CONTRAVENTION n. f. est dérivé savamment (av. 1418 ; dès le XIe s., d'après Bloch et Wartburg) du radical du latin contravenire, littéralement « venir contre », lui-même à l'origine du verbe juridique contrevenir (1331) « agir contre les prescriptions d'un règlement », quelquefois employé au sens figuré, pour « aller à l'encontre de ».
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Le mot, qui signifie proprement « action de s'opposer (à ce qui est admis) », s'est progressivement limité à sa spécialisation juridique (1579) « fait de contrevenir à la loi ».
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Au XXe s., il est entré dans l'usage commun avec le sens métonymique d'« amende punissant une infraction », surtout dans le domaine de la circulation automobile : d'abord probablement employé par l'agent de l'ordre qui constate l'infraction (vous êtes en contravention), il a été repris pour désigner l'amende et le document portant le procès-verbal. Par jeu de mots sur l'initiale, on l'appelle familièrement contredanse (1901).
❏
CONTRAVENTIONNEL, ELLE adj., d'abord
contreventionnel (1796), est d'usage juridique, par exemple dans
délit contraventionnel (1876).
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CONTREVENIR v. tr. ind. (1351), emprunté au latin médiéval contravenire, signifie « agir à l'encontre de (une prescription, une obligation) ». Il a produit CONTREVENANT, ANTE adj. par substantivation du participe présent (1516).
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Lui-même a donné CONTREVENANCE n. f. (1571), « infraction » repris en 1955.
L
CONTRE prép., adv., préf. et n., dès 842 sous la forme latine contra, puis cuntre (1080) et contre (v. 1170), est issu du latin contra adverbe et préposition « en face de, vis-à-vis », « au contraire de », « en sens contraire de », « par opposition à ». Contra a des correspondants dans les langues indoeuropéennes (gotique, italique) et présente un suffixe marquant l'opposition de deux notions (également dans extra), d'ailleurs employé en indo-iranien (sanskrit átra « ici », tátra « là ») dans une indication de lieu.
❏
Dès le
XIe s., le mot est attesté avec trois sens différents qui se sont maintenus jusqu'à aujourd'hui. Une idée de contact, de proximité dans l'espace ou dans le temps est réalisée par la préposition (1080,
contre terre) et l'adverbe (en composition
là-contre, ci-contre, tout contre). On en rapprochera l'usage de la préposition en franco-provençal (Suisse, etc.) avec le sens de « vers, en direction de » (dans l'espace et dans le temps). Avec l'idée de « proximité dans l'espace », en français de Belgique, l'expression
mettre (
laisser, etc.)
la porte contre est usuelle pour « la laisser appuyée sans la fermer ». On dit aussi de la porte qu'
elle est contre.
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Une valeur spatiale proche donne à
contre, en français de Suisse, la valeur de « dans la direction de » (1542), là où on dira
vers en français central. Un emploi analogue existe à Lyon, au sud de la Bourgogne.
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Une seconde idée, proportion, comparaison, apparaît (1080) dans une formule du type
cent contre un. En procèdent les sens de « à la place de » (v. 1174) et « en échange de » (1323).
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Enfin, l'idée dominante est celle d'une opposition, aussi bien avec une valeur offensive, attestée dès 842, en particulier après quelques verbes de combat, au propre et au figuré, qu'avec une valeur défensive (1160-1174), dans des constructions du type
se protéger contre qqch. ou qqn (
contre-, préfixe, fonctionne alors comme doublet de
para-).
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Comme
contraire, le mot assume l'idée spatiale (v. 1174) d'une direction contraire à qqch., spécialement en parlant d'un élément naturel (v. 1174,
contre le vent), dans la locution
contre vents et marées, de sens propre (1606) et figuré. La même idée est réalisée sur un plan abstrait dans des syntagmes du type
contre nature (av. 1550),
contre toute espérance (1560),
contre tout espoir, et dans la locution adverbiale courante
par contre (mil.
XVIe s., Calvin), critiquée par les puristes (qui recommandent
en revanche ou
au contraire), mais défendue par des écrivains comme André Gide, qui souligne que
en revanche peut ne pas convenir. Avec une nuance plus morale, « en dépit de »,
contre entre dans
aller contre (qqn, qqch.) [v. 1450],
faire contre mauvaise fortune bon cœur (1561) et
envers et contre tous (av. 1615).
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Les emplois absolus semblent avoir toujours été employés, mais condamnés au nom du bon usage. Moins acceptés que ceux de
après, dessus, etc. ils sont normaux dans quelques expressions
(je n'ai rien contre, il a voté contre) et plus courants en français de Suisse, avec des verbes de mouvement
(venir contre) et à peu près toutes les constructions où
contre a classiquement un complément
(il lui a crié contre).
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Quelques emplois substantivés opposent le mot à pour (peser le pour et le contre) ; cette substantivation est employée spécialement en musique à propos d'une voix d'alto qui fait harmonie « contre » une autre (XVe s.), sens absorbé par les composés basse-contre, haute-contre (alors que contre-ténor* utilise la préposition), en vénerie, en sports (XVIIe s. en escrime) et en jeux (1906 au billard, aux cartes), alors en relation avec le verbe contrer.
❏
Il est impossible de recenser tous les composés auxquels
CONTRE- sert de premier élément, à l'exemple de
contra- en latin. Ils apparaissent en nombre au
XIIe s., avec une nette prédominance des composés verbaux ou déverbaux. Cette tendance se poursuit avec la même intensité jusqu'au
XVIe siècle. À partir du
XVIIe s. s'amorce la tendance moderne à former surtout des composés substantifs. D'un point de vue sémantique, c'est également au
XVIIe s. que, parallèlement aux composés où
contre- exprime une idée de « riposte », d'« opposition », s'affirme un type de composés où
contre- signifie « redoublement » ou « répétition ». Il n'y a guère de mots en
contre- formés sur une base adjective, et cela même avant que ne se pose la question d'une éventuelle concurrence avec
anti-, apparu au
XVIe siècle.
◆
D'un point de vue graphique, l'orthographe de ces composés manque de cohérence : les traditions typographiques, du
XVIIe au
XXe s., ont imposé largement l'habitude du trait d'union, contrariant ainsi un usage plus ancien où les éléments étaient soudés, et parfois libres. Depuis 1878, la lexicographie a adopté une attitude plus normative, soudant de nombreux termes usuels (il en ira de même, en 1932, pour de nombreux termes techniques). Depuis la commission de réforme pour l'orthographe (Beslais), la soudure systématique des mots, dont le second élément est à initiale consonantique, a été recommandée.
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Le seul dérivé de contre est le verbe CONTRER v. tr. (1838), terme de jeux de cartes puis de sports passé dans l'usage avec le sens figuré (1933) de « riposter » (XXe s.).
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SURCONTRER v. tr. (1913) s'emploie au bridge pour « contrer le contre de (l'adversaire) », d'où SURCONTRE n. m. (1933).
❏ voir
CONTRÉE, ENCONTRE, MALENCONTREUX, RENCONTRER ; les composés en contre- figurent à l'autre élément.
CONTREBANDE n. f. est l'adaptation (1512), avec changement de genre par attraction de bande*, de l'italien contrabbando, n. m. Ce mot, employé depuis le début du XVIe s. dans la locution di contrabbando « sans payer de tribut », est composé de contra (→ contre) et de bando (→ ban) ; il désigne donc proprement l'infraction commise contre les défenses publiées par ban.
❏
Le mot concerne le commerce frauduleux pratiqué en infraction aux lois d'un pays et, par métonymie, la marchandise donnant lieu à ce trafic. Les connotations ont évolué, en fonction des interdits sur le commerce international et de la police des frontières. Par extension, il se réfère à une activité secrète et illicite, avec la locution adverbiale en contrebande et la locution adjective de contrebande.
❏
CONTREBANDIER, IÈRE n. et adj., attesté depuis 1715, qualifie et désigne ceux qui pratiquent la contrebande, et correspond dans l'usage non juridique à un type social plus ou moins codé, opposé aux douaniers, aux gendarmes, et souvent valorisé.
CONTREBASSE n. f. est emprunté (1509) à l'italien contrabbasso (XVIe s.), nom donné à la voix la plus basse de l'échelle musicale et à un gros instrument à cordes de la famille des violons. Le mot est formé de contra (→ contre) et basso « basse » (→ bas).
❏
Le mot a d'abord désigné la partie d'un morceau de musique faisant entendre les sons les plus graves et (1512) une voix de basse grave. Ces sens ont décliné, le second au profit de la dénomination basse-contre (1512), elle-même en recul au profit de basse profonde.
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Il faut attendre le XVIIIe s. pour voir apparaître le nom de l'instrument à cordes et archets, la contrebasse ayant été apportée d'Italie et introduite à l'Opéra de Paris par Montéclair en 1700 (le mot est attesté dans ce sens en 1740).
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Depuis, d'autres familles d'instruments possèdent leur contrebasse, notamment les orgues et les cuivres (1904, trombone-contrebasse ; 1906, contrebasse).
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Le nom d'instrumentiste CONTREBASSISTE n., qui a remplacé contre-basse (1821), est enregistré par l'Académie en 1838 ; il est concurrencé par bassiste, qui correspond à l'emploi préférentiel de basse pour « contrebasse » en jazz et dans les musiques populaires d'origine anglo-américaine.
CONTREDIRE v. tr. est l'adaptation d'après dire (v. 881) du latin contradicere, de contra (→ contre) et dicere (→ dire), littéralement « parler contre qqn ou qqch. », d'où « s'opposer à ».
❏
Le verbe a eu en ancien et moyen français le sens général de « s'opposer à, refuser, empêcher » (encore au XVIe s.). Il s'est restreint à un fait verbal, exprimant le fait d'opposer à une affirmation une opinion contraire (1165-1170). En ce sens, il est employé également à la forme pronominale (XVe s.).
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Par extension, il est employé en dehors d'un contexte verbal au sens de « aller à l'encontre de, démentir » et, spécialement en droit, « opposer des pièces à celles de la partie adverse » (1549).
❏
Contredire a produit deux noms relativement peu usités, par substantivation de ses participes :
CONTREDIT n. m. (v. 1170) est réservé soit au domaine juridique, soit au style littéraire (1541) au sens d'« affirmation que l'on oppose à ce qui a été dit ». Il est toutefois usuel dans la locution
sans contredit « assurément » (v. 1170).
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CONTREDISANT, ANTE (v. 1450) est quasiment revenu à un emploi adjectif dans le langage juridique (1690).
◈
CONTRADICTION n. f., d'abord
contradictiün (v. 1120), est emprunté au latin impérial
contradictio « action de parler contre » (à l'école, au tribunal), « incompatibilité logique » et, chez les auteurs chrétiens, « insulte, différend ». Le mot a glissé de « action de parler contre, critique » à « action de s'opposer à une affirmation » (1541), produisant au
XVIe s. le syntagme lexicalisé
esprit de contradiction. Parallèlement, l'usage didactique a repris au latin le sens spécial de « relation existant entre deux notions incompatibles » (v. 1370), lequel est prolongé dans l'usage courant par celui d'« absurdité, invraisemblance ».
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CONTRADICTEUR n. m., représentant savant (v. 1350) du latin contradictor (surtout juridique), a éliminé la forme francisée contreditor (v. 1180).
◈
CONTRADICTOIRE adj., emprunté (v. 1360) au latin
contradictorius, correspond aux divers sens du verbe, courant et juridique (1680).
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À l'exemple du latin,
contradictoriae (oppositiones) « propositions contradictoires », il est substantivé en logique (1679), en parlant de termes qui s'excluent logiquement et, en linguistique, en parlant des couples de mots identiques dont l'un est syntaxiquement nié (il est alors employé par rapport à
contraire).
■
Il a produit CONTRADICTOIREMENT adv. (1538), usuel en droit et comme terme didactique.
L
CONTRÉE n. f., d'abord cuntretha, cuntrede (v. 1050), puis contree (1080), est hérité d'un latin vulgaire °contrata, substantivé par ellipse pour contrata regio « pays situé en face (de celui qui le regarde) ». Contrata est le féminin d'un adjectif dérivé de contra (→ contre) « en face de ».
❏
Le mot désigne une étendue de terrain de taille variable (allant des parages à la région ou au pays tout entier). Il a vieilli, sauf dans certains emplois littéraires.
CONTREPÈTERIE n. f. est dérivé (v. 1582) du moyen français contrepeter (1466) « rendre un son pour un autre, équivoquer » d'où « contrefaire ». Ce verbe, selon Bloch et Wartburg, serait composé de contre* et de péter*, mais P. Guiraud préfère voir dans l'élément -péter une variante de piéter (de pied*) : contrepéter signifie, selon lui, proprement « prendre le contre-pied de » (de là, la locution angevine à la contrepétasse « à l'envers »). Au XVIe s., le nom savant était d'ailleurs antistrophe (du grec : « se retourner contre ») ; c'est bien ce qu'est la contrepèterie, où l'interversion de deux sons entre deux mots, transforme le sens d'une phrase, en général vers l'obscénité et la scatologie (d'où l'interprétation par pet, qui a dû jouer très tôt).
❏
Le mot désigne une permutation de sons, lettres, syllabes dans un énoncé de manière à obtenir un autre énoncé de sens cocasse.
❏
CONTREPET n. m., dérivé régressif (1947, Cf. L'Art du contrepet, 1957 Luc Étienne) de contrepèterie, serait à interpréter, selon Guiraud, comme un contrepied. Le mot désigne la technique des contrepèteries.
CONTREVENIR → CONTRAVENTION
CONTRIBUER v. tr. ind. est emprunté (1340 ; dès 1309, selon Bloch et Wartburg) au latin impérial juridique contribuere « apporter sa part », composé de cum (→ co-) et tribuere, dérivé de tribus (→ tribu) au sens propre « répartir entre les tribus », spécialisé en parlant de la répartition de l'impôt.
❏
Le mot, construit avec un complément en à, exprime le fait de payer sa part d'une dépense ou d'une charge commune. Par extension, il signifie « avoir part à un certain résultat » (v. 1580). La construction transitive directe, usuelle en moyen français au sens de « donner, faire parvenir » (1460) et employée jusqu'au XVIIe s. au sens « apporter pour sa part » (apparu au XVIe s.), est sortie de l'usage.
❏
L'ancienne signification juridico-économique s'est mieux maintenue dans les dérivés.
CONTRIBUABLE n., autrefois adjectif (1401), est devenu très courant dans la langue moderne pour « personne assujettie à l'impôt » (1581).
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CONTRIBUTIF, IVE adj. (1594) est demeuré didactique, ainsi que le terme juridique CONTRIBUTOIRE adj. (1441, du latin contributum), d'où est tiré CONTRIBUTOIREMENT adv. (1804).
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CONTRIBUTION n. f., emprunté (1317) au dérivé latin
contributio, désigne à la fois la part à payer d'un impôt, d'un prélèvement fait par l'ennemi en temps de guerre et, au figuré (1580), la collaboration à une œuvre commune.
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Le sens explicite d'« impôt » est ancien (
XIVe s., Oresme) mais ne se substitue à
imposition, taille, etc. qu'au
XVIIIe s.
Les contributions, « les impôts », se répand sous la Révolution (
contributions directes, indirectes, sont dans le dict. de l'Académie en 1835). La métonymie pour « administration fiscale » a été précédée par l'expression
Contributions publiques, nom du ministère des Finances en 1790.
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Avec sa valeur la plus générale, le mot, depuis 1905, désigne spécialement, dans les titres d'ouvrages, une étude complémentaire sur un sujet.
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La locution
mettre à contribution (1671), relative à la levée d'un tribut de guerre, a connu la même extension que le substantif.
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CONTRIBUTEUR, TRICE n., attesté en 1611, semble inusité avant le XIXe s. Le mot désigne une personne qui contribue activement à une entreprise collective.
❏ voir
ATTRIBUER, DISTRIBUER, RÉTRIBUER.
CONTRIT, ITE adj. est emprunté (v. 1174) au bas latin contritus, participe passé adjectivé du latin classique conterere « broyer » d'où, au figuré, « user, consumer » au physique et au moral. Le verbe est le composé d'aspect déterminé en cum (→ co-) de terere « frotter pour polir, de manière à user » (→ térébrant). Contritus, « usé, banal », s'est spécialisé en latin ecclésiastique au sens moral d'« accablé à l'idée d'avoir péché ».
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Apparu avec le sens religieux latin, le mot s'est laïcisé avec le sens de « qui regrette une erreur commise » (v. 1360). Par métonymie, il qualifie une attitude, une voix, une physionomie exprimant le repentir (av. 1695 ; de nouveau 1830).
❏
Le nom correspondant CONTRITION n. f. (v. 1120) a d'abord été emprunté au bas latin contritio avec son sens étymologique d'« action de broyer, de détruire », disparu au XVIe siècle. Il a repris (v. 1200) sa spécialisation ecclésiastique de « regret d'avoir péché » et s'est laïcisé (1393 : « remords »).