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CONSERVER v. tr. est emprunté (dès les Serments de Strasbourg, 842) au latin conservare, composé d'aspect déterminé en cum (→ co-) de servare dont il reprend les sens, « sauver, garder, préserver ». Ce verbe, représenté en français par ses composés (→ observer, préserver, réserver), se rattache à servus « esclave » (→ serf).
❏
L'histoire du verbe s'est constituée par la différenciation des sens de conserver et de ceux des composés apparentés : l'emploi pour « tenir un serment », attesté dans les Serments de Strasbourg, est sorti d'usage au profit d'observer. Le sens moderne de « garder soigneusement » (déb. XVe s.) a occasionné l'emploi de conserver qqn de qqch. (XVIe s.) « protéger, sauvegarder », réservé depuis le XVIIe s. à préserver. Le verbe s'est répandu avec la valeur particulière de « garder en bon état, garder intact », en parlant d'une personne du point de vue de sa santé (1530), d'une chose abstraite (conserver son honneur) ou concrète (conserver des fruits).
❏
Le déverbal
CONSERVE n. f. (1359), employé dès les premières attestations dans le domaine alimentaire
(concherve de citron), semble indiquer que le verbe connaissait le sens correspondant dès le
XIVe siècle. Référant à la fois à l'opération et, par métonymie, au procédé employé, à la substance ainsi conservée, le mot a évolué d'une notion large englobant tous les aliments préparés pour être conservés (viandes séchées, salées, fumées, conserves de fruits du type confiture*), au sens actuel restrictif de « denrée alimentaire stérilisée et conservée », lié à l'évolution des techniques (et notamment à l'appertisation). Ce sens a fourni les locutions
de conserve et
en conserve, appliquées à un aliment. Au figuré, on parle de
musique en conserve à propos de la musique enregistrée.
■
Au XVIe s., d'après conserver « naviguer en gardant à vue », le mot désignait un navire qui en escorte un autre pour le protéger (1552). La locution technique naviguer de conserve (1559), « suivre la même route », est entrée dans l'usage courant avec de conserve « de compagnie, ensemble ».
■
On ne rencontre plus guère conserves (au pluriel) pour désigner des lunettes colorées (1680, encore au XIXe s.) d'après leur fonction qui est de protéger (conserver) la vue.
■
Conserve a lui-même pour dérivés, dans le domaine alimentaire, CONSERVERIE n. f. (1942) et CONSERVEUR, EUSE n. (1950), désignant l'entrepreneur, l'entreprise et l'ouvrier qui fabriquent les conserves.
◈
CONSERVATION n. f., emprunté (1364) au dérivé latin
conservatio, reprend tous les sens du verbe
conserver avec la valeur d'« action de conserver » et, par métonymie (1721), « état de ce qui est conservé », d'où
bonne, mauvaise conservation.
◆
D'après
conservateur, le mot s'emploie aussi pour « charge de conservateur » (1671), spécialement en droit dans
conservation des hypothèques (1804).
◈
1 CONSERVATOIRE adj. (v. 1370), « destiné à maintenir qqch. ou qqn dans le même état », est surtout affecté à des emplois spéciaux en droit (1567 ; 1769,
actes conservatoires), et dans le domaine sociopolitique.
■
CONSERVABLE adj. (1508-1517) correspond au sens passif de « qui peut être conservé ».
■
CONSERVATIF, IVE adj., emprunté (XVe s.) au dérivé bas latin conservativus « qui conserve », a fourni un synonyme à 1 conservatoire, puis en politique à conservateur. Il est sorti d'usage dans ces deux emplois.
◈
2 CONSERVATOIRE n. m. (1778 ; une fois en 1714, au sens d'« hospice ») est emprunté à l'italien
conservatorio, substantivation de l'adjectif correspondant au français
1 conservatoire, qui désigne depuis le
XVIe s. des écoles de musique à Naples, Venise et Palerme, avec l'idée du maintien de la tradition (et du niveau) dans un art. En France, le
Conservatoire de musique et de déclamation est une institution fondée en 1789 pour maintenir la tradition des arts dramatique et musical. Le même esprit inspire la création du
Conservatoire national des arts et métiers en 1794
(Cf. arts* et métiers), qui reprend toutefois un ancien projet, déjà esquissé par une exposition payante de machines en 1683 et, au
XVIIIe s., par la collection d'outils et de machines de Vaucanson, destinée à éduquer les ouvriers. Son sigle,
C. N. A. M., prononcé
knam, est devenu usuel au
XXe siècle.
◈
CONSERVATEUR, TRICE adj. et n. est emprunté (1283), peut-être sous l'influence de l'ancien provençal
conservador (1261), au latin
conservator. Celui-ci, dérivé de
conservare « conserver, respecter, sauver », est attesté plusieurs fois chez Cicéron et dans des inscriptions, dans un contexte politique
(conservator rei publicae, patriae, urbis, imperii, libertatis) ; il servait aussi d'épithète pour certains dieux au sens de « sauveur ». Le latin médiéval en a fait un titre juridique désignant le procureur, le délégué (1244).
◆
Le mot est d'abord attesté dans les coutumiers comme désignation et titre de celui qui est chargé de maintenir un droit, un privilège. Ce sens a disparu, mais une spécialisation fournit (fin
XVe s.) le titre d'un préposé à la garde d'une chose, d'un patrimoine (musée, bibliothèque, eaux et forêts...).
■
À l'époque révolutionnaire, le mot est appliqué à celui qui tend à préserver l'ordre social existant (1794), et passe dans le domaine de la vie politique (1815, esprit conservateur, B. Constant). Cette orientation a été renforcée par un emploi en contexte anglais (1846, traduction de B. Disraeli) où il calque l'anglais conservative, attesté depuis 1830 pour désigner le parti Tory appelé Conservative party. L'anglais est lui-même emprunté au français conservatif (ci-dessus). Au Canada, le Parti conservateur (canadien), fondé en 1854, gouverne le pays en alternance avec le Parti libéral.
■
En marge de la spécialisation administrative et politique du mot se sont développés des emplois en majorité didactiques, réalisant l'idée de « qui conserve intact », notamment à propos d'un produit dans l'industrie agro-alimentaire (1903).
■
CONSERVATISME n. m., apparu dans un contexte politique (1851, traduction du russe de A. Herzen), est employé dans sa spécialisation en politique anglaise pour traduire l'anglais conservatism (1835).
■
CONSERVATISTE n. (1876) n'a pas réussi à s'imposer face à conservateur.
CONSIDÉRER v. tr. est emprunté au XIIIe s. (1241-1257) au latin considerare, formé de cum (→ co-) et de sidus, sideris, mot qui désigne (surtout au pluriel) les étoiles en constellations (→ sidéral, sidérer), par opposition à stella (→ étoile) qui désigne l'étoile isolée. Considerare doit être un ancien verbe de la langue augurale ou marine, comme contemplari (→ contempler), laïcisé dans la langue courante au sens de « regarder attentivement, réfléchir à ». En ancien français, considérer a supplanté l'ancien doublet populaire consirer « réfléchir ».
❏
Le mot a été introduit avec la double acception du latin courant, physique et intellectuelle. Dans de nombreux emplois, il réalise par extension le sens de « estimer, juger » avec une surbordonnée complétive (attesté av. 1511). De l'idée de « juger », on passe aisément à « faire cas de » (1643), développement comparable à celui d'estimer. La construction attributive considérer comme est enregistrée tardivement (1835).
❏
CONSIDÉRATION n. f. (
XIIe s.) représente le latin
consideratio « examen attentif » (des yeux, de l'esprit) puis aussi « égard, estime ». Quasiment inusité dans son acception physique, il tend également à perdre son acception intellectuelle au profit d'
examen, attention, sauf dans la locution
prendre en considération, qui reste usuelle. Il a mieux résisté au sens plus restreint d'« observation, réflexion » fournissant, au pluriel, le titre d'essais spéculatifs (
XVIIIe s., Montesquieu). Le sens particulier de « motif, raison prise en compte pour agir » (
XVe s.) s'est maintenu dans la locution
en considération de et dans l'expression
rentrer dans des considérations. D'après un sens apparu en latin tardif, il signifie dès 1310 « estime envers qqn ». Ce sens, très vivant (après les verbes
jouir de, être en, etc., dans les formules de politesse) a été repris au
XVIIe s. par le verbe.
■
L'antonyme INCONSIDÉRATION n. f. (1488, du bas latin inconsideratio) est peu usité à la différence de DÉCONSIDÉRATION n. f. (1792), formé d'après DÉCONSIDÉRER v. tr. (1790), « faire perdre son estime à qqn », surtout employé au participe passé.
◈
RECONSIDÉRER v. tr. « considérer de nouveau » (1312) a eu un regain d'usage au
XXe s. pour « réexaminer (une question) ».
◈
CONSIDÉRÉ, ÉE a dû être adjectivé assez tôt, puisque son dérivé
CONSIDÉRÉMENT adv. se trouve avant la fin du
XIVe s. (1392) ; il est sorti d'usage.
Considéré est demeuré rare au sens de « qui mérite le respect par son caractère réfléchi » et s'emploie surtout pour « digne de respect, de considération ».
■
L'antonyme INCONSIDÉRÉ, ÉE adj., emprunté (fin XVe s.) au latin inconsideratus « irréfléchi », a conservé cette valeur morale, se détachant du sens moderne de considéré.
◆
Le dérivé INCONSIDÉRÉMENT adv. (déb. XVIe s.) est solidaire de l'adjectif.
◈
CONSIDÉRABLE adj. signifie d'abord (1547) « qui mérite d'être considéré, pris en compte ». C'est au
XVIIe s. qu'il reçoit par extension la valeur d'« important, très grand », éliminant peu à peu le sens premier ; les quelques emplois modernes qui relèvent de ce sens littéral sont sentis comme une spécialisation de l'acception moderne.
◆
Il en va de même pour le dérivé
CONSIDÉRABLEMENT adv. (1675).
◈
Le participe présent
CONSIDÉRANT a été substantivé au masculin dans la langue du droit (1792) au sens de « réflexion motivant un décret, une loi » ; c'est une lexicalisation de la formule verbale
considérant que..., utilisée dans les exposés de motifs.
CONSIGNER v. tr. est emprunté (1345) au latin consignare, de cum (→ co-) et signare (→ signer). Le mot, proprement « marquer d'un signe, d'un sceau », a pris les sens dérivés de « rapporter dans un document avec les caractères de l'authenticité » et, à basse époque, « céder, livrer par un don » (VIe s.).
❏
Le sens de la première attestation, « délimiter par une borne », a disparu. Les diverses valeurs développées par le verbe se regroupent sous l'idée d'« enregistrer (qqch.) dans certaines conditions », à commencer par celle de « remettre de l'argent sous garantie » (1402). Transposé dans un contexte commercial, consigner désigne l'opération par laquelle on facture (un objet) en s'engageant à le reprendre en le remboursant, d'où le sens courant (1907) de « déposer (un objet) en dépôt (dans une gare) ».
◆
Avec la même idée d'« enregistrer », mais en parlant d'une information, il a repris (1690) le sens latin de « rapporter par écrit avec les caractères de l'authenticité » (surtout dans une pièce officielle).
◆
Avec un complément désignant un être animé, le verbe signifie (1467) « maintenir prisonnier par mesure d'ordre, de punition », sens réintroduit au XVIIIe s. (1743) dans un contexte militaire, plus tard scolaire (il tend à être supplanté dans ce dernier par le familier coller). Par extension de l'idée d'« empêcher de sortir », il a pris le sens d'« empêcher d'entrer, d'accéder » : alors concurrencé par interdire et fermer, il est sorti de l'usage courant sauf dans la construction consigner sa porte et à propos de mesures militaires.
❏
De
consigner ont été dérivés
CONSIGNATION n. f. (1396,
concination) qui a pris certaines des valeurs du verbe, avec le sémantisme d'action que n'a pas
consigne.
◆
CONSIGNATAIRE n. m. (1690) et
CONSIGNATEUR, TRICE n. (1846) sont d'usage didactique.
■
Le déverbal CONSIGNE n. f. (av. 1522, consine) a d'abord désigné ce qui est déposé par écrit, le témoignage. Il a été repris au XVIIe s. comme dénomination de l'agent chargé de surveiller le mouvement des personnes et des marchandises. De nos jours, il s'emploie en contexte militaire à propos d'une défense de sortir par mesure punitive (dep. 1803) puis en contexte scolaire et, plus couramment, à propos du service chargé de la garde de certains objets déposés dans une gare, etc. (1866 ; dans un port, 1848).
◆
Consigne, consignation et le verbe consigner (surtout au passif) sont récemment devenus des termes de commerce relatifs aux emballages que l'on peut rendre vides contre un remboursement.
CONSISTER v. intr. est emprunté (XVe s.) au latin consistere. Celui-ci est composé de cum « ensemble » (→ co-) et de sistere « (se) mettre, (s') arrêter », lui-même dérivé de stare (→ état, station). De « se tenir ensemble », il est passé à « se maintenir, se tenir de manière solide », tendant à se confondre avec constare (→ constant) « s'arrêter » et « être constitué par, se composer de ».
❏
D'abord employé au sens physique ancien de « se maintenir dans un certain état », consister a reçu au XVIe s. le sens figuré de « résider en », autrefois construit avec la préposition à (1541).
❏
Son dérivé
CONSISTANCE n. f. (1370), d'abord synonyme de « matière », est attesté depuis 1580 au sens d'« état de ce qui est ferme, solide », d'abord avec la valeur d'« immobilité, stabilité », puis en parlant d'une chose abstraite (1671, rumeur, sentiment). Son emploi à propos de l'état de fermeté d'un corps matériel est enregistré en 1690.
◈
CONSISTANT, ANTE adj., provenant (1560) du participe présent de
consister, a repris les emplois du verbe.
◆
En logique, il a emprunté (1955) le sens de l'anglais
consistent « conséquent, logique », sens vivant depuis le
XVIIIe s., répandu au
XXe s. en logique et en épistémologie des sciences humaines ; cette valeur est didactique et concurrencée par
cohérent.
◆
À partir de l'idée de « solide »,
consistant a pris le sens familier de « important, copieux » (en parlant d'une nourriture).
■
Le nom et l'adjectif ont produit, avec le préfixe privatif in-, les antonymes INCONSISTANCE n. f. (1738) et INCONSISTANT, ANTE adj. (1544 ; repris au XVIIIe s.), probablement d'après l'anglais inconsistency (XVIIe s.) et inconsistent (XVIIe s.). Ces deux mots sont les contraires de consistance et consistant, y compris au sens logique (v. 1960), mais jamais avec la valeur familière récente.
◈
CONSISTOIRE n. m. est emprunté (1174-1176,
consistorie) au bas latin
consistorium « lieu de réunion » pour désigner l'assemblée des cardinaux présidée par le pape. Par extension, il renvoie à un conseil des ministres du culte protestant (1596) ou israélite.
◆
Il a pour dérivé
CONSISTORIAL, ALE, AUX adj. (1472) dans ces deux spécialisations, en droit catholique et (1569) protestant ou israélite.
CONSOLE n. f. (1565) est généralement considéré comme l'abréviation de consolateur (1554) au sens technique de « figure d'homme soutenant une corniche servant d'accoudoir dans les stalles d'église », cette figure étant censée consoler d'être debout (Cf. miséricorde). P. Guiraud y voit plutôt un déverbal de consoler, avec une régression du sens abstrait vers le sens concret, régression également présente dans l'italien dialectal consolo « banquet funèbre ». On peut aussi évoquer une influence des deux premières syllabes de consolider.
❏
Le mot est apparu en architecture à propos d'une moulure saillante en forme de volute ou de S et qui sert de support. Il s'est surtout répandu dans l'acception métonymique qu'il a reçue en termes de mobilier : dans la première moitié du XVIIe s., il s'applique à une petite table aux pieds en volutes, très en vogue sous Louis XV et Louis XVI, et demeurée une coquetterie de l'ameublement au XIXe siècle.
◆
Par analogie de forme, il a reçu d'autres acceptions en musique, où il désigne la partie supérieure de la harpe en forme de S, et, depuis le milieu du XXe s., en informatique et technique de l'enregistrement, où il désigne un pupitre de commande. Un des emplois les plus courants au XXIe s. est console de jeux, absolt, console.
CONSOLER v. tr. est emprunté (XIIIe s.) au latin consolari, composé d'aspect déterminé en cum (→ co-) de solari « soulager, réconforter », auquel il est préféré en prose classique. Solari peut appartenir à la même racine que le grec ilaskomai « je me rends favorable, j'apaise », mais les formes grecques sont elles-mêmes en partie obscures ; le sens du gotique sels « bon » est très éloigné.
❏
Le mot a conservé le sens du latin, « apporter un réconfort moral ».
❏
CONSOLANT, ANTE adj. est tiré (1470) du participe présent. Il s'applique en général à ce qui est de nature à consoler.
◆
CONSOLANTE n. f. s'est employé au début du
XXe s. pour « bouteille de vin bue après une épreuve, un travail dur ». Dans plusieurs régions, après
consolation (1719), le mot désigne une partie de rattrapage dans un tournoi de boules ou de pétanque (surtout en Languedoc et en Provence).
■
CONSOLATION n. f., d'abord consolaciun (v. 1050), est emprunté au latin consolatio « action de consoler, de soulager », « atténuation d'une peine morale ». Le mot français désigne, par métonymie, la façon de se consoler et, par l'intermédiaire de l'ancien sens de « réjouissance » (v. 1360), un sujet de joie (1771, c'est une grande consolation que de). Il a reçu quelques sens concrets au jeu (1835, fiche de consolation) et en sport (1885, prix de consolation).
■
CONSOLATEUR, TRICE adj. et n. est emprunté (déb. XIVe s.) au latin consolator, employé spécialement à l'époque chrétienne pour désigner le Paraclet, l'Esprit saint. Passé en français avec cette signification religieuse, le mot s'est répandu avec le sens courant de « personne qui console ».
■
CONSOLABLE adj. (v. 1450) est emprunté au latin classique consolabilis « qui peut être consolé », puis en bas latin « qui console ». Cette valeur est passée en français avant de disparaître au XVIIe s. au profit du sens passif actuel (1647).
■
INCONSOLABLE adj. (av. 1504), emprunté au latin inconsolabilis, lui sert d'antonyme et est devenu plus fréquent que le simple ; il a produit INCONSOLABLEMENT adv. (1488).
◆
L'exemple de cette formation en in- a inspiré INCONSOLÉ, ÉE adj. (1500) sur le participe passé consolé, et qui peut être substantivé (« le veuf, l'inconsolé », Nerval).
❏ voir
CONSOLE.
CONSOLIDER v. tr., réfection (1314) de consolder (XIIIe s.), est emprunté au latin consolidare, composé d'aspect déterminé en cum (→ co-) de solidare « rendre ferme », de solidus (→ solide). Consolidare signifie proprement « rendre plus ferme » et, à partir de l'époque chrétienne, se rencontre au figuré ; il a reçu des spécialisations en médecine et, à basse époque, en droit.
❏
La forme ancienne consolder est influencée par l'ancien français solder, variante de souder*. Le verbe a été introduit avec la spécialisation médicale de « cicatriser en rapprochant les bords d'une plaie ou les os ». L'idée de « réunir, rapprocher » est également réalisée en droit où consolider l'usufruit avec la propriété (XVIe s.) c'est « les réunir sur la même tête ». Le sens de « rendre plus solide, plus stable » est d'abord attesté au figuré (fin XVe s.). — Son emploi concret, aujourd'hui courant dans le domaine du bâtiment, pourtant attesté dès 1548, n'est pas relevé en 1690 par Furetière. Au XVIIIe s. est apparue l'expression annuités consolidées (1768), traduction de l'anglais consolidated annuities. Depuis 1835, le participe passé adjectivé est employé comme nom, au pluriel consolidés, pour désigner les fonds publics de la dette d'Angleterre. Consolider lui-même se dit en finance pour « convertir » (1789, consolider une dette).
❏
Les dérivés français datent tous du
XIXe s. :
CONSOLIDEMENT n. m. (1839),
CONSOLIDANT, ANTE adj. (1839),
CONSOLIDABLE adj. (1842) et
CONSOLIDATIF, IVE adj. (1845) sont rares.
■
CONSOLIDATION n. f. est emprunté (1314) au bas latin consolidatio, terme de médecine et de droit. Repris au XIVe s. dans ces deux spécialités (1345, en droit), le mot s'est répandu dans l'usage général au XVIIe s. avec un sens abstrait (1694) qui n'est suivi par un emploi au sens propre qu'un siècle plus tard (av. 1788, Buffon).
◆
L'emploi du mot en finance (1789, consolidation de la dette) est peut-être un emprunt sémantique à l'anglais consolidation attesté depuis 1785 dans cet emploi.
❏ voir
CONSOUDE.
CONSOMMER v. tr., d'abord consummer (v. 1120), puis consommer (v. 1570) d'après somme*, est emprunté au latin consummare, de cum « avec » (→ co-) et summa (→ somme), littéralement « faire le total de » d'où, en langue classique, « accomplir, mener à son terme, à son achèvement ». En latin chrétien, une confusion décisive a eu lieu entre consumere (→ consumer) et consummare, devenu synonyme de perdere « perdre » et destruere « détruire » ; elle a été favorisée par la contiguïté existant entre les idées de « mener à sa fin » et « détruire », notamment dans le contexte de la parousie chrétienne où l'achèvement des temps coïncide précisément avec la fin du monde. Ainsi s'expliquent non seulement la graphie et les sens initiaux de consommer mais une longue hésitation sémantique entre consommer et consumer jusqu'au milieu du XVIIe s., après la clarification du domaine de chaque verbe par Vaugelas (1647) et leur fixation par l'Académie française (en 1705).
❏
Le sens étymologique de « accomplir, parfaire » (fin XIIe s.), très vivant au XVIIe s. (on y emploie se consommer au sens de « se perfectionner »), a décliné depuis et s'est restreint à certaines locutions, telle consommer le mariage (1588), et à l'usage adjectif du participe passé (voir ci-dessous).
◆
Le sens dominant de consommer lui vient de sa confusion très ancienne avec consumer : c'est celui de « faire disparaître par l'usage » (1580), notamment en parlant de denrées et de sources d'énergie, quelquefois au figuré. Par spécialisation familière, le verbe se dit pour « boire une consommation dans un café », en emploi absolu (1844) Cf. consommation.
❏
CONSOMMÉ, ÉE p. p. est employé adjectivement avec le sens de « parfait en son genre » (v. 1570), en parlant d'une personne, d'une chose (1668,
art consommé).
◆
La même évolution sémantique aboutit de façon explicable à l'emploi très spécialisé du substantif
CONSOMMÉ n. m. (1590) « bouillon concentré où tout le suc de la viande est passé ».
■
CONSOMMABLE adj. (1580) a pris son sens moderne tardivement (1758) et produit l'antonyme INCONSOMMABLE adj. (1840).
◈
Deux mots de la même famille,
consommateur et
consommation ont développé de manière très active une spécialisation économique.
CONSOMMATION n. f., d'abord
consummaciun (v. 1120), est emprunté au latin
consummatio « accomplissement, achèvement, perfection » d'où, chez les auteurs chrétiens, « achèvement des temps, fin du monde ». Le mot, repris avec le sens du latin, d'usage littéraire en dehors de l'expression
consommation du mariage (1680), a suivi l'évolution de
consommer.
◆
Sous l'influence du verbe, il a commencé à désigner l'usage que l'on fait d'une chose pour satisfaire ses besoins (1580, B. Palissy,
consommation de bois), se spécialisant en économie dès le
XVIIe s. (av. 1657, Fontenelle,
consommation immense). Cet emploi s'est précisé au
XIXe s. et ce n'est qu'après 1945 que sont apparus, dans le contexte de l'économie capitaliste, les syntagmes
société de consommation, biens de consommation, etc.
◆
Le succès de cet emploi, articulé avec celui de
production, se marque par les composés apparus au
XXe s. :
SOUS-CONSOMMATION n. f. (1926),
AUTOCONSOMMATION n. f. (1952),
SURCONSOMMATION n. f. (1955).
Sous-consommation s'applique à un niveau de consommation inférieur aux possiblités offertes par l'offre (d'un produit). Plus couramment, le mot désigne une consommation inférieure à la normale.
◆
Le sens métonymique de
consommation pour « ce que l'on consomme » est restreint au langage de la restauration (1837) pour « boisson consommée au café ».
■
CONSOMMATEUR, TRICE n. et adj. (1525), emprunté au latin chrétien consummator, a suivi la même évolution, passant du langage théologique à l'usage courant en économie (1745) sous l'influence de consommer et de consommation, comme nom et comme adjectif. Il est employé spécialement à propos du client qui prend une consommation dans un café, un restaurant (1836).
◆
Récemment, avec le développement de la revendication pour la défense des intérêts du consommateur, sont apparus CONSUMÉRISME n. m. et CONSUMÉRISTE n. (1972), d'après l'anglo-américain consumerism (Ralph Nader) de to consume « consommer », de même origine. En 1975, consumérisme a été francisé en CONSOMMATEURISME n. m.
◆
CONSOMMATIQUE n. f., mal formé avec l'élément final -tique, parfois employé comme synonyme de consumérisme, est apparu en 1975 pour désigner l'ensemble des recherches ayant trait à la consommation.
❏ voir
CONSOMPTION.
CONSOMPTION n. f. est emprunté (v. 1275) au latin consumptio, nom formé sur le supin de consumere (→ consumer), désignant l'action d'employer, d'épuiser et, à époque chrétienne, d'anéantir, de détruire.
❏
Le sens de « destruction », propre au style biblique (Job, XXX, 24), a été abandonné sauf dans sa spécialisation liturgique relative à l'eucharistie (1666, consomption des espèces). À partir du XVIIe s., le mot, senti comme le nom correspondant à consumer — alors lui-même confondu avec consommer —, s'emploie aux deux sens d'« action de brûler », « d'être brûlé » (1694) et, jusqu'au XVIIIe s., de « utiliser en détruisant » (1617), Cf. consommer. Son sens moderne médical, « affaiblissement et amaigrissement accompagnant de graves maladies, notamment la tuberculose », est attesté depuis 1656 (une première fois en 1599). Il n'est pas indifférent, quand on sait l'importance de cette maladie dans la littérature anglaise, de noter que dès le XIVe s., consumptio était attesté dans le domaine anglais au sens de « maladie de langueur ». Souvent employé pour désigner la tuberculose, il est, de même que phtisie, sorti de l'usage à la fin du XIXe s., éliminé par tuberculose.
❏
CONSOMPTIF, IVE adj., d'abord consumptif (1314), est dérivé savamment du radical du latin consumptus, participe passé de consumere ou emprunté au latin médiéval consumptivus (av. 1150) « qui détruit », au figuré. Le mot a été introduit en médecine pour qualifier ce qui absorbe les humeurs du corps humain et ce dont la vertu caustique détruit les chairs, les excroissances (1672). Ces sens ont vieilli puis disparu. Le mot s'est maintenu au XIXe s. comme qualificatif d'une personne atteinte de consomption (1808), avant d'être abandonné au profit de tuberculeux.
CONSONNE n. f. est emprunté (1529) au latin impérial consona, mot de la langue des grammairiens qui est le féminin substantivé de l'adjectif consonus, proprement « dont le son se joint » (sous-entendu « à celui de la voyelle »), issu de consonare « produire ensemble un son », de cum « avec » (→ co-) et sonus (→ son).
❏
Consonne a concurrencé et éliminé les doublets plus anciens consonant (XIIIe-XVIe s.) et consonante (1546-1771), empruntés tous deux au latin impérial des grammairiens consonans, participe présent de consonare. Il a également perdu son ancien emploi adjectif (1694, lettre consonne).
❏
À la fin du
XIXe s., le mot a produit les dérivés
CONSONANTIQUE adj., (1872) d'après l'allemand, et
CONSONANTISME n. m. (1872) « système des consonnes d'une langue », termes de linguistique qui s'opposent à
vocalique et
vocalisme.
◈
D'autres mots du même groupe latin ont été empruntés par la langue musicale ou rhétorique :
CONSONANCE n. f., d'abord
consonancie (v. 1150) puis
consonance (1268), représente le dérivé latin
consonantia, littéralement « production de sons ensemble » d'où « identité du son final de deux ou plusieurs mots » et « affinité entre des sons ». Il est employé très tôt en rhétorique (1150), puis en musique (1377).
■
CONSONANT, ANTE adj. (v. 1165) représente le latin consonans, participe présent adjectivé de consonare, et s'emploie lui aussi en rhétorique et (1377) en musique.
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CONSONER v. intr. (v. 1228) représente le verbe latin. Il n'a pas gardé le sens de « dire, raconter » au-delà du XIIIe siècle. Le sens figuré, « aller de pair, s'accorder » (v. 1455) a vieilli au XVIIe s. et, bien que repris par Bernardin de Saint-Pierre (av. 1814), il demeure très archaïque. Seul le sens musical, « former un accord admis » (1853), développé à partir de consonance, conserve une certaine vitalité.
CONSORT adj. et n. m. est emprunté (v. 1370) au latin consors, proprement « qui partage le même sort », de cum (→ co-) et sors (→ sort), déjà employé à l'époque classique pour celui qui possède conjointement qqch. avec qqn, celui ou ceux qui possèdent en commun.
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Le mot a été employé au féminin consorte jusqu'à la fin du XVIe s. au sens de « compagne, épouse ». Le masculin seul s'est maintenu, généralement au pluriel (1392), avec la valeur péjorative de « comparse ». Il s'est spécialisé dans la langue juridique en parlant de ceux dont les terres se touchent (1606) et, en général, de ceux qui ont un intérêt commun dans une affaire (1635).
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En français de Suisse, le mot désigne un membre d'un consortage (ci-dessous).
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L'emploi le plus vivant est celui qui traduit (1669) l'anglais Queen-consort (1634) « époux de la reine », où consort représente l'ancien français. Prince consort s'applique à l'époux non couronné d'un souverain régnant d'où, par métaphore, à l'époux d'une femme possédant une renommée supérieure à la sienne ; c'est le seul emploi vivant du mot, en français d'Europe.
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Cependant, en français d'Afrique, l'expression ...et consorts s'emploie là où l'on dirait en France ...et compagnie, pour « et tout ce qui ressemble, et tout ce qui accompagne ».
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CONSORTAGE n. m. se dit en français de Suisse (1862) d'une association dont les membres exploitent en commun certaines ressources, par exemple un alpage, une bisse (canal), une construction, une route...
CONSORTIUM n. m. est probablement un emprunt à l'allemand Konsortium (XVIIe s.), pris au latin consortium « association ».
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Le mot désigne en économie un groupement (non institutionnel) d'entreprises ou de banques.
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L'adj. dérivé CONSORTIAL, AUX (1876) est rare.
L
CONSOUDE n. f., d'abord consoldre (XIIe s.) puis consoude (v. 1265), est hérité du bas latin consolida « plante de la famille des bourraches », de consolidare (→ consolider).
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La plante doit son nom à la réputation qu'avait l'une de ses espèces, la grande consoude ou consoude officinale, de consolider les chairs. On l'utilise aujourd'hui comme astringent.
CONSPIRER v. tr. ind. est emprunté (fin XIIe s.) au latin conspirare « être d'accord », « se liguer secrètement », « s'entendre contre ». Celui-ci est, de tous les composés de spirare « souffler » (→ aspirer, expirer, inspirer, soupirer), le seul à avoir uniquement un sens abstrait, moral, et l'on ne dispose d'aucune attestation du sens littéral de « souffler avec ».
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Le verbe, qui signifie « s'entendre, préparer (une action le plus souvent mauvaise) », est employé intransitivement. Il tolère aussi depuis 1390, une construction transitive (moins usitée). Un emploi absolu est enregistré en 1694.
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Par extension, il perd l'idée d'« hostilité », exprimant le fait de « contribuer à, s'accorder à » (v. 1580) avec un sujet désignant plusieurs choses ou, plus rarement, plusieurs personnes ; cette valeur, fréquente dans l'usage classique, est littéraire.
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D'après le latin médiéval
conspirator (v. 1190),
conspirer a produit
CONSPIRATEUR, TRICE n. et adj. (1302) « personne qui a machiné un forfait » et (1574) « personne qui se ligue avec d'autres ».
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CONSPIRATION n. f. (v. 1165) est emprunté au latin classique conspiratio « accord » et surtout, en mauvaise part, « complot ». D'abord employé en parlant d'un complot* politique, conspiration est également employé (1673) à propos d'une cabale dirigée contre une personne. Son autre sens de « concours de forces vers un même but » (1561) est archaïque.
CONSPUER v. tr. est emprunté (1530) au latin conspuere, composé d'aspect déterminé en cum (→ co-) de spuere « cracher ». Ce dernier a des correspondants dans les langues indoeuropéennes : vieux slave plĭvati « cracher », sanskrit sth'īvati « il crache », gotique speiwan « cracher », vieil islandais spýja, grec ptuein « cracher » (→ -ptysie). Cette variété de formes dans une racine expressive, comportant des valeurs actives avec une efficacité quasi magique, exclut la restitution d'un original indoeuropéen. Le crachat ayant dans la croyance populaire une valeur symbolique, conspuere « couvrir de crachats », équivaut à « mépriser ».
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Conspuer, à la différence de compisser, conchier, a seulement le sens symbolique de « huer, bafouer », notamment une personne publique, un acteur ; seuls certains emplois métaphoriques et littéraires utilisent la valeur étymologique de « cracher sur » (Bloy, Gide).
CONSTANT, ANTE adj. est emprunté (v. 1265) au latin constans « ferme, qui ne se laisse pas ébranler ». Cet adjectif, appliqué à une chose ou à une personne, a fourni un nom propre donné notamment à des martyrs chrétiens (Constantius, IIe s.). Il est le participe présent de constare, de cum « ensemble » (→ co-) et stare (→ état, station) « être d'aplomb », « se tenir debout » et « consister » (→ consister), employé à la forme impersonnelle constat « il est établi que » (→ constater). Ce verbe a lui-même été représenté en français par conster (av. 1475), aujourd'hui archaïque, spécialement dans la formule juridique il conste que (1546), concurrencée par il est constant que. Il s'est perpétué dans coûter*.
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Constant, ainsi que les mots de la même famille, a subi un glissement de sens : de l'idée de « ferme, résolu, inébranlable au sein des épreuves », il est passé à celle de « persévérant, fidèle », en particulier dans le domaine du sentiment amoureux. Appliqué à des choses abstraites (v. 1393, constant courage), il est entré dans la formule impersonnelle il est constant que (1660), calque du latin constat « il est certain, établi que », devenue archaïque.
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Il signifie surtout, aujourd'hui, « qui dure ; ininterrompu » (Pascal), parfois par une extension abusive « très fréquent ».
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Le féminin CONSTANTE est substantivé en sciences — opposé à variable — par ex. dans constante solaire (1832).
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De
constant est dérivé
CONSTAMMENT adv., d'abord
constanment (1414), qui a insensiblement glissé de « avec fermeté » à « continuellement » (1690), voire « sans cesse » au
XXe s., par l'intermédiaire de « avec persévérance ». Le sens de « de manière certaine, indubitablement » (1690), correspondant à l'emploi de la forme impersonnelle
il est constant que, est vieilli dès le
XIXe siècle.
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CONSTANCE n. f. (v. 1220), emprunté au latin
constantia, a presque perdu le sens latin chrétien de « fermeté d'âme » (1265), mais a conservé celui de « permanence, persévérance » (v. 1220), l'appliquant à l'action et aux sentiments, en particulier amoureux (
XVIIe s.). Il a même été étendu à l'idée de « patience » (dans
avoir la constance de supporter qqn). Contrairement à l'adjectif, le substantif réserve le sens de « caractère durable » à un usage didactique.
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Les antonymes INCONSTANT, ANTE adj. et n. (1265) et INCONSTANCE n. f. (v. 1220) sont empruntés aux dérivés latins inconstans et inconstantia avec une idée de mutabilité, d'instabilité.
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Appliqués à un être ou à une chose (1538), ils se sont spécialisés au XVIe s. dans le domaine des sentiments amoureux, et on a employé inconstance avec la valeur concrète d'« acte d'infidélité », par exemple dans le titre de la pièce de Marivaux La Double Inconstance (1723), là où l'usage moderne préfère infidélité : le couple constance-inconstance, lié à une idéologie baroque et classique de l'amour, est démodé depuis le XIXe siècle.
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INCONSTAMMENT adv. (1521) est archaïque.
CONSTATER v. tr. est relativement récent, même si l'on a tout lieu — en se fondant sur le dérivé constatation — de penser qu'il est antérieur à sa première attestation connue (1726). Il est formé à partir du latin constat « il est certain, établi que », troisième personne impersonnelle de constare « établir », qui est passé en français dans la formule juridique il conste que (calque du latin constat) et dans constant, son participe présent adjectivé, ainsi que dans coûter*.
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Le mot réalise l'idée d'un établissement de la vérité par expérience directe, à la fois dans le langage juridique, où il exprime le fait de consigner par écrit ce qui a été établi, et dans l'usage commun, où il fonctionne comme synonyme de se rendre compte.
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CONSTATATION n. f. est attesté isolément au
XVIe s. (1586), mais ne semble d'usage normal qu'à partir du
XIXe s. (1844), alors par dérivation de
constater (ci-dessus). Substantif d'action de ce verbe, il désigne surtout, par métonymie, le fait constaté.
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CONSTAT n. m. est un emprunt tardif (1890) à l'impersonnel latin constat, auparavant rendu par il conste que puis par il est constant que (→ constant) ; il se rattache à constater, par rapport auquel il joue le rôle de déverbal, passant d'un usage juridique ([procès-verbal de] constat) à la langue commune (un constat d'échec, etc.).
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CONSTATABLE adj., attesté pour la première fois en 1845, a été repris au début du XXe siècle.
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CONSTATEUR n. m. (1900), « celui qui fait des constats », se dit aussi d'un appareil enregistrant les horaires d'arrivée des pigeons voyageurs.
❏ voir
CONSISTER.
CONSTELLATION n. f., d'abord écrit contellacion (v. 1278) puis constellation (1538), est emprunté au bas latin constellatio « position respective des astres », terme employé par les astrologues, composé de cum (→ co-) et de stella (→ étoile).
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Le mot signifie « position respective des astres » et, par métonymie, « groupe d'étoiles formant une figure » (1538). Il est employé par métaphore en parlant d'un groupe d'objets brillants, de personnes remarquables (1845) — Cf. Pléiade — et, par analogie, d'un ensemble de choses abstraites liées entre elles.
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Son dérivé
CONSTELLER v. tr. est apparu beaucoup plus tard dans la langue poétique (1838, Lamartine) au sens de « parsemer d'étoiles ». Il est lui aussi employé au sens métaphorique de « parsemer (une chose) de points brillants » (1866).
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Il a été précédé dans cet emploi par l'adjectif CONSTELLÉ, ÉE. Ce dernier (1519), dérivé du radical de constellation ou emprunté au latin constellatus, est d'abord attesté chez un auteur du XVIe s. dans un sens obscur, « aérien », « répandu dans le ciel », « stellaire », avant d'être repris au sens de « garni d'étoiles » (1752), probablement sous l'influence de l'italien costellato, de même origine.
CONSTERNER v. tr. est emprunté (v. 1355) au latin consternare « effaroucher, épouvanter, bouleverser ». Celui-ci est composé de cum (→ co-) et de °sternare, forme intensive de sternere « étendre, coucher, couvrir », issu de la racine indoeuropéenne °ster- « étendre » (→ estrade, strate, stratège). Sternere a distribué l'idée d'« abattre » entre consternere, pour la valeur physique, et consternare, pour la valeur morale.
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Consterner, rare avant le XVIIe s., possède encore en langue classique le sens fort du latin. Il s'est progressivement affadi en « abattre moralement ». Quelques rares emplois réalisent le sens physique de « abattre, terrasser (un ennemi) » entre 1642 et 1734, par emprunt au doublet latin consternere.
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CONSTERNATION n. f. est emprunté (v. 1355) au dérivé latin
consternatio avec le sens particulier de « mutinerie, sédition » issu de celui de « bouleversement ».
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Il a pris son sens moderne d'« abattement moral » au début du
XVIe s. (1508-1517), mais celui-ci est resté rare avant le
XVIIe siècle.
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CONSTERNANT, ANTE adj., participe présent de consterner, est employé comme adjectif depuis 1845. Tous les mots de cette série se sont affaiblis mais gardent une valeur plus forte que les dérivés d'étonner (d'abord « frapper comme le tonnerre ») et d'ennuyer*.