L CORBEILLE n. f. est issu (v. 1160) du bas latin corbicula « panier léger en rotin », diminutif de corbis « panier », lequel appartient à une série de mots d'origine méditerranéenne désignant des objets tressés, notamment d'usage agricole.
❏  Le mot désigne un panier léger et, par une métonymie courante pour les noms de contenants, son contenu. On appelle ainsi corbeille de mariage (1762) l'ensemble des cadeaux offerts par le fiancé à sa future épouse (à l'origine disposés dans une corbeille). ◆  Par analogie de forme, corbeille est devenu un terme d'architecture (1690), pour la forme génératrice du chapiteau autour de laquelle se groupent les ornements, et d'horticulture (1798), pour un massif de fleurs. Au XIXe s., il a développé d'autres acceptions analogiques, désignant, à la Bourse, l'espace circulaire entouré d'une balustrade réservé aux agents de change (1848) et, au théâtre, le balcon situé immédiatement au-dessus de l'orchestre (1883). Il a aussi fourni deux noms de fleurs (1829, corbeille d'or ; 1867, corbeille d'argent).
❏  En a été dérivé CORBILLON n. m. (XIIIe s., corbeillon) « petite corbeille » puis « jeu de société où, à la question Que met-on dans mon corbillon ?, les joueurs doivent répondre par une rime en -on » (1663).
❏ voir CORVETTE.
CORBILLARD n. m., d'abord corbillaz (1549) au pluriel, puis corbillard (1688), est composé de Corbeil, nom d'une ville au confluent de la Seine et de l'Essonne, et du suffixe -at, refait ultérieurement en -ard.
❏  Le corbillard doit son nom au fait qu'il est à l'origine le coche d'eau qui fait le service entre Corbeil et Paris. Par dérivation, le mot a pris ironiquement le sens de « carrosse bourgeois » (1690) et a été employé au XVIIIe s. avec le sens de « carrosse transportant la suite des princes » (1718). ◆  Le sens moderne (1778) « voiture transportant un cercueil » serait une nouvelle dérivation assez inattendue ; J. Cellard préfère recourir à une autre formation, variante de corbillat « petit corbeau » (→ corbeau), le corbeau étant un symbole funèbre. Un sens figuré de corbeau, évoqué à propos du XVIIe s., « personne chargée d'enlever les cadavres des pestiférés », a pu jouer un rôle.
CORBIN → CORBEAU
CORDE n. f., francisation (v. 1130) de corda (v. 980), est emprunté au latin chorda, lui-même emprunté au grec khordê qui pourrait venir, sous une forme initiale °khorodê, syncopée en khordê, du hittite karad- « intestins ». Le mot grec a le même sens au pluriel et a été employé au singulier au sens de « saucisse, boudin » d'où, par métonymie, « corde d'un instrument de musique (en boyau) ». Il est passé en latin avec ce sens technique avant de devenir, à basse époque, le synonyme de funis « corde » (→ funambule, funiculaire) et de le supplanter, en s'étendant de la corde en boyau à celle en chanvre. C'est ainsi que corde a remplacé l'ancien français fun qui n'est plus répertorié que dans les termes de marine fune, funer.
❏  Le développement du mot a suivi l'extension des emplois de la chose. Dès le XIIe s., corde est attesté au sens de « lien qu'on passe au cou du pendu » (v. 1175), donnant lieu (1612) au sens métonymique de « supplice de la potence » (mériter la corde). Le mot désigne aussi la corde servant à bander un arc (v. 1165) et compte de nombreux emplois en sports et jeux : ainsi, il sert à désigner le fil sur lequel travaillent les funambules (1531), sens auquel se rattache la locution figurée danser sur la corde (1694). Au XIXe s., il entre dans la locution corde à sauter (1837), « corde munie de poignées à ses extrémités que l'on fait tourner autour de soi en sautant pour qu'elle passe sous les pieds », appelée au Québec corde à danser. Dans le domaine du sport hippique, le mot désigne le lien qui limite la piste où courent les chevaux (1855). Étendu à d'autres sports de course, ce sens a fourni des locutions figurées du type tenir la corde (1869), puis a gagné les domaines de l'alpinisme (1868) — Cf. ci-dessous cordée — et de la boxe (1904), où les cordes sont celles qui délimitent le ring. Dans les cordes se dit du boxeur en difficulté, poussé vers l'extérieur du ring. ◆  Corde est employé techniquement par certaines professions : par les bûcherons pour la mesure d'un volume régulier de bois (1350, en région liégeoise), par les drapiers (1675 ; 1828, dans la locution usé jusqu'à la corde), et par les pêcheurs (1754) pour désigner la ligne de fond. Des syntagmes peuvent spécifier certaines fonctions : corde à linge (sur laquelle on étend le linge lavé pour le sécher) donne lieu en français du Québec à l'expression dormir sur la corde à linge, « hors de la maison, ou très mal ». ◆  La corde pouvant servir à mesurer un volume, notamment du bois, le mot s'emploie en français du Canada à propos de l'unité de mesure correspondant à 4,2 m3 (acheter deux cordes de bois ; bois à la corde).
Très tôt, corde a repris au latin le sens de « boyau utilisé en musique » (déb. XIIe s.) dont procède l'emploi métonymique du pluriel les cordes « instruments à cordes frottées dans un orchestre » (1903), essentiellement les violons, altos, violoncelles et contrebasses. ◆  Ce même sens a donné, par métaphore, celui (1797) de « ce qui est sensible, vibre émotivement », réalisé dans le syntagme corde sensible. Par analogie, corde a été repris en anatomie dans cordes vocales (1805, Cuvier). Il a reçu, par métonymie, le sens de « son que rendent les cordes vocales », entrant dans la locution figurée ce n'est pas dans mes cordes, « ce n'est pas de ma compétence », qui n'est plus comprise comme musicale. ◆  Toujours au XIXe s., en anatomie, il désigne un ligament musculaire, entrant aussi dans corde dorsale (fin XIXe s., parfois chorde dorsale, par calque du latin scientifique chorda dorsalis) « cordon cellulaire des vertébrés primitifs » constituant l'ébauche de la colonne vertébrale (voir ci-dessous cordés et les composés).
❏  La dérivation, relativement abondante, est riche en substantifs désignant des cordes de différentes grosseurs, matières et destinations, et d'abord d'un verbe.
■  1 CORDER v. tr. (1165-1170), « tresser avec des cordes » et « tordre en cordes », exprime également l'idée de « lier avec des cordes » (v. 1200) et, spécialement, « mesurer du drap à la corde » (1265), sens aujourd'hui disparu. En revanche, corder du bois, le mesurer « à la corde », se dit au Québec, après avoir été d'usage régional en France, de même que corde et cordée, en ce sens. ◆  On en a dérivé CORDAGE n. m., d'abord cordaige (1265) qui, de nom d'action, a acquis une valeur collective puis celle de « câble » (1358-1359), fonctionnant alors comme augmentatif de corde.
■  CORDEUR n. m. (1538) se rapporte à la mesure du bois à la corde.
■  Par préfixation, corder a donné DÉCORDER v. tr. (XIIe s.), repris en alpinisme au XIXe s. (se décorder, 1869) ; ENCORDER v. tr. (XIIe s.), « mettre en corde », repris en alpinisme d'après cordée (s'encorder, v. pron., 1895 ; d'abord encordé, ée p. p. adj. 1869) et RECORDER v. tr. (v. 1300).
■  Avant la fin du XIIe s., corde a produit les diminutifs CORDEAU n. m., d'abord cordel (v. 1165) et CORDELLE n. f. (v. 1180). Cordeau s'est spécialisé pour désigner une corde assez fine tendue pour pouvoir suivre une ligne droite, dans plusieurs techniques. L'expression tiré(e) au cordeau, « très droit », s'emploie au figuré pour « très régulier, impeccable ». En termes de pêche, cordeau désigne la ligne de fond employée dans la pêche aux anguilles traditionnelle. ◆  En technique des explosifs, le mot désigne une gaine cylindrique allongée contenant une substance explosive. Cordeau détonant, servant de détonateur. Cordeau Bickford, mèche à combustion lente (cordeau est parfois déformé en cordon). ◆  Les cordeaux, en français du Québec, désignait les guides, les rênes d'un cheval, et tenir les cordeaux se dit d'une femme qui dirige la maison. ◆  Quant à cordelle, ce mot a peu à peu disparu de l'usage central, en laissant un dérivé CORDELETTE n. f. (1213), demeuré très vivant.
■  Cordel a aussi eu pour dérivés CORDELIER n. m. (1249), « moine franciscain portant une cordelière à trois nœuds », et CORDELIÈRE n. f. (fin XVe s.), d'abord réservé à la ceinture en corde formant plusieurs nœuds que portaient ces franciscains, puis à un gros cordon. Le mot s'emploie aussi en blason (in Furetière, 1690).
CORDON n. m. (v. 1170) désigne une corde mince, faite d'une matière autre que le chanvre ; le mot compte plusieurs emplois spéciaux (cordons d'une bourse, d'où l'expression tenir les cordons de la bourse, « régir les dépenses », cordon d'une sonnette d'où, au XIXe s., l'exclamation cordon ! pour obtenir l'ouverture de la porte) et s'est étendu au large ruban qui sert d'insigne honorifique (1671). C'est à ce sens que se rattache originellement cordon bleu « cuisinière experte » (1814). ◆  Comme corde, cordon compte quelques emplois en anatomie (1688), dont le syntagme usuel cordon ombilical (1754) ou encore cordon médullaire. Couper le cordon, « s'affranchir », fait allusion au cordon ombilical. Par analogie de forme, il désigne aussi diverses choses alignées, ou de fines bandes allongées dans plusieurs domaines. Cordon sanitaire se dit (1821) d'une ligne de postes de contrôle sanitaire, par exemple le long d'une frontière, en cas d'épidémie. ◆  Cordon littoral s'emploie en géographie pour un dépôt allongé, continu, de sables, d'alluvions (par exemple, un lido), pouvant isoler, près d'une côte, une nappe d'eau marine formant lagon. ◆  Il est lui-même à l'origine de CORDONNER v. tr. (v. 1210) et CORDONNET n. m. (1515) « petit cordon » ou « petite tresse », puis aussi (1754), « fil spécial pour broder, faire les boutonnières ».
■  Le composé CORDON-BLEU n. m. à côté de son sens original, est devenu grâce à l'esprit publicitaire le nom d'un plat de supermarché, tranche de viande au jambon et fromage fondu.
CORDÉE n. f. (1481, « ce qui peut être entouré d'une corde ») s'est répandu dans l'usage courant, en France, en Suisse romande, au sens de « groupe de grimpeurs attachés par une corde » (1886). Le sens initial s'est maintenu au Québec à propos du bois mesuré « à la corde ».
Du sens de corde en musique procède le mot didactique CORDOPHONE n. m., pris à l'allemand, et désignant tout instrument de musique où le son vient des vibrations de cordes (guitare, violon, piano, etc.). ◆  Plusieurs termes de biologie procèdent de l'emploi de corde dans corde dorsale (ci-dessus). CORDÉS n. m. pl. (attesté en 1946, certainement antérieur) désigne l'embranchement des animaux à notocorde possédant un cordon nerveux dorsal (vertébrés, céphalocordés, tuniciers). ◆  PROCORDÉS n. m. pl., d'abord écrit prochordés (1898), est formé de pro- et de corde (dorsale), du latin chorda. Le mot désigne l'embranchement d'animaux métazoaires à cavité générale (cœlomates), à symétrie bilatérale, possédant une corde dorsale, un système nerveux dorsal, mais pas de colonne vertébrale ni de crâne. ◆  CÉPHALOCORDÉS n. m. pl. (1952) est le nom du sous-embranchement des Cordés comprenant les amphioxus.
■  NOTOCORDE n. f., formé (1868) du grec notos « dos » et de corde (latin chorda), est un mot d'embryologie correspondant à « corde dorsale » et qui concerne la spécialisation du mésoderme définissant l'axe du corps des vertébrés.
❏ voir CORDILLÈRE, GOURDIN, MONOCORDE.
2 CORDER v. tr. est l'aphérèse d'accorder. En français régional du Centre, de l'Ouest, il s'emploie pour « vivre en bonne entente avec (qqn) ». En français de Suisse (attesté en 1792) il s'emploie pour « accorder (qqch.) à qqn » et, par figure, « souhaiter à qqn (qqch.) », « être heureux de ce qui lui arrive ». Se corder qqch. « se le payer, se l'accorder ». Cet emploi tend à vieillir.
CORDIAL, IALE, IAUX adj. et n. est emprunté (1314) au latin médiéval cordialis « relatif au cœur » (v. 1210), « qui a des qualités de cœur » (v. 1320), dérivé du latin classique cor, cordis (→ cœur).
❏  Le sens objectif et médical, « relatif au cœur », est sorti de l'usage, sinon avec la valeur de « qui fortifie le cœur », substantivé (1495) comme nom d'une potion qui fortifie le cœur. ◆  L'adjectif est usuel avec le sens psychologique de « qui a des qualités de cœur » (v. 1450). Il exprime une idée de chaleur, de vivacité et, quelquefois, s'entend par antiphrase (haine cordiale).
❏  En ont été dérivés CORDIALEMENT adv. (1393, cordïalement) et CORDIALITÉ n. f. (1450) qui ont suivi l'évolution de sens de l'adjectif, le premier étant devenu courant dans les formules épistolaires, peut-être par calque de l'anglo-américain cordially (cordialement vôtre).
CORDILLÈRE n. f., d'abord francisé en cordelière (1611), puis cordillière (1801) et cordillère (1838), est emprunté à l'espagnol cordillera « chaîne de montagnes » (1601). Ce dernier est dérivé de cuerda « corde », employé ici métaphoriquement (→ corde). La première forme française (cordeliere de montagnes, 1611) est une adaptation du mot espagnol d'après cordelière « ceinture, cordon tressé ».
❏  Le mot est courant, généralement avec une majuscule, en parlant d'une chaîne de montagnes en pays de langue espagnole ; avec une minuscule, il est parfois employé dans la description d'un relief quelconque.
CORDONNIER n. m., d'abord cordoennier (déb. XIIIe s.), puis cordonnier (v. 1255), est dérivé de cordouan (1168 ; av. 1150, cordoan) « cuir de Cordoue », lui-même emprunté à l'espagnol mozarabe de même sens cordobán, de Córdoba « Cordoue », ville célèbre pour le travail du cuir apporté par les Arabes. L'altération que l'on note entre la forme attestée en latin médiéval corduanarius (1100) et la forme actuelle cordonnier s'explique par l'influence de cordon*.
❏  Cordonnier a concurrencé et supplanté l'ancien français sueur (encore au XVe s.), représentant du latin sutor « cordonnier », ainsi que corvoisier, corveisier, dérivé de corvois, premier nom du cuir de Cordoue adapté du latin cordubensis. Corveisier aurait cédé la place à cordonnier parce que, d'abord appliqué exclusivement aux artisans qui fabriquaient des souliers neufs, ou de luxe, il a été usurpé par ceux qui réparaient les vieux souliers. On aurait ainsi ressenti le besoin d'un nouveau nom pour ceux qui fabriquaient les souliers neufs : ce fut pendant très longtemps la fonction du cordonnier car, jusqu'au XVIIIe s., le travail de réparation était l'œuvre des savetiers (Cf. savate). On garde une trace de l'ancien sens de cordonnier dans le proverbe les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés. ◆  La situation s'est modifiée au XXe s. avec la fabrication industrielle des chaussures : le cordonnier s'est uniquement vu confier les travaux de réparation, le passage au sens moderne se lisant dans l'état intermédiaire cordonnier de réparation (1926) ; ceux qui désirent à présent des chaussures sur mesure s'adressent à un bottier (→ botte). Les anciens noms de profession corvoisier et sueur survivent comme noms de famille, avec Corvisart (Lorraine), Courvoisier (Franche-Comté), Crouvoisier (Moselle) et, d'autre part, Sutter (Mulhouse), Sueur, Lesueur, Suire (anciens cas régime et cas sujet, surtout Nord-Ouest) et, dans le domaine occitan, Sudour (Sud-Ouest) et l'ancien cas sujet Sudre. ◆  Cordonnier, en français mauricien, peut-être par jeu de mots sur son nom latin, Siganus corallinus (de corail), désigne un poisson très apprécié.
❏  CORDONNERIE n. f. (1532) est la réfection de l'ancien cordouannerie (1236), dérivé du radical de cordouannier.
CORDYLINE n. f., terme de botanique, du latin des botanistes cordylina, désigne une plante (Liliacées) à tige unique, à fleur rouge, à vertu médicinale. Le mot est employé en français de Nouvelle-Calédonie, et la plante a une valeur symbolique (Leenhardt). Le mot qui désigne une variété, diro, est usuel, cordyline demeurant un terme technique.
CORIACE adj. (1549), d'abord écrit corias (1531), est probablement emprunté au bas latin coriaceus « de cuir », mot qui, par l'italien corazza, a donné le français cuirasse*. Il est dérivé de corium (→ cuir).
❏  Du sens initial, « souple, flexible » en référence à la souplesse du cuir en lanières, on est passé au sens moderne de « dur, résistant » par référence à un autre caractère du cuir (Cf. cuirasse). Employé surtout pour qualifier un aliment (en particulier la viande), le mot est également employé au sens figuré de « tenace, inflexible », parfois « avare » (1694).
❏  En sont dérivés CORIACEMENT adv., CORIACITÉ n. f. (1844 ; une fois coriaceté, au XVIe s.), tous deux rares.
CORIANDRE n. f. est emprunté (XIIIe s.) au latin coriandrum, lui-même emprunté au grec koriannon, parfois abrégé en korion ; on a évoqué un rapprochement avec koris « punaise », d'après l'idée d'odeur forte, mais la neutralisation de l'idée de mauvaise odeur est peu vraisemblable : le mot grec est probablement d'origine méditerranéenne.
❏  Le mot désigne à la fois la plante et, par métonymie, sa graine utilisée comme condiment.
CORINTHIEN, IENNE adj. et n. est dérivé (v. 1530) du nom français de la cité grecque de Corinthe.
❏  Le mot s'applique spécialt à un ordre d'architecture caractérisé par un chapiteau (dit aussi corinthien) orné de deux rangs de feuilles d'acanthe et de volutes.
❏  Le nom Corinthe s'emploie dans l'expression raisins de Corinthe, désignant des raisins séchés, parfois appelés des corinthe(s), notamment en français de Belgique, du Luxembourg.
CORMORAN n. m. est la réfection, en cormorant (1379) puis cormoran (1550), de l'ancienne forme cormareg ou cormareng attestée au XIIe s. : le passage du a au o s'expliquerait par une assimilation progressive avec le o de la première syllabe ou bien (moins vraisemblablement) par l'influence du breton mor « mer » et du nom breton du cormoran : mor-vran, littéralement « corbeau de mer ». Cormareg ou cormareng, « corbeau de mer », est probablement composé de l'ancien français corp « corbeau » (→ corbeau) et de l'adjectif °mareng « marin », également attesté par le régional pie marange (Ouest). Cet adjectif est issu du latin mare (→ mer) avec le suffixe -enc, adaptant le germanique -ing. Dès le VIIe s., dans les Gloses de Reichenau, on relève un corvum marinum, marinum étant la latinisation du germanique maring.
❏  Le mot désigne un oiseau aquatique. Par analogie, il s'applique quelquefois à un être humain, par évocation du cou replié et de la tête dans les épaules, et aussi de l'activité du pêcheur, souvent avec une valeur péjorative (Huysmans emploie cormoran de Meaux, d'après aigle de Meaux désignant Bossuet).
CORNAC n. m., d'abord Cornaca (1637) puis cornac (1685), est emprunté au portugais cornaca (1612). Ce dernier est emprunté à une langue indienne, probablement au cinghalais kūrawa-nāyaka (restitué d'après cournakeas, chez un voyageur hollandais du XVIIe s.), proprement « dompteur d'éléphants ».
❏  Le mot désigne, comme son étymon, un conducteur d'éléphants et a développé le sens figuré de « guide, personne qui introduit » dans la langue familière (1833).
❏  En ce sens, il a produit le verbe familier CORNAQUER v. tr. (1857), « servir de guide à qqn ».
CORNALINE → CORNE
L + CORNE n. f. est issu (v. 1121) du bas latin corna, altération de cornua, pluriel neutre pris comme singulier féminin de cornu. Ce mot, qui est à l'origine de cor*, se rattache à une racine indoeuropéenne °kor-, °ker- désignant des objets protubérants. On la retrouve en latin dans cervus (→ cerf) et cerebrum (→ cerveau), en grec dans kara (→ chère), kranion (→ crâne) et keras (→ kératine).
❏  Le mot, proprement « excroissance dure de certains animaux », a connu une expansion de type analogique, symbolique et métonymique. Il a été employé en parlant d'êtres imaginaires, à commencer par le diable et la licorne (→ licorne), et s'est étendu aux bois des cerfs, aux pédicules des limaçons (v. 1330) et aux appendices d'insectes. Certains syntagmes ont reçu une valeur figurée spéciale, tel corne de gazelle (mil. XXe s.), nom d'une pâtisserie orientale. ◆  La corne du cerf, par métonymie, prend le sens de « cerf » dans l'expression cornes molles du français de Nouvelle-Calédonie, « cerf dont le bois vient de repousser et est recouvert d'une peau veloutée ». ◆  Symbole de puissance (en particulier virile), la corne a été prise par dérision comme l'attribut imaginaire des maris trompés : l'emploi du mot en ce sens apparaît au pluriel au XVe s. (Cf. ci-dessous 1 cornard).
■  Très tôt (v. 1195), corne a aussi désigné les angles saillants présentés par un objet (cornes de mitre, de lune, 1265) et le pli fait au coin d'un papier. En géographie, on parle de la Corne de l'Afrique pour son extrémité orientale, avec la pointe de la Somalie. La Corne d'Or désigne le site du port d'Istambul, dans la baie du Bosphore.
■  Par figure, le mot désigne aussi des objets faits à l'origine d'une corne évidée : ainsi, l'expression corne d'abondance (1559) traduit-elle le latin cornucopia (→ copieux), renouant avec le symbolisme de fertilité et de richesse dont la corne est porteuse depuis une très haute Antiquité grecque.
■  Par la même métonymie, le mot désigne aussi un instrument servant à avertir (→ cor) et, de là, un ancien avertisseur d'automobile ainsi qu'en marine, la corne de brume, expression toujours en usage.
Par une autre figure, il désigne la substance tirée de la corne (1340) et, par suite, un objet fait de corne (corne à chaussure, 1827).
❏  Beaucoup plus vivant que son ancien concurrent cor, corne a produit de nombreux substantifs dans ses différents sens, certains d'entre eux (cornichon, par ex.) étant démotivés.
CORNER v. tr. apparaît (1080) au sens de « sonner du cor », puis est employé extensivement pour « produire un son analogue », spécialement (déb. XXe s.) en parlant d'une trompe d'automobile, sens disparu au profit de klaxonner. Le verbe signifie aussi, d'une chose, « émettre un bruit prolongé, assez sourd », valeur déjà courante à l'époque classique (les oreilles me cornent, Molière). ◆  Un autre sens de corne donne lieu à corner « plier, faire un pli à » (1829).
■  Le verbe, dans sa valeur acoustique, a produit CORNEUR n. m. (1185) et deux noms d'action, CORNAGE n. m. (1394) et CORNEMENT n. m. (1549). Le premier a désigné l'action de sonner du cor, puis le son du cor et, par analogie, un son analogue, spécialement (1791) un râle que les chevaux et les ânes poussifs font entendre en respirant, puis (1814) un bruit analogue chez l'homme, par exemple en cas de diphtérie. De là, l'emploi de corner (attesté 1835) et de corneur (1835) à propos des chevaux atteints de cornage. ◆  Corner dans ce sens a servi à former 2 CORNARD, ARDE adj. (1834).
Le composé CORNEMUSER v. tr. est formé (v. 1223) des verbes corner « sonner du cor, de la trompe » et muser « jouer de la musette » (→ musette). Il est sorti d'usage, mais son dérivé CORNEMUSE n. f. (v. 1300) reste bien vivant, alors que musette a vieilli. Le mot sert à traduire l'anglais bagpipe et désigne surtout l'instrument des Écossais, la cornemuse bretonne étant appelée biniou.
De corne, au sens d'« angle saillant », provient CORNIER, IÈRE adj. (fin XIIe s.) qualifiant ce qui forme un angle, un coin saillant, spécialement en construction, en menuiserie (mobilier) et (1690) à propos d'un arbre choisi pour marquer la borne, l'angle d'une coupe de bois.
■  CORNIÈRE n. f. (1170) a le sens d'« angle », se substituant à cette valeur de corne dans divers emplois techniques, en construction, en ébénisterie — où il peut passer comme la substantivation de l'adjectif cornier —, ainsi qu'en marine et en imprimerie.
Le diminutif CORNET n. m. (déb. XIIIe s.) concerne des objets en forme de corne, notamment destinés à produire des sons (Cf. cor et ci-dessus corne). De ce sens procèdent des syntagmes en musique moderne, dont cornet à pistons (1826) désignant un instrument (cuivre) analogue à la trompette, mais plus court, appelé aussi cornet, absolument. Cornet acoustique, désignant un instrument qui recueille et amplifie les sons, a été précédé par l'expression cornet pour un sourd (1660), disparue. En français de Belgique et de Suisse, cornet désigne l'appareil téléphonique classique, le « combiné » (aujourd'hui archaïque). ◆  Cornet désigne aussi par analogie de forme un contenant, par exemple dans cornet à surprise ou cornet de glace (de crème glacée, au Québec). Depuis le moyen français (1483), cornet désigne aussi une pâtisserie. ◆  Le mot est usuel dans ce sens en Suisse et en Savoie, où il s'emploie là où le français central utilise sachet, pochette, pour « petit emballage pour la vente ».
■  Au figuré le mot désigne l'estomac, d'abord en argot (1889), par exemple dans mets-toi ça dans le cornet. ◆  C'est avec cette valeur que la langue populaire a créé le dérivé CORNIOLON n. m., souvent écrit CORGNOLON (1878).
■  Cornet, en musique, a pour dérivé CORNETTISTE n. (1866), « joueur de cornet (à pistons) ».
■  Un composé préfixé, ENCORNET n. m. (1611) est l'un des noms régionaux du calmar, animal dont le corps forme une sorte de cornet ; cornet s'est d'ailleurs employé dans ce sens (dep. 1562).
Le diminutif féminin de corne, CORNETTE n. f. (XIIIe s., apr. 1250) a désigné des coiffures féminines à pointes (cornes), notamment des coiffes traditionnelles et, depuis le XVIIe s., la coiffe des religieuses de l'ordre de Saint Vincent-de-Paul. ◆  Au début du XVIe s., le mot acquiert une spécialisation militaire, désignant l'étendard en pointe d'une compagnie de cavalerie (av. 1514) et, par métonymie, le porte-étendard (1578). ◆  Plus généralement, le mot désigne des petites cornes et des formations végétales en forme de cornes. En français de Suisse, c'est le nom de petites pâtes alimentaires coudées, appelées coquillettes en France. Le mot correspond à l'allemand de Suisse Hörnli.
Un troisième diminutif de corne est 1 CORNICHON n. m., d'abord attesté (1547) dans le nom d'un jeu, cornichon va devant, consistant à courir en ramassant des objets au passage. Le sens du mot, « petite corne », est rapidement dégagé en emploi érotique (1549). ◆  Cette valeur a disparu et le mot s'est répandu au sens de « petit concombre » (1654) auquel on a tendance à rattacher les sens figurés familiers de « niais » (1808), lequel peut aussi être fondé sur les valeurs péjoratives de cornard, cornu, et d'« aspirant à Saint-Cyr » (1858), ce dernier étant peut-être motivé par la métaphore désignant l'école militaire par le bocal.
D'autres dérivés peuvent être répartis selon les principales acceptions de corne. La matière donne lieu à CORNÉ, ÉE adj. et à CORNALINE n. f., d'abord corneline (v. 1250). Le mot désigne une pierre, présentant des zones rougeâtres et brunes, d'une transparence cornée.
■  Le sens initial est à la base de CORNADE n. f., emprunt (1652, Scarron) à l'espagnol cornada « coup de corne donné par une vache, un taureau », qui a vieilli.
■  Le même sens, avec une métaphore culturelle qui donne à la corne des animaux une valeur ironique, signalant symboliquement l'homme trompé, se retrouve dans 1 CORNARD n. m., réfection suffixale (avec -ard péjoratif) [1608] de cornair (v. 1278), d'abord « niais » puis (1600) « cocu » (→ corniaud, cornu).
Quant à corne, « instrument produisant des sons », il a servi de base à CORNISTE n. (1821) qui s'applique au joueur de cor d'harmonie et peut être considéré, au moins sémantiquement, comme un dérivé de cor avec une nasale de liaison.
Corne est aussi à l'origine de mots préfixés, parmi lesquels des verbes. ÉCORNER v. tr., formé de é-, corne et suffixe verbal (v. 1200), a signifié « priver (un animal) de ses cornes », sens disparu au profit de décorner. ◆  D'après la valeur de corne, « angle saillant », il se dit depuis le début du XVIIe s. (v. 1611) pour « endommager la partie saillante, le coin de (un objet, une page) », s'opposant en ce sens à décorner (1759) ; il est parfois pris au sens figuré de « réduire, entamer ».
■  En ont été tirés ÉCORNURE n. f. (1694) « éclat de chose écornée » et (1846) « partie d'une chose entamée », ainsi qu'ÉCORNAGE n. m. (1866) qui a supplanté écorne (1566).
■  Par composition, écorner, pris au sens d'« amputer de ses cornes », a produit ÉCORNIFLER v. tr. (v. 1441) à l'aide du moyen français nifler (→ renifler) et peut-être du moyen français rifler « piller ». Familier aux sens de « se procurer (un bon repas, de l'argent) aux dépens d'autrui » et d'« érafler », écornifler est plutôt littéraire au sens figuré d'« endommager, porter atteinte à ». ◆  En ont été tirés ÉCORNIFLEUR, EUSE n. (1537), ÉCORNIFLERIE n. f. (1573) et ÉCORNIFLURE n. f. (1855).
ENCORNER v. tr. (1250), formé sur en- et corne « garnir de cornes », a pris le sens figuré familier de « rendre cocu » à la fin du XVIe siècle. ◆  Il signifie également « frapper à coups de corne » (1530) en parlant d'un animal, notamment d'un taureau.
■  ENCORNURE n. f. (1611) désigne l'implantation des cornes d'un animal.
Il faut distinguer deux verbes décorner. Le premier, 1 DÉCORNER, est formé (XVIe s.) sur dé-, corne et suffixe verbal, et signifie « enlever les cornes de (un animal) ». Il est à peu près sorti d'usage, sauf dans la locution un vent à décorner les bœufs « un vent très violent ». Un verbe homonyme, 2 DÉCORNER, est formé de dé- et de corner et signifie « remettre à plat ce qui était corné, plié ».
RACORNIR v., formé avec le préfixe re-, corne et la finale des verbes du second groupe, est d'abord attesté (v. 1330) au figuré pour « rendre insensible, sec », avant de s'employer concrètement (1611) pour « rendre dur (comme de la corne) », avec l'idée de dessèchement, de vieillissement. ◆  Comme ses dérivés, RACORNI, IE adj. (v. 1330) et RACORNISSEMENT n. m. (1743), ce verbe suggère souvent à la fois un processus physique et psychologique.
UNICORNE adj. (v. 1120, comme nom féminin de la licorne), BICORNE adj. (1302) et TRICORNE adj. (1836) sont des emprunts faits au latin. Le premier, substantivé, a désigné la licorne et le narval. Le second et le troisième s'appliquent aux cornes d'un chapeau, et sont substantivés pour « chapeau à deux, à trois cornes ». Uni- et bicorne qualifient le rhinocéros (par exemple dans la pièce d'Ionesco, Rhinocéros).
Corne a pour composé plaisant CORNECUL adj. qui signifie en argot de l'École polytechnique (1936) « beau, admirable » puis, l'ironie étant supprimée, « absurde, ridicule » en argot militaire. G. Esnault a relevé v. 1901 l'expression vent de cornecul « vent fort », en argot de marine, et le rattache au breton kornaouk « le cornu », appliqué au vent d'Ouest. Le rapport des deux emplois est obscur.
■  A. Jarry avait forgé (1888) CORNEGIDOUILLE, juron plaisant d'Ubu, sur corne (allusion au cocuage) et gidouille « bedaine ».
❏ voir CORNÉE, CORNER, CORNIAUD, CORNU, CORON, LICORNE.
CORNED-BEEF n. m. est un emprunt (1716) à l'anglais corned beef, littéralement « bœuf conservé avec du sel » (à côté des expressions corned pork, corned meat). Corned (XVIe s.), « en grains », est dérivé de corn « grain (de sel, de sable, de céréale) » (→ cornflakes) ; beef « viande de bœuf », antérieurement boef, est emprunté à l'anglo-normand, ancien français boef, buef (→ bœuf).
❏  Le mot est entré en français sous la forme corn'd-beef, devenue corn-beef au XIXe siècle. Il s'est surtout répandu entre les deux guerres, de 1914 à 1939, le corned-beef étant la viande du soldat, remplacé argotiquement — surtout en 1914-1918 — par singe.
CORNÉE n. f. est emprunté (1314) au latin médiéval cornea (sous entendu tunica) [1267], terme d'anatomie signifiant littéralement « tunique cornée », cornea étant le féminin de l'adjectif corneus, dérivé de cornu (→ corne).
❏  L'usage du substantif (1314) s'est imposé, éliminant la traduction littérale du latin tunique cornée. Le mot désigne la partie antérieure, transparente, du globe oculaire d'après sa forme de calotte sphérique un peu saillante.
❏  L'adjectif CORNÉEN, ENNE (1890), « relatif à la cornée », a quasiment éliminé CORNÉAL, ALE, AUX adj., enregistré quelques années auparavant (1865). Cornéen est employé, par exemple, dans verre cornéen.
L CORNEILLE n. f. est issu (1174-1187) du bas latin °cornicula, altération phonétique du latin classique cornicula « petite corneille », diminutif de cornix. Celui-ci appartient avec corvus (→ corbeau), nom d'un autre oiseau prophétique chez les Anciens, à un groupe de mots expressifs reposant sur une base kor- (avec de grandes variantes d'une langue à l'autre) : on a ainsi korônê « corneille » (→ couronne) et korax « corbeau » en grec, kāravaḥ « corneille (oiseau poussant le cri ka) » en sanskrit, kruk en polonais, soróka en russe, etc.
❏  Corneille a éliminé cornille, représentant du latin classique qui se maintient dans les parlers de l'Ouest, du Centre et de la Bourgogne et comme nom de famille (originellement, comme sobriquet donné aux bavards). L'emploi de corneille dans la locution bayer aux corneilles (→ bayer) s'éclaire peut-être par sa variante bayer comme une corneille qui abat des noix, l'animal étant pris comme symbole de maladresse et d'impuissance. Dans l'usage classique, on surnommait corneille d'Ésope (ou d'Horace) l'écrivain qui en plagiait un autre, en référence à la fable d'Ésope et d'Horace selon laquelle la corneille se parait des plumes des autres oiseaux (l'usage moderne dit se parer des plumes du paon).
❏  Au XIXe s., sont apparus les deux dérivés de corneille désignant les petits de l'oiseau : CORNEILLARD n. m., pour le petit de la corneille noire et du choucas (1842), et CORNEILLON n. m. (1863) pour celui de la corneille ou corbeau freux, mots rarement usités.
❏ voir CORNICHE.
CORNEMUSE → CORNE