CONTRÔLE n. m. est formé (1367) de contre* et de rôle* au sens juridique de « registre », pour remplacer contrerole, écrit (1242) contrerooulle emprunt au latin médiéval contrarotulus (1242), de contra et rotulus (→ rôle). La forme moderne (1422, controlle ; 1611, controle ; XVIIIe s. avec accent) résulte d'une superposition syllabique (comme dans idolâtre) et a éliminé contre-rôle vers 1732.
❏
Le mot désigne proprement un registre (rôle) tenu en double, l'un servant à vérifier l'autre (d'où
contre). Le français moderne garde trace de cet ancien sens dans le terme militaire
contrôle (1802) « état nominatif des personnes qui appartiennent à un corps ».
◆
D'après la fonction de vérification du registre, le mot a pris, par métonymie, son sens moderne de « vérification » (d'actes, de droits, de documents) [1419].
◆
Par extension, il s'est répandu dans l'usage général avec le sens figuré de « surveillance » (v. 1580). Par métonymie, il désigne le moyen d'opérer une vérification en orfèvrerie, soit le poinçon appliqué sur tous les ouvrages d'or et d'argent avant leur mise en vente (1771) ; il s'applique parfois au lieu où s'opère une vérification (1835, en parlant des billets de théâtre) et à l'ensemble des contrôleurs de l'administration (1845).
■
Sous l'influence de l'anglais control, il est employé à propos de la vérification du bon fonctionnement d'un appareil. L'expression contrôle technique est usuelle en matière d'automobile. En Belgique, au Luxembourg, le contrôle désigne les services chargés de vérifier le bon état des automobiles. L'influence de l'anglais est plus sensible avec un autre sens de contrôle, apparu au XXe s., « maîtrise de soi-même » (de l'anglais self-control) et « maîtrise de qqch. ».
◆
Sous contrôle, par anglicisme (under control), s'emploie couramment en français québécois pour « bien en main, maîtrisé » et s'entend aussi en français d'Europe. Cf. ci-dessous contrôler.
◆
SELF-CONTROL n. m. est lui-même passé dans l'usage courant (1883) où, critiqué, il subit la rivalité de sang-froid.
◆
L'anglais BIRTH-CONTROL (1914), parfois utilisé en français, a été traduit en contrôle des naissances (1933) avant d'être supplanté par contraception.
❏
Le dérivé
CONTRÔLER v. tr., précédé par le latin médiéval
contrarotulare (1298), a suivi l'évolution graphique du nom, de
contre roller (v. 1310) à
controoler (1446) et enfin à
contrôler (1563 ; 1740, avec accent).
◆
Le sens premier, « vérifier des comptes au moyen d'un second registre », a disparu au profit du sens aujourd'hui courant (1437) « soumettre à une vérification ». En procèdent une extension figurée pour « vérifier, critiquer » (1541) et une spécialisation en orfèvrerie (1740).
◆
La valeur de « maîtriser, dominer », attestée en 1662 (Pascal), a été reprise au
XXe s., notamment dans
se contrôler (1910) et dans
contrôler ses nerfs (1915).
◆
L'influence de l'anglais se fait sentir sur les sens « avoir sous sa surveillance » (1895) et « être en mesure de déclencher, d'arrêter, de régler (un phénomène, un processus) ». Cet emploi, courant en français québécois, se répand en français d'Europe.
■
Du verbe sont dérivés les adjectifs CONTRÔLÉ, ÉE p. p. et CONTRÔLABLE (1900).
◆
Ils ont été précédés par les préfixés en in-, INCONTRÔLÉ, ÉE adj. (1794) et INCONTRÔLABLE adj. (1819 ; une fois en 1614, sous la forme archaïque inconterrolable), ce dernier employé depuis 1926 au sens de « que l'on ne peut maîtriser » d'après l'anglais uncontrolable.
◈
Le verbe a aussi produit de bonne heure
CONTRÔLEUR, EUSE n., d'abord
countreroullour (1292) et
contrerollour (v. 1310 ; forme encore attestée en 1660), puis
controlleur (1320). Le mot a été précédé, comme
contrôle et
contrôler, d'une forme latine médiévale
contrulator (v. 1290).
◆
Son évolution l'a mené de « personne qui tient un registre » à « personne chargée d'une vérification », réalisé dans certains titres (1379,
contrôleur général), et surtout à propos de la fonction qui consiste à vérifier que des usagers, des voyageurs, etc., sont en règle (spectacles, transports...). Les contrôleurs du métro parisien, qui poinçonnaient les tickets
(Cf. poinçonneur), ont disparu.
◆
Aussi employé adjectivement (1400),
contrôleur a eu le sens de « personne qui surveille de façon malveillante » (v. 1460).
CONTROVERSE n. f., d'abord controversie (1236), forme encore attestée en 1637, puis controverse (1285), est emprunté au latin controversia « discussion, débat » et, dans une discussion juridique, « litige », dérivé de controversus, de contra (→ contre) et versus « tourné » (→ vers, prép.), littéralement « tourné vis-à-vis » d'où « discuté ».
❏
Le mot désigne une discussion argumentée, une contestation sur une opinion et, par métonymie, l'ensemble des éléments contradictoires du débat. Il s'est spécialisé en théologie en parlant d'un débat sur les points litigieux de la doctrine (1636).
❏
Le dérivé
CONTROVERSISTE n. m. (1630), créé en théologie, réalise aussi le sens général de « personne habile à débattre » (1843), vieilli et remplacé par l'anglicisme
débatteur (debater).
■
CONTROVERSER v. tr. (1579), emprunté au latin controversari, s'emploie surtout à la voix passive, en général et dans sa spécialisation religieuse (1610).
CONTUMACE n. f. est emprunté (1268) au latin contumacia « entêtement » (des animaux, des hommes), « fierté » (en bonne comme en mauvaise part). Contumacia est lui-même dérivé de l'adjectif contumax « fier, obstiné », ancien terme de la langue rurale appliqué à un animal, étendu aux êtres humains et spécialisé dans le langage juridique au sens de « réfractaire », contumacia s'appliquant spécialement à l'absence obstinée d'un prévenu. Les Anciens rapprochaient contumax soit de contemnere « mépriser » (→ contempteur), soit de tumere « gonfler (sous l'effet de l'orgueil) » (→ tumeur).
❏
Le mot, introduit simultanément au sens de « désobéissance » et au sens juridique de « non-comparution du prévenu devant le tribunal », n'a gardé que ce dernier après le XVIIe siècle. La locution par contumace (1536) « en l'absence de l'accusé » employée dans la procédure, donne lieu à un emploi métaphorique dans le style littéraire.
❏
CONTUMAX, CONTUMACE adj., réfection de contumaus (XIIIe s.), est emprunté au latin contumax. Il a pris la forme en -ax par conformation au latin et la forme en -ace par adaptation. Le sens psychologique, « opiniâtre, rebelle », a disparu au XVIIe siècle. Le sens juridique de « qui a refusé de comparaître en justice » (1381) est appuyé sur contumace n. f.
CONTUSION n. f. est emprunté (1314) au latin contusio « action de meurtrir, de broyer », formé sur le supin contusum de contundere « frapper, écraser, meurtrir », composé d'aspect déterminé en cum (→ co-) de tundere. Ce verbe, qui signifie « battre à coups répétés avec un instrument non tranchant » d'où « écraser », appartient à une racine °(s)teu- « heurter » qui apparaît dans le sanskrit tudáti « il heurte », le gotique stauta « je heurte », le grec tuptein, le latin stupere (→ stupeur), stuprum (→ stupre).
❏
Contusion, apparu comme terme de chirurgie, est entré dans l'usage courant au sens métonymique de « lésion provoquée par un choc, sans déchirure de la peau » d'où « impression de coup reçu ».
❏
Le nom a produit le verbe
CONTUSIONNER v. tr. (1819), déjà annoncé par
CONTUSIONNÉ, ÉE adj. (1672), et le terme médical
CONTUSIF, IVE adj. (1835).
■
CONTUS, USE adj., emprunté (1503) au latin contusus, s'est maintenu à côté des précédents dans la langue médicale.
■
Le français possédait déjà CONTONDRE v. tr. (v. 1430), représentant du latin contundere, utilisé aux XVe-XVIe s. et repris au XIXe s., mais peu usité.
◆
Son participe présent adjectivé CONTONDANT, ANTE (1503) est employé dans arme contondante, objet contondant, à propos d'un outil ou d'une arme qui meurtrit sans couper.
CONVAINCRE v. tr. est emprunté (v. 1174), avec adaptation d'après vaincre, au latin convincere, de cum (→ co-) et vincere (→ vaincre), juridiquement « prouver la culpabilité de » et « dénoncer (une faute, une erreur) », « prouver victorieusement contre qqn que ».
❏
Le mot a été introduit en procédure dans la construction convaincre qqn de qqch. (par latinisme), « amener qqn à reconnaître sa culpabilité ». Son emploi figuré au sens de « dénoncer (qqch.) » (1541, Calvin) est sorti d'usage et le verbe s'est orienté vers l'idée d'« amener (qqn) à reconnaître qqch. comme vrai » (1657, Pascal, De l'art de persuader).
❏
Au
XVIIe s., les participes présent et passé du verbe ont été adjectivés,
CONVAINCANT, ANTE (1633, 1618 écrit
convainquant) avec une valeur active,
CONVAINCU, UE (1677) avec une valeur passive. Sous l'influence de
conviction, convaincu est employé spécialement (1823) au sens de « plein de la conviction d'une chose »
(air convaincu), parfois substantivé (
prêcher un convaincu ; Cf. converti).
◈
CONVICTION n. f. est emprunté (1579) au latin chrétien
convictio « démonstration convaincante » et « fait d'être convaincu », dérivé du supin
(convictum) de
convincere.
◆
Le mot a d'abord été employé, en relation avec l'ancien sens de
convaincre, dans le domaine juridique au sens d'« action de prouver la culpabilité de qqn » (1579) et « preuve de culpabilité » (1623). Il est passé dans l'usage général avec le sens de « certitude, assurance » (1688), resté vivant et réalisé au pluriel dans le domaine des opinions politiques, des croyances religieuses (v. 1860).
◆
Il reste une trace de son ancien sens juridique dans la locution
pièce à conviction (1825 ; en remplacement de
pièce de conviction, 1790), qui n'est plus analysé. Une autre expression juridique est
intime conviction (1791).
CONVALESCENCE n. f. est emprunté (1355) au bas latin convalescentia, dérivé de convalescens, participe présent du verbe classique convalescere « prendre des forces », d'où « guérir ». Celui-ci est le composé d'aspect déterminé en cum (→ co-) de valere « être fort » et, par suite, « être bien portant » (→ valétudinaire, valoir).
❏
Le mot a signifié jusqu'au XVIe s. « bonne santé ». Il s'est fixé avec son sens actuel de « période de transition entre la fin d'une maladie et le retour à la santé » (1455), par retour au sens du latin. Par extension, il est quelquefois employé dans le langage soutenu au sens métaphorique de « période d'amélioration après un mal ».
❏
CONVALESCENT, ENTE adj. et n., emprunté (XVe s.) au latin convalescens, a été employé de façon isolée en moyen français ; il a été repris et répandu au XVIIe s. comme nom (1690) et comme adjectif (1628), aussi métaphoriquement.
CONVECTION n. f. est dérivé (1877) du latin convectum, de cum et supin du verbe vehere « transporter » → véhicule.
❏
Ce mot de physique désigne le mouvement d'un fluide, dû à une variation de température et, en météorologie (1926), le mouvement vertical d'une masse d'air.
❏
À partir du radical ont été formés CONVECTIF, IVE adj. (1911) et CONVECTEUR n. m. (1901, H. Poincaré, au sens général), appliqué plus tard (1959) à des appareils de chauffage.
L
CONVENIR v. tr. ind. est issu (1050) du latin convenire, de cum (→ co-) et venire (→ venir). À côté de son sens propre de « venir ensemble, se réunir » (conservé dans 1 convention*), le verbe a développé le sens abstrait de « s'entendre avec, tomber d'accord sur » (d'où l'emploi de la forme impersonnelle convenit ut pour « il est convenu que »).
❏
Le verbe a repris au latin l'emploi de la forme impersonnelle il convient « il est expédient que ». Dès le XIIe s., il signifie « être approprié à, convenable pour » (v. 1120) et, spécialement en emploi absolu, « être conforme aux usages ».
◆
Construit avec un nom de personne, il tend à passer de « être approprié à la situation de qqn » à « être agréable ou utile à », avec une notion d'agrément, réalisée jusque dans l'emploi de se convenir en parlant de deux personnes éprises (1762), nuance disparue aujourd'hui.
◆
Au XIIIe s. est apparu le sens de « reconnaître la vérité de, tomber d'accord sur » et, avec un sujet au pluriel, « s'accorder sur » (complément introduit par de). Dans ces deux sens, la règle traditionnelle qui commande l'emploi de l'auxiliaire être souffre de très nombreuses entorses, y compris à l'écrit. Un sens ultérieur (1538), « correspondre à, concorder » (en parlant de deux choses), n'a pas vécu.
◆
Quant au sens propre latin, « s'assembler, se réunir » (1283), malgré la spécialisation juridique, « faire comparaître en justice » (1432) et le soutien de 1 convention, il s'est éteint à l'époque classique.
❏
CONVENANCE n. f. (fin
XIIe s.) est dérivé de l'ancien français
co(n)-venant « entente mutuelle sur un certain sujet, accord », participe présent substantivé de
convenir. Il est formé avec un suffixe
-ance, d'après le latin
convenientia « accord parfait, harmonie ». Apparu avec le sens ancien de « pacte » (attesté jusqu'en 1688),
convenance a acquis (1504) celui de « conformité entre deux choses », fortement concurrencé depuis par
concordance et
correspondance. La locution
mariage de convenance (1798) se rattache originellement à cette acception mais elle est aujourd'hui tombée dans l'attraction du sens moderne dominant, « fait de se conformer aux usages » (1740), qui a une extension métonymique en « règle du bon usage » (1762,
les convenances). L'idée de « ce qui est approprié à qqn » se maintient encore dans la locution
à la convenance de (v. 1790), « à la commodité particulière de », et l'expression
convenance personnelle.
■
Le mot s'est doté de deux antonymes, DISCONVENANCE n. f. (1488) et INCONVENANCE n. f. (1573), qui se partagent entre l'expression de ce qui ne convient pas et, surtout, celle de ce qui est contraire aux usages.
◈
CONVENABLE adj. (v. 1160), proprement « qui convient » et, en parlant d'un homme, « qui convient à sa mission, accompli » (v. 1170), a reçu à l'époque classique le sens moral de « conforme à la bienséance » (1611), qualifiant aussi une personne « comme il faut » (1803). Par affaiblissement du sens initial au
XXe s. l'adjectif qualifie ce qui est acceptable
(un repas, un film convenable), par la même extension que
correct et
décent.
◆
Le dérivé
CONVENABLEMENT adv. (fin
XIIIe s.) est aujourd'hui fréquent avec le sens affaibli de l'adjectif
(manger, être logé... convenablement).
◆
L'antonyme préfixé
INCONVENABLE adj. (1381) a vieilli et a été éliminé (déb.
XIXe s.) par
inconvenant (ci-dessous).
■
CONVENANT, le participe présent adjectivé (v. 1275), a lui aussi régressé au profit de convenable, avant d'être réintroduit en droit (1640) comme substantif, par emprunt à l'anglais covenant « accord, alliance », lui-même repris de l'ancien substantif français de même sens (v. 1150). Cette acception a disparu elle aussi sauf dans l'expression bail à convenant (1845, en Bretagne).
◆
Son antonyme INCONVENANT, ANTE adj. (1790) est devenu courant et a supplanté le doublet DISCONVENANT, ANTE adj., formé sur la participe présent de DISCONVENIR v. tr. ind. (1561), représentant le latin disconvenire.
■
CONVENU, UE adj. (1483), adjectivation du participe passé, signifie « assigné par un accord » ; il a développé d'après conventions la valeur morale péjorative (v. 1890) de « conforme aux conventions, artificiel » qui le rapproche de conventionnel.
◆
Son ancien emploi substantivé au féminin, CONVENUE « situation, affaire » (XIIIe s.), spécialement « bonne fortune, profit » (1530), a disparu alors que son contraire DÉCONVENUE n. f. (v. 1170), « malheur, insuccès », vieilli au XVIIe s., a été repris avec la valeur affaiblie de « désappointement » (1822, Stendhal), demeurée très vivante.
❏ voir
1 et 2 CONVENTION, COUVENT, INCONVÉNIENT.
CONVENTICULE n. m. est emprunté (1384) au latin conventiculum « petite réunion », souvent péjoratif, diminutif de conventus « assemblée, réunion » (→ couvent).
❏
Le mot, qui a gardé le sens et la valeur péjorative du mot latin, est peu répandu. Par ironie, il a été appliqué au XIXe s. à un petit groupe obscur d'hommes de lettres et d'artistes (1826, Balzac).
1 CONVENTION n. f., d'abord convencion (1456-1467), est emprunté au latin conventio, nom d'action correspondant au verbe convenire (→ convenir) avec le sens propre d'« assemblée » (Cf. 2 convention, pour l'autre valeur du latin).
❏
Le mot, introduit au sens latin d'« assemblée », n'a pas réussi à s'imposer durablement au-delà du XVIe siècle.
◆
Il a été repris en 1688 en politique anglaise comme calque de l'anglais Convention « assemblée extraordinaire du Parlement anglais » (1660), mot de même origine. Il désigne en politique américaine une assemblée chargée d'établir une constitution (1777) d'après l'anglo-américain convention (1720).
◆
Ces deux emplois ont préparé son acclimatation en politique française au début de la Révolution (1789). Il désigne alors l'Assemblée qui a dirigé la France de 1792 à 1795 (décret du 10 août 1792).
◆
Un nouvel emprunt à l'anglo-américain concerne le congrès d'un parti américain en vue de désigner un candidat à la présidence et à la vice-présidence (1866). Ce sens tend à être appliqué par américanisme à la vie politique d'autres pays, et parfois de la France, en relation avec primaires, à propos d'un vote pour la désignation d'un candidat.
❏
1 CONVENTIONNEL, ELLE adj. et n. m. est apparu sous la Révolution (1792) pour qualifier ce qui se rapporte à la Convention nationale et désigner un membre de la Convention nationale (1795). À la différence de convention, ce mot est resté un terme d'histoire.
❏ voir
COUVENT.
2 CONVENTION n. f., d'abord convencion (av. 1350 ; 1268, d'après Bloch et Wartburg), est emprunté au latin conventio, -onis (→ aussi 1 convention) au sens d'« accord de plusieurs parties sur un sujet précis ».
❏
Le sens latin, passé en français, a connu une grande fortune dans le langage juridique et courant, notamment dans l'administration, la diplomatie et les accords internationaux (Convention de Genève), les conditions de travail (convention collective). Par métonymie, il désigne une clause dans un accord (1804).
◆
Le mot, à partir du XVIIIe s., se rencontre dans l'usage courant à propos de ce qui résulte d'un accord réciproque (av. 1703), par opposition à ce qui est naturel. En ce sens, on nomme conventions (au pluriel) ce qu'il est convenu de penser ou de faire dans une société donnée (Cf. convenances), souvent avec une nuance péjorative, et on emploie la locution adjective de convention (1761).
◆
La philosophie et la science l'emploient spécialement au sens de « principe choisi pour la commodité d'une description ».
❏
De
convention dérivent directement
CONVENTIONNÉ, ÉE adj. (1558) « qui a conclu une convention », repris au
XXe s. en France à propos d'un médecin lié par un accord avec la Sécurité sociale (1952), et
CONVENTIONNEMENT n. m. (1958), dans le même contexte.
■
2 CONVENTIONNEL, ELLE adj. est emprunté (1453) au dérivé bas latin conventionalis, « résultant d'un accord réciproque » en droit. Il a suivi la même évolution que convention, passant de l'usage strictement juridique à l'usage général, pour « admis par l'usage en vertu de conventions » (1762, Rousseau), d'où par extension « habituel dans une société, un milieu donnés » et, péjorativement, « banal ». Son emploi dans armement conventionnel est emprunté (1955) à l'anglais conventional « habituel, accoutumé », qui a reçu après la Seconde Guerre mondiale la valeur spéciale de « non atomique » (1952).
◆
De l'adjectif sont dérivés CONVENTIONNELLEMENT adv. (1636), puis au XXe s., CONVENTIONNALITÉ n. f. (1908) et les termes philosophiques CONVENTIONNALISTE adj., « qui considère la connaissance comme résultant de conventions », et CONVENTIONNALISME n. m. (av. 1922).
◆
Le préfixé NON-CONVENTIONNEL, ELS a été lexicalisé à propos du langage (Dictionnaire du français non-conventionnel, 1980).
◈
RECONVENTIONNEL, ELLE adj. est dérivé de l'ancien français
RECONVENTION n. f. (1283) « convention nouvelle et différente », mot sorti d'usage, alors que l'adjectif dérivé (1421) continue à s'employer en droit, dans
demande reconventionnelle, tendant à annuler ou à atténuer les effets d'une action en justice.
◈
DÉCONVENTIONNER v. tr. s'emploie en France pour « faire cesser d'être conventionné (avec la Sécurité sociale) », ainsi que
DÉCONVENTIONNEMENT n. m.
CONVERGENT, ENTE adj. est l'adaptation (v. 1626) du latin scientifique convergens (1611, J. Kepler) « qui se dirige vers un point unique ». Celui-ci est l'adjectivation du participe présent du bas latin convergere « se réunir en venant de plusieurs points », de cum « avec » (→ co-) et vergere « incliner, pencher vers, être sur son déclin ». Ce verbe, qui semble surtout appartenir à la langue écrite (la langue parlée préférant clinare), est sans étymologie connue.
❏
Introduit en physique et employé dans la langue scientifique avec le sens de « qui tend vers un point unique » (rayons convergents), puis également « qui a la propriété de faire tendre vers un point les rayons lumineux » (1814, lentilles convergentes), le mot est passé dans l'usage général avec une valeur concrète et (1812) abstraite.
❏
CONVERGENCE n. f. (1671, en physique) présente la même évolution : adaptation du latin scientifique
convergentia (1611, J. Kepler), il est entré dans l'usage courant (1816) puis, au
XXe s., dans le langage des sciences naturelles et des sciences humaines (linguistique). Il est usuel au sens abstrait de « rencontre de causes, d'opinions, etc. », par opposition à
divergence.
■
CONVERGER v. tr., emprunté (1720) au bas latin convergere, se partage lui aussi entre sa spécialisation scientifique et son emploi courant (1803).
■
Dans tous leurs sens, ces mots ont un antonyme préfixé en di- (→ divergent).
CONVERSER v. intr. est emprunté (v. 1050) au latin impérial conversari, proprement « se tourner (versari) vers » d'où « vivre avec, fréquenter, séjourner », composé de cum (→ co-) et de versari, forme fréquentative à valeur réfléchie de vertere « tourner » (→ verser, version).
❏
Le sens de « demeurer, vivre quelque part » et celui de « fréquenter qqn » (
XIIe s.) étaient usuels en ancien et moyen français et sont attestés jusqu'au
XVIIe siècle.
◆
Le verbe exprimait aussi l'idée de « circuler, aller et venir sur une même rivière, dans un même pays » (
XIVe s.) et d'« avoir un commerce charnel avec qqn ». Dans l'ordre du comportement, il était synonyme de
se conduire (1545).
■
Son sens actuel, « échanger des propos avec » (1690), s'est dégagé sous l'influence de conversation, en même temps que celui de « monologuer, dialoguer mentalement avec » (attesté aussi en 1690).
❏
Le participe présent adjectivé
CONVERSANT, ANTE adj. (v. 1850) est resté rare.
◈
CONVERSATION n. f. (v. 1160) est emprunté au latin impérial
conversatio (de
conversari) « fréquentation, commerce, intimité ». Jusqu'au
XVIIe s., le mot signifie « genre de vie, conduite » et « relation », s'appliquant, dans l'ancien droit, à la relation adultère (1845,
être surpris en conversation criminelle).
■
Cependant, dès 1537, il possède aussi le sens d'« échange de propos familiers », qui s'imposera. Généralement familière, la conversation a aussi été conçue par les précieux du XVIIe s. comme un genre littéraire noble, au sens d'« entretien savant ». De là, l'emploi du verbe converser dans ce sens (ci-dessus). Depuis, le mot désigne spécialement un entretien entre personnes responsables, en petit comité et souvent à huis clos (notamment en diplomatie). Par métonymie, il concerne (1718) la manière de parler de qqn et ce qu'il dit (familièrement : avoir de la conversation), ainsi qu'une assemblée de gens qui conversent.
◆
Par d'autres métonymies très spécialisées, le mot s'applique aussi à une pâtisserie, originellement dégustée dans les salons où l'on conversait, et, en art, à des tableaux de genre représentant une assemblée de gens qui bavardent, probablement d'après l'anglais conversation piece.
◆
La langue orale familière peut employer l'abréviation CONVERSE n. f.
■
D'après conversation, on a formé CONVERSATIONNISTE n. (1836), mot littéraire, et le familier CONVERSATIONNER v. tr. (1936, Céline).
■
CONVERSATIONNEL, ELLE adj. (1902), rare au sens de « relatif à la conversation », est entré vers 1970 dans le langage de l'informatique, d'après l'anglais conversational mode « mode d'utilisation de l'ordinateur dans lequel l'utilisateur dialogue avec la machine » ; il y est substantivé (par ellipse de mode).
CONVERTIR v. tr. est emprunté très anciennement (av. 950) au latin convertere, composé d'aspect déterminé en cum (→ co-) de vertere « tourner » (→ version), « tourner, faire se tourner, changer entièrement » et spécialement en latin chrétien « ramener à de meilleurs sentiments, remettre sur la bonne voie ».
❏
Le mot a été introduit avec le sens religieux d'« amener qqn à une religion », également (1080) à la forme pronominale. Par extension, il signifie « ramener qqn à une foi considérée comme vraie » (fin XIIe s.) et, laïquement, « rallier, faire adhérer à une opinion » (1458).
◆
Le sens concret, « changer une chose en une autre », apparu de bonne heure (v. 1120), tend à vieillir, excepté en finances (1690), et en termes de logique (1690), de mathématiques (1872, convertir une fraction).
❏
Le participe passé
CONVERTI, IE, substantivé (av. 1300) en parlant d'une personne amenée à une religion, est employé spécialement sous la Révolution pour désigner le nouvel adhérent à un parti ; au figuré, on emploie au
XVIIIe s. (av. 1778) la locution
prêcher un converti.
■
La plupart des dérivés se rattachent au sens concret du verbe : CONVERTISSEMENT n. m. (XIIIe s.) est strictement d'usage financier et CONVERTISSEUR n. m. (1530, formé sur le participe présent), « personne opérant des conversions religieuses », a changé d'emploi quand le mot s'est appliqué (fin XIXe s.) à des appareils techniques, en mécanique, meunerie, électricité, et en métallurgie où on parle aussi de CONVERTISSAGE n. m. (1929).
■
L'adjectif dérivé CONVERTISSABLE (1390), attesté aux deux sens, et son antonyme INCONVERTISSABLE (1752) sont fortement concurrencés par les adjectifs CONVERTIBLE (1285, du latin convertibilis) et INCONVERTIBLE (1546, du latin inconvertibilis). Apparu en français avec le sens pris en latin chrétien, convertible est employé spécialement en logique (1370), en finance et en musique. Récemment, d'après l'anglais convertible, il qualifie un meuble (lit, etc.) que l'on peut transformer pour un autre usage.
◆
Son dérivé CONVERTIBILITÉ n. f. (1265 ; repris 1845) se rattache à sa spécialisation financière.
◈
CONVERSION n. f. est emprunté (v. 1170) au dérivé latin
conversio « action de se tourner, mouvement circulaire » et, spécialement, chez les auteurs chrétiens, « action de se tourner vers Dieu », « retour à la vraie foi » ; c'est également un terme de logique grammaticale.
◆
Le mot a eu en ancien français le sens d'« habitation » par confusion avec l'ancien sens de
conversation. Il a également été introduit avec une spécialisation religieuse, laïcisée en « changement d'opinion » (av. 1752)
◆
Tout comme le verbe, il n'est plus guère employé au sens concret de « transformation d'une chose en une autre » (v. 1330 ; repris 1611) sinon dans quelques spécialisations apparues au
XVIIe s. : en mathématiques (1636), logique (1662), finance et droit (1690).
◆
Le sens physique étymologique, « action de se retourner » (
XIIe s. ; repris
XIVe s.), n'est guère réalisé qu'en tactique militaire à propos d'un mouvement tournant circulaire.
◆
Il a produit en ce sens le verbe intransitif
CONVERSER (1835).
◆
Par analogie,
conversion s'est étendu ultérieurement au domaine de la navigation et du ski, désignant le demi-tour effectué sur place par un skieur. Au
XXe s., il a été repris en psychanalyse dans la description de la somatisation d'un conflit psychique avec une valeur symbolique.
◈
Le terme religieux
CONVERS, ERSE n. et adj. est emprunté (v. 1165) au latin chrétien
conversus « converti », spécialement « celui qui s'est retiré du monde pour mener une vie plus religieuse » et « religieux, moine » (506), issu du participe passé de
convertere.
■
Par préfixation, on a fait RECONVERTIR v. tr. (1611), utilisé avec le sens religieux et repris au XXe s. en économie, et RECONVERSION n. f. (1874), lui aussi utilisé dans un contexte économique (dep. 1945).
CONVEXE adj. est emprunté (v. 1370) au latin convexus « courbe, bombé » (dep. Cicéron), souvent appliqué au ciel. Cet adjectif en cum « avec » (→ co-) est dérivé d'un °vexus, peut-être à rapprocher de vexare (→ vexer).
❏
Convexe, antonyme de concave, est employé spécialement en géométrie (polyèdre convexe, 1765).
❏
Il a produit le préfixé
BICONVEXE adj. (1766
bi-convexe, d'Alembert) et fourni le premier élément des composés
CONVEXO-CONCAVE et
CONVEXO-CONVEXE.
■
CONVEXITÉ n. f. est emprunté (1450) au latin impérial convexitas, dérivé de convexus.
L
CONVIER v. tr., d'abord cunveer (1125), cunvier (1160-1174), est issu du bas latin °convitare (XIe s., latin médiéval) « inviter à un repas, à une réunion ». Lui-même résulte probablement du croisement de invitare (→ inviter) et de °convivium « festin » (→ convive).
❏
Le verbe signifie proprement « inviter à un repas » et, par extension, « à une réunion », et a reçu comme inviter un sens figuré, « inciter qqn à faire qqch. » (1160-1174), l'usage moderne imposant la construction convier à au lieu de l'ancienne, convier de. Celui-ci, au XVIIe s., a mis fin à l'emploi de la forme pronominale, se convier de / à « s'offrir à, se proposer de », et à convier n. m., substantivé au sens de « repas de fête ».
❏
Le participe passé CONVIÉ, ÉE a été adjectivé et substantivé (1580) au sens d'« invité » sans connaître une expansion comparable à celle d'invité et surpassé par l'emprunt convive.