COMMUNIER v. intr. est emprunté (v. 980), avec traitement de la finale, au latin communicare (→ communiquer), d'après sa spécialisation chrétienne « avoir part », notamment « avoir part au sang et au corps du Seigneur dans l'eucharistie » et « participer en intention avec l'ensemble des fidèles ».
❏  Introduit comme terme de liturgie, le verbe exprime l'idée de « recevoir le sacrement de l'eucharistie », à la forme pronominale (fin XIIe-déb. XIIIe s.) et antérieurement en emploi transitif avec la valeur de « donner le sacrement ». Par extension, il signifie « être en union spirituelle ou affective avec », d'abord dans le contexte religieux (1690, communier en esprit) puis laïque (1849).
❏  COMMUNION n. f., emprunté (1150-1200) au bas latin communio « mise en commun », spécialement « communauté chrétienne » , « sainte communion » et « hostie consacrée », a suivi la même évolution. Introduit avec un sens religieux, « union des chrétiens » et « sacrement de l'eucharistie », il désigne par métonymie (1680) la fête familiale donnée à l'occasion d'une première communion (dite privée ou solennelle). Il s'est répandu dans l'usage commun avec la valeur d'« accord profond entre des personnes, avec le monde extérieur » (XIXe s.), fortement colorée de résonances chrétiennes, notamment dans l'héritage du panthéisme romantique. ◆  Le sens de « communauté de biens » n'a eu qu'une brève existence aux XVIe et XVIIe siècles.
■  COMMUNIANT, ANTE, participe présent de communier, est adjectivé et substantivé (1531) à propos de qui reçoit la communion eucharistique ; l'expression premier communiant est employée figurément, par une métaphore analogue à celle de boy scout, pour « personne naïve, candide ».
+ COMMUNIQUER v. tr. et intr. a été emprunté (v. 1370) au latin communicare, d'abord « avoir part, partager » (→ communier), puis « être en relation avec », de cum, com- (→ co-) et de °municus, dérivé supposé de munus « fonction, charge » (→ commun).
❏  Avec l'idée de « partage », le verbe a d'abord eu le sens de « participer à qqch. ». Il l'a perdu pour celui d'« être en rapport mutuel, en communion avec qqn » (v. 1370). À partir du XVIe s., il connaît une nouvelle extension dans la construction transitive directe, signifiant « transmettre » (communiquer une nouvelle, 1548), « propager (une maladie) » (1585), « faire partager (un sentiment, une qualité) » (XVIIe s.). ◆  Il reçoit une spécialisation technique en physique (1647, trad. Descartes [du lat.]), le complément désignant la chaleur, le mouvement. ◆  Il est employé également en parlant de lieux qui sont en relation l'un avec l'autre (1681). ◆  En emploi absolu, le verbe prend la valeur moderne de communication*, avec certains de ses dérivés, tels communicant et communicateur (ce sémantisme n'affecte pas d'autres mots de la famille).
❏  La dérivation directe se limite aux participes. COMMUNICANT, ANTE adj. s'emploie en physique dans tubes (v. 1750) puis vases communicants et dans l'usage général (pièces communicantes). Comme substantif, à côté de communicateur, le mot s'emploie à propos de personnes qui se servent des médias de masse avec efficacité.
■  COMMUNIQUÉ, ÉE adj. est employé dans article communiqué (1816), éliminé par la substantivation COMMUNIQUÉ n. m. (1853), dans un contexte journalistique.
COMMUNICATIF, IVE adj. est emprunté (1282) au bas latin communicativus « propre à communiquer » ; employé jusqu'au XVIe s. avec le sens de « libéral », il qualifie de nos jours un tempérament expansif (fin XVe s.), un état physique ou affectif qui se communique facilement (1690, un mal communicatif).
■  COMMUNICABLE adj., attesté lui-même au XIVe s. et indirectement au XIIIe s. par son dérivé COMMUNICABILITÉ n. f. (1282), a servi de doublet à l'ancien adjectif communicatif qualifiant une personne libérale, sociable (« qui communique avec ses semblables »). Il a seulement gardé le sens passif de « qui peut être communiqué » (XVIe s.) et développé la valeur spéciale de « qui peut être relié par un moyen de communication » (1690, en parlant de fleuves).
■  INCOMMUNICABLE adj. (1470), du latin incommunicabilis, et INCOMMUNICABILITÉ n. f. (1802) sont en rapport d'antonymie avec les mots simples.
COMMUNICATION n. f. est emprunté (fin XIIIe-déb. XIVe s.) au dérivé latin communicatio « mise en commun, échange de propos, action de faire part ».
■  Il a été introduit en français avec le sens général de « manière d'être ensemble » et envisagé dès l'ancien français comme un mode privilégié de relations sociales (v. 1370). Son expansion s'est faite avec le sens métonymique de « chose communiquée » (1507) et diverses acceptions spéciales dans les vocabulaires théologique (av. 1662, communication avec Dieu), juridique, médical, physique (1746, de l'électricité ; 1753, communication du mouvement). ◆  Le mot, comme le verbe communiquer, a connu un essor particulier dans le domaine de la publicité et des médias (techniques de communication), alors influencé par l'anglais communication. Avec un autre anglicisme, relations publiques, il donne à la stimulation des marchés, domaine assumé successivement par réclame (archaïque) et publicité, une expression plus noble. Dans l'entreprise, le mot concerne aussi la transmission d'information entre services. ◆  L'importance sans cesse accrue de la communication de masse dans la vie politique et sociale a donné au mot des connotations nouvelles, partagées par le verbe communiquer et ses dérivés récents, communicant, communicateur. ◆  Un autre type de communication interpersonnelle est apparu avec Internet, mais il y est plutôt question de réseaux et de collaboration que de communication, ce dernier étant identifié à l'influence massive, unilatérale et intéressée.
■  La diversification des moyens techniques par lesquels on communique a donné naissance à plusieurs composés : INTERCOMMUNICATION n. f. (1867), TÉLÉCOMMUNICATION n. f. (1904), mot qui s'est répandu dans les années 1960 et 1970, alors couramment abrégé en TÉLÉCOM, ou encore RADIOCOMMUNICATION n. f. (1922), qui désigne en général (1927) la communication de messages au moyen d'ondes électromagnétiques, de procédés radioélectriques. Le mot a vieilli, à la différence de télécommunication.
■  L'antonyme INCOMMUNICATION n. f. (1786), de sens plus général, est demeuré très rare.
COMMUNICATEUR, TRICE adj. et n. m. a été emprunté (1531) au latin chrétien communicator « celui qui communique ». Repris avec la spécialisation de « celui qui sait participer, met les biens en commun », propre au XVIe s., il s'est employé dans la rhétorique religieuse à propos de la personne qui transmet les grâces divines (Bossuet). Son usage moderne date du XIXe s. et s'est fait sous l'influence de communiquer, y compris dans sa spécialisation technique communicateur de mouvement (1866). ◆  Récemment, le mot s'est appliqué à un personnage, d'abord politique, qui « communique » bien avec le public et avec ses interlocuteurs.
COMMUNISME → COMMUN
COMMUTER v. tr. est un emprunt assez tardif (1614) au latin commutare « changer entièrement », de cum, com- (→ co-) et de mutare (→ muter) qui avait déjà donné par francisation commuer*.
❏  Malgré une attestation isolée (1614) où il n'est qu'une variante de commuer, le verbe n'entre dans l'usage qu'au XIXe s., d'abord en droit (par ex. chez Michelet, 1837) et rare, puis, sans doute d'après commutation, au XXe s., en mathématiques, physique et linguistique. Sa reprise doit beaucoup à la vitalité technique de commutation, commutateur.
❏  COMMUTATION n. f., beaucoup plus ancien que le verbe, est emprunté (v. 1120) au dérivé latin commutatio « changement, mutation », spécialement en rhétorique « reversion, répétition de mots dans un ordre inverse ». Employé en ancien français comme synonyme de mutation, le mot s'est spécialisé en français moderne dans quelques emplois techniques. Il est employé en droit (1680, commutation de peine) comme substantif d'action de commuer. En phonétique, il désigne la substitution d'un phonème à un autre (1789) avant de recevoir en linguistique moderne (1939, Hjemslev) sa valeur de « remplacement d'un élément par un autre, appartenant à la même classe, de manière à obtenir un autre système, analogue et différent ». Au XXe s. également, il reçoit des acceptions spéciales en mathématiques, en électricité (1924) et en télécommunications (commutation des circuits téléphoniques).
■  COMMUTATIF, IVE adj. semble formé par Oresme (v. 1370) sur le latin commutare ou sur commutatio ; il est repris en mathématiques (1905, Poincaré) ; d'où COMMUTATIVITÉ n. f., (1907, Hamelin), puis en linguistique, après commutation.
■  COMMUTABLE adj., doublet de commuable et emprunt juridique au dérivé latin commutabilis (mil. XVIe s.), a été repris au XXe s. comme dérivé de commuter dans d'autres domaines. INCOMMUTABLE adj., mot de droit, est emprunté (1381) au latin incommutabilis, et signifie « qui ne peut changer de propriétaire, de possesseur » ; de là INCOMMUTABILITÉ n. f. (1570).
■  Tous ces mots sont des termes uniquement didactiques et scientifiques, à la différence de COMMUTATEUR n. m. (1839) « appareil servant à interrompre (Cf. interrupteur), rétablir, inverser... le courant électrique », passé dans la langue courante.
COMPACT, ACTE adj. est emprunté (1377) au latin compactus « bien assemblé, dont les parties se tiennent », participe passé adjectivé de compingere « assembler en serrant », de cum (→ co-) et de pangere « ficher, enfoncer » (→ impact). Le verbe pangere procède d'une racine indoeuropéenne °pag-, °pak- « fixer », également représentée en français (→ page, paix, payer, pays, pelle...).
❏  Le mot a conservé le sens du latin, qualifiant un objet puis aussi, au figuré, un ensemble de personnes et de choses (1796, corps politique compact). Entre autres emplois spécialisés (anatomie, mécanique, cristallographie), il est appliqué, en imprimerie, à une édition contenant beaucoup de matière sous un petit volume (1835). La spécialisation en disque compact (1982), calque de l'anglais Compact Disc abrégé en CD, a donné à l'adjectif, substantivé en un compact, une vitalité nouvelle.
❏  COMPACITÉ n. f. est le dérivé irrégulier de compact (1762), fait sur le modèle de noms de qualité en -ité (efficacité, opacité).
■  COMPACTER v. tr. « rendre plus compact » (1938), d'où sont tirés COMPACTAGE n. m. (1952) et COMPACTEUR n. m. (v. 1950), terme technique.
COMPAGNIE n. f., d'abord cumpainie (v. 1050), cumpagnie (1080), compaignie (v. 1175), est soit le dérivé en -ie de l'ancien compain (→ compagnon, copain), soit la réfection de l'ancienne forme compaigne, compaignie (v. 1050) issue du latin populaire °compania, de companio (→ compagnon).
❏  Le mot désigne le fait d'être auprès d'une personne, sens réalisé dans plusieurs locutions usuelles comme tenir compagnie (v. 1175), fausser compagnie (1540), ...de compagnie (animal, dame, etc.). ◆  De bonne heure, il a pris par métonymie le sens de « réunion volontaire, souvent organisée, de personnes » (v. 1050), spécialement dans une armée (1080) : en procèdent une spécialisation pour « unité sous les ordres d'un capitaine » (1585) et une spécialisation dans la police, en France, sous l'abréviation courante C. R. S. (Compagnies républicaines de sécurité), depuis 1945. ◆  Dès l'ancien français, le mot désigne une association de personnes rassemblées par des objectifs, des statuts communs (1283), en particulier dans le domaine commercial (1562), idéologique et religieux (av. 1655, Compagnie de Jésus), et aussi théâtral (fin XVIe s. sous la forme compaignie, 1600 compaignée). L'abréviation et Cie, désignant les associés non cités, est aujourd'hui employée familièrement (de même que son équivalent anglais and Co). En histoire, plusieurs sociétés commerciales et financières, du XVIIe au XIXe s., portaient ce nom, telle la Compagnie des Indes. Dans les colonies anglaises, compagnie à charte, calque de l'anglais chartered company, désigne une société privée habilitée par une charte à administrer un territoire, au XIXe et au début du XXe siècle. ◆  Par extension, compagnie se réfère à une bande d'animaux vivant en groupe (1559), spécialement en vénerie et en chasse au fusil (une compagnie de perdreaux).
L COMPAGNON n. m. continue l'ancien cas régime médiéval cumpagnun (1020), représentant de l'accusatif bas latin companionem qui s'est maintenu à côté de l'ancien cas sujet cumpainz (1080) [→ copain], lui-même issu du nominatif latin companio. Ce mot, composé de cum « avec » (→ co-) et de panis (→ pain), serait le calque d'un mot gotique du langage militaire apporté par les Germains des armées du Bas-Empire : gahlaiba, de ga « avec » et hlaifs « pain » (→ lord), composé correspondant à l'ancien haut allemand ga-leipo (VIIIe-IXe s.). Ce terme a dû coexister à l'origine avec contubernalis « camarade de tente » qui a peut-être favorisé le procédé du calque avec com- initial.
❏  Le mot a progressivement perdu l'ancien sens, « celui qui vit et partage ses activités avec qqn », au profit de noms plus précis (condisciple, commensal, collègue) ; de nos jours, il est surtout employé à propos de la personne qui accompagne qqn (1549), notamment (1568) dans la locution compagnon de suivie d'un terme psychologique (détresse, infortune), quelquefois en parlant d'un objet avec une valeur affective (1535). ◆  L'ancienne acception spéciale, « ouvrier ayant terminé son apprentissage » (1455), s'est maintenue dans certaines professions artisanales pour un ouvrier qualifié et, comme grade, dans la franc-maçonnerie (1866).
❏  COMPAGNONNAGE n. m. (1719) et COMPAGNONNIQUE adj. (déb. XXe s.) sont des termes relatifs aux associations ouvrières de compagnons, très actives sous l'Ancien Régime.
■  Le féminin COMPAGNE n. f. (av. 1200, compangne) a été formé sur l'ancien cas sujet compain. Plus nettement que compagnon, il est vivant, dans le registre soutenu, au sens de « celle qui partage l'idéal, les épreuves, la vie d'un homme » (1568). La multiplication des couples non mariés a donné à compagne une valeur de remplacement par rapport à femme (« épouse »), à concubine, administratif et peu euphonique, et à amie, familier et trop vague.
❏ voir ACCOMPAGNER, COPAIN.
COMPARAÎTRE v. intr. est la réfection (XIVe s.), d'après paraître*, de l'ancien français COMPAROIR. Ce verbe est emprunté (XIIIe s.) au latin médiéval juridique cumparere (v. 1188), spécialisation du sens classique « se montrer, apparaître », et a pris sa désinence -oir à l'ancien paroir (→ paraître).
❏  Le verbe a été repris avec son acception juridique, « se présenter devant l'autorité judiciaire ». En sont issus des emplois analogiques et figurés.
❏  COMPARUTION n. f., d'abord comparucion (1453), a été formé sur le participe passé comparu pour servir de substantif d'action à comparaître dans l'usage juridique.
COMPARER v. tr., d'abord cumparer (v. 1120), est emprunté au latin comparare « apparier », d'où « assimiler » et « confronter », de compar « égal, pareil » (composé en com- [→ co-], synonyme de par, paris [→ pareil]).
❏  Le verbe signifie « rapprocher (des objets de nature différente) pour en dégager un rapport d'égalité » et « examiner les rapports de ressemblance et de dissemblance entre (des personnes, des choses) » (v. 1225). De ce dernier sens procèdent quelques emplois spéciaux en droit (1718, comparer des écritures) et en sciences de la nature, domaine où le participe passé COMPARÉ, ÉE est adjectivé, d'abord dans anatomie comparée (1805, Cuvier). À cet emploi se sont ajoutés de nombreux syntagmes dans des domaines de connaissance variés : droit comparé, grammaire, linguistique comparée, littérature comparée, etc. (voir ci-dessous comparatisme).
❏  COMPARATIF, IVE adj. est emprunté (1290) au latin comparativus, du supin de comparare. ◆  Il qualifie ce qui contient ou établit une comparaison, notamment en grammaire, la forme des adjectifs qui expriment supériorité (plus), infériorité (moins) ou égalité (aussi). Il est aussi substantivé (le comparatif et le superlatif).
■  COMPARATIVEMENT adv. (1556) équivaut à « par comparaison, en comparant ».
On a tiré du radical latin le moderne et didactique COMPARATEUR n. m. (1821), nom d'un instrument de physique servant à comparer les longueurs de deux règles.
■  COMPARAISON n. f., emprunt francisé au latin comparatio, est attesté depuis 1174 et spécialisé depuis 1268 comme terme de rhétorique.
■  COMPARABLE adj., emprunté (v. 1225) au latin comparabilis, a produit à son tour le mot didactique COMPARABILITÉ n. f. (1832).
■  INCOMPARABLE adj. a été emprunté (v. 1200) au dérivé latin incomparabilis et a pris dans l'usage commun le sens hyperbolique de « magnifique, hors du commun » (fin XVe s.). ◆  En est dérivé INCOMPARABLEMENT adv. (v. 1200), relativement courant, surtout dans l'emploi hyperbolique pour « beaucoup ».
■  C'est de l'expression formée avec le participe passé de comparer, littérature comparée, et de syntagmes analogues, que viennent COMPARATISME n. m. (v. 1900) et COMPARATISTE n. (v. 1900) dans le domaine des études linguistiques et littéraires comparées, et aussi du droit.
COMPARSE n. est emprunté (1669) à l'italien comparsa, d'abord « apparition » (fin XVIe-déb. XVIIe s.), « action de figurer dans un carrousel » (1650-1700) et « figurant muet dans une pièce de théâtre » (1681). Lui-même est le participe passé féminin substantivé de comparire, de même origine que le français comparaître* sous sa forme ancienne comparoir.
❏  Le sens d'emprunt est celui de « participation à un carrousel » (à rapprocher de comparution), alors nom féminin, sorti d'usage après le développement des autres acceptions. ◆  En effet, les comparses désigne par métonymie les personnes figurant dans le carrousel (v. 1740) et, depuis 1798 (au masculin ou au féminin), un personnage muet dans une pièce de théâtre. Cette dernière valeur a produit le sens courant de « personnage de second plan », par référence à une activité collective (comparse de), ou absolument, « personnage sans personnalité, effacé ».
COMPARTIMENT n. m., emprunt (1542) faisant partie de la vague d'italianismes du XVIe s., est l'adaptation de l'italien compartimento « division d'une surface par des lignes régulières » (1348) et « ensemble de lignes formant un motif décoratif » (XVIe s., Palladio en architecture, Caro en parlant des jardins). Le mot est dérivé de compartire « partager, diviser », du bas latin compartiri, proprement « partager avec », de cum « avec, ensemble » (→ co-) et de partiri (→ partir).
❏  Les deux sens repris à l'italien, « ensemble de lignes formant un motif décoratif » et « division d'une surface en lignes régulières » (1546), ont disparu, et seul le sémantisme du second s'est conservé. Le mot, par métonymie, a désigné la division intérieure d'un meuble (1749). Par extension, il est appliqué à un habitacle (1797), spécialement à la division d'une voiture de voyageurs de chemin de fer (1855, Ampère). Ce dernier emploi est appelé à reculer avec la multiplication, après 1970, des voitures de voyageurs non subdivisées. Le mot a en outre des emplois abstraits.
❏  Le dénominatif COMPARTIMENTER v. tr. (1892 en français de France ; compartimenté, 1752 au Canada), « diviser en compartiments », a reçu une acception spéciale en topographie et développé des emplois métaphoriques. ◆  Son dérivé COMPARTIMENTAGE n. m. (1892) est concurrencé par COMPARTIMENTATION n. f. (1935) comme substantif d'action, mais l'emporte pour l'emploi métonymique de « façon dont qqch. est compartimenté ».
COMPAS → COMPASSER
COMPASSER v. tr. est issu (1130-1140) d'un bas latin °compassare « mesurer avec le pas », de cum « avec » (→ co-) et passus (→ pas).
❏  Le sens du verbe s'est rapidement restreint, de « ordonner d'une manière régulière » à « mesurer exactement » et, sous l'influence de son déverbal compas, « mesurer au compas ». De là, des spécialisations en reliure (1680), en marine (1690, compasser une carte) et, au XVIIIe s., en termes de mines (1704, compasser les feux). ◆  Le sens figuré de « régler minutieusement » (apr. 1433), d'où « étudier ses paroles, son attitude, son maintien » (av. 1544), ne survit que dans l'usage littéraire du participe passé adjectivé COMPASSÉ, ÉE « raide, affecté » (1690), courant à propos des personnes et des comportements.
❏  Le déverbal COMPAS n. m., d'abord cumpas (déb. XIIe s.), a perdu son ancienne valeur dynamique de « mesure » pour désigner un instrument de mesure, se spécialisant rapidement pour dénommer un instrument formé de deux tiges articulées, destiné à tracer des cercles parfaits. La locution figurée avoir le compas dans l'œil (1740) signifie « estimer, apprécier (des distances) avec exactitude ». Par analogie, compas désigne (XIIe s.) d'autres instruments de mesure professionnels (1676) et, par figure familière, la paire de jambes (1829). Compas de mer « boussole marine » (1575) est peut-être un emprunt sémantique à l'anglais compass, attesté en ce sens dès le XVe s., avec un cheminement de sens qui se comprend d'après la forme circulaire de la boussole et sa fonction (évolution qui aurait eu lieu en italien dès les XIIIe-XIVe s.).
■  COMPASSEMENT n. m. (1180-1190), autre dérivé de compasser, assume à la fois le sens concret, « action de mesurer avec un compas », et le sens figuré, « maintien raide et affecté » (av. 1755), correspondant à l'adjectif compassé ; dans l'une et l'autre acception, il est peu employé.
RADIOCOMPAS n. m. semble être un calque (attesté 1923) de l'anglais radio-compass (apparu vers la fin de la guerre de 1914-1918) pour nommer un radiogoniomètre (→ goniomètre) servant de compas, afin de conserver un cap constant.
COMPASSION → COMPATIR
COMPATIBLE adj. est emprunté (1447) au latin médiéval compatibilis (1384) « susceptible de s'accorder avec » (en parlant d'un bénéfice ecclésiastique), adjectif dérivé du radical de compati « souffrir avec » (→ compatir) pris au sens tardif d'« être susceptible d'exister avec », d'après pati « admettre, permettre » (→ passion).
❏  En dehors de l'usage courant où il est très souvent utilisé sous forme négative ou restrictive (pas, peu compatible avec), le mot est employé spécialement en sciences (mathématiques, informatique, médecine). La langue classique l'a utilisé à propos de personnes pouvant vivre en harmonie avec d'autres (1587), de caractères harmonieusement accordés (1675).
❏  COMPATIBILITÉ n. f., dérivé sur le modèle du latin, exprime le caractère des choses compatibles entre elles (v. 1570), de psychologies qui s'accordent (1586).
INCOMPATIBLE adj. est repris (1370), avant l'emprunt de compatible semble-t-il (1370), à un latin médiéval °incompatibilis. Il est introduit par la langue didactique pour qualifier une chose ne pouvant exister simultanément avec une autre, un caractère (v. 1460) et, en droit, une fonction (1549). Chez Buffon, il qualifie spécialement des animaux ne pouvant s'accoupler.
■  Son dérivé INCOMPATIBILITÉ n. f. (fin XVe s.) apparaît en droit pour nommer l'impossibilité légale par une même personne d'exercer certaines fonctions. Il est passé dans l'usage général pour désigner le fait que deux choses ne peuvent exister ensemble (v. 1580) et l'antipathie entre deux caractères (1644). Parmi ses emplois spéciaux, il se dit, en pharmacie, du caractère opposé de deux médicaments mélangés (1866).
❏ voir COMPATIR.
COMPATIR v. tr. ind., d'abord compatizer (v. 1630), par croisement avec le français sympathiser (en moyen français sympathizer), puis compatir (1635), est emprunté au bas latin compati, littéralement « souffrir avec », de cum « avec » (→ co-) et pati (→ pâtir).
❏  Le mot a éliminé un doublet moyen français compatir (1541) « se concilier, être compatible », formé sur compatible*. Il exprime le fait de « prendre part à la souffrance d'autrui » et se construit avec un complément désignant soit la personne en question, soit le sentiment qu'elle éprouve.
❏  Son participe présent COMPATISSANT, ANTE est employé comme adjectif depuis 1692.
■  COMPASSION n. f. a été emprunté dès le XIIe s. (v. 1155) au latin chrétien compassio, dérivé de compati. Le mot désigne le sentiment qui incline à partager les souffrances d'autrui, sens avec lequel il correspond à l'hellénisme sympathie*. À la différence de ce dernier, il continuer de réaliser l'idée de « douleur » que passion, du moins dans l'usage commun, a perdue. Le mot a donné, par métonymie, le sens religieux et archaïque de « fête célébrée en mémoire des douleurs de la Vierge » (1771, Compassion de la Sainte Vierge). ◆  Il s'est imposé et a éliminé les noms dérivés de compatir, COMPATISSEMENT n. m. (1649 ; puis 1884) et COMPATISSANCE n. f. (1792).
■  Son dérivé COMPASSIONNER (SE) v. pron. (1569) « éprouver de la compassion », employé au XVIe s., est à nouveau utilisé occasionnellement au XIXe s. par archaïsme littéraire. ◆  COMPASSIONNEL, ELLE, attesté en 1991, est l'adjectif de compassion et s'est spécialisé en médecine, d'après l'anglais, pour « qui permet de faire bénéficier un malade en échec thérapeutique de traitements en cours de développement ».
COMPENSER v. tr., d'abord attesté sous la forme compensar dans le Dauphiné (déb. XIIIe s.) puis sous la forme compenser (1277), est emprunté au latin compensare « mettre en balance, contrebalancer », composé de cum, com- (→ co-) et de pensare (→ penser, peser).
❏  Le verbe a d'abord le sens latin d'« équilibrer », spécialisé en droit et en finance (fin XIVe s., compenser les dépenses). L'accent étant mis sur la façon d'obtenir l'équilibre en introduisant un effet opposé, il a pris son acception moderne (1277), laquelle a donné lieu à divers emplois techniques (fin XIXe s.), spécialement en médecine (1877) et en psychologie (1913) et psychanalyse.
❏  Les dérivés directs de compenser sont tardifs. COMPENSATOIRE adj. (1823) prolonge sémantiquement le bas latin compensativus « qui compense », emprunté au XIXe s. sous la forme COMPENSATIF (1842-1845). Il s'est spécialisé en finance (montants compensatoires) et en phonétique (1933 ; dès 1876, compensatif).
■  COMPENSÉ, ÉE adj., tiré du participe passé du verbe, qualifie spécialement, dans un tout autre domaine, des chaussures dont les semelles font corps avec le talon (1953).
COMPENSATION n. f., d'abord sous la forme compensacio dans le Dauphiné (déb. XIIIe s.), est emprunté au latin compensatio « balance, équilibre », spécialement en commerce. ◆  Le mot a été introduit avec le sens général d'« action, fait de compenser », courant sur le plan moral (XVIIe s.), et spécialisé en droit (1690), en technique (pendule de compensation, 1803), en sciences, en bourse (1863) et en finance (Caisse de compensation, 1930). En anthropologie, l'expression compensation matrimoniale désigne les biens remis par le candidat au mariage à la famille de sa future épouse, appelés la dot en français d'Afrique.
■  L'adjectif et nom COMPENSATEUR, TRICE, dérivé du verbe avec le t de compensation, apparaît (1789) au sens de « ce qui fournit une compensation morale » et a été repris en technique (1829, adj., pendule compensateur ; n. m., 1832) ; divers systèmes de « compensation » (correction) ont reçu ce nom.
DÉCOMPENSER v. intr. (v. 1950), précédé par DÉCOMPENSATION n. f. (1926), est un terme de physiologie et de psychanalyse désignant la faillite des mécanismes de compensation.
SURCOMPENSÉ, ÉE adj., formé au milieu du XIXe s. (1842), a été repris en psychologie (1946) d'après SURCOMPENSATION n. f. (1946) « conduite qui compense à l'excès une infériorité ».
L COMPÈRE n. m,. d'abord conpere (1174-1177), est issu du latin ecclésiastique compater « parrain », mot parallèle à commater (→ commère), de cum (→ co-) et pater (→ père), proprement « père avec ».
❏  L'évolution du mot est parallèle à celle de commère : l'ancien terme de parenté cède la place au terme d'amitié (fin XIIe s.) et au sens courant de « ami, camarade, complice » (1594). Le mot est archaïque ou plaisant ; ses valeurs, généralement positives, contrastent avec celles de commère. ◆  Cependant, il est vivant en français (et en créole) des Antilles comme terme d'adresse amicale à l'égard d'un homme. On joint le mot à un nom propre, à un nom d'animal dans les contes (compère lapin). Cet usage est utilisé littérairement dans le titre du roman de l'écrivain haïtien Jacques-Stephen Alexis, Compère général Soleil.
❏  Le dérivé COMPÉRAGE n. m., d'abord conparage (1174-1177), a désigné un lien spirituel entre les parents de l'enfant baptisé et le parrain. Une attestation isolée au XVIe s. dans un contexte de tromperie (v. 1534) annonce une reprise au sens de « complicité douteuse » (1718, tout se fait par compérage) ; cette acception a disparu au profit de copinage.
Le nom d'oiseau COMPÈRE-LORIOT n. m. (1564) est d'origine très discutée. On a notamment émis l'hypothèse que le terme, véhiculé du Midi vers le Nord par la vallée du Rhône, résulterait de l'allongement, au moyen de compère*, d'une forme lyonnaise pirgloryoe, pirloryo, interprétée °père loriot, et remontant à deux mots grecs de Marseille : purros « rouge feu » (→ pyro-) et khlôriôn (→ loriot). ◆  En français même, le développement du sens d'« orgelet » (1838) a probablement eu lieu dans le nord de la France par parallélisme avec loriot qui possède également les deux sens en rouchi (patois du Nord) et qui résulterait de l'évolution convergente du latin aureolus (→ loriot) et hordeolus (→ orgelet), avec agglutination de l'article défini.
COMPÉTENT, ENTE adj. est un emprunt du XIIIe s. (v. 1240) au latin juridique competens, participe présent du verbe competere qui sera emprunté un peu plus tard (ci-dessous). Competere signifie « tendre vers un même point » et, au figuré, « convenir à, appartenir à », et spécialement en droit « appartenir en vertu d'un droit » ; le verbe est formé de cum « avec » (→ co-) et de petere « chercher à obtenir » (→ pétition).
❏  Compétent a eu le sens général du verbe latin « convenable, approprié », mais le plus souvent en contexte juridique, s'appliquant notamment à une instance judiciaire (1480) en relation avec compétence, alors néologisme. De là, une nouvelle généralisation pour « capable par ses connaissances et son expérience » (1680).
❏  Son dérivé COMPÉTEMMENT adv. (1314), occasionnellement concurrencé par compétentement chez les auteurs décadents de la fin du XIXe s., est archaïque dès le XVIIe siècle.
■  COMPÉTENCE n. f., emprunté (v. 1460) au bas latin competentia « proportion, juste rapport », a suivi la même évolution, de l'emploi juridique spécialisé (1596) à l'emploi général pour « capacité due au savoir, à l'expérience » (1690), ce dernier donnant lieu à métonymie pour « personne compétente » (1903, au pluriel). Son emploi récent en linguistique (v. 1960) vient de l'anglais competence (de même origine) que N. Chomsky a intégré à sa terminologie, en opposition à performance. ◆  Le sens de « rivalité, concurrence » (1585), qui s'était développé sous la pression du verbe latin competere « chercher à atteindre concurremment », a été supplanté par le terme apparenté compétition* et a disparu.
■  Les contraires préfixés INCOMPÉTENT, ENTE adj. et INCOMPÉTENCE n. f. sont apparus au XVIe s. ; ils ont aujourd'hui une double valeur, juridique et courante.
■  Le verbe COMPÉTER, emprunté (v. 1370) au latin competere (ci-dessus), s'est employé en moyen français au sens de « appartenir à, revenir à (qqn) » (XVIe s.) et « être conforme à » (1541). Il s'est maintenu plus longtemps dans la langue du droit, spécialement avec le sens d'« être de la compétence d'un tribunal » (1798), mais ne s'est pas répandu en partie à cause de la paronymie avec péter.
❏ voir COMPÉTITION.
COMPÉTITION n. f. est emprunté (1759) à l'anglais competition « rivalité », spécialement dans le domaine du commerce et de la politique, lui-même emprunté (XVIIe s.) au bas latin competitio « accord, candidature rivale », de competere (→ compéter).
❏  Le français a repris le mot avec le sens anglais de « rivalité », spécialisé dans le domaine sportif (où l'anglais emploie challenge) à la fin du XIXe siècle. ◆  Une abréviation usuelle est alors COMPÈT(E) n. f. ◆  En écologie, le mot désigne les relations entre êtres vivants pour la maîtrise des ressources d'un milieu (le mot s'emploie aussi en biochimie).
❏  COMPÉTITIF, IVE adj., « relatif à la compétition » (1907), a été formé sous l'influence de l'anglais competitive (1829, dans le domaine économique). Il doit probablement à ce dernier sa spécialisation en économie (1954). ◆  Il a produit COMPÉTITIVITÉ n. f. (1960), devenu courant dans le contexte du capitalisme libéral qui place les notions de compétition et de défi (souvent nommées par un nouvel anglicisme challenge*) au centre de sa symbolique.
Un verbe COMPÉTIR intr. a été formé sur compétition en français d'Afrique pour « participer à une compétition sportive, à un concours » et aussi, d'un produit, « être concurrentiel ».