CONSTIPER v. tr. est emprunté (XIVe s.) au latin constipare « serrer, presser, entasser » (également pronominal), employé spécialement dans la langue médicale par opposition à laxare (→ laxatif). Constipare est le composé d'aspect déterminé en cum (→ co-) de stipare « rendre raide, compact » d'où « serrer, bourrer », lequel appartient à une série indoeuropéenne également représentée dans le lituanien stimpù, stìpti « se raidir », le vieil anglais stif (anglais stiff) « raide », le grec steibein « fouler, endurcir en foulant » (→ stipuler).
❏  Le mot s'est spécialisé dans son acception médicale. Par transposition au moral, il s'emploie également dans la langue moderne avec le sens de « rendre anxieux, embarrasser », d'ailleurs rare.
❏  Le participe passé CONSTIPÉ, ÉE a fourni un adjectif (fin XIVe s., ventre constipé) devenu courant, souvent substantivé (les constipés), et beaucoup plus usuel que le verbe en emploi métaphorique, pour « qui se retient, est incapable de donner, de s'exprimer ».
■  CONSTIPANT, ANTE adj. (1843) n'est guère employé qu'au sens physiologique.
CONSTIPATION n. f. (fin XIIIe s.) est emprunté au latin constipatio « action de resserrer » d'où « concentration, resserrement, par exemple de l'armée », spécialisé dans la langue médicale aux IVe-Ve siècles. Le mot français a repris le sens physiologique du latin médical et correspond à « fait d'être constipé ».
+ CONSTITUER v. tr. est emprunté (XIIIe s.) au latin constituere, de cum (→ co-) et statuere (→ statuer), littéralement « mettre debout », d'où au figuré « établir (qqn) dans une situation légale », « instituer (qqch.) », « fonder ». Au passif, le verbe signifie « être bien conformé physiquement » et, plus généralement, « être composé de ».
❏  L'emploi pronominal pour « prendre rang, s'établir dans une cité » est sorti d'usage mais annonce le développement du sens général de « mettre, établir » (v. 1370) et sa spécialisation juridique, « établir (qqn) dans une situation légale, à un poste de responsabilité » (1475), sens avec lequel le mot est proche de l'autre composé instituer. Il est réalisé dans quelques locutions verbales pronominales dont se constituer prisonnier (1795). C'est encore dans la langue du droit que la construction constituer qqch. à qqn est apparue (1549) au sens de « créer qqch. à l'intention de qqn ». Dans la langue classique, l'emploi du verbe était même étendu à l'usage commun pour « confier une responsabilité à qqn ». ◆  Le sens courant de « contribuer à former un tout » ou « former l'essence de » (selon que le sujet est au pluriel ou au singulier) est enregistré par Furetière (1690). En procède logiquement, malgré le décalage chronologique, celui de « créer, organiser » (1611), lequel a fait fortune à partir de la fin du XVIIIe s. dans un contexte politique (1791), à propos des institutions de la France révolutionnaire (voir les dérivés) ; cet emploi vient de celui de constitution (ci-dessous).
❏  Les dérivés de constituer se distribuent comme lui entre le vocabulaire juridique et le lexique courant.
■  Le participe présent CONSTITUANT a été substantivé (1476) avec le sens de « celui qui confère un droit », tout en assumant, en emploi adjectivé, le sens courant de « entrant dans la composition de » (1572).
■  Son féminin CONSTITUANTE a été substantivé en 1789 par ellipse d'Assemblée constituante, dénomination adoptée le 9 juillet 1789, en remplacement de celle d'Assemblée nationale* (17 juin 1789, Sieyès), après que les députés du tiers état eurent juré de ne pas se séparer avant d'avoir donné une constitution au royaume (serment du Jeu de paume, 20 juin 1789). ◆  Le participe passé CONSTITUÉ, ÉE se partage, dans ses emplois adjectifs, entre le sens de « disposé, organisé » (1690, en parlant de la constitution physique de l'homme) et sa spécialisation dans le vocabulaire des institutions : depuis 1789, il y qualifie ce qui est établi en vertu de lois, d'une constitution, dans le syntagme corps constitué.
■  CONSTITUTIF, IVE adj. (1488), dérivé savant de constituer avec le sens juridique de « qui établit légalement », a repris au bas latin constitutivus le sens de « qui constitue une chose », introduit par le vocabulaire médical (1550).
CONSTITUTION n. f., d'abord constituciun (v. 1160), est emprunté au dérivé latin constitutio « état, situation, disposition générale ; loi politique ». En plus de son acception juridique, il a pris le sens de « création, organisation (en parlant alors de la création du monde) » et (1549) le sens courant de « manière dont une chose complexe est composée ». ◆  Il se définit notamment dans le cadre des institutions religieuses comme l'ensemble des lois, des préceptes transmis par la tradition (1564), puis également, dans le cadre des institutions civiques (1683), comme l'ensemble des textes déterminant la forme du gouvernement d'un pays. Cependant, l'Ancien Régime ne connaît pas de constitution au sens moderne du mot : les Lois fondamentales, coutumières et non écrites définissent les institutions gouvernementales mais non pas le statut politique de la nation française. La première Constitution, au sens moderne, est l'œuvre de l'Assemblée constituante en 1791. ◆  Spécialement, on entend par Constitution civile du clergé l'organisation du clergé français décrétée par la loi du 12 juillet 1790.
■  Constitution a produit CONSTITUTIONNEL, ELLE adj. et n. (1729, comme nom signifiant « partisan de la Bulle ») au sens religieux de constitution. Employé comme adjectif (1765), ce mot a notamment développé une acception physiologique et, d'après l'anglais constitutional (1730), une acception politique (1775) qui a suivi l'histoire révolutionnaire et postrévolutionnaire du nom constitution. ◆  À son tour, l'adjectif a produit une importante série de dérivés en ce domaine : INCONSTITUTIONNEL, ELLE adj. (1775, probablement d'après l'anglais), INCONSTITUTIONNELLEMENT adv. (1783), ANTICONSTITUTIONNEL, ELLE adj. (1769) et ANTICONSTITUTIONNELLEMENT adv. (1803) rendu célèbre par sa réputation (d'ailleurs relative et arbitraire) de plus long mot de la langue française.
■  On peut citer aussi CONSTITUTIONNALITÉ n. f. (1797), CONSTITUTIONNALISER v. tr. (1830), CONSTITUTIONNALISME n. m. (1828) et CONSTITUTIONNALISTE n. m. (1845), ces deux derniers passés du vocabulaire politique à celui de la psychologie.
Par préfixation, constituer est à la base de RECONSTITUER v. tr. (1534 ; repris en 1790), notamment employé au sens de « rétablir dans son état originel, dans sa forme ancienne » (1890) et, au figuré, « faire revivre par l'évocation ».
■  Ce dernier verbe a produit le nom et adjectif RECONSTITUANT, ANTE (1845), spécialisé dans le langage médical, et RECONSTITUTION n. f. (1734) employé en médecine, en droit criminel, en archéologie et en parlant d'une évocation historique.
CONSTRICTION n. f. est emprunté (1314) au bas latin constrictio « action de resserrer », très fréquent en contexte médical. C'est un dérivé du supin de constringere (→ contraindre), composé de cum (→ co-) et de stringere « serrer, étreindre, presser, contracter » (→ strict).
❏  Le mot a été introduit en médecine avec le sens de « compression », opposé à dilatation. Il s'est répandu en physiologie et en pathologie, y compris en physiologie animale et en médecine vétérinaire. Sous l'influence de constrictive, il est passé en phonétique à propos d'un resserrement du conduit vocal. Certains écrivains (Bloy, Gracq) s'en servent comme d'un synonyme de compression pour évoquer une sensation subjective de serrement des tempes, du cœur, de la poitrine.
❏  CONSTRICTIF, IVE adj. et n. f., emprunt médical (1363) au bas latin constrictivus « qui a la propriété de resserrer », lui-même fréquent en contexte médical, a reçu un sens spécial en phonétique (1929).
■  CONSTRICTEUR adj. et n. m. est dérivé savamment (av. 1718) du radical de constrictum, supin de constringere, pour nommer un muscle dont la contraction exerce une compression sur un organe. On le rencontre comme second élément de quelques composés, tels broncho-constricteur, vaso-constricteur. ◆  Dès le XVIIIe s., il a été repris en zoologie où, soit sous la forme constrictor du latin scientifique (1754), soit sous la forme francisée constricteur (1845, au pluriel), il désigne un grand serpent qui étouffe sa proie dans ses anneaux (surtout dans boa constrictor, emprunt [1869] au latin zoologique).
CONSTRUIRE v. tr. est emprunté (XIIIe s.) au latin construere « entasser par couches avec ordre, ranger », et aussi « empiler, édifier » (au propre et au figuré, spécialement dans un contexte grammatical). Ce verbe est composé de cum (→ co-) et de struere, mot de sens analogue dont le radical stru- est peut-être une forme de la racine indoeuropéenne °ster- « étendre » (→ estrade, strate ; consterner, prosterner) : de là l'idée initiale d'« entasser par couches ».
❏  Le mot est introduit en grammaire en emploi pronominal, puis également transitif (av. 1530, construire une phrase). Depuis 1466, il est employé au sens courant de « bâtir, édifier » (au propre et, d'abord, au figuré), « structurer ». Depuis le XVIIe s. (chez Furetière en 1690), il s'utilise spécialement en géométrie en parlant de l'élaboration d'une figure.
❏  CONSTRUCTION n. f. (1130) est emprunté au latin constructio, formé d'après le supin de construere. Il possède tous les sens du verbe, y compris sa spécialisation en grammaire (1225-1250), et s'emploie couramment, par métonymie, au sens de « chose construite » (1635, au propre et au figuré) et notamment sert de générique pour maison, immeuble, etc.
■  CONSTRUCTIF, IVE adj. (1487 ; rare av. 1863) représente le latin constructivus. Cet adjectif a pris une valeur figurée, proche de positif. ◆  Il a fourni la base de CONSTRUCTIVITÉ n. f. (1840) et des termes d'histoire de l'art CONSTRUCTIVISME n. m. et CONSTRUCTIVISTE adj. et n. (1925). Ceux-ci ont d'abord été appliqués à un mouvement artistique russe, né sous l'impulsion des sculpteurs Tatline et Gabo entre 1913 et 1920, et visant à donner à la civilisation du XXe siècle une nouvelle logique plastique, fondée sur la valorisation de la structure.
■  CONSTRUCTEUR, TRICE n., emprunté (XIVe s.) au latin constructor, s'est répandu dans la seconde moitié du XVIIe s., essentiellement avec un sens concret, recouvrant les notions d'« architecte », « maçon », « promoteur immobilier ».
■  CONSTRUCTIBLE adj., attesté isolément au XVe s. (1487) et alors emprunté au bas latin constructibilis, a été reformé au XIXe s. (1863) ; CONSTRUCTIBILITÉ n. f. (1863) en est dérivé. Ces mots sont usuels en administration et urbanisme, de même que INCONSTRUCTIBLE adj. (1920) « inapte à recevoir des constructions, selon les règles administratives en vigueur » (zone inondable, inconstructible).
RECONSTRUIRE v. tr. (1549) s'applique aux bâtiments détruits, au figuré (av. 1790) à une fortune, une organisation et, en sciences (XIXe s.) à une réalité disparue. Au verbe correspond un nom d'action RECONSTRUCTION n. f. (1728), devenu usuel en sciences pour « reconstitution », notamment en linguistique historique, et un nom d'agent RECONSTRUCTEUR, TRICE, aussi adjectif (1868, chez Daudet), ce dernier ayant une application récente en politique.
■  DÉCONSTRUIRE v. tr. (1798) et le dérivé DÉCONSTRUCTION n. f. (1845) ont pris en philosophie une valeur spéciale avec Jacques Derrida pour « analyser critiquement (un système) en défaisant ses éléments ».
❏ voir DÉTRUIRE, INSTRUIRE.
CONSUBSTANTIEL, IELLE adj. est emprunté (av. 1405) au latin ecclésiastique consubstantialis « qui est de même substance », notamment en parlant du Fils par rapport au Père, et du Christ par rapport à l'humanité. Le mot est formé de cum « avec » (→ co-) et de substantia (→ substance) avec un suffixe d'adjectif.
❏  Consubstantiel, introduit en théologie, a reçu, par extension dans l'usage littéraire, le sens de « naturellement uni ou intégré à » (XIVe s., puis 1580).
❏  Il a produit CONSUBSTANTIELLEMENT adv. (1690).
■  CONSUBSTANTIALITÉ n. f. (XIIIe s.) est emprunté au latin ecclésiastique consubstantialitas « unité, identité de substance » (en parlant des personnes de la Trinité).
■  Quant à CONSUBSTANTIATION n. f. (1567), adaptation du latin du XVIe s. consubstantiatio, c'est un terme forgé par les luthériens au sens de « présence réelle du corps et du sang du Christ dans le pain et le vin de l'eucharistie », par opposition à transsubstantiation. Le latin chrétien possédait consubstantiatio (VIe s.) à propos du mélange des substances divine et humaine dans le Christ. Ces deux noms, moins que l'adjectif, sont employés dans le style littéraire avec une valeur figurée.
CONSUL n. m. est un emprunt, d'abord sous les formes francisées concile (1213), console (v. 1268) puis sous la forme savante consul (v. 1370), au latin consul. Ce mot, probablement déverbal de consulere (→ consulter), désignait un magistrat romain puis, à l'époque médiévale, un conseiller du roi (IXe s.), un comte (Xe s.), le chef élu d'une colonie marchande (1182) et le magistrat élu d'une municipalité, notamment en Italie (1088). La forme ancienne concile est probablement l'effet d'une confusion avec concilium (→ concile).
❏  Le mot a été emprunté comme terme d'histoire romaine, désignant un magistrat élu par le peuple pour un an, qui exerçait le pouvoir suprême avec un collègue sous la République, ne conservant qu'un titre honorifique sous l'Empire. ◆  Dès la fin du XIIIe s., le titre de consul (alors conseuz) était appliqué aux membres des conseils des villes méridionales qui bénéficiaient de l'autonomie municipale (à Toulouse, on les appelait les capitouls). Le succès de l'institution consulaire moderne fut très grand en raison de la représentation de principe de toutes les catégories sociales et de son système collégial. ◆  Sous l'Ancien Régime, les municipalités ayant perdu la plupart de leurs pouvoirs, les consuls, moins nombreux, ne conservent guère que des fonctions de justice : depuis le XVIe s. (1563), on appelle consuls certains juges des tribunaux de commerce, recrutés parmi d'anciens officiers municipaux. ◆  En 1799, le titre est donné aux trois magistrats auxquels la Constitution de l'an VIII confie le gouvernement (1799-1804). Le Premier consul, Napoléon Bonaparte, a confisqué le titre avec le pouvoir.
■  Enfin, le terme désigne, en diplomatie, des officiers destinés à défendre les intérêts français à l'étranger, notamment dans les ports et grandes cités commerçantes (XIIIe s.) ; ce sens s'est précisé dans la diplomatie moderne en « agent appartenant au corps consulaire », distinct du corps diplomatique.
❏  Consul a pour composé VICE-CONSUL n. m. (1591), d'où VICE-CONSULAT n. m. (1718), toujours employé en diplomatie.
CONSULAT n. m., d'abord consolat (1246), consolet (v. 1268), refait savamment en consulat (v. 1355), est emprunté au dérivé latin consulatus « charge, dignité de consul romain », attesté à l'époque médiévale au sens de « charge d'un magistrat municipal dans les villes du midi de la France et en Italie ». ◆  Le mot a suivi l'évolution de sens de consul, passant de l'institution médiévale et romaine (v. 1268) au langage diplomatique (1690) et à la dénomination du régime politique établi en France par la Constitution de l'an VIII (1799).
■  CONSULAIRE adj., emprunté (v. 1295) au dérivé latin consularis, a connu le même type d'évolution, mais avec quelque retard : son emploi dans le domaine de la diplomatie est seulement attesté en 1803. ◆  Il a pour dérivé CONSULAIREMENT adv. (1690).
■  Le composé PROCONSUL n. m., emprunté à date ancienne (1140) au latin proconsul avec son sens d'origine, a développé au XXe s. le sens figuré de « personne exerçant un pouvoir despotique », par une extension analogue à celle de dictateur.
CONSULTER v. est emprunté (1410) au latin consultare « délibérer » et « interroger, prendre conseil », fréquentatif de consulere (→ conseil, consul), mot d'origine obscure.
❏  Jusqu'au XVIe s., consulter est employé aux sens de « délibérer de qqch. » (consulter de qqch.) et de « conférer sur un sujet » (1468, consulter qqch.) ; ses acceptions modernes sont apparues au XVIe s. : en constructions absolue et (1585) transitive « prendre conseil de qqn » (1549), « donner des consultations » en parlant d'un homme de loi, d'un médecin (1549), et « regarder (un texte) pour y trouver un renseignement » (1585). Le verbe est archaïque en construction intransitive aux sens d'« examiner un cas en en discutant » et de « s'interroger soi-même, hésiter », l'un et l'autre très fréquents au XVIIe s. ; seule la spécialisation médicale du premier, « examiner un cas médical à plusieurs médecins », s'est maintenue dans l'usage moderne.
❏  CONSULTEUR n. m. (1458) a probablement été dérivé du verbe d'après le latin consultor « conseiller », du supin de consulere. Il a perdu le sens général de « conseiller » pour se spécialiser en termes de religion à propos d'un théologien qualifié, chargé par le pape d'étudier à fond certaines questions.
■  CONSULTANT, ANTE adj. tiré (1584) du participe présent, a été substantivé dès le XVIe s., d'abord au sens (1636) de « personne demandant une consultation » puis de « personne qui consulte un médecin ». Le verbe consulter ayant, comme apprendre, les deux valeurs complémentaires de « donner » et « requérir » (des informations), consultant est surtout pris au sens de « conseiller », avec une fortune particulière, récemment, dans les titres de professions libérales : consultant éditorial, consultant financier, etc. (Cf. conseil).
■  1 CONSULTE n. f., le déverbal de consulter (1583), a gardé son sens de « consultation » dans l'usage régional et la langue populaire. Il a pour composé senatus-consulte.
■  Au XVIIe s., consulter a produit CONSULTATIF, IVE adj. (1608), d'usage juridique, qualifiant ce qui a pouvoir et qualité d'émettre des avis, mais non de décider ou de voter, et CONSULTABLE adj. (1660) auquel correspond un antonyme INCONSULTABLE adj. qui semble récent.
CONSULTATION n. f. (v. 1355, consultacion) est emprunté au latin consultatio, de consultare avec le sens de « délibération à plusieurs », surtout de nos jours en médecine (1625). ◆  Comme pour le verbe, les sens modernes courants se sont dégagés au XVIe s., le mot désignant le fait de prendre avis de qqn (1538) et de regarder une documentation (1580). Au XVIIe s., il s'est spécialisé en droit (1636) en parlant de l'avis motivé donné par un homme de loi. Il est aujourd'hui plus courant pour « examen d'un malade par un médecin ».
■  2 CONSULTE n. f. (1708), « conseil collectif du pape », est emprunté en ce sens à l'italien (sacra) consulta (1588), déverbal de consultare « consulter ». Après avoir désigné une assemblée judiciaire en Suisse et en Italie, il désigne en Corse une large assemblée réunie pour débattre d'un problème important.
CONSUMER v. tr. est emprunté (v. 1120-1150) au latin consumere, composé d'aspect déterminé, en cum (→ co-), de sumere « prendre pour soi », « se charger de », lui-même contraction d'un °sus(e)mere. Ce dernier est formé à partir du verbe emere « prendre, acheter » (→ somptueux). Consumere, littéralement « prendre entièrement », signifie plus particulièrement « consommer, épuiser, dépenser » (→ consommer) et, pris en mauvaise part, « détruire, notamment par le feu ».
❏  Le verbe français est longtemps resté dépendant de tous les sens latins : depuis le XIIe s., il signifie « épuiser les forces de (qqn) » et « détruire progressivement (une chose) » quel que soit l'agent. Au XVIe s., il prend le sens latin de « dissiper, épuiser » (1538), en parlant d'un bien ou d'une nourriture, et s'emploie (sans connotation négative) au sens d'« accomplir », de sorte qu'il est synonyme de consommer* jusque dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Depuis, il s'est restreint au sens de « détruire entièrement sous l'action du feu » (1546), si bien que toute trace d'un sens antérieur est sentie comme un emploi métaphorique de celui-ci.
❏  Les dérivés, peu nombreux, sont d'usage littéraire. CONSUMABLE adj., attesté au XIVe s., reparaît en 1842 sans se répandre.
■  CONSUMATION n. f., après une attestation isolée au XVe s. en association avec consomption*, a longtemps interféré avec consommation (dès le XVe s., consoumacion dou mariaige). ◆  Il a été repris par Georges Bataille (1943, L'Expérience intérieure) pour ses valeurs étymologiques de « dépense », « excès », outre celle de « destruction violente ».
CONSUMÉRISME → CONSOMMER
CONTACT n. m. enregistré en 1611, peut-être attesté en 1586, est un emprunt relativement tardif au latin contactus, nom issu du participe passé de contingere « toucher » (→ contingent), composé d'aspect déterminé, en cum (→ co-) de tangere, de même sens (→ tangible). Contactus et contagio (→ contagion), issus du même verbe, désignent à la fois le toucher en général et le toucher infectieux en particulier.
❏  Contact n'a repris que le sens général. Concurrencé par l'emploi substantivé de l'infinitif toucher, plus ancien, il est longtemps marqué par un usage didactique, en géométrie avec point de contact (1753), en géologie, chimie, photographie. Deux des emplois spécialisés, pris à l'anglais contact, sont entrés dans l'usage courant : au XXe s., contact électrique (absolument contact) avec une spécialisation en automobile, dans l'expression clé de contact (appelée simplement contact en français d'Afrique) ; d'autre part, lentilles de contact (v. 1950) est un calque de l'anglais contact lenses.
■  Le sens figuré de « relation entre personnes » est apparu au début du XIXe s. (1802, de Bonald), probablement lui aussi d'après l'anglais contact ; il s'est répandu au XXe s., avec le développement des techniques de communication et des sciences humaines (anthropologie, psychologie), et a donné lieu à un sens métonymique (un contact : « la personne en contact »). Contact entre dans les locutions usuelles en contact avec, au contact de et accompagne fréquemment les verbes mettre, perdre, garder, prendre, certaines constructions s'étant d'abord répandues dans un contexte militaire. ◆  Sous l'influence du verbe contacter, un contact se dit (années 1960-1970) pour « personne avec laquelle on est en contact, avec laquelle on peut prendre contact ».
❏  CONTACTER v. tr., proposé par Richard de Radonvilliers (1842) comme un enrichissement de la langue française, doit à l'influence de l'anglais to contact la valeur effective de « se mettre en relation avec qqn ». Malgré les critiques des puristes, il s'est répandu vers 1940, produisant le préfixé itératif RECONTACTER v. tr. (XXe s.).
■  CONTACTEUR n. m. est un terme technique désignant (1927) l'appareil établissant un contact électrique.
CONTAGION n. f. est emprunté (1375) au latin contagio, de cum (→ co-) et d'un dérivé du radical de tangere « toucher » (→ tangible). Contagio est synonyme de contactus (→ contact), mot de même signification étymologique, avec le sens général de « toucher, attouchement » et la valeur spéciale de « contact infectieux ». Contrairement à ce qui s'est produit en français, c'est contagio, avec ses valeurs figurées (surtout négatives) qui est le plus abstrait.
❏  Le mot, apparu avec la valeur morale d'« influence pernicieuse », est attesté avec son sens médical au XVIe s. (1538) ; par spécialisation et métonymie, il servit même (1596) à désigner la maladie contagieuse par excellence, la peste. ◆  Par extension, il a développé l'acception figurée de « transmission involontaire, influence » sans valeur péjorative, par exemple dans le domaine de l'inspiration en art ou dans celui des influences, en sciences humaines, Cf. contamination, en linguistique.
❏  Son dérivé verbal CONTAGIONNER v. tr. (1845) n'a pas concurrencé contaminer, pas plus que ses dérivés CONTAGIONNEMENT n. m. (1918) et CONTAGIONNANT, ANTE adj. (1925) de loin moins employés que contagion et contagieux.
■  CONTAGIEUX, EUSE adj., emprunté (v. 1300) au latin contagiosus avec sa spécialisation médicale, a reçu le sens figuré de « qui se communique spontanément » (1665). ◆  On en a dérivé CONTAGIEUSEMENT adv. (déb. XVIIe s.).
■  Quant à CONTAGIOSITÉ n. f. (1425), formé savamment sur le radical du latin contagiosus, il a disparu au XVIe s. pour être réintroduit au milieu du XIXe s. (1863).
CONTAMINER v. tr. est emprunté (1215) au latin contaminare, proprement « entrer en contact avec », essentiellement attesté avec la valeur péjorative de « souiller par contact », plus généralement « souiller » (au physique et au moral). La langue littéraire l'emploie au sens spécial de « rendre méconnaissable en mélangeant ». Le mot, formé avec le préverbe cum (→ co-), a été rattaché par les Latins à tangere « toucher » (→ tangible). Il suppose un °taminare qui, à son tour, postule un °tamen, « fait de toucher, contact impur », lequel pourrait être un ancien terme du vocabulaire religieux.
❏  Le mot est un terme religieux passé dans la langue médicale. Le sens initial de « souiller par un contact impur » est sorti d'usage au XVIIe s. et est qualifié de « vieux » par Furetière (1690). ◆  Il a été repris en médecine (1863), se répandant dans le langage courant au détriment de contagionner. Les connotations péjoratives, liées au contexte de la pathologie, ont coloré le sens figuré, « changer la nature de qqch., altérer ».
❏  CONTAMINATEUR, TRICE adj. et n. m. (1561), autrefois appliqué à la personne qui endommage, se dit surtout de l'agent de transmission d'une maladie vénérienne.
■  CONTAMINABLE adj., lui aussi employé au XVIe s. avec un autre sens, qualifie (1863) ce qui peut être contaminé.
CONTAMINATION n. f., emprunté par la langue biblique (v. 1350) au latin chrétien contaminatio, a suivi l'évolution du verbe et pris son sens médical moderne vers 1866. Par analogie, il a été repris en linguistique (1890-1906, Meyer-Lübke) à propos de l'influence exercée par une forme linguistique sur une autre (sans connotation négative).
CONTE → CONTER
CONTEMPLER v. tr. est emprunté (fin XIIIe s.) au latin contemplari (simultanément contemplare) au double sens de « regarder attentivement » et « considérer par la pensée ». Ce verbe a eu le même développement sémantique que considerare qui a donné considérer* : à l'origine, terme de la langue augurale — il est composé de cum (→ co-) et de templum au sens ancien de « espace carré délimité dans le ciel et sur terre par l'augure, pour interpréter des présages » (→ temple) —, il s'est laïcisé en passant dans l'usage commun.
❏  Contempler et considérer, quasi synonymes en latin, se sont différenciés en français : contempler est plus fréquent au sens physique de « regarder en s'absorbant dans la vue de l'objet » ; au sens abstrait (v. 1450), il réalise une idée de « méditation » absente dans considérer.
❏  Les mots de la même famille présentent une spécialisation mystique héritée du latin chrétien : CONTEMPLATION n. f. (v. 1174) est emprunté au dérivé latin contemplatio « action de considérer attentivement par les yeux et la pensée », spécialement « Dieu et les choses divines » dans les textes chrétiens. Ce nom, substantif d'action de contempler, s'est spécialisé dans les domaines intellectuel (v. 1278) et religieux, voire mystique (v. 1223, sainte contemplation).
■  L'adjectif correspondant, CONTEMPLATIF, IVE (v. 1170) est emprunté au latin contemplativus « spéculatif » et, chez les auteurs chrétiens, « mystique ». Il est spécialement employé dans le domaine abstrait de la méditation intellectuelle (philosophie, psychologie) et religieuse. Il a repris au latin chrétien son emploi substantivé en parlant d'un religieux dévoué à la contemplation (XIIIe s.), et a produit l'adverbe rare CONTEMPLATIVEMENT (XIIIe s.).
■  CONTEMPLATEUR, TRICE n., emprunt (v. 1355) au dérivé latin contemplator, a éliminé son doublet populaire contemplor (fin XIIe s.). Il a perdu ses anciens emplois adjectifs au profit de contemplatif.
CONTEMPORAIN, AINE adj. et n. est emprunté (v. 1460) au bas latin contemporaneus, de cum « avec » (→ co-) et tempus (→ temps), avec son sens propre de « qui est du même temps, de la même époque ».
❏  Le mot, qui a gardé le sens du latin, se construit avec les prépositions de et à, ou absolument, par référence au contexte (art contemporain) ; il prend alors une valeur intensive par rapport à moderne, supposant la simultanéité avec l'expérience de celui qui parle. Son emploi substantivé, « personne qui vit en même temps (que l'énonciateur) », a supplanté le moyen français contemporané (1575) et s'est répandu au XVIIIe siècle. ◆  Des contemporains, en français de Suisse, sont des personnes nées la même année. Le mot s'emploie peu en français de France, où l'on dira que des personnes sont contemporaines, mais est usuel en français de Suisse, dans le contexte des sociétés, amicales (le nom est dans Ramuz, en 1930). En Suisse, ce nom a pour équivalent allemand Jahrgänger, dans le même contexte.
❏  Le dérivé CONTEMPORANÉITÉ n. f. (1798), d'usage didactique, a servi à exprimer l'état actuel en art et en littérature, envisagé sous le rapport de ce qui le caractérise. Il a ainsi concurrencé modernité. De nos jours, il est surtout employé à propos de la simultanéité de deux faits.
CONTEMPTEUR, TRICE adj. et n. est emprunté (1449) au latin contemptor « qui dédaigne, qui méprise », dérivé du supin de contemnere « mépriser, tenir pour négligeable ». Ce verbe est le composé d'aspect déterminé en cum (→ co-), attesté depuis Plaute et très employé, de temnere « mépriser », lui-même rare et d'usage poétique. Aucun des rapprochements tentés, par exemple avec le grec temnein « couper », ne repose sur une base solide.
❏  L'adjectif, au sens de « dédaigneux, dénigreur », condamné par Vaugelas (1647) et l'Académie française (1705), s'est relativement bien maintenu dans la langue soutenue.
❏  Il en va tout autrement des mots de la même famille, CONTEMNER v. tr. (v. 1350, contempner), CONTEMPTIBLE adj. (v. 1282, contentible) et CONTEMPTION n. f. (av. 1539), tous empruntés à des mots latins, et qui sont rares puis abandonnés dans la langue classique. Ils ont été repris, très rarement et dans un style littéraire, par certains auteurs de la fin du XIXe s. (Goncourt, Péladan) et du XXe s. (Gide, Jouhandeau).
CONTENIR v. tr. et pron. est emprunté (1050) au latin continere, de cum (→ co-) et tenere (→ tenir), littéralement « maintenir ensemble », d'où « embrasser, enfermer en soi » et, en particulier, « réprimer, réfréner ».
❏  Le verbe a été employé à la forme pronominale au sens de « se comporter, avoir telle attitude », demeuré dans le dérivé contenance. Dans le domaine du comportement, se contenir s'est restreint à la signification de « s'empêcher de ressentir, d'exprimer quelque sentiment vif » (1080), notamment dans avoir du mal à se contenir (1548) « à contrôler un débordement d'émotion, de colère ». ◆  Ce sens psychologique a rejoint l'idée générale de « renfermer en soi » (XIIe s.), réalisée concrètement pour « avoir une certaine capacité » (1530) et, abstraitement en parlant des idées, du signifié d'un document avec la valeur restrictive de « se retenir » (1538). ◆  Le sens étymologique a été réalisé en moyen français, intransitivement pour « former un tout cohérent » et transitivement avec le sens de « maintenir unis » (v. 1560).
❏  Le dérivé verbal CONTENANCE n. f. (1080) est apparu au sens de « manière de se conduire, de se comporter » et l'a gardé, contrairement à contenir, surtout dans les locutions du type par contenance (XIIe s.), perdre contenance (XIIIe s.), garder bonne contenance, etc. En revanche, il ne reste presque plus rien d'anciens emplois métonymiques référant à divers objets (manchon, miroir...) servant à donner une contenance.
■  C'est à ce sens que se rattache, par l'intermédiaire d'un verbe contenancer (XVIe s.) qui n'a pas vécu, la série préfixée DÉCONTENANCÉ, ÉE adj. (1549), DÉCONTENANCER v. tr. (1651, à la forme pronominale) et, plus rarement, DÉCONTENANCEMENT n. m. (1676), mots qui concernent le fait de faire perdre son assurance à qqn, de le mettre mal à l'aise, ainsi que cet état.
■  Contenance a cependant acquis le sens concret de « capacité d'un objet » : autrefois appliqué à une surface (XIIIe s.), il s'est maintenu couramment en parlant d'un récipient (XVIIe s.).
CONTENANT, le participe présent, a d'abord été substantivé (1080) avec la signification psychologique de contenance. Il n'a gardé que le sens concret de « objet qui contient, récipient » (XVIe s.).
■  CONTENU, le participe passé, a lui aussi été substantivé au féminin (XIIIe s.) avec un sens psychologique. Il l'a perdu pour désigner, au masculin (1243), la teneur d'un acte juridique et, plus concrètement, ce que contient un récipient (1541). Depuis la fin du XIXe s., il a renforcé son emploi dans les disciplines concernant l'interprétation des textes et des messages, à commencer par la critique littéraire traditionnelle, fondée sur l'opposition contestée forme-contenu (Cf. fond). La psychanalyse freudienne parle, pour l'interprétation du rêve, de contenu manifeste et de contenu latent, et la linguistique emploie contenu dans l'analyse sémantique (en particulier dans la théorie de Hjelmslev, opposé à expression).
Un nom plus spécialisé CONTENEUR n. m. a été formé récemment (1956) pour remplacer l'anglicisme de même origine CONTAINER n. m. « grand contenant pour le transport des marchandises » (1932). ◆  Dans le même souci de francisation, les dérivés et composés de container, apparus entre 1965 et 1970, ont été remplacés par des correspondants dérivés de conteneur après 1970 : CONTENEURISER v. tr., ainsi que le composé du verbe porter, PORTE-CONTENEURS n. m., d'abord avec la graphie anglaise, porte-containers (1967) francisé au début des années 1970, qui désigne les navires de commerce de fort tonnage destinés au transport des conteneurs.
❏ voir CONTENT, 1 et 2 CONTINENT, CONTINUER.
CONTENT adj. est emprunté (XIIIe s.) au latin contentus, participe passé adjectivé de continere « renfermer en soi, contenir, satisfaire » (→ contenir). Le mot, littéralement « qui se contient », signifie, avec un complément à l'ablatif instrumental ou une proposition subordonnée, « qui se satisfait de ».
❏  Tel est le premier sens de content : « qui n'a pas besoin d'autre chose, qui est comblé ». Si l'usage moderne insiste davantage sur l'idée de joie paisible qui accompagne cette satisfaction des désirs, l'ancien sens — encore dominant dans la langue classique — s'est maintenu dans la locution avoir (tout) son content (fin XVe s.) « être comblé, avoir assez » où l'adjectif est substantivé.
❏  Ce sens s'est conservé dans le dérivé CONTENTER v. tr. (1314, contemter) « donner satisfaction », qui signifiait aussi « payer » (1463) jusqu'au XVIIIe siècle. À la forme pronominale, se contenter de (1559) peut s'employer sans aucune idée de « satisfaction », avec l'idée très restrictive de « se borner, se limiter à ».
■  Le dérivé CONTENTEMENT n. m. (v. 1460) se rattache en partie à contenter au sens de « satisfaction d'une prétention » (notamment dans donner, obtenir contentement), en partie à content au sens moderne de « plaisir, joie » : il est alors marqué comme régional ou recherché. ◆  D'après le témoignage des dictionnaires, ce mot a eu au XVIIIe s. le sens métonymique concret de « gros nœud ornant le décolleté d'une robe » (parfait contentement).
L'antonyme de content, MÉCONTENT, ENTE adj. et n. (1501) a été substantivé avant 1655 ; il est souvent employé au pluriel au sens particulier de « ceux qui ne sont pas satisfaits d'une politique ». Il a éliminé le plus ancien MALCONTENT, ENTE adj. (XIIIe s.), encore attesté dans les parlers régionaux ou, substantivé, comme terme d'histoire désignant un membre du parti catholique qui prônait la tolérance lors de la Saint-Barthélemy (av. 1678).
■  Mécontent a produit MÉCONTENTER v. tr., d'abord mescontenter (XIVe s.) d'où MÉCONTENTEMENT n. m. (1528), deux mots qui se sont largement répandus dans la langue contemporaine, devenant plus courants que contenter et contentement, relativement littéraires.
CONTENTIEUX, IEUSE adj. et n. m. d'abord contemptieux (1257) par influence des dérivés de contemnere (→ contempteur), est emprunté au latin impérial contentiosus « chicaneur, prompt à la querelle » et, en parlant d'une action, « processif, de discussion ». Lui-même est dérivé de contentio, déverbal de contendere, composé d'aspect déterminé en cum (→ co-) de tendere (→ tendre) qui, à partir du sens propre « tendre avec force, entièrement », a développé la valeur de « lutter ».
❏  Contentieux s'est progressivement restreint à l'usage juridique, où il s'oppose à gracieux*, avec le sens de « sujet à querelle, à procès ». Il s'employait autrefois à propos d'une personne aimant les procès, les litiges (v. 1370) et de son tempérament. ◆  Il a été substantivé (1797) pour désigner l'ensemble des litiges susceptibles d'être traités par les tribunaux. Par métonymie, il se réfère au service (d'une entreprise) chargé d'étudier les différends (avec ou sans recours au tribunal).
❏  CONTENTIEUSEMENT adv. (v. 1333), « avec dispute, avec contention », est vieilli.
■  CONTENTION n. f. (v. 1180), emprunté au latin contentio « tension, effort » d'où « lutte, rivalité, conflit », a évincé l'ancien doublet populaire contençun (1080), employé dans un contexte général dans la locution par contençun « en rivalisant d'ardeur ». Introduit au sens général de « lutte », le mot s'est spécialisé en droit avec le sens de « chicane, lutte, querelle » (1208), encore fréquent chez Chateaubriand (par archaïsme ?) mais éliminé ensuite par le substantif contentieux. L'idée de « tension », réactivée au XIVe s. à propos d'un effort intellectuel, a donné le seul sens vivant (1585, contention d'esprit) dans l'usage didactique ou dans la langue littéraire. En procède la spécialisation médicale de « tension, fait de serrer, de maintenir » (1771).
CONTER v. tr., emprunt francisé (1080), précédé par l'ancien provençal comptar (v. 980), se confond à l'origine avec compter*. Les deux verbes continuent le latin computare « calculer », attesté dans les textes médiévaux au sens de « narrer, relater » (906) : le lien entre ces deux notions, souvent confondues dans la mentalité médiévale, est l'idée commune d'« énumérer, dresser la liste de ».
❏  Ultérieurement, les deux notions ont été distinguées et, après une période de flottement qui ne prend vraiment fin qu'au XVIIe s., le sens de « calculer » a été réservé à compter, orthographié d'après le mot latin. À partir du sens général de « relater en énumérant des faits, des événements réels », que l'on rencontre encore dans quelques parlers régionaux et dans la langue littéraire, conter s'est spécialisé (fin XVIe s.) en « dire des choses fausses à dessein de tromper », surtout réalisé dans les locutions en conter de belles (1595), en conter (1606) et, avec une idée de séduction, en conter à une femme (1637), et aussi conter fleurette (1667). Le sens de « dire une histoire imaginaire pour divertir » (1671, La Fontaine) tend, au moins dans l'usage parlé moderne, à être assumé par la forme composée (ci-dessous raconter).
❏  CONTE n. m. (v. 1130-1140), déverbal de conter, a longtemps désigné la narration de choses vraies (encore au XXe s. chez des écrivains archaïsants). Au XVIe et au XVIIe s., en relation avec le verbe, il prend l'acception péjorative de « récit fait pour abuser » (1538), et est fortement concurrencé depuis par histoire. ◆  Le sens moderne de « récit inventé » apparaît nettement au XVIIe s., mais déjà en ancien français (avant 1200), le récit nommé conte répondait à une fonction de distraction. Le mot ne fait alors que désigner une réalité beaucoup plus ancienne, expression d'une tradition orale multiséculaire (le « conte populaire »). Il en va de même du conte de fées, locution relativement récente correspondant à l'adaptation « mondaine », d'une réalité ancienne, très en vogue à la fin du XVIIe s. (Perrault, Mme d'Aulnoy, Mme de Murat).
■  CONTEUR, EUSE n. et adj., d'abord cunteür (1155), est apparu avec le sens de « personne qui dit ou écrit des récits pour divertir », déjà impliqué dans le domaine de la fiction. ◆  Le mot s'est spécialisé pour désigner l'auteur-interprète de contes populaires, traditionnels, à côté du sens littéraire, où le conte est une variété de nouvelle. Conteur s'est appliqué également (1538) à celui qui raconte des histoires auxquelles on ne peut prêter foi, spécialement à un galant au XVIIe s. (av. 1695) d'où la locution conteur de fleurettes (1782). ◆  L'adjectif qualifie (1800) une personne qui aime conter, raconter.
RACONTER v. tr. (XIIe s.), formé du préverbe à valeur itérative re- et de l'ancien français aconter (XIIe s.), doublet préfixé de conter aux sens de « calculer » et de « narrer », a surtout signifié « recalculer » jusqu'au XVIe s., à la différence de son ancien dérivé RACONTEMENT n. m. qui correspondait à « récit ». ◆  Le sens moderne du verbe, déjà acquis au XIIe s., s'est établi au XVIIe s., sans aucune valeur itérative (celle-ci étant échue à un reconter qui n'a pas vécu). Le verbe, dont le champ sémantique va de « narrer » à « décrire, dépeindre », est aussi employé à la forme pronominale, depuis le XVIIIe s., et au sens péjoratif de « dire à la légère, de mauvaise foi » (1877). Sa fréquence a contribué au recul de conter dans l'usage courant.
■  Parmi ses anciens dérivés se sont maintenus RACONTEUR, EUSE n. (v. 1462 ; raconteor, fin XIIe s.) et RACONTABLE adj. (fin XIIe s.). ◆  Celui-ci a produit l'antonyme INRACONTABLE adj. (1797), parfois IRRACONTABLE adj. (1717) chez les auteurs soucieux de régularité morphologique.
■  Au XIXe s. est apparu, d'après le verbe, le nom péjoratif RACONTAR n. m. (1853) « récit médisant et faux », précédé par RACONTAGE n. m. (1845) aujourd'hui désuet.