CORNER n. m., prononcé cornère, est emprunté (1889) à l'anglais corner « coin » (XIIIe s.), lui-même emprunté à l'anglo-normand corner, de l'ancien français cornier issu du latin tardif cornarium « coin » (v. 1150), lui-même dérivé de cornu « pointe, angle saillant » (→ corne). Le mot anglais a été repris dans deux spécialisations : la première s'applique à une association de spéculateurs afin d'accaparer une denrée en provoquant artificiellement la hausse de son prix ; elle est née aux États-Unis (1853), d'après l'expression to drive into a corner « acculer ». La seconde est l'abréviation de corner-kick (1887) « coup de coin », dans les jeux de ballon.
❏  Le mot, bien qu'introduit avec son acception économique, s'est surtout répandu en football (1897). Il y désigne un coup tiré du coin du terrain et accordé par l'équipe adverse lorsqu'un de ses joueurs a envoyé le ballon derrière la ligne de but ; par métonymie, il désigne la faute qui fait bénéficier du corner.
CORNFLAKES n. m. pl. est emprunté (1913 en français du Canada ; attesté 1963 en France) à l'anglo-américain cornflakes (1908), nom d'une céréale communément servie au breakfast, consistant en pétales de maïs grillés et croustillants. Le mot signifie proprement « flocons de maïs ». Corn, de l'ancien anglais corn « grain » (→ corned-beef) et « maïs », a des correspondants (korn) en ancien frison, ancien saxon, ancien norrois et ancien haut allemand. On suppose un germanique commun °kurnam, qui selon les étymologistes anglo-saxons se rattache à un nom indoeuropéen °grnóm « particule usée ou mûrie », substantivation du participe passé d'un verbe à racine °gṛ-, °ger- « s'user, mûrir, vieillir », laquelle est également représentée dans le latin granum (→ grain), le grec gerôn « vieil homme » (→ géronte). Quant à flake, « flocon, pétale » (XIVe s.), il a des correspondants dans les langues nordiques, le norvégien flak « flocon », le suédois isflak « morceau de glace flottante ».
❏  Le mot est plus connu en français depuis quelques années avec l'adoption croissante des céréales au petit déjeuner.
? CORNIAUD n. m. a succédé (1845, corniau), par changement de suffixe, à une autre forme corneau (1655), elle-même d'origine obscure. Apparu avec le sens de « chien bâtard », le mot pourrait être dérivé de corne* pris au sens de « coin » (le chien bâtard étant le chien né au coin de la rue). Son suffixe -eau, sous la variante dialectale -iau, a été refait (1929) sous l'influence de -aud.
❏  Le mot, qui désigne un chien mâtiné, est également employé en apposition (1845) avec une valeur adjective. Quant au sens figuré de « niais, imbécile » (1949), il est peu probable qu'il soit une dérivation du premier. Il serait plutôt issu, par substitution de suffixe, de cornier « dupe, niais » (1455), lui-même dérivé, avec un autre suffixe, de cornard, d'abord noté cornair (v. 1270), proprement « homme qui porte les cornes » (→ corne) d'où « niais, mari trompé ».
❏  Le féminin CORNIAUDE semble récent.
? CORNICHE n. f. est emprunté (1524) à l'italien cornice, employé en architecture depuis la première moitié du XIVe s. et à propos d'un étroit gradin horizontal dans une paroi rocheuse (1315). L'origine de ce mot est controversée : une première hypothèse y voit le représentant du latin cornix (→ corneille) avec un déplacement métaphorique comparable à celui de corbeau et, en grec, de korônê « corneille », « extrémité recourbée ». Une seconde hypothèse part du grec korônis (dérivé de korônê) « recourbé », substantivé pour désigner le signe courbe tracé à la fin d'un écrit et une corniche. Le moyen français coronice relevé au XVIe s. serait directement repris au grec.
❏  Le mot s'est introduit en architecture ; par analogie de forme, il s'emploie en architecture intérieure et en menuiserie (1690) pour une bordure saillante ornant le haut d'un ouvrage. ◆  Ultérieurement, il s'applique à une saillie naturelle de roche dure courant le long d'une pente (1796). De là route de la corniche (1869, en parlant de la route menant de Nice à Gênes) puis route de corniche (1890), et en corniche, qui désignent une route à flanc de montagne. Corniche, en ce sens, est dans Balzac en tant que mot italien (Modeste Mignon, 1844). ◆  En marine, corniche se dit d'une pièce de bois sculptée appliquée en dehors de la lisse d'hourdi (1869).
❏  Le diminutif 2 CORNICHON n. m. (1803), gêné par la vitalité de son homonyme dérivé de corne, n'a pas eu d'avenir.
CORNICHON → CORNE
CORNOUILLE n. f., d'abord cornolles (1229-1252), cornoylle (av. 1350), cornoille (1538) resuffixé en cornouille (1680), est dérivé, avec un suffixe diminutif (latin -ŭlla) du latin cornum « fruit d'un petit arbre des haies, à bois dur, dont une espèce porte des fruits rouges comestibles ». Ce mot est lui-même dérivé de cornus, nom d'arbre apparenté au grec kranos de même sens et au lituanien Kirnis « dieu protecteur des cerisiers », sans doute d'une racine indoeuropéenne °ker-/kor- désignant un objet dur (→ corne). L'arbre était connu à date ancienne en Italie et on en a trouvé trace dans les palafittes de Suisse.
❏  Le mot désigne le fruit oblong du cornouiller, spécialement celui de l'espèce commune, rougeâtre et comestible, à saveur aigrelette.
❏  CORNOUILLER n. m. a été dérivé du nom du fruit, d'abord sous la forme corgnollier (1300-1320), puis sous sa forme actuelle (1680). On employait sans doute auparavant cornouille, par métonymie.
L CORNU, UE adj. est issu (v. 1150) du latin cornutus, adjectif correspondant au nom cornu (→ corne).
❏  Comme corne, le mot, qui qualifie ce qui a des angles saillants, des cornes (fin XIIe s.), est employé en parlant d'animaux, d'êtres mythologiques (diable, satyre) et avec quelques sens figurés. ◆  De manière symbolique et d'après les emplois de corne* (1608), il est appliqué à un mari trompé, cocu, comme 1 cornard. ◆  Par une autre métaphore, plus claire, il a eu dans l'usage classique la valeur de « bizarre, extravagant » par analogie avec le syntagme argument cornu « faux » (car il est question de cornes dans l'argument type et, surtout, la forme en corne apporte l'idée d'irrégularité, de torsion). Toujours au XVIIe s., on appelait lune cornue ce que l'usage moderne nomme croissant de lune.
❏  Cornu a produit, par substantivation de son féminin, CORNUE n. f. (1575) « alambic terminé en pointe ». Par analogie de fonction avec l'alambic, le mot désigne techniquement (1874) la partie d'un four où est réduite la matière traitée.
Le composé BISCORNU, UE adj. (1694) est la réfection, d'après le latin bis « deux fois » (→ bis), du plus ancien bicornu (1571), calque morphologique et sémantique, d'après cornu, de bicorne « qui a deux cornes » (→ corne). ◆  Biscornu a rapidement perdu la notion contenue dans son préfixe pour prendre le sens figuré d'« anguleux, irrégulier » (1580), prenant ensuite le sens moderne de « bizarre, extravagant » avec lequel il a éliminé cornu.
COROLLAIRE n. m., réfection de correllaire (1372), est emprunté au latin corollarium « petite couronne » et, au figuré, « don, supplément », parce que l'on donnait une petite couronne comme gratification, notamment aux acteurs (Cf. lauréat, laurier). À basse époque, corollarium s'est spécialisé en logique au sens de « conséquence supplémentaire ». Le mot est dérivé de corolla « petite couronne » (→ corolle), mais la variante ancienne correlaire et l'évolution de sens suggèrent des interférences avec corrélation.
❏  Le terme a été introduit en logique par Oresme, désignant un argument nouveau produit à l'appui d'une affirmation précédente. Ce sens a disparu au profit de « proposition découlant à titre de conséquence immédiate d'une autre déjà démontrée » (1611). Par extension, corollaire s'est répandu dans l'usage soutenu avec le sens de « conséquence, suite naturelle » (1788) ; il y est quelquefois employé en apposition avec une valeur adjective.
❏  En a été dérivé l'adverbe COROLLAIREMENT (1884), terme de logique, qui avait été employé par Petrus Borel au sens de « de manière à former une corolle » (1831).
COROLLE n. f. est la francisation (1756) du latin scientifique corolla (1740, Linné). Lui-même est emprunté au latin classique corolla « petite couronne, feston de fleurs, guirlande », diminutif de corona (→ couronne).
❏  Ce terme de botanique, assez répandu dans l'usage commun, entre dans la locution en corolle, employée quelquefois par métaphore (dans la description d'une robe et, plus techniquement, en travaux publics : déversoir en corolle).
❏ voir COROLLAIRE.
CORON n. m. est probablement dérivé (v. 1200) de l'ancien français cor (→ cor) ou corn « extrémité, coin » (v. 1180), sens conservé en français moderne par corne*.
❏  En ancien français, coron est propre aux dialectes du Nord (picard et flamand) où il désigne l'extrémité, la « corne », d'un bâtiment (jusqu'au début du XVIe s.). On le rencontre encore, aux XIXe et XXe s., en liégeois et en wallon au sens d'« extrémité » (d'un fil, d'une rue). ◆  Toujours dans le nord de la France et en Belgique, il a pris le sens de « bout restant d'une étoffe », puis, partant de « bout d'une rue », de « quartier ouvrier d'une localité industrielle » parce que ces quartiers sont situés en bout de rue, hors de l'agglomération. Les sens de « maison d'habitation de mineurs » (1877) et, collectivement, « groupe de maisons de mineurs » se sont répandus en français général par l'intermédiaire du roman de Zola, Germinal (1885). Par extension, au XXe s., on a parfois appliqué le nom à des habitations ouvrières toutes construites sur le même modèle.
CORONAIRE, CORONAL → COURONNE
CORONER n. m. représente le retour en français, par emprunt (1624) de l'anglais coroner (1325 écrit corowner), mot pris au normand corouner « représentant de la Couronne », dérivé du latin corona (→ couronne).
❏  Le mot désigne un officier de police judiciaire dans les pays de droit anglo-saxon ; c'est l'équivalent du juge d'instruction français. Il est usuel en français du Canada et de l'île Maurice.
COROSSOL n. m. est emprunté à la fin du XVIe s. à un mot du créole antillais, où il représente le nom (portugais curaçau, d'origine probablement amérindienne) de l'île de Curaçao. Il désigne une variété d'anone, gros fruit tropical à peau hérissée de pointes. Il est usuel aussi en Nouvelle-Calédonie.
❏  COROSSOLIER n. m. désigne, dans les régions productrices, la plante qui produit ces fruits.
COROZO n. m. est un emprunt (1838) à l'espagnol de l'Équateur corozo, employé à propos des fruits dont les graines produisent cette matière. Le mot vient, selon certains, du latin populaire corodium « noyau », mais on peut penser au sémantisme du latin cor « cœur », d'où provient la forme augmentative corazón en espagnol.
❏  Le mot désigne la matière blanche, dure, tirée de la noix d'un palmier, le phytéléphas, aussi appelée ivoire végétal, et servant notamment à fabriquer des boutons de vêtements. ◆  Il se dit aussi du palmier.
CORPORATION n. f. est probablement emprunté (1530) à l'anglais corporation, d'abord « fait de former corps » (XVe s.), par métonymie « ensemble de personnes organisées en corps », et spécialement « personne morale créée par une charte », puis au XVIe s. « compagnie de commerce ». Le mot anglais est emprunté au latin médiéval corporatio (1142, dans corporatio civitatis), formé sur le supin du latin médiéval corporari « se former en corps », du latin classique corpus (→ corps).
❏  Le mot apparaît en français dans Palsgrave (1530) pour désigner des institutions anglaises et ce n'est qu'au XVIIIe s. qu'on commence à l'employer à propos des Français, souvent au sens très général de « corps à statut juridique », mais déjà en l'appliquant aux métiers. Il se répand au XIXe s. et ne devient un terme d'histoire qu'à la fin du XIXe s. et au XXe siècle. Il est inconnu au XVIIe s., et n'a pas été contemporain du système des corporations, liquidé par la Révolution : on utilisait alors corps de métier, métier, maîtrise jurande et communauté. Comme artisanat, le mot est donc anachronique par rapport à ce qu'il désigne. Les corporations sont apparues au XIe s. (sous forme d'associations de marchands) et se sont multipliées aux XIIe et XIIIe s., recevant leurs premiers statuts et privilèges. Ces statuts définissent généralement la composition des métiers en catégories hiérarchisées (Cf. maître, apprenti, valet). Le déclin des villes ne les empêche pas de se multiplier et de prospérer aux XVIe et XVIIe s. dans le cadre national monarchique, mais dès la fin du XVIe s., on leur reproche toutes sortes d'abus. Au XVIIIe s., sous l'influence des physiocrates, Turgot les condamne et les abolit par l'édit du 5 février 1776. La Révolution et l'essor du capitalisme balaient, au nom de la liberté d'entreprise, ce qui reste du système en France, puis dans le reste de l'Europe. ◆  Appliqué à l'Angleterre, corporation désigne une communauté d'habitants créée par charte royale et jouissant des mêmes droits qu'un particulier (1734). On a gardé le mot en contexte français pour désigner l'organisme social que constitue l'ensemble des personnes exerçant une même profession. ◆  Le mot s'emploie au Québec pour désigner des communautés ayant le statut de personne morale, en droit public (corporation municipale) ou privé. Cet emploi est critiqué.
❏  Son radical a servi à former CORPORATIF, IVE adj. (av. 1837, Fourier), CORPORATISME n. m. (1911, Jaurès) et CORPORATISTE adj. (v. 1930), ces deux derniers termes économiques employés couramment pour « attitude d'esprit de corps professionnel ».
L + CORPS n. m. est issu (v. 881) du latin corpus, mot appartenant à un groupe obscur, peut-être élargissement d'un thème en °krp- attesté en indo-iranien. Dès l'origine, corpus est pris dans l'opposition « corps-âme », opposé à anima ou animus, et désigne non seulement l'organisme vivant, mais aussi le corps inanimé, le cadavre (peut-être par traduction du grec sôma, → somatiser), ainsi que tout objet pris dans sa matérialité, toute substance matérielle. Par métaphore, il est employé à propos de choses composées de parties (comme le corps est formé du tronc, de la tête et des membres), en particulier dans la vie politique, en parlant d'une assemblée, d'une « corporation ».
❏  Tous ces sens sont repris ou développés par corps, apparu au sens d'« organisme vivant ». Le français, dans le contexte d'une culture catholique, saisit immédiatement le mot dans son opposition à esprit et à âme (locution corps et âme), non sans une dépréciation sensible dans des locutions du type diable au corps, faire folie de son corps (v. 1260) d'où vient tardivement femme folle de son corps (1863). ◆  Corps s'applique aussi au corps humain après la mort, servant parfois à éviter le mot cadavre, spécialement dans un contexte religieux (v. 1050), réalisant un transfert symbolique avec corps glorieux (1524). Le corps pris comme objet de l'anatomie ou considéré sous son aspect extérieur est plus précisément dénommé organisme. ◆  Par le procédé métonymique qui consiste à exprimer la partie par le tout, il désigne parfois seulement le tronc (v. 1080) et la partie du vêtement qui recouvre le tronc (v. 1170) [Cf. ci-dessous corset, corsage, corselet]. ◆  Par le procédé inverse qui exprime le tout par la partie, il est employé avec le sens d'« individu, personne » (v. 1050), dans de nombreuses locutions comme à corps perdu (1560), garde du corps (1549) et, dans un contexte d'abord juridique, à son corps défendant (1613 ; sous une autre forme, 1220), prise de corps (1283).
■  Selon le même développement que le latin corpus, corps désigne un objet matériel, dans des emplois particuliers : corps céleste (1220) ; corps estrange (1561), devenu corps étranger (1680) et, depuis 1580, avec une valeur générale. ◆  Plusieurs emplois spécialisés sont apparus depuis en chimie (1585, corps simple — redéfini par la chimie moderne, Cf. élément), en marine (corps flottant) ainsi qu'en droit avec corps du délit (1824 ; 1754, corps de délit), expression calquée du latin corpus delicti « chose qui constitue et forme la preuve du délit ».
■  Par analogie avec corps « tronc » et par opposition à membre(s), le mot désigne également (XIIIe s.) la partie principale d'une chose matérielle. Son emploi dans le vocabulaire de la marine au sens de « partie principale du navire, coque » est à l'origine d'une locution figurée où le sens de corps est généralement mal interprété : couler corps et biens. ◆  D'autres emplois spéciaux sont apparus dès le XIIIe s. : corps de la maison, puis en architecture corps de bâtiment, et, plus techniquement, à propos d'un meuble, d'un organe, d'un arbre et d'une lettre, le corps d'une lettre désignant le trait principal qui dessine une lettre, en typographie (1528) et en calligraphie (1694).
■  Par une autre analogie, le mot exprime la consistance de certains objets : on l'emploie en parlant d'une teinture (1580), d'un vin (1680, avoir du corps), d'un aliment ou d'un tissu, et, plus abstraitement (av. 1715), dans des locutions comme donner du corps, prendre corps, faire corps.
Enfin, le sens collectif et figuré du latin, « groupe formant un ensemble organisé », a été repris par corps (fin XIIIe s.) dans un corps de lois (→ corpus) et témoigne d'une grande fécondité, à côté d'un mot apparenté, corporation* ; sur le plan des institutions, il entre dans corps politique (1585) et dans plusieurs syntagmes apparus pendant la période révolutionnaire : corps constitués (1789, Sieyès), corps électoral (1790), corps social (1792). ◆  Il est employé dans l'armée pour désigner un groupe de soldats (1469), par exemple dans corps expéditionnaire, en référence aux expéditions militaires (souvent dans un contexte colonialiste), ou dans corps franc, groupe, souvent compagnie d'un régiment, en France, chargé d'opérations de commando. Corps d'armée a en France une valeur institutionnelle. ◆  L'expression corps de garde (1579), d'abord « groupe de soldats affecté à une garde, une surveillance », a pris diverses acceptions métonymiques ; ainsi, le XVIIe s. stigmatise l'esprit des corps de garde avec la locution plaisanterie de corps de garde (1694). En référence à ces emplois est apparue la locution esprit de corps (1771). ◆  Depuis le XIXe s., corps est appliqué couramment à un groupe organisé du point de vue professionnel : corps diplomatique (1817), corps médical (1834), corps enseignant (1806), corps de ballet (1835).
■  Par une spécialisation abstraite, il est entré dans le domaine des mathématiques au XXe s. pour désigner un ensemble muni de deux lois internes de composition (1903).
❏  Corps a produit trois dérivés qui ont tous trait à son sens particulier de « partie de l'habillement au-dessus de la ceinture » et sont formés sur l'ancienne forme cors.
■  CORSAGE n. m., suffixé en -age (v. 1150), a d'abord désigné, comme l'ancien français cors, corps, le tronc et notamment le buste de la femme ; ce sens a disparu et le mot signifie en français moderne, depuis le XVIIIe s. (1778), « vêtement féminin couvrant le buste », sens assumé en ancien et moyen français par corset.
■  CORSET n. m., d'abord attesté sous la forme latininée corsetus (1239) désignant un vêtement masculin couvrant le haut du corps — la forme française étant aussi attestée pour « cotte de mailles » (1294) —, s'est spécialisé pour un vêtement de femme (XIIIe s.). Sa valeur moderne, « vêtement féminin de dessous, baleiné, serrant la taille et le haut du corps » (1789, semble rare avant 1821), correspond à un stade de l'histoire de la mode, avec de fortes connotations dans la seconde moitié du XIXe et le début du XXe s., donnant naissance à des emplois métaphoriques et figurés pour « ce qui opprime, contraint » (Cf. ci-dessous corseté). Le corset, aussi accessoire masculin autour de 1900, a cessé d'être une référence culturelle quand il a disparu de la mode et s'est cantonné aux usages orthopédiques (corset orthopédique, depuis 1824), ce qui correspond à la revendication de liberté d'allures et de liberté féminine, c'est-à-dire dans les années 1920.
■  Le dérivé CORSETIER, IÈRE n. (1842, corsetière) a vieilli avec corset.
■  CORSETER v. tr. (1842), « mettre un corset à », s'emploie encore littérairement au figuré, surtout au participe passé CORSETÉ, ÉE adj. avec l'idée de « contrainte et raideur » (un style corseté).
■  Un autre dérivé de cors, CORSELET n. m. (apr. 1250) a d'abord signifié proprement « petit corps d'enfant » ; il s'est maintenu avec ses trois sens spécialisés, en armure (1562), en costume folklorique (1539) et, par image, en entomologie (1546) où il désigne le thorax de certains insectes.
CORSER v. tr. (1572), d'abord altéré en courser (mil. XVe s., 1455-1456), signifiait en moyen français « saisir à bras le corps », sens où il est sorti d'usage. Le mot a été repris au XIXe s. (Scribe, v. 1860-1870, in P. Larousse), d'après une valeur spéciale de corps « consistance », pour « donner du corps à ; rendre plus fort (le vin), plus savoureux, etc. » et, au figuré, « intensifier, rendre plus fort ».
■  Ces emplois semblent tributaires de ceux de CORSÉ, ÉE adj., d'usage régional pour une valeur proche de celle de corpulent (ci-dessous), « qui a un corps robuste » (attesté 1819), et employé dès 1830 dans repas corsé « consistant » et au figuré (une érudition corsée, 1830, Balzac), puis au sens de « relevé, fort » (sauce corsée, 1838), aujourd'hui surtout dans vin corsé (depuis 1770 [D.D.L.]), et au figuré (1846), par exemple dans histoire corsée « scabreuse ». On est aussi passé de l'idée étymologique, « qui a un corps robuste », à celle de « fort, relevé » puis « de haut goût ».
La forme moderne corps, employée en architecture (corps de logis), a donné naissance à deux composés, ARRIÈRE-CORPS (1546) et AVANT-CORPS n. m. (1658). ◆  Ultérieurement, elle a servi à former ANTICORPS n. m. (1901) en médecine et biologie, d'après la valeur de corps en chimie. Ce mot désigne une substance défensive, une protéine (immunoglobuline) qui se synthétise grâce à un antigène avec lequel elle se combine pour en neutraliser l'effet toxique.
Les autres mots, historiquement rattachés à corps, sont empruntés à des dérivés du latin corpus ; c'est le cas de CORPOREL, ELLE adj. (1160), emprunté au latin classique corporalis « qui possède un corps » et « qui se rapporte au corps ». En est dérivé CORPORELLEMENT adv. (fin XVe s. ; 1180, corporeilment).
■  D'autres dérivés du latin chrétien font référence à la dualité du Christ, à la fois homme avec un corps et esprit divin. ◆  Le latin chrétien corporale, dérivé de corpus, corporis, est représenté par le terme de liturgie catholique CORPORAL n. m. (déb. XIIIe s.) « linge consacré représentant le suaire du Christ et recevant les fragments de l'hostie ».
■  CORPORALITÉ n. f. est emprunté (1495) au latin chrétien corporalitas (IIIe s.) « nature corporelle, matérialité », mais il souffre de la concurrence du doublet CORPORÉITÉ n. f. (1482), lui-même emprunté au latin médiéval corporeitas (1250).
CORPUSCULE n. m. (1495) est emprunté au latin corpusculum « atome », avec le sens de « petit corps humain chétif » pris en latin impérial. Il l'a conservé jusqu'en 1673, avant d'être repris comme terme de philosophie (à côté d'atome), d'anatomie en parlant d'un élément de très petite dimension (1749) et, depuis 1905, comme terme de physique, domaine où il a pris une importance extrême (Cf. atome) avec son dérivé CORPUSCULAIRE adj., formé en philosophie (1721) et repris en physique (1906), notamment dans théorie puis physique corpusculaire.
CORPORIFIER v. tr. (1651) a été formé savamment en chimie sur le radical du latin corpus pour « amener (un corps fluide) à l'état de corps solide ». Il tend à être abandonné au profit de CORPORISER v. tr. (1704) qui lui dispute également le sens plus large de « donner un corps à (ce qui n'en a pas) » (1790). Ces deux verbes sont archaïques en sciences. Corporifier semble toutefois conserver le sens théologique de « attribuer un corps à (un être spirituel) » (1762).
■  Les noms d'action CORPORIFICATION n. f. (1690) et CORPORISATION (1701) sont eux aussi archaïques.
L'adjectif régional CORPORÉ, ÉE (1785), « bâti » et spécialement « bien bâti », est emprunté soit au latin corporatus « qui a un corps », en bas latin « corpulent », participe passé de corporare, soit au latin classique corporeus, de même sens. Son usage est borné aux parlers de l'Ouest et du Centre, à la Champagne et à la Lorraine.
Une importante série de mots préfixés en in- a été empruntée au latin. INCORPOREL, ELLE adj. (v. 1160), emprunté au latin incorporalis, qualifie ce qui n'a pas de corps, dans un contexte religieux, puis philosophique et enfin en parapsychologie.
■  INCORPORALITÉ n. f., emprunt (1372) au dérivé latin chrétien incorporalitas, a les mêmes valeurs.
INCORPORER v. tr. (1411 ; fin XIIe s., encorporer), emprunt au latin incorporare avec in- au sens de « vers », « dans », a pris ses sens modernes à partir du XVe s. : « enrôler (un homme) dans un bataillon », « faire entrer comme partie d'un tout » et (1495) « unir une matière à une autre » (1686, à la forme pronominale).
■  INCORPORATION n. f. (déb. XVe s., en contexte religieux) est emprunté au bas latin incorporatio « action d'incorporer » et en latin chrétien « incarnation », formé sur le supin de incorporare. Son sens courant, « action de faire entrer une substance dans une autre », est apparu avant 1690 et son sens particulier d'« inscription sur les contrôles militaires » avec l'institution de la conscription (attesté 1835) ; « inscription de soldats dans un nouveau régiment » (1771 Trévoux).
■  Un composé en re- à valeur itérative, RÉINCORPORER v. tr. est attesté en 1319 sous la forme rencorporer et en 1600 sous la forme moderne pour « réincarner ». Il a été reformé sur incorporer au sens militaire (1771).
❏ voir CORPORATION, CORPULENT, CORPUS.
CORPULENT, ENTE adj. est emprunté (av. 1380, Bersuire) au latin corpulentus « gros (d'animaux, de personnes) », dérivé de corpus (→ corps).
❏  Le mot a gardé le sens du latin et éliminé l'ancien français corporu, autre dérivé (1155) de corpus par le participe passé du verbe corporare, corporatus. D'abord employé pour « gros », à propos d'un animal, d'un objet, il ne se dit plus que d'une personne avec une idée d'excès (1492).
❏  Le nom correspondant, CORPULENCE n. f. (av. 1350) est emprunté au latin corpulentia, d'abord avec le sens de « dimension, taille (d'un objet, d'un animal) », attesté jusqu'en 1593, puis avec le sens moderne de « grandeur et grosseur (du corps humain) » (1410). L'usage moderne a surtout retenu l'idée de grosseur, revenant à la valeur du latin classique.
CORPUS n. m. est l'emprunt tel quel (fin XIIe s., corpus Dei) du latin corpus par ailleurs passé en français sous la forme cors, corps*.
❏  Le mot a longtemps eu le seul sens d'« hostie » (attesté par la lexicographie jusqu'au XVIIIe s.) dans les expressions corpus Dei, corpus Domini (1206), calquées du latin chrétien. Il a été repris en droit au XIXe s. dans corpus juris (1863) « collection du droit romain », calque d'une expression du latin classique. Par généralisation du sens qu'il a dans cet emploi, il désigne un recueil de pièces et documents concernant une même discipline et, par analogie, un répertoire scientifique. ◆  Il est spécialisé en linguistique au sens d'« ensemble d'énoncés servant de base à l'analyse » (1961). Le pluriel latin corpora est d'usage didactique.
CORPUSCULE → CORPS
CORRECT, ECTE adj. est emprunté (1512) au latin correctus « qui a été corrigé, amélioré », participe passé adjectivé de corrigere (→ corriger).
❏  Le premier sens de correct, général et didactique, correspond à « conforme aux règles fixées dans un domaine donné ». Au XVIIe s. s'y ajoute le sens particulier de « conforme aux usages, aux bonnes mœurs (en parlant de qqn, de son comportement) » (av. 1696), en référence à une norme sociale exprimée en termes de convenance et bienséance. Ultérieurement (1830), correct est appliqué concrètement au vêtement (tenue correcte). ◆  Au XVIIIe s., il développe à la fois le sens de « conforme aux règles », dans le domaine de l'art (av. 1776) et, toujours dans celui de la vie sociale, celui de « conforme à la morale » (av. 1755). Ce dernier, dans des syntagmes comme un jeune homme correct (1836), une maison correcte (1829), a parfois la même valeur légèrement péjorative que convenable, honnête. ◆  Politiquement correct, calque de l'anglo-américain politically correct, qualifie ce qui respecte certains principes de morale sociale (notamment dans l'expression par le langage, entraînant tabous et euphémismes). Aussi n. m., le politiquement correct. ◆  En français du Canada, où le t n'est pas prononcé, correct a pris des valeurs étendues, très courantes, pour « convenable, bon », et « réussi », en partie sous l'influence des emplois de l'anglais correct. Un usage analogue existe en français de l'île Maurice. Dans ces deux cas l'adjectif est beaucoup plus positif qu'en français d'Europe.
❏  De correct est dérivé CORRECTEMENT adv. (1402) qui a supplanté l'emploi adverbial de l'adjectif.
■  L'antonyme préfixé INCORRECT, ECTE adj. (1421) possède, inversés, tous les sens de correct mais est surtout usuel au sens de « grossier, impoli » (1564). ◆  L'antonyme de l'adverbe, INCORRECTEMENT, est attesté depuis 1538.
CORRECTION n. f. (XIIIe s.) est emprunté au latin correctio « action de corriger, de redresser qqn, qqch. », dérivé de corrigere. Il possède tous les sens de l'adjectif correct mais privilégie — comme déjà le latin — le sens de « réprimande, peine en compensation d'une faute » dans le domaine religieux, à propos de la vie privée et dans le domaine juridique. On connaît encore l'expression maison de correction (1718), bien que la dénomination ait été remplacée successivement par colonie pénitentiaire (1850) et centre d'éducation surveillée. Le mot est couramment employé à propos d'une peine exemplaire infligée par décision personnelle, notamment d'un châtiment corporel infligé à un enfant, d'où le sens extensif de « fait de battre » (infliger une correction à l'adversaire). Comme pour le verbe corriger, le sens physique implique alors la volonté de punir, puis de dominer, de battre et non plus l'idée d'améliorer. ◆  Au sens d'« action de corriger (un texte) », on parle de correction d'épreuves. Correction désigne le travail de correcteur et correction automatique la substitution de formes lexicales graphiquement correctes aux formes fautives par un programme informatique.
■  En revanche, l'antonyme INCORRECTION n. f. (1512, « faute d'usage de la langue ») privilégie l'idée de « ce qui est contraire aux usages du savoir-vivre » (1587, rare avant la fin du XIXe s.), idée particularisée dans commettre une incorrection (XXe s.).
■  Correction est à l'origine de plusieurs termes de droit pénal formés sur son dérivé CORRECTIONNEL, ELLE adj. (1454), substantivé au féminin (la correctionnelle) par ellipse de tribunal de police correctionnelle, CORRECTIONNELLEMENT adv. (1791), CORRECTIONNALISER v. tr. (1829) et CORRECTIONNALISATION n. f. (1968) font référence à la valeur juridique précise de correctionnel, « relatif aux actes que la loi qualifie de délits ».
■  Pris au sens particulier d'« évaluation d'un devoir en corrigeant ses fautes », correction a produit le composé AUTOCORRECTION n. f. (v. 1950).
■  HYPERCORRECTION n. f. (1941), formé d'après HYPERCORRECT, E adj. (attesté 1933), désigne la reconstruction erronée d'une forme linguistique supposée plus correcte ou plus élégante.
CORRECTEUR, TRICE n. et adj., d'abord corrector (1275), est emprunté au dérivé latin corrector « celui qui corrige, réforme qqch. ou qqn, censeur » avec le sens chrétien de « supérieur d'un ordre religieux ». Il a vieilli pour « personne qui corrige en punissant » (av. 1350) et s'emploie surtout pour « personne qui corrige en relevant les fautes », dans le domaine de l'imprimerie (1531), désignant une fonction et une profession, et dans le cadre des examens (1907) où il est synonyme d'examinateur. Il désigne également, techniquement, un dispositif ou une substance (on rencontre alors aussi Corrector, nom d'une marque déposée) qui accomplit la correction. ◆  À partir des années 1970, le mot est usuel en informatique à propos de systèmes de correction ou de signalement des écarts par rapport à une norme mémorisée, dans correcteur d'orthographe, orthographique ; correcteur grammatical, désignant des logiciels appliqués à un traitement de texte. ◆  Depuis 1911, correcteur est employé comme adjectif (verres correcteurs).
■  L'adjectif CORRECTIF, IVE (1371) est emprunté au dérivé bas latin correctivus ; il est employé comme nom depuis 1559, d'abord en médecine puis (1680) avec un sens général. ◆  En français de Maurice, l'adjectif a valeur institutionnelle dans système correctif (rééquilibrage du nombre de députés par communauté) et on parle de députés correctifs, nommés selon ce rééquilibrage après les élections générales.