
premier commis, et a été reprise au
XIXe s. dans
les grands commis de l'État, « les hauts fonctionnaires ».
◆
Le composé
COMMIS VOYAGEUR (1792), usuel au
XIXe s. — et aujourd'hui supplanté par
voyageur, représentant de commerce —, est entré dans quelques locutions figurées péjoratives
(humour, esprit de commis voyageur). Le féminin
COMMISE (1931) se rencontre dans le sud de la France au sens de « vendeuse ».
◈
COMMETTANT, participe présent de
commettre, est lui aussi substantivé au masculin (1563) pour désigner le marchand qui confie le soin de ses affaires à un commissionnaire, celui qui confie son mandat à un député ou un commissaire (1749). Le sens familier de « personne qui charge qqn de menues commissions » (1863) a vieilli.
❏ voir
COMITÉ, COMMISSAIRE, COMMISSION.
COMMINATOIRE adj. est emprunté au XVIe s. (av. 1520) au latin médiéval comminatorius « menaçant » (XIIIe s.), de comminatus, participe passé de comminari « menacer », de cum (→ co-) et de minari « menacer » (→ mener).
❏
Ce terme juridique est employé dans la langue soutenue avec le sens de « menaçant, intimidant » (paroles comminatoires, dès la première attestation).
❏
COMMINATION n. f., emprunt au latin classique
comminatio, d'abord attesté dans un contexte liturgique (v. 1150), a été repris au
XVIIIe s. comme nom d'une figure de rhétorique.
■
COMMINER v. tr., emprunté (1480) au latin comminari avec le sens de « menacer », était sorti d'usage à l'époque classique. Bien que repris en 1752 par Trévoux en parlant de l'excommunication comminatoire, il n'est guère usité que dans la langue juridique belge (comminer une peine).
COMMISÉRATION n. f. est emprunté (1552) au latin commiseratio « action d'exciter la pitié », spécialement en rhétorique « appel à la pitié de l'auditeur » (Cicéron). Ce mot est dérivé du supin de commiserari, lui-même de cum (→ co-) et de miserari « plaindre, s'apitoyer » (→ misère).
❏
Le mot désigne, dans un style très soutenu, le sentiment qui fait prendre part ou intérêt à la misère d'autrui. L'emploi du pluriel commisérations, pour « paroles de compassion », et rare et parfois péjoratif.
COMMISSAIRE n. m. est emprunté (1310) au latin médiéval commissarius « exécuteur testamentaire » (1242), « personne chargée d'une mission » (1309), dérivé de committere (→ commettre).
❏
Le mot dénomme celui à qui l'on commet une charge, une fonction plus ou moins temporaire. Au
XVIe s., il désigne aussi le titulaire d'une charge permanente (1538), soit différents fonctionnaires politiques (aussi
haut commissaire), militaires et, de nos jours, couramment, un magistrat de l'ordre judiciaire chargé de faire régner l'ordre public et de mener l'enquête en cas d'infraction (
commissaire de police, commissaire principal ; absolt
commissaire).
◆
Depuis le
XIXe s., le mot concerne spécialement la personne chargée de veiller à l'organisation et au déroulement d'une manifestation (bal, exposition...) [1845].
Commissaire aux comptes se dit en France de la personne chargée de vérifier les comptes d'une société anonyme (en Belgique,
réviseur). Le mot a d'autres emplois en histoire coloniale, tel
commissaire général, adjoint d'un résident général. Le droit québécois connaît des
commissaires à l'assermentation, que la loi autorise à recevoir et attester un serment, en justice.
■
Au sens de « membre d'une commission » (1866 en français de France), on parle au Québec de commissaire d'école (voir commission), et à l'île Maurice de commissaire électoral.
❏
Son dérivé
COMMISSARIAT n. m. (1752), « fonction, dignité de commissaire », est usuel au sens métonymique de « bureau d'un commissaire de police », avec une valeur locale présente dès les premières attestations. Le mot s'emploie aussi pour désigner des postes administratifs importants.
■
COMMISSAIRE-PRISEUR n. m. (1753, dans huissier-commissaire-priseur) formé avec priseur (XIIIe s.), nom de métier dérivé de priser*, et aujourd'hui disparu, désigne l'officier chargé de l'estimation et de la vente publique des objets mobiliers.
COMMISSION n. f. est emprunté (XIIIe s.) au latin commissio, formé à partir du supin de committere (→ commettre) « action de mettre en contact » et, en latin chrétien, « action de commettre une faute » et « réunion d'hommes ».
❏
Le mot a immédiatement le sens de « charge, mission », par attraction de
commettre « confier une charge à » ; ce sens est spécialement réalisé en droit (
commission rogatoire sous une variante en 1690), en marine (1723) et dans l'armée à propos du brevet conférant un grade militaire (1801-1805).
◆
C'est par métonymie qu'il s'applique à la rétribution versée dans une opération de courtage et qu'il désigne la charge de faire des achats pour qqn (1690), surtout au pluriel
commissions, puis les emplettes effectuées (1794). Ce sens est devenu usuel au
XIXe s. pour « achats que l'on fait », à côté de
courses, en français de France. Au figuré, dans le langage enfantin,
la grosse, la petite commission (attestés
XXe s.), se dit des fonctions d'excrétion
(Cf. caca, pipi).
◆
Comme nom d'action de
commettre, commission a eu le sens d'« exécution » (1311) d'après
commettre une peine « l'infliger » (v. 1360). De même, le sens de « faute » (1656), réalisé dès le
XVIe s. dans le vocabulaire théologique dans
pécher en commission (1587), par opposition à
pécher en omission, est sorti d'usage.
La valeur métonymique, « réunion de personnes chargées d'un objet précis », bien que réalisée en bas latin, n'a été reprise dans la langue des institutions qu'au XVIIIe s. (av. 1755, Montesquieu) ; elle s'est rapidement répandue en droit et dans l'usage commun, par le biais de la politique et de l'administration (par exemple, dans commission électorale).
◆
Au Québec, commission scolaire désigne l'administration régionale des écoles. Dans ces emplois, il a entraîné un sens nouveau pour commissaire.
❏
De ce sens vient
SOUS-COMMISSION n. f. (1871) « commission administrative dépendant d'une commission supérieure ».
◈
COMMISSIONNER v. (1462) est resté rare avant la fin du
XVIIIe s. où il a pris le sens de « donner commission d'acheter ou de vendre » (1792) et repris celui d'« autoriser par ordre » (1802) qu'il avait eu en moyen français. En français d'Afrique,
commissionner qqn pour qqch., « le charger d'une commission », procède d'une nouvelle dérivation du nom.
■
COMMISSIONNAIRE n. m., d'abord commissionere (1506), désigne la personne à laquelle une mission est confiée, spécialement un professionnel du courtage (1583). Le sens de « personne que l'on charge d'emplettes » (1708) est rare.
COMMISSURE n. f. est emprunté (1314) au latin commissura, participe passé féminin substantivé de committere « joindre ensemble » (→ commettre), au sens général de « jonction de deux choses » et, spécialement en anatomie, « suture des os du crâne ».
❏
Le mot a été introduit en anatomie en parlant de la suture des os du crâne, sens répandu au début du XVIIe s. (1611) et étendu à la zone de jonction de deux formations anatomiques. Il est devenu courant dans l'expression commissure des lèvres (1736).
◆
Par analogie, il a été repris par le langage technique de l'architecture (1568) en parlant du joint entre deux pierres superposées ; ce sens, qualifié de « vieux » en 1752, se maintient jusqu'à nos jours.
❏
L'adjectif anatomique COMMISSURAL, ALE, AUX adj. est attesté depuis 1846.
COMMODE adj. est emprunté (1475) au latin commodus, proprement « qui est de bonne mesure » d'où « approprié, opportun » et « accommodant, bienveillant » (d'une personne). Le mot est formé de cum (→ co-) et de modus (→ mode).
❏
L'adjectif qualifie une chose particulièrement bien adaptée à l'usage qu'on en fait, autrefois également une chose avantageuse, profitable (v. 1580). L'emploi à propos des personnes a vieilli. L'adjectif a d'abord qualifié une personne aisée, riche (1603), sens vieillissant au
XVIIe s., puis (1654) une personne d'un caractère facile et doux, et enfin complaisant, nuance qui apparaît au milieu du siècle (1656). Cette dernière valeur psychologique survit dans des emplois négatifs :
il, elle n'est pas commode « autoritaire, impérieux » (d'un supérieur, le plus souvent). Une spécialisation morale concernait la personne s'accommodant de l'inconduite d'une autre (1661), sens évincé plus tard par
complaisant. Ainsi, on a dit
une commode pour celle qui cachait l'inconduite d'une autre femme.
Le mot a été repris comme nom féminin (une commode) pour désigner (1708 ; 1703 à Québec) un meuble de rangement plus petit et plus léger que ses prédécesseurs, comme ceux qui furent créés en 1690 pour la chambre du roi. Ce sens est toujours vivant, mais s'est démotivé et détaché par rapport à l'adjectif, entrant dans la série des armoires, bahuts, etc. avec les secrétaires et autres petits meubles. Dans l'usage actuel, la commode, en français de France, désigne un meuble à hauteur d'appui, à larges tiroirs, et en français du Canada, un meuble haut à tiroirs superposés.
❏
COMMODÉMENT adv. (1544) est le seul dérivé direct de
commode.
■
COMMODITÉ n. f. est emprunté (1409) au dérivé latin commoditas « convenance, facilité, opportunité ». Le mot indique la qualité d'une chose qui satisfait pleinement aux services qu'on en attend ; par métonymie, il a désigné l'occasion favorable de faire qqch. (1553), parfois avec la nuance péjorative de « trop grande facilité ».
◆
Le pluriel commodités a exprimé l'idée d'« aisance matérielle » (av. 1558) avant de s'orienter vers celle d'« agréments, aises » (1601). Le syntagme commodités de la conversation (1659), dénomination des fauteuils dans le langage des précieux, est resté connu grâce à Molière ; chaise de commodité (1673), puis commodités (1677) s'est employé jusqu'au XIXe s. comme dénomination euphémistique des cabinets.
◆
De nos jours, un emploi courant du mot traduit l'anglais utilities « aménagements de la maison destinés à rendre la vie plus agréable ».
◈
Dans la série des préfixés en
in-, INCOMMODITÉ n. f. apparaît le premier (1389), emprunté au latin
incommoditas « désavantage, tort, dommage ». Le sens d'« immondices », assumé par le pluriel et à mettre en rapport avec celui de « lieux d'aisances » (à Lyon) qui correspondait au sens de
commodités, mais changeait de perspective, est sorti d'usage.
◆
Le mot ne s'emploie plus qu'au singulier avec le sens de « gêne, désagrément » (1549), autrefois aussi avec les valeurs de « gêne pécuniaire » (1608), « malaise physique » (1616).
■
Cette configuration de sens le rapproche du verbe INCOMMODER v. tr. (av. 1473), emprunté au dérivé latin incommodare « être à charge, gêner, incommoder » et spécialement employé à propos d'un état de gêne, de malaise physique ou moral (1596).
◈
En revanche,
INCOMMODE adj., emprunt ultérieur (1534) du latin
incommodus « fâcheux, importun, désagréable » (de choses et de personnes), n'a gardé que le sens de « peu commode, peu pratique à l'usage » (1547). Les anciens sens de « dommageable » et « fâcheux », en parlant d'une chose (1546), d'une personne (1588), n'ont pas vécu.
■
Le mot a évincé discommode (1580) mais subit la concurrence du synonyme MALCOMMODE adj., plus spécialement employé dans les parlers régionaux (1894 au Canada) à propos du caractère de qqn.
❏ voir
ACCOMMODER.
COMMODORE n. m. est l'emprunt (1760, Voltaire) de l'anglais commodore, d'abord commandore (1695), adaptation du néerlandais kommandeur, moyen néerlandais commandoor, titre de dignitaire peut-être emprunté du français commandeur.
❏
Le mot a été repris avec la spécialisation maritime du mot anglais pour « capitaine de vaisseau commandant une division navale » dans les marines britannique, américaine et néerlandaise. Cette spécialisation s'est faite en anglais, d'où en néerlandais commodore, par emprunt à l'anglais.
COMMONWEALTH n. m., prononcé approximativement à l'anglaise, s'emploie en français (attesté en 1948). Le mot, composé de
common (→ commun) et
wealth « richesse », a servi à former l'expression
Commonwealth of Nations, pour désigner à partir de 1922, à la place de
Empire, l'ensemble des États et territoires émancipés de l'ancien Empire britannique, et liés entre eux par un serment d'allégeance à la Couronne britannique. Les anciens
dominions font partie du Commonwealth.
■
Un autre syntagme formé avec l'anglais common, COMMON LAW n. f., de law « loi ; droit », attesté au XIVe s. en anglais, est en usage en français du Canada pour désigner le système juridique du Canada anglophone et des pays ayant adopté le système juridique britannique. « Le droit civil québécois ne relève pas de la common law » (Dict. québécois d'aujourd'hui).
COMMOTION n. f., d'abord commotium (v. 1120) puis commocion (1130-1140), le t étant réintroduit au XVIe s., est emprunté au latin commotio « secousse physique » et au figuré « agitation de l'âme », composé de cum, com- (→ co-) et de motio (→ motion).
❏
Le mot a gardé les valeurs latines avec plusieurs spécialisations du sens concret en pathologie (XVe s.) et en physique (1753, commotion électrique).
❏
Il a produit deux dérivés modernes : COMMOTIONNER v. tr. (1875), plus courant au participe passé, et l'adjectif médical COMMOTIONNEL, ELLE (1915).
COMMUER v. tr. est emprunté (1365) au latin commutare « changer entièrement », composé de cum (→ co-) et de mutare « changer » (→ muer, muter). Le verbe, doublet de l'autre emprunt commuter*, a été francisé d'après muer*.
❏
Introduit au sens général de « transformer », le mot a restreint son usage au domaine juridique (1467, commuer le criminel en civil) où il réalise une idée de « transformation avec amoindrissement » (1548, commuer une peine).
❏
Le mot n'a produit que le dérivé COMMUABLE adj. (1483), partageant avec commuter, qui n'est pas employé en droit, ceux de ses dérivés juridiques.
L +
COMMUN, UNE adj. et n. est un mot héréditaire très ancien (842) qui continue le latin communis « qui appartient à plusieurs » d'où, au figuré, « qui est accessible à tous, avenant (d'une personne) », à basse époque « médiocre, vulgaire », voire « impur » chez les auteurs chrétiens. Le mot latin est formé de cum « avec » (→ co-) et de munis « qui accomplit sa charge », apparenté à munus « charge » et « offrande, présent ». La racine de ces mots est °mei- « changer, échanger » ; elle se retrouve dans des termes indoeuropéens désignant des échanges réglés par l'usage, souvent avec une valeur juridique (→ muer, muter, migrer).
❏
Le premier sens passé en français, « relatif au plus grand nombre », est réalisé dans les syntagmes lexicalisés
droit commun (1283),
sens commun (1690) et, comme nom, dans
le commun des mortels (1172-1174,
le comun des janz).
◆
Dès 1160, apparaît aussi le sens d'« ordinaire », également réalisé par le substantif longtemps pris pour désigner le peuple, le vulgaire (v. 1160) avec une valeur dépréciative qui se retrouve dans
homme du commun (1636) et même dans
hors du commun, au-dessus du commun (1690). Cette valeur tend à colorer des emplois neutres où
commun a seulement le sens de « répandu, courant » (
XIIIe s.), comme dans l'adverbe
communément.
◆
Le sens collectif de « qui s'applique à tous les éléments d'un groupe » (v. 1050) est réalisé dans plusieurs syntagmes du type
vie commune (
XIIIe s.),
d'un commun accord (1248, par une variante),
en commun (déb.
XIIe s.). En dehors du domaine humain, l'adjectif s'est spécialisé en grammaire (
XIIIe s.) et en mathématiques (
dénominateur commun, XVIe s.). Il était aussi réalisé dans
lieu commun « passage d'une œuvre applicable à un sujet général » (1595 ; le latin
locus, dans cet emploi, calquait le grec
topos) avant que celui-ci ne tombe dans l'attraction du sens péjoratif, « ordinaire, rebattu » (1718) et ne désigne une banalité du langage.
◆
Toujours en ce sens, il a donné les locutions usuelles
être commun à (1175),
n'avoir rien de commun avec (1580),
avoir qqch. en commun.
Les communs, pluriel substantivé (1704), dénomme les bâtiments d'un château servant de cuisines, écuries, etc.
Le sens médiéval et féodal de commun, « qui appartient à un groupe de personnes, à toute la population », exporté en Angleterre par les Normands, est resté vivant sous la forme anglaise common. On le retrouve dans des contextes historiques successifs, avec common law (voir Commonwealth), et comme substantif, dans Commons (traduit par commune en français : Chambres des communes) et pour une terre appartenant à une communauté. L'emploi de commons pour « biens communs », normal en anglais, n'existait pas en français avant l'usage international, en économie, de la notion de « biens communs » (common goods) entraînant par calque de l'anglais (2010) celui du substantif (les communs de l'éducation, de la connaissance...), objet de réflexion sur la gestion des biens en partage, et interférant avec l'adjectif public.
❏
1 COMMUNAL, ALE, AUX adj., d'abord
cumunel (1080) puis
comunal (v. 1170), a d'abord eu le sens de « général », senti comme un doublet superflu de
commun*. Il est tombé de bonne heure sous l'attraction de
commune*, par emprunt sémantique et morphologique au latin
communalis (→ commune). L'adjectif correspond à « de la commune, d'une commune » et s'emploie pour
municipal en français de Belgique, du Luxembourg, par exemple dans
maison communale (mairie),
secrétaire communal.
■
Au sens ancien, communal a donné l'adverbe COMMUNALEMENT (1866), d'abord cumunalment (1160-1174), éliminé au XVe s. au profit de la forme refaite sur communelment (XIIIe s.). Voir communément.
■
COMMUNÉMENT adv. (XVe s.) continue le sens général de l'ancien français comunalment « ensemble », en restant étranger au sémantisme de communal. Il est senti comme dérivé de commun, avec le sens de « selon l'usage commun, ordinaire, courant ».
◈
COMMUNALISME n. m. se rattache formellement à
communal, mais sémantiquement à
communauté. Le mot désigne, en français de la Réunion, de Maurice, l'attitude politique tenant compte de l'appartenance aux diverses communautés (ethniques, religieuses, culturelles) de ces îles.
◈
COMMUNAUTÉ n. f., d'abord
comunalté (av. 1280), est la réfection de l'ancien
communité (v. 1130) « participation en commun », « groupe ayant un lien en commun », lui-même emprunté au latin
communitas.
■
Le mot désigne un ensemble de personnes et, abstraitement, l'état de ce qui est commun à plusieurs personnes (1344), sens spécialisé en droit civil (av. 1508). Appliqué à des personnes, il désigne en particulier une collectivité religieuse (1538) et, depuis peu, s'emploie avec des spécialisations administratives (communauté urbaine).
◆
◈
Le mot
communauté entre dans les noms d'institutions liées à la construction de l'Europe :
Communauté européenne du charbon et de l'acier (C. E. C. A.),
Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom),
Communauté économique européenne (C. E. E.), qui correspond à l'expression courante :
marché commun. L'expression
Communauté(s) européenne(s) a été remplacée (1991) par
Union européenne.
◆
En histoire,
Communauté (française) s'est dit de l'institution internationale remplaçant l'
Union française, en 1958, et réunissant des États africains autonomes ; leur indépendance étant acquise, en 1960, cette
Communauté disparut.
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L'expression
Communauté européenne (1951) désigne l'entité institutionnelle internationale formée par les États membres de l'Union européenne et ses divers aspects.
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Il a pour dérivé COMMUNAUTAIRE adj. (1842), d'où COMMUNAUTARISME n. m. (1951), qui avec leurs dérivés, ont pris plusieurs valeurs courantes. L'une concerne ce qui a trait à la Communauté européenne avec COMMUNAUTARISER v. tr. et COMMUNAUTARISATION n. f. (années 1980). L'autre donne à communautarisme et à COMMUNAUTARISTE n. et adj., une valeur idéologique, visant l'attitude de ceux qui développent l'esprit particulariste des diverses communautés (ethniques, nationales, régionales) au détriment de l'unité.
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Communautariste a par ailleurs (années 1990) la valeur de « spécialiste du droit de la Communauté européenne ».
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En français de Belgique, communautaire s'applique aux communautés linguistiques (Communauté flamande de Belgique ; Communauté française de Belgique, Wallonie-Bruxelles ; Communauté germanophone de Belgique) et à leurs relations (problèmes, questions communautaires). Le mot, dans ce sens, est aussi substantif (le communautaire).
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Par ailleurs, le mot
communauté et ses dérivés ont acquis des valeurs nouvelles, concernant l'existence et la vie de groupes sociaux d'origine commune dans un milieu nouveau, souvent par émigration. C'est surtout
communautaire qui s'emploie à propos des problèmes suscités par ces groupes par rapport à la communauté globale et à l'État où ils se trouvent.
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EXTRACOMMUNAUTAIRE adj. (1984) qualifie les personnes, les relations, les choses qui n'appartiennent pas à la Communauté européenne, dans leurs rapports avec elle. Le mot s'oppose à
INTRACOMMUNAUTAIRE adj. (1966) « qui se fait à l'intérieur d'une communauté », spécialement de la Communauté européenne.
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De
commun est aussi dérivé un important groupe de termes idéologiques.
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D'après J. Grandjonc, qui a fait l'histoire du mot à ses débuts, COMMUNISTE adj. et n., attesté dès 1706 comme adjectif pour « qui a le souci du bien commun », a signifié, aussi comme nom, « membre d'une communauté » ; ce sens existe au XVIIIe s. et pendant la Révolution, parfois en concurrence avec communier n. m. (XIVe s.) ; il entre dans les dictionnaires avec Landais (1834). La valeur idéologique, « partisan de la communauté des biens », apparaît chez un correspondant de Restif, d'Hupay de Fuveau (1785, auteur communiste). Babeuf, en 1793, emploie communautistes (et Égaux), et Restif lui-même communiste (Monsieur Nicolas, VII, 14, 1797). Rare ensuite, le mot réapparaît chez divers auteurs, dont Lamennais (1832) ; il est parfois synonyme de radical (1835) et on trouve républicain communiste (1839). En 1840, le premier banquet communiste (juillet 1840) diffuse le mot ; le syntagme parti communiste, désignant un simple groupe d'opinion, apparaît alors, et Cabet en fait son étendard. Le mot, comme adjectif et nom, est alors usuel chez les théoriciens sociaux, tels Proudhon. Le rapport avec les emplois politisés de commune*, en 1789 puis en 1870, est évident. L'évolution sémantique ultérieure est celle de communisme.
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COMMUNISME n. m. apparaît isolément à la fin du XVIIIe s. ; employé en allemand à propos de la Révolution française, Kommunismus (Riedel, 1794) semble isolé. Restif définit communisme dans Monsieur Nicolas (VIII) en 1797, sur le même plan que monarchisme ou anarchisme. Le mot reste inusité avant 1840 et le banquet communiste de Belleville (ci-dessus) ; il est alors bien attesté, notamment chez Cabet, qui l'emploie avec babouvisme, et chez Pierre Leroux (1841).
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Dès lors, communiste et communisme évoluent ensemble : intellectuellement, ils sont colorés par le marxisme puis par le léninisme, et se définissent par rapport à socialiste, socialisme. En politique active, ils dépendent de l'apparition d'un parti communiste, des rapports entre ses membres et les partis de gauche*, puis d'une opposition nommée (l'adj. et nom ANTICOMMUNISTE, apparu en 1842, évolue parallèlement) ; ANTICOMMUNISME n. m. n'est attesté qu'en 1936, époque où le communisme devient un courant politique très important en France, avec le Front populaire.
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La révolution russe de 1917 modifie profondément la situation, notamment sur le plan du vocabulaire.
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CRYPTOCOMMUNISTE adj. et n., « qui cache ses idées ou ses activités communistes » (v. 1950), a été abrégé en CRYPTO n. (attesté 1954).
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COMMUNISER v. tr. apparaît en 1919 (le dérivé COMMUNISATION n. f. est attesté en 1922).
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Les composés EUROCOMMUNISTE n. et adj. (v. 1975) et EUROCOMMUNISME n. m. ont traduit des tendances d'indépendance par rapport à l'ex-U. R. S. S. Après 1980-1990 et l'effondrement idéologique et matériel des pays se réclamant du léninisme, le mot perd de son actualité. POSTCOMMUNISME n. m. s'est employé (1990) à propos de la situation politique des pays dits « communistes » après la disparition de ces régimes.
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Avec une connotation péjorative, la première syllabe de
communiste a produit,
COCO n. et adj.
❏ voir
COMMUNE ; COMMUNION ; COMMUNIQUER ; COMMONWEALTH.
L
COMMUNE n. f., d'abord cumune (v. 1138), comune (1155), est hérité d'un latin populaire communia « communauté de gens », pluriel neutre substantivé de communis (→ commun).
❏
Le mot a été considéré comme un féminin singulier désignant une association des bourgeois d'une ville, d'abord formée dans une situation exceptionnelle (
XIe s.), puis l'association urbaine devenue institutionnelle et la communauté des habitants d'une ville de commune (1126-1127) et, par métonymie, le territoire d'une telle ville (1136). Tout au long du moyen âge, il s'est rapporté à une ville ou à un bourg affranchi du joug féodal et placé sous l'administration de bourgeois organisés (1155), désignant, par métonymie, ce corps de bourgeois.
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En français de Suisse, le mot entre dans plusieurs syntagmes institutionnels,
assemblée de commune « corps électoral d'une commune du canton de Vaud »,
commune bourgeoise, groupant les bourgeois (au sens helvétique) d'une commune (Jura, Valais),
commune d'origine, « celle où un citoyen suisse a droit de bourgoisie* ». En français de Belgique, le mot s'emploie pour « maison communale » (
mairie en France).
Au XVIIe s., il a été repris, dans l'expression Chambre des communes (1690), à l'anglais Commons dans House of Commons (1621), désignation de la chambre basse du Parlement anglais. Dans celle-ci, common, emprunté au français commune, désignait le peuple par opposition à la noblesse (sens à comparer à celui de l'ancien français commune « ensemble du peuple », dans les premiers textes), puis les représentants du peuple au Parlement (v. 1415).
Le mot a connu une nouvelle extension pendant la Révolution (1789) : nom d'une circonscription administrative, il s'est appliqué à la municipalité de Paris (1790) et a spécialement désigné le mouvement insurrectionnel né dans la nuit du 9 au 10 août 1792. Il a été repris, en hommage à celui-ci, comme nom du gouvernement insurrectionnel français installé à Paris après la révolution du 18 mars 1871 et renversé le 27 mai suivant. Déjà, le terme figurait le 31 octobre 1870 lors d'une réunion des officiers de la garde nationale (la Commune de Paris, la Commune ; l'histoire de la Commune, → communard).
❏
Le seul dérivé direct de
commune est
COMMUNARD, ARDE adj. et n. (1871), terme d'histoire, d'abord péjoratif, lié à l'insurrection de mars 1871, pour « partisan, membre de la Commune de Paris ». De nombreux communards furent massacrés, d'autres déportés, notamment en Nouvelle-Calédonie.
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2 COMMUNAL, ALE, AUX adj. et n. (1208,
cuminel) est emprunté au latin
communalis dans ses significations médiévales relatives à l'évolution de
communia. Le mot, rattaché à
commune, qualifie ce qui est propre à la commune, substantivé pour désigner les terrains qui appartiennent à la commune, d'abord au singulier (v. 1315), puis au pluriel
les communaux (1690) correspondant à l'adjectif dans
prés, bois communaux.
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Au féminin, l'
école communale a donné
la communale (
XXe s.).
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Le dérivé COMMUNALISTE adj. et n. (1752) correspond aux sens de commune comme désignation d'un membre d'une communauté religieuse et (1871) pour « partisan de la Commune de Paris ».