L
CONGÉ n. m., réfection de cumgiet (v. 980), puis congiet (v. 1050), conged (v. 1130), est l'aboutissement de l'évolution phonétique du latin commĕātŭs, par °comyadu, °condjiado. Ce commĕātŭs est le dérivé de commeare « se mettre en marche, voyager », composé de meare « circuler, passer », verbe poétique et postclassique peu fréquent, à rattacher à la même racine que migrare et mutare (→ migrer, muer, muter). Employé comme nom d'action, commĕātŭs avait reçu, par métonymie, plusieurs sens concrets, « transport de marchandises », « convoi de vivres militaires ». C'est dans la langue militaire que, par l'intermédiaire du sens d'« ordre de marche, de transport », il a pris celui de « permission de partir ».
❏
Le sens d'« autorisation de s'en aller » est réalisé dans les locutions relativement usuelles prendre congé (1050), donner congé (1265-1266). Le sens général d'« autorisation » (v. 1130), employé notamment dans le contexte d'une permission de mariage donnée par les parents, s'est maintenu dans l'usage régional. Le mot est passé dans le domaine de la vie professionnelle — où donner congé (1265-1266) peut signifier par euphémisme « renvoyer » — et de l'activité militaire. Si, dans le cadre de la fonction publique, vacances est le terme usuel, congé est le terme utilisé par la juridiction du travail, notamment dans congés payés (depuis 1936), locution chargée de connotations sociales et employée péjorativement — de 1936 à 1950 environ — par les milieux conservateurs pour désigner les travailleurs bénéficiaires de ces avantages. Le langage juridique a repris le sens latin d'« autorisation de transport des marchandises » (1602).
◆
Le sens d'« adoucissement » (1676), en architecture, est un emprunt sémantique indépendant du latin commĕātŭs pris concrètement au sens de « passage ».
❏
CONGÉDIER v. tr. (1409) est probablement la transformation, sous l'influence de l'italien
congedo « congé » (lui-même emprunté au français), de l'ancien et moyen français
congeer, congeier (
XIIe-
XVe s.), dérivé de
congé. Le verbe italien
congedare peut difficilement être tenu pour source, en raison de sa date tardive (fin
XVIIe-déb.
XVIIIe s.).
◆
Congédier, à la différence de
congé, réalise toujours, en français d'Europe, l'idée péjorative de « chasser, renvoyer », en particulier d'un travail, alors qu'on peut l'employer de manière neutre au Québec, là où on dirait « licencier » en France.
■
CONGÉDIEMENT n. m. est attesté depuis 1842 dans ce sens de « renvoi ».
■
CONGÉDIABLE adj. (1869) a remplacé l'ancien congéable (1570), formé sur congeer et encore utilisé en droit.
CONGELER (et dérivés) → GELER
CONGÉNÈRE adj. et n. est emprunté (v. 1562) au latin congener, adjectif attesté chez Pline, composé de cum (→ co-) et de genus (→ genre) et qui signifie littéralement « de la même espèce ».
❏
L'emploi adjectif du mot tend à vieillir, tant dans ses emplois didactiques en anatomie (v. 1562), en biologie (1732), en chimie (1879) que dans ses emplois figurés (XIXe s.) réalisant l'idée « d'une origine commune » sur le plan des idées, des arts, du langage. L'emploi substantif, introduit en biologie, connaît un certain succès dans l'usage commun, avec une valeur péjorative plaisante : « personne de la même espèce ».
CONGÈRE n. f. n'est apparu en français qu'en 1866, mais est très antérieur dans les dialectes (wallon, franco-provençal et occitan). Il continue le latin congeries ou la variante congeria « amas, tas » (en particulier de bois), dérivé de congerere « amonceler, entasser », de cum (→ co-) et gerere (→ gérer).
❏
Le mot désigne, d'abord régionalement, un amas de neige formé par le vent. Il est supplanté au Canada par banc de neige qui traduit l'anglais bank (→ banquise). En France, il s'est répandu, à partir de la Savoie, et avec la vogue des sports d'hiver dans les régions alpines.
❏ voir
CONGESTION.
CONGESTION n. f. est emprunté (v. 1370) au latin congestio « accumulation, amas », dérivé (d'après son supin congestum) de congerere « entasser, amasser », de cum (→ co-) et gerere (→ gérer, congère).
❏
Le mot a été introduit avec son acception médicale d'« afflux de sang dans les vaisseaux » puis, plus particulièrement en pathologie, par exemple dans congestion pulmonaire, congestion cérébrale (1837).
◆
En français du Québec, le mot désigne une affection bénigne, l'encombrement des cavités respiratoires par les mucosités (congestion nasale).
❏
Les mots de la même famille sont apparus au cours du
XIXe siècle.
CONGESTIONNER v. tr. (1833) pour « provoquer la congestion de (un organe) » est usuel, de même que
CONGESTIONNÉ, ÉE adj. qui se dit surtout d'un visage rougi par un afflux sanguin. En français québécois,
un nez congestionné s'emploie pour « encombré de mucosités ».
◆
CONGESTIONNEL, ELLE adj. (1847) est aujourd'hui supplanté par
CONGESTIF, IVE adj. (1853).
■
Congestionner et son composé DÉCONGESTIONNER v. tr. (1874) sont courants en parlant de la rougeur d'un visage, alors souvent au pronominal. Ils sont aussi employés par métaphore en parlant d'une circulation trop dense de personnes et de véhicules, dans le même registre que la métaphore bouchon.
◆
D'après l'emploi de congestion, décongestionner s'emploie en français du Québec pour « évacuer les mucosités dans les voies respiratoires », de même que les dérivés DÉCONGESTIONNANT, ANTE adj. et DÉCONGESTIONNEMENT n. m.
CONGLOMÉRER v. tr., d'abord attesté au participe passé congloméré (1672), est emprunté au latin conglomerare « mettre en peloton, entasser, accumuler ». Ce mot est composé de cum (→ co-) et de glomerare « mettre en boule », dénominatif de glomus « peloton, boule ». Ce mot, quasi-synonyme de globus (→ globe), appartient à la même famille que gleba (→ glèbe), gluten (→ gluten), glus (→ glu). Le vieil islandais klina « enduire », l'ancien haut allemand klenan, le russe glina « argile », etc. sont des formes apparentées.
❏
Conglomérer, proprement « réunir en masse compacte », est employé métaphoriquement comme quasi-synonyme d'agglomérer et d'agglutiner.
❏
CONGLOMÉRAT n. m. (1818), dérivé savamment du radical du verbe latin, apparaît en minéralogie et en géologie à propos de la réunion en masse compacte de substances minérales. Il se dit par extension (1865) d'un amas de matière et d'une réunion compacte de choses ou de personnes.
◆
Récemment (1968), il a emprunté à l'américain
conglomerate son sens économique de « réunion d'entreprises différentes détenue par un même groupe financier ».
■
CONGLOMÉRATION n. f. (1829) concurrence conglomérat avec son sens concret et sert de nom d'action (1838). Il est rare.
CONGRATULER v. tr. est emprunté (av. 1356) au latin congratulari « présenter ses félicitations » et « se féliciter », de cum (→ co-) et gratulari « rendre grâce aux dieux, remercier », lui-même dérivé de gratus « agréable, favori » (→ gré).
❏
Le verbe, après un emploi isolé au sens intransitif, « se réjouir avec qqn », a été repris au XVIe s. avec le sens de « féliciter » (1546 ; dès 1543, dans un emploi indirect, congratuler à, propre au XVIe s.). Par rapport au terme usuel féliciter, son usage est souvent marqué d'un certain archaïsme (déjà noté en 1798) ou d'une intention plaisante, ce qui n'est pas le cas de l'anglais to congratulate, terme usuel.
❏
Cette même nuance archaïque ou plaisante se retrouve dans les dérivés CONGRATULANT, ANTE adj. (1668), CONGRATULATEUR, TRICE n. et adj. (1832), ainsi que dans CONGRATULATION n. f., emprunt du XVe s. (1417-1435) au dérivé latin congratulatio.
L
CONGRE n. m., d'abord congreis (v. 1180) puis congre (XIIIe s.), est probablement issu, peut-être par le provençal congre, du bas latin congrus. Le mot est un doublet du type classique conger, primitivement gonger, emprunté au grec gongros, nom de ce poisson employé métaphoriquement en botanique et en médecine (d'après la rondeur ou la voracité du congre). L'étymologie de gongros est difficile et a fait l'objet de plusieurs hypothèses : ce peut être soit un emprunt méditerranéen, soit une formation populaire apparentée à gongulos « rond », soit — selon l'étymologie que donnaient les Anciens —, un terme apparenté à gangraina (→ gangrène) et à gran « dévorer », en raison de la voracité de l'animal.
❏
Le mot, comme son étymon, désigne un poisson de mer cylindrique.
CONGRÉGATION n. f., d'abord noté congregatiun (v. 1120), est emprunté au latin congregatio « réunion, assemblée », spécialement « communauté religieuse » en latin médiéval, dérivé de congregare (sporadiquement repris en français par congréger, 1611 ; XIXe s.). Ce verbe est formé de cum (→ co-) et de gregare « réunir en troupeau » à époque impériale, verbe issu de grex, gregis « réunion d'animaux ou d'hommes de la même espèce » (→ grégaire).
❏
Le sens général de « rassemblement, réunion » a disparu depuis le XVIIe s., sinon dans l'expression biblique congrégation des eaux (Genèse, I, 10), calque du latin de la Vulgate.
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Le mot s'est maintenu avec des acceptions restreintes dans le domaine religieux et politique : il désigne une communauté religieuse (av. 1622) et une commission de cardinaux chargée de questions relatives à l'administration de l'Église (av. 1630). Par extension, il s'applique à une confrérie de laïques qui s'exercent à la pitié et à la charité (1680).
◆
En emploi absolu avec la majuscule, il se réfère spécialement à une association religieuse fondée sous la Restauration (en 1814), à laquelle on prêta des menées subversives (1827). Certains emplois du mot, à propos d'un petit clan ayant un esprit de chapelle, se souviennent de cette association. Le sens, rare, de « paroisse, assemblée des fidèles » (1801) est un emprunt à l'anglo-américain congregation (1526-1534), spécialisation de sens d'un mot repris (v. 1374) du français.
❏
CONGRÉGANISTE adj. et n. est dérivé (1680) du radical de
congrégation avec un infixe
-an-, probablement sur le modèle de
organiste, humaniste, botaniste.
◆
Le mot désigne un membre d'une confrérie religieuse et qualifie ce qui s'y rapporte (déb.
XIXe s.). Sous la Restauration, il a désigné (1830) un membre ou un partisan de la « Congrégation ».
■
En ce sens, il a produit CONGRÉGANISME n. m. (1835, Lamartine), « manière de penser et d'agir des partisans de la Congrégation », mot sorti de l'usage.
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CONGRÉGATIONISTE n., « membre de la Congrégation » (1842, Stendhal), recoupe l'emploi de congréganiste en histoire.
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CONGRÉGATIONALISTE n. (1838) est emprunté à l'anglais congregationalist (1692) « membre ou partisan du système non-conformiste, en Angleterre ». Il a remplacé congrégational, aux n. emprunté un peu plus tôt (1752) à l'anglais congregational, adjectif (1642) et nom (1653).
CONGRÈS n. m. est emprunté (XVIe s.) au latin congressus « action de se rencontrer » d'où « union sexuelle » et « entrevue, réunion », nom d'action correspondant au verbe congredi « se rencontrer », de cum (→ co-) et gradi « marcher », de gradus « pas » (→ grade). De même, à gradi correspond gressus « marche ».
❏
Le mot a été introduit au sens d'« union charnelle », propre aux XVIe et XVIIe s. et à l'origine de la spécialisation juridique ancienne d'« épreuve légale destinée à constater l'impuissance du mari (avec le témoignage d'une matrone ou sage-femme), cas invoqué pour annuler un mariage ». Ce sens tomba quand l'épreuve fut abolie, en 1677.
◆
À partir du début du XVIIe s. (1611), le mot a trait à une réunion de personnes et, bientôt, reçoit sa spécialisation politique et diplomatique (1692). Par extension, il désigne une réunion de spécialistes pour se communiquer leurs études sur un sujet (1797).
◆
Le sens de « parlement américain » est un emprunt (1774) à l'anglo-américain congress (1774), spécialisation du mot, lui-même emprunté au latin congressus.
◆
En Nouvelle-Calédonie, c'est le nom de la première assemblée politique.
◆
Parti du Congrès désigne le parti nationaliste indien fondé en 1855, réorganisé par Gandhi, puis présidé par Nehru (en anglais Indian National Congress).
❏
CONGRESSISTE n. (1866) désigne celui qui participe à un congrès, dans toutes les acceptions du mot.
CONGRU, UE adj. est emprunté (1282) au latin congruus « conforme, convenable, juste, correct ». Le mot est dérivé de congruere, composé de cum (→ co-) et d'un simple non attesté °gruere apparenté à ruere (→ ruer), qui signifie « se rencontrer » d'où, abstraitement, « être d'accord, convenir ».
❏
Le mot, ainsi que la plupart de ses dérivés, est quasiment sorti de l'usage sauf dans quelques syntagmes figés : en théologie, on parle de grâce congrue (av. 1715) d'après saint Augustin et, en géométrie, de nombres congrus (av. 1863), sens emprunté au latin moderne congruus (1801, chez le mathématicien allemand K. F. Gauss).
◆
L'un de ces syntagmes, portion congrue (av. 1615) du latin médiéval portio congrua (1215) est devenu courant avec le sens de « ressources à peine suffisantes pour survivre » ; il désignait, sous l'Ancien Régime, la pension annuelle — calculée au plus juste — que versait le titulaire d'un bénéfice au prêtre qui remplissait sa charge.
❏
CONGRUITÉ n. f. (v. 1370) et
CONGRÛMENT adv. (v. 1370) ne se rencontrent plus que dans l'usage littéraire et, pour le nom, dans sa spécialisation théologique (1688). Celle-ci est également réalisée dans les termes didactiques
CONGRUISTE adj. et n. (1714) et
CONGRUISME n. m. (1753).
■
CONGRUENT, ENTE adj. (1507-1519), emprunté au latin congruens « qui convient », participe présent de congruere, et le substantif correspondant CONGRUENCE n. f. (1374), emprunté au latin congruentia, ont été repris en mathématiques au milieu du XIXe s., d'après congru.
◈
L'antonyme
INCONGRU, UE adj. (v. 1370), emprunté au latin
incongruus « inconvenant, absurde, inconséquent », s'est mieux répandu que
congru dans la langue courante. Il exprime la qualité de ce qui n'est pas convenable, qui heurte les usages, la bienséance, avec un glissement vers l'idée d'absurdité, de chose surprenante. Ses emplois particuliers, en parlant de ce qui est contraire aux normes grammaticales, et d'une personne qui manque de savoir-vivre (1659), ont vieilli.
◆
Il a produit
INCONGRÛMENT adv. (1377), limité à un usage littéraire.
■
INCONGRUITÉ n. f. (v. 1501) a été repris au bas latin incongruitas « défaut de convenance », en grammaire « proposition où le verbe est impersonnel » et aussi « faute ». Par extension, il désigne une action ou une parole déplacée, inconvenante (1585) et, plus généralement, le caractère de ce qui est déplacé, ne convient pas au regard des circonstances (1666), sens correspondant à incongru.
CONJECTURE n. f. est emprunté (v. 1246) au latin conjectura, utilisé dans la langue augurale et en rhétorique. Ce mot est dérivé de conjicere, de cum (→ co-) et jacere (→ jeter), littéralement « jeter ensemble » d'où, parmi d'autres sens figurés, « combiner dans l'esprit, présumer », spécialement dans la langue augurale.
❏
Repris avec le sens figuré d'« idée fondée sur une probabilité, une apparence », le mot s'est détaché progressivement de la magie pour passer dans les vocabulaires de la logique et de la politique. D'usage didactique, il est cependant courant dans quelques constructions (se perdre en vaines conjectures), avec une valeur péjorative d'« idée creuse ».
❏
CONJECTURER v. tr. est emprunté (
XIIIe s.) au bas latin
conjecturare, verbe tardif formé sur
conjectura en remplacement du classique
conjicere. Il est peu courant, de même que son dérivé
CONJECTURABLE adj. (1580 ; repris v. 1886).
■
CONJECTURAL, ALE, AUX adj., d'abord conjetural (fin XIIIe s.) emprunt au latin conjecturalis, est attesté une fois en ancien français et repris au XVIe s. (1521). Il relève de l'usage didactique, spécialement en logique et en archéologie des textes (critique conjecturale).
◆
CONJECTURALEMENT adv. (1488) est d'un usage aussi restreint que l'adjectif.
L
CONJOINDRE v. tr. est issu (v. 1160) du latin conjungere « joindre » et spécialement « unir par le mariage » (→ conjuguer), formé de cum (→ co-) et de jungere (→ joindre).
❏
Ce verbe signifie en ancien français « unir, assembler » et, en moyen français (v. 1355), « unir par le mariage ». Il semble avoir toujours été didactique et a vieilli aux XVIIIe et XIXe s., sauf dans le discours littéraire. Se conjoindre « se marier » est archaïque ou plaisant.
❏
Le participe passé
CONJOINT, OINTE est adjectivé dès le
XIIe s. (v. 1177), acquérant au
XVIIe s. des valeurs spéciales en droit, à propos de personnes ayant des obligations ou des droits communs (1690), en botanique (1690), etc. Il s'est répandu en emploi substantivé avec le sens d'« époux » (1342), surtout au masculin et au pluriel dans un style administratif ou juridique. Son féminin
CONJOINTE, bien qu'admis par l'Académie, est limité à un emploi plaisant.
■
CONJOINTEMENT adv. (1254) « de manière conjointe », procède du sens général de conjoint, devenu rare pour l'adjectif alors que l'adverbe est assez courant.
■
CONJOINTER v., création plaisante à la forme pronominale se conjointer « vivre maritalement » (XXe s.), manifeste l'archaïsme du synonyme conjoindre.
❏ voir
CONJONCTIF, CONJONCTION.
CONJONCTIF, IVE adj., d'abord sous la forme adaptée conjointif (1372), puis conjunctif (XIVe s.), conjonctif, est emprunté au bas latin conjunctivus « qui sert à lier », spécialement en grammaire (conjunctiva particula « conjonction », conjunctivus modus, d'où elliptiquement conjunctivus, « le subjonctif »), formé sur le supin de conjungere (→ conjoindre, conjuguer).
❏
Le mot, demeuré rare avec le sens de « qui sert à lier », s'est spécialisé en grammaire : dès le XIVe s., le masculin substantivé désigne le subjonctif lorsqu'il se trouve dans une subordonnée commençant par une conjonction ou une locution conjonctive. L'adjectif fournit de nombreuses dénominations grammaticales inégalement maintenues, dont conjonctive et particule conjonctive (1680), remplacées par conjonction*, locution conjonctive, concurrencée par locution conjonctionnelle, pronom conjonctif, supplanté par pronom relatif.
◆
D'autre part, le mot s'est spécialisé en physiologie dès 1372, qualifiant ce qui sert à unir des parties organiques, en particulier dans toile conjonctive qui a donné le terme d'anatomie CONJONCTIVE n. f. attesté à la même époque chez Guy de Chauliac. Le syntagme tissu conjonctif, appliqué de manière générale au tissu cellulaire, est enregistré en 1863.
❏
Conjonctive a produit au XIXe s. CONJONCTIVITE n. f. (1832), « inflammation de la conjonctive », d'usage relativement courant, et CONJONCTIVAL, ALE, AUX adj., didactique (1845).
❏ voir
CONJOINDRE, CONJONCTION.
CONJONCTION n. f. est emprunté (v. 1160, conjoncïon) au latin conjunctio « réunion », employé spécialement en astronomie et, à basse époque, en grammaire, dérivé du supin de conjungere (→ conjuguer).
❏
Le sens général de « union, réunion » était vivant en ancien français où, comme congrès, le mot désignait en particulier l'union charnelle (v. 1200). L'usage moderne n'a retenu que des emplois spécialisés en astronomie et astrologie (v. 1270), puis en grammaire (XIVe s.) désignant une partie du discours qui sert à lier deux mots ou groupes de mots (conjonction de coordination, de subordination), éliminant en ce sens l'emploi substantivé de conjonctive* à l'époque classique.
❏
Le radical du latin conjunctio a servi à former en électricité, d'après disjoncteur, le dérivé CONJONCTEUR n. m. (1882) et le composé CONJONCTEUR-DISJONCTEUR n. m. (1868), noms de dispositifs permettant, dans un cas, d'établir des connexions sur un circuit dès que la tension est suffisante, dans l'autre, de couper le circuit en cas d'insuffisance ou d'excès de tension.
CONJONCTURE n. f. est la réfection (av. 1475), d'après le latin conjunctus (→ conjoint), de l'ancien français conjointure (v. 1170) « récit agencé selon les règles de l'art d'écrire », lui-même dérivé de conjoint (→ conjoindre). Le latin médiéval °conjunctura est hypothétique.
❏
Le sens général de « situation résultant d'un concours de circonstances » est encore vivant (souvent qualifié : mauvaise conjoncture) dans le registre soutenu.
◆
Cependant, la plupart des emplois modernes du mot se rattache à la spécialisation récente (1937) de « situation économique, financière (d'un pays, d'une entreprise) à un moment donné », avec une extension à toute situation collective, et en opposition à structure.
❏
Le sens économique a produit CONJONCTUREL, ELLE adj. (1955 ; conjonctural dès 1926) et CONJONCTURISTE n. (1953), nom du spécialiste qui analyse les éléments d'une situation économique.
CONJUGAL → ci-dessous CONJUGUER
CONJUGUER v. tr. est emprunté (1572) au latin conjugare, de cum (→ co-) et jugare « unir, attacher (la vigne) », forme durative en a correspondant à jungere (→ joindre). C'est pourquoi conjugare « unir ensemble, marier » fonctionne comme doublet de conjungere (→ conjoindre) et que les deux verbes français qui en sont issus présentent des valeurs communes (en grammaire, en parlant du mariage), distribuées dans leurs dérivés.
❏
Le verbe a été repris en grammaire au XVIe s., d'après conjugaison. Le sens général, « joindre, associer, réunir » (1596), s'est maintenu dans la langue soutenue (conjuguer ses efforts).
◆
L'idée « conjugale » latine s'est conservée plaisamment à la forme pronominale se conjuguer, d'après CONJUGO (1670), première personne du présent du verbe latin, tiré de la formule du mariage religieux et employé au sens de « mariage » (1694).
❏
Le participe passé
CONJUGUÉ, ÉE a été adjectivé au sens ancien de « marié », avant d'être employé avec des valeurs techniques (1690), en grammaire, en botanique (1753,
feuilles conjuguées) où le féminin pluriel
conjuguées est substantivé (1803).
■
CONJUGABLE adj. (1829) et son composé INCONJUGABLE adj. (1875) s'emploient essentiellement en grammaire.
◈
CONJUGAISON n. f. (1236,
conjugacion) est emprunté — avec adaptation du suffixe — au latin
conjugatio « union charnelle » avec la spécialisation grammaticale qu'il avait prise en bas latin. Surtout courant dans ce domaine, il a reçu des acceptions spécialisées en anatomie (1546,
conjugaison des nerfs) et en biologie (1886) où il désigne l'union de deux organismes unicellulaires aboutissant à une régénérescence après échange d'une partie de l'ADN et séparation (mode de reproduction des
Ciliés). Sa valeur générale de substantif d'action, pour « action de joindre, de réunir », tardive (1814), est relativement peu courante.
◈
CONJUGAL, ALE, AUX adj. est emprunté (v. 1282) au latin
conjugalis, adjectif correspondant à
conjux « époux, épouse », équivalent poétique de
maritus (→ mari) et, au féminin, de
uxor.
◆
Le mot qualifie ce qui est relatif aux liens du mariage, avec des emplois particuliers dans le domaine de la vie affective, morale, du comportement, et une spécialisation juridique
(devoir, lien conjugal).
■
En sont dérivés CONJUGALEMENT adv. (1588, Montaigne) et CONJUGALITÉ n. f. (1846), ce dernier didactique.
■
EXTRACONJUGAL, ALE, AUX adj. (1825) s'applique aux relations (sexuelles) hors mariage.
CONJURER v. est emprunté (v. 980) au latin conjurare, de cum « avec » (→ co-) et jurare (→ jurer), proprement « jurer ensemble » d'où « se liguer, conspirer » et, à basse époque, « supplier, adjurer sous l'invocation de qqch. de sacré, de Dieu ».
❏
Le mot, à partir de cette idée initiale d'« exhorter une puissance sacrée », est passé au sens de « prononcer des paroles magiques sur (qqn, qqch.), pour obtenir un effet précis » (fin XIIe s.) et, de là, au sens moderne d'« écarter (un danger) par des pratiques magiques » (1397), généralisé à la fin du XVIe s. en « détourner, éviter (une menace, un péril) ».
◆
En marge de cette évolution, conjurer a conservé son sens de « supplier » dans la construction conjurer qqn de faire qqch.
◆
À la fin du XVe s., le verbe a réemprunté au latin le sens de « comploter, conspirer » en construction intransitive ou pronominale (1544), autrefois également en construction transitive.
❏
Les mots de la même famille se distribuent généralement entre l'idée de « prière » et celle de « complot ». Le participe passé substantivé
CONJURÉ, ÉE n. (1213) signifie « membre d'un complot », et l'adjectif de formation savante
CONJURATOIRE (1891) « destiné à écarter le mal ».
◆
Vaugelas recommande, pour éviter l'ambiguïté, de réserver
CONJURATEUR, TRICE n., emprunté (1344) au latin médiéval
conjurator « celui qui s'engage par serment » (
VIIe s.) et « conspirateur » (v. 1250), au seul sens de « personne qui écarte un danger par des pratiques religieuses » (fin
XVe s.) et d'utiliser
conjuré pour l'autre sens.
◈
CONJURATION n. f. est emprunté (1160-1174) au dérivé latin
conjuratio « alliance, complot », employé au moyen âge au sens d'« adjuration » et « formule magique ».
◆
Le mot a supplanté l'ancien français
conjuroison, dérivé de
conjurer (1160), et a gardé les valeurs du latin ; cependant, le sens de « formule magique pour combattre les influences maléfiques » (fin
XIIe s.), spécialement « exorciser » (1690), s'est moins répandu que celui de « complot contre le pouvoir établi » (1470) qui procède de l'ancien sens, « serment » (1160-1174), sous l'influence de
conjurer et qui est soutenu par
conjuré (ci-dessus). Par extension, il s'applique à l'action concertée de plusieurs personnes contre qqch. ou qqn (1559).