COMPILER v. tr. est emprunté (v. 1265) au latin compilare, de cum, com- (→ co-) et pilare « piller qqch., dépouiller qqn » (→ piller) et, en latin médiéval (VIIIe s.), « écrire, composer ». Le développement de ce sens se comprend dans le cadre d'une époque où la prétention à l'originalité n'avait pas cours, pour des raisons esthétiques et socio-culturelles, s'agissant de retrouver et de transmettre des informations perdues.
❏  Le mot signifie « composer un recueil à partir d'extraits de divers auteurs », souvent avec une valeur péjorative (1758) depuis que s'est dégagée la notion moderne de création artistique. Par réemprunt à l'anglais to compile, lui-même emprunté (XIVe s.) au français et qui a la valeur non péjorative de « rédiger (un ouvrage de référence, par ex. un dictionnaire) », compiler a parfois cette valeur, ainsi que l'acception technique propre à l'informatique de « transformer en code binaire », par un nouvel anglicisme.
❏  COMPILATION n. f. (1230-1250) et COMPILATEUR, TRICE n. (1425), respectivement empruntés aux dérivés latins compilatio et compilator, ont suivi l'évolution du verbe et, en informatique, calquent l'anglais compilation, compiler. ◆  Compilation, abrégé en COMPILE n. f. (1990), est réemprunté à l'anglo-américain pour « sélection d'enregistrements sur disque ».
COMPLAINTE n. f. est le participe passé féminin substantivé (v. 1175) de l'ancien verbe complaindre (v. 1150) « plaindre » et, à la forme pronominale, « se plaindre », disparu au XVIe ou au XVIIe s. (il est réputé « vieux » en 1680). Ce mot est issu d'un latin vulgaire °complangere, de cum (→ co-) et plangere (→ plaindre).
❏  Le mot a concurrencé et évincé son doublet masculin complaint (v. 1100) ; son sens général de « plainte », avec sa spécialisation « plainte en justice » (1174-1177), a disparu au profit de plainte. Complainte a pris et conservé une spécialisation esthétique, désignant une pièce poétique (1266-1268, Rutebeuf) puis, dans la même tradition et beaucoup plus tard, une chanson populaire à déroulement tragique ayant pour thème les faits et gestes d'un personnage légendaire (1880).
COMPLAIRE v. tr. ind. est emprunté (v. 1120), avec adaptation d'après plaire, au latin complacere « plaire » puis, à l'époque chrétienne, « se plaire à, mettre ses complaisances en », de cum (→ co-) et placere (→ plaire).
❏  L'emploi transitif indirect du verbe (complaire à), avec le sens de « s'accommoder au goût de qqn pour lui plaire » et, en parlant de choses, « être agréable à qqn » (1551), s'est maintenu dans la langue littéraire. Seule la forme pronominale se complaire à (1556) ou dans, en (1580), est demeurée courante.
❏  Comme le verbe, les dérivés expriment l'idée de « trouver son plaisir dans qqch. », quelquefois avec une connotation péjorative de vanité ou de faiblesse. COMPLAISANT, ANTE adj. (1556) présente cette connotation à partir du XVIIe s., quelquefois en emploi substantivé (1666) aujourd'hui disparu. ◆  En est dérivé COMPLAISAMMENT adv. (1680).
■  COMPLAISANCE n. f. (v. 1370) est emprunté au latin chrétien complacentia « volonté de plaire ». Il désigne un acte destiné à complaire (v. 1370) et plus souvent l'action de se complaire à qqch. (1616). Il exprime aussi le caractère d'une personne complaisante envers elle-même (1635). Le sens noble d'« amour divin » (1681, Bossuet), en style biblique, est demeuré rare avant de disparaître, l'ensemble des usages demeurant péjoratifs, dans des expressions comme billet de complaisance (1845), ou mondains (1845, par complaisance, avoir la complaisance de).
COMPLÉMENT n. m. est emprunté (1308) au latin complementum « ce qui complète », de complere « remplir entièrement, achever » (→ complet).
❏  Le sens abstrait et actif de « réalisation, accomplissement », quelquefois avec la valeur de « perfection », a été évincé par le sens concret, « ce qui complète qqch. » (1347). Celui-ci a donné des acceptions spéciales en géométrie (1690), astronomie (1732) et musique (1732). ◆  En grammaire, le terme, introduit par du Marsais (entre 1720 et 1750) pour dégager la grammaire française du modèle latin, où l'on parlait de régime, assume une notion ancienne, exprimée par des termes comme objet. L'usage figuré du mot réactive la valeur d'« accomplissement » dans l'expression complément de béatitude (1732), en théologie, et dans certains emplois littéraires (1829).
❏  COMPLÉMENTAIRE adj. (1791), « qui constitue le complément d'une chose », a reçu plusieurs acceptions spéciales. Pendant la Révolution, il a servi à qualifier les jours qui complétaient le calendrier républicain dont les mois n'étaient que de trente jours (1795). L'adjectif, souvent d'après les emplois de complément, s'est spécialisé en grammaire (1803), en géométrie (1863), en arithmétique (1869), en optique (1816, couleurs complémentaires) et, de là, en peinture.
■  Complémentaire a produit quelques dérivés didactiques : COMPLÉMENTAIREMENT adv. (1903), COMPLÉMENTARITÉ n. f. (1907) et COMPLÉMENTER v. tr., d'abord employé par fantaisie chez Verlaine (1891), puis de manière terminologique en mathématiques, comme son dérivé COMPLÉMENTATION n. f. (1914).
COMPLET, ÈTE adj. et n. est emprunté (v. 1300) au latin completus, participe passé adjectivé de complere « remplir complètement » d'où « achever », de cum (→ co-) et plere (→ emplir).
❏  Le mot, rare avant le XVIIe s., qualifie ce à quoi il ne manque aucune des parties nécessaires, spécialement un aliment, un organisme. Au figuré, il caractérise une personne possédant tous les traits de son genre sans exception (XVIe s.), parfois en mauvaise part (av. 1691, fou complet). ◆  Substantivé depuis 1740, il entre dans la locution au grand complet (1823) et fournit, par ellipse d'habit complet, le nom d'un vêtement masculin (1874) formé d'une veste, d'un pantalon, parfois d'un gilet (Cf. costume trois-pièces) dans le même tissu. Ce sens a vieilli, tant sous sa forme simple que dans complet-veston. En français d'Afrique, le mot désigne le vêtement traditionnel de deux ou trois pièces dans le même tissu, pantalon, chemise, grand boubou (hommes) ou pagne, camisole, mouchoir de tête, pour les femmes.
❏  COMPLÈTEMENT adv. (apr. 1250), longtemps considéré comme burlesque ou badin, ne s'est répandu qu'au XVIIIe s. puis est devenu très courant, avec des valeurs affaiblies comme « vraiment, tout à fait », s'employant aussi absolument, en réponse.
■  Le dénominatif COMPLÉTER v. tr., « rendre complet » (1733), a donné à son tour le nom d'action didactique COMPLÉTION n. f. (1954 ; 1930, au Canada), probablement d'après l'anglais completion « achèvement, accomplissement » (XVIIe s.), à mettre en rapport avec le bas latin théologique et juridique completio.
■  COMPLÉTUDE n. f. est également récent (1928) et a dû être suscité par incomplétude (ci-dessous).
■  COMPLÉTIF, IVE adj. a été emprunté (1503) au bas latin completivus « qui complète », spécialement employé en philosophie et en grammaire. ◆  Usité au XVIe s., puis abandonné, le mot a été repris comme terme de grammaire (1789) pour qualifier ce qui a la fonction syntaxique d'un complément ; il est substantivé au féminin dans une (proposition) complétive.
INCOMPLET, ÈTE adj. est emprunté (XVe s.) une première fois au bas latin incompletus, « non accompli », au sens d'« inachevé ». Il a été repris en 1747 comme composé de complet. Il est usuel. ◆  Son dérivé INCOMPLÈTEMENT adv. (1503) a lui-même cessé d'être usité avant la fin du XVIIIe s. ; INCOMPLÉTUDE n. f., tardif (1903), semble antérieur à complétude et s'emploie didactiquement.
❏ voir COMPLÉMENT.
COMPLEXE adj. et n. m. est emprunté (XIVe s.) au latin complexus « fait d'éléments imbriqués », participe passé adjectivé de complecti « embrasser, comprendre », de cum, com- (→ co-) et plectere « plier, entrelacer » (→ plier).
❏  Attesté une première fois dans un contexte obscur (Complexion est sans complexe), le mot est repris au XVIe s. comme adjectif pour qualifier ce qui est composé de divers éléments hétérogènes (complexe querelle). Il reçoit des acceptions spéciales en logique (1652) et mathématiques (nombre complexe) et, ultérieurement, tend abusivement dans l'usage commun à se rapprocher de compliqué. ◆  Substantivé au sens d'« ensemble » (1781) en physiologie, où il traduit le latin complexus employé concurremment (1703), il passe en chimie et en économie (1918). ◆  Son emploi spécial en psychanalyse est un calque de l'allemand Komplex, terme d'abord utilisé par le physiologiste J. Breuer dans ses Études sur l'hystérie (1895) puis par C. G. Jung et S. Freud (1909-1910), la psychanalyse freudienne le diffusant, notamment dans complexe d'Œdipe, complexe d'infériorité, etc. Ce sens s'est vulgarisé en « sentiment d'infériorité » (1930) dans faire des complexes (1960).
❏  COMPLEXITÉ n. f. fournit tardivement (1755) le nom d'état correspondant à complexe. ◆  Ultérieurement celui-ci a servi à former COMPLEXIF, IVE adj. (1872), terme de botanique qui a supplanté complectif, formé (1838) sur le radical du latin complecti et jugé « barbare » par Littré.
■  Au XXe s., COMPLEXIFIER v. tr. (1951), d'où COMPLEXIFICATION n. f. (1955), correspondent au sens général de l'adjectif complexe, alors que l'emploi du nom en psychanalyse et son usage vulgarisé suscitent COMPLEXÉ, ÉE adj. (1960), COMPLEXER v. tr. (v. 1962), d'où DÉCOMPLEXER v. tr. (1962).
❏ voir COMPLEXION, COMPLICE.
COMPLEXION n. f., d'abord complexiun (v. 1120), est emprunté au latin complexio « assemblage d'éléments divers », dérivé de complexus (→ complexe), puis, à basse époque et en latin médiéval, « tempérament ».
❏  Introduit avec cette spécialisation, le mot s'est éloigné de complexe*. Il désigne le tempérament physique de l'être humain mais non le tempérament moral, malgré une tentative en moyen français (XVe-XVIe s.). Ce sens moral était probablement antérieur, si l'on en juge par l'emploi de COMPLEXIONNÉ, ÉE chez Oresme (v. 1370), « qui a un certain caractère (complexion) moral, psychologique ».
COMPLICE adj. et n., d'abord complisse (1327), est emprunté au bas latin complex, -icis « uni, associé », substantivé chez les auteurs chrétiens à propos de celui qui s'associe à qqn pour commettre un méfait. Le mot est dérivé du supin de complecti « enlacer étroitement » (→ complément, complexe), verbe formé de cum (→ co-) et de plectere « entrelacer » ; plicare, forme intensive sans le t suffixal, a donné plier*.
❏  Repris avec la spécialisation péjorative, le mot est resté plus rare avec le sens neutre de « compagnon, ami » (v. 1460).
❏  COMPLICITÉ n. f. (1420), « participation à une action répréhensible », prend aussi, plus souvent que complice, le sens d'« accord profond, tacite, entre deux êtres », connoté favorablement. Complice et complicité, au sens péjoratif, correspondent à une notion précise en droit pénal.
COMPLIES n. f. pl. est l'adaptation (v. 1120), d'après l'ancien français complir (→ accomplir), du latin chrétien completa (sous-entendu hora), au pluriel completae (horae), « heure qui complète, achève l'office », substantivation de completa, participe passé féminin de completus (→ complet).
❏  Ce terme de liturgie catholique, qui désigne l'heure canoniale portant l'office divin à son achèvement, a d'abord été employé au singulier. Le pluriel (XIIIe s.) s'est généralisé au XVe s. par alignement sur vêpres, matines, laudes.
COMPLIMENT n. m. est emprunté (1604) à l'italien cumplimento « acte, expression d'hommage » (1578-1594), lui-même emprunté à l'espagnol cumplimiento « abondance » (XIIIe s.). Celui-ci est issu de cumplir (du latin complere → accomplir), dans l'expression cumplir con alguien « accomplir les politesses requises envers qqn ».
❏  Le mot, d'abord appliqué à un acte, la visite de courtoisie faite à un personnage officiel, désigne ensuite des paroles élogieuses adressées à qqn en diverses occasions (1608). D'un très grand usage social à l'époque classique et jusqu'au XIXe s., le mot a perdu en importance avec la simplification du code de la politesse. En témoigne son emploi ironique (débiter un, son compliment).
❏  Du dérivé COMPLIMENTER v. tr., présenté en 1634 comme un néologisme, vient COMPLIMENTEUR, EUSE adj. (1623), dont l'emploi substantivé (1657-1690) est devenu archaïque.
COMPLIQUER v. tr. est emprunté, d'abord au participe COMPLIQUÉ, ÉE (XIVe-XVe s.) au latin complicare, proprement « plier en enroulant » d'où, au figuré, la notion d'embarras (complica notio « idée confuse »). Le verbe est formé de cum (→ co-) et de plicare (→ plier).
❏  Jusqu'au XVIIe s., seul compliqué est attesté. Le verbe apparaît une première fois dans son acception littérale, « replier, enrouler », à la fin du XVIIe s. avant de prendre son sens actuel, « rendre complexe, difficile à comprendre », à la forme pronominale et transitive (1797). De nos jours, il a pris un emploi pronominal indirect (se compliquer la vie).
❏  COMPLICATION n. f., emprunté (v. 1370) au dérivé bas latin complicatio avec le sens d'« assemblage de choses différentes », a surtout été employé dans le domaine médical en parlant d'un ensemble compliqué. Le sens général, « caractère de ce qui est compliqué » (1794), a donné un emploi métonymique particulier (une, des complications), très vivant en pathologie avec le sens d'« aggravation secondaire ».
? COMPLOT n. m. (fin XIIe s.) est d'origine incertaine : P. Guiraud voit dans son radical un représentant de pelot, pelote* avec chute de l'e atone entre p et l (comme dans l'anglais plot « complot »). La pelote étant primitivement constituée d'une boule de cordelettes très serrées recouverte de peau, un verbe °com-peloter, selon Guiraud, aurait pu signifier « mettre ensemble de petits bouts de corde en les serrant autour de l'un d'eux » : ces trois éléments de sens, « assemblage », « serré » et « recouvert », donc « caché », sont bien réalisés dans complot.
❏  Le sens concret de « foule compacte » a disparu au profit du sens abstrait, « accord, intelligence entre plusieurs personnes » (1180-1190), rapidement spécialisé avec la valeur moderne de « conjuration » (1213-1214).
❏  C'est le cas de COMPLOTER v. tr. (1450) et de son dérivé COMPLOTEUR n. m., attesté au féminin comploteuse (1571), puis au masculin (1580), et rare avant le XIXe siècle. Si le substantif peut encore avoir sa valeur forte, ses dérivés sont le plus souvent employés avec un sens affaibli ou plaisant d'entente dissimulée pour un motif social ou affectif (Cf. faire une surprise* à qqn).
COMPONCTION n. f., d'abord compunction (v. 1120), est emprunté au bas latin compunctio, proprement « piqûre », « douleur poignante » dans le vocabulaire médical, employé par les auteurs chrétiens au sens moral de « douleur, amertume » et « douleur de l'âme causée par le sentiment du péché ». Compunctio est le substantif d'action formé sur le supin (compunctum) de compungere, verbe composé de cum (→ co-) et de pungere « piquer, tourmenter » (→ poindre).
❏  Le mot a été introduit avec son sens religieux de « douleur, amertume » (en style biblique vin de la componction) et, en termes de piété, « sentiment de contrition à l'idée d'avoir offensé Dieu » (fin XIIe s.). ◆  Il s'est répandu dans la langue littéraire (1745, avec componction) en parlant d'une attitude de contrition affichée, en général affectée ou ostentatoire ; même avec ces connotations péjoratives, le mot a vieilli, perdant sa valeur étymologique au profit d'une autre valeur, non moins péjorative, « piété affectée, douceur mielleuse ».
COMPORTER v. tr. est emprunté (fin XIIe s.) au latin comportare « porter, transporter », « réunir dans un lieu, amasser », de cum (→ co-) et portare (→ porter).
❏  Le sens concret de « porter dans ses bras », encore attesté au XVIIe s., a disparu au profit du verbe simple porter. Le développement des sens a obéi à la même logique que celui des sens figurés de porter : passant aux valeurs de « porter en soi, contenir, inclure » (v. 1450) et au pronominal se comporter « agir de telle manière envers qqn ». Le sens de « rendre possible » et, sur le plan affectif, « souffrir la possibilité, supporter » (av. 1550), s'est éteint, mais fait encore l'objet d'emplois stylistiques chez certains écrivains aux XIXe et XXe siècles.
❏  COMPORTEMENT n. m. procède (apr. 1450) de l'emploi pronominal du verbe : il désigne couramment la manière d'agir, pour un être animé et, quelquefois, pour une chose ; cet emploi, courant au XVIe s., a été repris au XXe s. dans le domaine de la physique. Le mot a été réintroduit dans la langue de la psychologie par Piéron (1908) comme équivalent de l'anglo-américain behavior.
■  Il y a produit COMPORTEMENTAL, ALE, AUX adj. (1949), correspondant à l'anglo-américain behavioral dont il a adopté la finale, d'où les dérivés COMPORTEMENTALISME n. m. et COMPORTEMENTALISTE adj. et n., qui équivalent à behaviorisme, -iste.
+ COMPOSER v. tr. et intr. est l'adaptation (v. 1120), d'après poser*, du latin componere, de cum « avec » (→ co-) et ponere (→ pondre), littéralement « placer, poser ensemble », d'où « faire un tout avec des éléments divers », « mettre en ordre », « régler un différend » et « convenir d'une chose ».
❏  Le verbe est apparu avec le sens d'« assembler des éléments en un tout », d'abord dans un contexte abstrait sorti d'usage en emploi général, mais très vivant dans des contextes particuliers, en parlant d'une œuvre écrite (XIVe s.), musicale (1508) et aussi, concrètement, d'un assemblage typographique (1531). Dans ces deux emplois, il a acquis une autonomie renforcée par l'usage fréquent de compositeur, alors que sur le plan de la création littéraire, il est fortement concurrencé par écrire (soutenu par écrivain). ◆  Par extension, composer exprime le fait d'« élaborer une apparence, se donner une contenance » (1559, composer son visage). ◆  Employé absolument, il concerne surtout l'exercice scolaire consistant à faire un devoir de mise en ordre et de synthèse dans un temps limité (1690).
■  Le sens intransitif de « traiter, négocier » (1354-1376) est un emprunt sémantique au latin, passé du langage de la diplomatie (fin XVe s., composer avec l'ennemi) au langage courant où il appartient à l'usage soutenu (fin XVIIIe s., composer avec les préjugés).
❏  COMPOSÉ, ÉE son participe passé adjectivé et substantivé, a pris des sens spécialisés dans plusieurs sciences dont la grammaire (1549), la biologie (1701), l'arithmétique (1721, nombre composé) et la chimie (1721) où il a d'abord désigné ce que l'on appelle aujourd'hui une combinaison, avant de s'opposer à un corps simple. ◆  La botanique en a fait un terme générique par substantivation de (fleurs) composées (1815, Composées) avant de le refaire en COMPOSACÉES n. f. pl. au XXe siècle. ◆  SURCOMPOSÉ, ÉE adj. s'emploie en grammaire (av. 1723), à propos des temps verbaux, et en botanique (1797).
■  L'adjectif COMPOSANT, ANTE tiré du participe présent (éléments composants), a été substantivé au masculin (XVIIIe s.), plus tard spécialisé en technique (composants électroniques), et aussi au féminin COMPOSANTE n. f. avec des valeurs spécialisées (1811 en mécanique, Lagrange).
Sur composer dans son emploi spécial en typographie, ont été formés COMPOSEUSE n. f. (1866) et, par composition, PHOTOCOMPOSEUSE n. f. (av. 1966) qui correspond à photocomposition (ci-dessous).
COMPOSITION n. f. est emprunté (v. 1155) au dérivé latin compositio (de positio, dérivé du supin de ponere) « fait de mettre ensemble » d'où « préparation de qqch. », « création d'une œuvre, d'un ouvrage littéraire », « disposition, agencement » et « accord ». ◆  Les sens du latin se retrouvent en français où le mot désigne l'action de former un tout en assemblant des éléments, spécialement en typographie (1531) et en grammaire (1579), puis également en physique (1682, composition des mouvements ; 1844, des vitesses [Coriolis] ; 1753, composition des forces). En mathématique des ensembles, on parle de loi de composition interne (sur un ensemble E) pour une application telle que la réunion ou l'intersection (sur l'ensemble des parties d'un ensemble), ou que l'addition, la multiplication (lois de composition interne sur l'ensemble des nombres entiers naturels).
■  À partir du XVIe s., il est employé dans le domaine de la création artistique, notamment littéraire (1548), avec diverses extensions métonymiques. Il est repris en musique (1633 Mersenne), d'après compositeur.
■  Parallèlement, le sens de « négociation » (XIIIe s.) passe du vocabulaire de la diplomatie à celui des relations humaines où il a donné la locution de bonne composition (1691) « de caractère facile ».
■  Par préfixation, le sens typographique a suscité PHOTOCOMPOSITION n. f. « composition photographique », par exemple dans photocomposition programmée par ordinateur.
Quant à COMPOSITE adj. (1361), il est emprunté au participe passé latin compositus (de componere), au sens propre « formé d'éléments divers ». Il l'a gardé en architecture (1545) mais, dans l'usage courant, a fréquemment une connotation péjorative de « disparate ».
COMPOSITEUR, TRICE n. (1274), emprunt au latin compositor, n'a pas gardé son sens d'emprunt, « celui qui règle un différend », concurrencé par négociateur, arbitre, sinon dans le syntagme juridique amiable compositeur. Il s'est dit de l'auteur d'un ouvrage (1406), emploi qui recule et disparaît (au XVIIe s.) lorsque le mot s'est imposé en musique. Aujourd'hui, en effet, compositeur se partage entre sa spécialisation musicale (1549), qui est entrée dans l'usage courant, et sa spécialisation technique en imprimerie (1513).
Parmi les composés préfixés, DÉCOMPOSER v. tr., formé au XVIe s. (1541), s'applique spécialement aux sciences, chimie, mathématiques (1754), physique (1810). Dans l'usage général, il a le sens d'« altérer profondément » (1690) et, aux pronominal et participe passé, s'applique aux traits du visage (1818).
■  Le dérivé DÉCOMPOSITION n. f. (1694) reprend la plupart de ces valeurs et s'applique fréquemment à la putréfaction des matières organiques. DÉCOMPOSEUR n. m. se dit en biologie (mil. XXe s.) d'un organisme végétal ou animal qui vit dans le sol et décompose la matière organique, en produisant des sels minéraux ou de l'humus.
■  Alors que les mots préfixés en dé- ne correspondent plus aux valeurs dominantes de composer (on emploie défaire, récemment déconstruire), les formations en re- conservent le sémantisme des mots simples. RECOMPOSER v. tr. (1545) a la valeur générale de « réunir les éléments de (un ensemble défait) », avec des emplois spéciaux en chimie et des valeurs figurées, aussi au pronominal se recomposer. Le participe passé recomposé, ée, est devenu courant dans l'expression famille recomposée, à propos d'un groupe familial comprenant des enfants nés d'une union antérieure d'un parent ou des deux.
■  Un emploi technique spécial concerne la composition en imprimerie, et le dérivé RECOMPOSITION n. f. qui peut s'employer au sens général, s'est aussi spécialisé en imprimerie (1837), après l'avoir été en chimie (1762).
❏ voir COMPOSTEUR, COMPOTE.
COMPOST → COMPOTE
COMPOSTEUR n. m. et adj. m. est l'adaptation, d'après la prononciation (1672) de l'italien compositore, correspondant au français compositeur* (→ composer), employé comme terme de typographie (av. 1643).
❏  Le mot désigne l'ouvrier imprimeur qui assemble les lettres sur la forme et l'instrument sur lequel il effectue cette opération (1680). Seul le nom de l'instrument s'est maintenu. Par analogie, composteur s'applique à un appareil utilisé pour marquer, numéroter, dater, perforer (1890).
❏  Avec ce dernier sens, il a produit 1 COMPOSTER v. tr. (1922) dont on a tiré COMPOSTAGE n. m. (1969), souvent appliqués au contrôle des billets (par perforation, etc.).
COMPOTE n. f., d'abord composte (v. 1100), est emprunté au latin °composita « mets composé de plusieurs éléments », participe passé passif substantivé, au féminin, de componere « composer » (→ composer, composite). Le latin médiéval composta est attesté en 1271 au sens du français de Suisse.
❏  Le mot désigne un mets « composite », composé de plusieurs aliments, soit du poisson, de la viande confits dans le vinaigre, soit des fruits confits au vin, au sucre ou au miel. ◆  L'usage moderne, en France, a privilégié le sens de « fruits écrasés ou coupés et sucrés » (distinct de confiture) aux dépens de l'ancien ragoût salé (sauf en gastronomie où l'on parle encore de compote de lapereau et de compotée, voir ci-dessous). Une autre spécialisation existe en français de Suisse, où compote, compote aux raves (campotte en 1753) désigne une préparation analogue à la choucroute, de raves coupées en lanières et fermentées, parallèle à l'allemand de Suisse Sauerrüben. ◆  Par analogie de consistance, d'aspect avec le premier sens, compote est entré dans la locution familière avoir les jambes en compote (fin XVe s.) puis, généralement, en compote « écrasé ».
❏  Compote a pour dérivé direct COMPOTIER n. m. (1717 à Québec, écrit compottier, 1733, écrit compoptier), nom d'un plat creux dans lequel on sert des compotes et autres desserts. Plus techniques, les dérivés employés en cuisine, COMPOTER v. tr. « cuire longuement, à feu doux, pour obtenir la consistance d'une compote » (1989) et COMPOTÉE n. f. « préparation ayant cette consistance ».
L'ancien adjectif compost, oste « mêlé, composé » (XIIIe s.), représentant le participe passé adjectivé latin compositus, a été substantivé en COMPOST n. m. et spécialisé en agriculture comme nom d'un engrais composé d'un mélange de fumier et de détritus (XIIIe s.). ◆  Ce terme, resté bien vivant dans sa zone d'origine, en Normandie, alors qu'on attendrait normalement compôt, a connu une nouvelle extension au XVIIIe s. sous l'influence de l'anglais compost, lui-même emprunté à l'ancien normand et attesté sous la forme latinisée compostus au XIIIe s., puis dans les textes anglais, au XVIe siècle.
■  La prononciation maintenue du s de compost a conduit à la forme 2 COMPOSTER v. tr., depuis l'ancien normand (1374) et l'anglo-normand (1350), tandis que le normand évoluait parallèlement en compôter. Le verbe a suivi la même extension que le nom au XVIIIe siècle. La distinction phonétique s'est maintenue en partie à cause du mot compote.
COMPRADOR, ORE n. m. et adj. est un emprunt (1841 écrit compradore) au portugais comprador, qui signifie simplement « acheteur », du verbe comprar, emprunt au latin comprare. Le mot portugais s'est appliqué au XVIIe s. aux serviteurs chargés des achats, en Extrême-Orient, puis à des intermédiaires commerciaux, en Chine, au XIXe siècle. Le mot est aussi attesté en anglais (1840).
❏  En histoire de la Chine et des pays colonisés, comprador désigne les personnes de la population locale qui commerçaient en tant qu'agents des compagnies coloniales. En français d'Afrique, il s'est employé à propos de la classe moyenne aisée (la bourgeoisie compradore) et était, comme nom, synonyme de « bourgeois, riche ». Le mot est repris de manière critique dans le vocabulaire anticolonialiste d'inspiration marxiste, pour « exploiteur », avec l'idée de « commerçant sans scrupule à la solde des étrangers, exploitant les colonisés ».
COMPRENDRE v. tr., d'abord cumprendre (v. 1120), est emprunté au latin comprendere, forme contractée du latin classique comprehendere, proprement « saisir ensemble » et, intellectuellement, « saisir par l'intelligence, la pensée ». Ce verbe est formé de cum « avec » (→ co-) et de prehendere (→ prendre).
❏  Le sens physique de « saisir, prendre, envahir » a fait du mot un doublet sémantique de prendre jusqu'au XVIe s., quelquefois employé avec la valeur très violente de « empoigner, happer ». ◆  Cet emploi a progressivement reculé au profit du sens d'« englober, embrasser en un tout » (fin XIIe s.) et de celui de « concevoir, saisir par l'intelligence » (fin XIIe-déb. XIIIe s.). Ce dernier s'est imposé plus lentement (il est rare jusqu'au XVe s.), évinçant à partir du XVIIe s. entendre de l'usage courant en ce sens.
■  Par extension, comprendre a reçu le sens aujourd'hui dominant de « saisir intuitivement l'essence de (qqn), approuver le bien-fondé de ses motivations », auquel se rattachent certains dérivés.
❏  À côté de compréhension (ci-dessous), comprendre a produit un nom moderne familier, décliné régionalement en COMPRENURE n. f. (Bourgogne, Est ; attesté 1835 au Canada), COMPRENETTE n. f. (1896, à Paris) et COMPRENOIRE n. f. (1926, dans le Nord et l'Ouest), tous pour « esprit, aptitude à comprendre ». ◆  COMPRENABLE adj., dérivé régulier, s'emploie en français québécois pour compréhensible.
■  Le composé antonyme de son participe passé adjectivé, INCOMPRIS, ISE adj. (v. 1450), est également courant depuis 1831 dans une acception affective, « qui n'est pas reconnu dans sa personnalité », due à l'influence de compréhension ; il est également substantivé.
COMPRÉHENSIBLE adj. (av. 1375) et INCOMPRÉHENSIBLE adj. (1377) sont des emprunts aux mots latins comprehensibilis et incomprehensibilis. Incompréhensible s'est répandu avec la valeur affaiblie de « difficile à expliquer » (1689).
COMPRÉHENSION n. f. est emprunté (1372) au latin comprehensio « action de saisir ensemble » d'où « action de saisir par l'intelligence », dérivé du supin de comprehendere (voir comprendre, ci-dessus). Longtemps réservé à l'usage didactique, le mot s'est répandu au XVIIIe siècle. Au XIXe s., il a développé une spécialisation psychologique et morale, « qualité d'un être capable de comprendre autrui ».
■  Ce sens psychologique a produit l'antonyme INCOMPRÉHENSION n. f. (1860). ◆  Le composé INTERCOMPRÉHENSION n. f. est attesté depuis 1913 (en contexte linguistique).
■  COMPRÉHENSIF, IVE adj. (1501), emprunté pour la forme au latin médiéval comprehensivus « collectif » (en grammaire), s'est aligné pour ses sens sur comprendre. Employé au XVIe s. dans les syntagmes vertu comprehensive et comprehensive veue (1552), il a été repris au XIXe s. (1821), surtout dans l'acception psychologique correspondant à compréhension.
■  Il a servi à former COMPRÉHENSIVITÉ n. f. (1834), nom de qualité d'usage didactique et rare, COMPRÉHENSIVEMENT adv. (1951) et l'antonyme INCOMPRÉHENSIF, IVE adj. (1835).