COTHURNE n. m. est un emprunt (av. 1502) au latin cothurnus, lequel est pris au grec kothornos « chaussure haute à lanières lacées par devant », spécialement « chaussure de ce type à semelle de bois très épaisse donnant un port majestueux aux acteurs tragiques ». Ce mot, d'origine incertaine, pourrait être un emprunt lydien.
❏
Le mot a été introduit dans le vocabulaire des antiquités gréco-romaines avec sa double valeur. Par métonymie, il s'applique au ruban fermant un soulier féminin montant jusqu'au mollet (1839) et, à son tour, à ce genre de chaussure (1921).
❏
COTHURNÉ, ÉE adj., « chaussé de cothurnes », a servi d'équivalent à tragique (en parlant d'un poète) par la même métonymie que la locution chausser, prendre le cothurne « composer ou jouer des tragédies ». Il est resté didactique et rare.
COTICE n. f., d'abord écrit costice, est la substantivation d'un adjectif, dans bande cotice, dérivé de cote, coste → côte.
❏
Ce mot de blason désigne une bande transversale étroite traversant l'écu.
COTIGNAC n. m., modification (1550) de coudoignac (1398), est un emprunt à l'occitan provençal codonat, de codonh, qui correspond au français coing (→ coing).
❏
Le mot désigne une confiserie (pâte, confiture) de coing.
COTOMILI n. m. est un emprunt au tamoul kotumali, employé en français de l'île Maurice pour une herbe (Ombellifères) cultivée pour ses feuilles et ses graines aromatiques, appelée autrement coriandre (on dit du cotomili en grains, le mot désignant souvent les feuilles).
COTON n. m., d'abord noté cotun (v. 1160), est emprunté à l'arabe quṭun, de même sens. Sa trajectoire suit celle de la culture de la plante : de l'Orient à la Sicile et à l'Italie (italien cotone et latin médiéval cutto, cuttonis à Gênes, en 1156), à l'Andalousie musulmane puis à l'Espagne entière (espagnol algodón avec l'article arabe al).
❏
Le mot désigne le duvet végétal soyeux entourant les graines du cotonnier puis, par métonymie, le fil, l'étoffe qu'on en tire (v. 1165) et, beaucoup plus tard, seulement au XVIIe s. (1680), la plante qui produit ce textile (voir plus loin cotonnier). Coton-graine n. m. se dit de la graine du cotonnier entourée de fibres.
◆
Par extension, coton s'applique au duvet d'autres plantes (1574) et, par analogie d'aspect, à un nuage brumeux (1916, dans l'argot des soldats).
◆
La phraséologie figurée compte être élevé dans du coton (1671), jambes en coton (1839 ; également guibolles de coton, 1877), filer un mauvais coton (1846). Cette dernière expression, avec l'idée de « fils emmêlés » et celle de « brouillard », rendrait compte de c'est coton « c'est difficile », où coton est employé quasi adjectivement (1830), d'abord en argot. On donne aussi à ce sens une origine technique, le coton présentant des difficultés pour le tisserand ; de là viendrait l'emploi populaire pour « dispute » (1843), puis « difficulté » (1867). Seul l'adjectif est encore vivant, en français d'Europe.
◆
En français du Québec, le mot s'emploie pour « trognon » (un coton de chou) et pour « râpé (de maïs, ou blé d'Inde) ». Au figuré, au coton se dit pour « au maximum, à l'extrême », par exemple dans usé jusqu'au coton (en français de France, jusqu'à la corde). Être au coton se dit pour « au bout de ses forces ». Comme adjectif, coton veut dire « mauvais, lamentable », et non pas « difficile », comme en français de France.
❏
COTONNIER, IÈRE adj. est d'abord adjectif dans
arbre cotonnier (1542) et, par ellipse, a abouti au substantif
COTONNIER (1694), lequel a absorbé le sens de
coton « plante d'où l'on tire le coton, comme textile ». En français d'Afrique,
faux cotonnier est le nom donné au kapokier.
◆
L'adjectif a été reformé (av. 1850), à l'époque de l'industrialisation, au sens général « du coton »
(l'industrie cotonnière).
◆
COTONNERIE n. f., dérivé seulement en usage là où le coton est cultivé, désigne une plantation où l'on cultive les cotonniers, et aussi
(la cotonnerie), cette culture, en général.
◈
COTONNEUX, EUSE adj. (1552) prend vite ses valeurs figurées de « mou » (1611), puis « qui ressemble à du coton » (1801).
◈
COTONNADE n. f. est d'abord (1615) un terme de médecine pour « mèche de coton, charpie » ; son sens actuel apparaît avec le début de l'industrie textile (1771).
◈
Les composés
COTON-POUDRE et
FULMICOTON n. m. désignant un explosif sont, sans doute par le hasard des attestations, tous deux datés de 1847.
COTTAGE n. m. est emprunté (1754) à l'anglais cottage, désignant d'abord une tenure, une petite maison de paysan (XIIIe s.) puis également une petite maison de campagne. Ce mot, attesté dès le XIIe s. en latin médiéval (cotagium), est probablement un terme formé en ancien normand : on relève cotagium à Rouen en 1219. Il s'agit du dérivé en -agium (-age) de cot « cabane, abri », issu du germanique °kot (→ coterie).
❏
Le mot, apparu dans l'Encyclopédie de Diderot pour désigner une réalité anglaise, s'est acclimaté et appliqué à une petite maison de campagne, confortable et même raffinée, en France, toujours avec allusion au style anglais (1842). Au Canada, il désigne au contraire toute maison de campagne un peu grande (opposé au bungalow, plus fruste, et à chalet), par emprunt à l'américain qui a adapté le mot anglais aux réalités locales.
G
1 COTTE n. f. est issu (v. 1155) du francique °kotta que l'on peut déduire de l'ancien haut allemand kozzo n. m., kozza n. f. « manteau de laine », formes auxquelles correspond le latin médiéval cottus, cotte, cotta dans le domaine germanique. P. Guiraud émet l'hypothèse d'un rapprochement de cotte avec l'ancien français cote « peau (d'un animal, d'un fruit) », d'origine provençale ou italienne, issu d'un roman °cutita, du latin cutis « peau » (→ cuti, cutané, couenne).
❏
Au moyen âge, le mot désigne une sorte de tunique portée par les hommes et les femmes et particulièrement un vêtement du chevalier, du guerrier : le mot, dans ce contexte, a donné les expressions cotte d'armes (v. 1240 ; 1212, cote a armer) « casaque qui se mettait sur la cuirasse » et cotte de mailles (1526, copte de maille) « armure défensive en mailles, anneaux de fer ». L'usage de cette armure, bien antérieur à l'attestation écrite de l'expression qui, au XVIe s., est de nature historique, a été introduit à la fin du haut moyen âge (ainsi dans la broderie de Bayeux) et s'est généralisé après 1150. Le mot a également désigné (1539) une jupe courte, plissée à la taille (encore aujourd'hui dans les parlers de l'Est) et, par extension, un vêtement de travail (1877, cotte d'ouvrier).
❏
En sont dérivés
COTTERON n. m. (v. 1365) « veste courte sans manches des paysans médiévaux », « petite jupe courte et étroite », spécialement « cotillon de laine porté par les paysannes de la Flandre », et le composé
COTTE-HARDIE (v. 1250), terme historique désignant un court vêtement de dessus porté par les deux sexes du
XIVe au
XVIe siècle.
■
Seul le dérivé COTILLON n. m. (1461) est encore vivant pour n'être pas resté strictement un terme d'habillement : traditionnellement, il désigne une jupe de dessous portée par les femmes du peuple (encore dans les parlers méridionaux) ; de là, par l'intermédiaire de l'expression trousseur de cotillons, il a pris le sens de « femme » et « ensemble des femmes » (1718) dans le contexte galant de la locution courir le cotillon.
◆
Peu après 1700, il est devenu par métonymie le nom d'une danse que l'on dansait avec le cotillon relevé, produisant au XIXe s. COTILLONNER v. intr. (av. 1866) et COTILLONNEUR, EUSE n. (1864), aujourd'hui vieillis. Appliqué en particulier à la danse collective, la farandole qui avait lieu à la fin du bal, cotillon a pris son sens moderne de « réunion accompagnée de danses et de jeux » (à l'occasion d'une fête, notamment la Saint-Sylvestre). Il est parfois employé elliptiquement pour accessoires de cotillon.
❏ voir
REDINGOTE.
2 COTTE n. m. est emprunté (1833) au grec kottos, désignant un petit poisson comestible, aussi appelé chabot, qui vit en eau douce, sous les pierres, et pour certaines variétés, en eau salée, près du rivage.
COTYLÉDON n. m., d'abord sous la forme cotillidones (1314) puis, conformément au grec, cotylédons (1534) au pluriel, est emprunté au grec kotulêdôn « creux, cavité », employé spécialement à propos des suçoirs du poulpe et, en anatomie, de la cavité de l'articulation de la hanche (Aristote) et des vaisseaux à l'orifice de l'utérus (Hippocrate). Ce mot est dérivé de kotulê « creux », usuellement « jatte, coupe », spécialement « mesure de capacité », employé par métaphore en anatomie. Son origine est obscure, soit emprunt, soit terme apparenté au nom de la tête, au dorien kottis, lui-même sans étymologie connue, ou encore au slave (tchèque kotlati se « devenir creux »).
❏
Le mot a été introduit en anatomie en parlant des lobes du parenchyme placentaire (d'où le syntagme cotylédons de la matrice, 1534), sens disparu.
◆
Au XVIIIe s., il a été repris en botanique à propos de l'expansion latérale de l'embryon végétal qui contient des réserves nutritives pour le premier développement de la plante (1786, chez Bernardin de Saint-Pierre).
❏
Les dérivés se rapportent à la botanique : ce sont, dès la fin du XVIIIe s., les termes de classification DICOTYLÉDONE adj. et n. f. pl. (1783) et MONOCOTYLÉDONE adj. et n. f. pl. (1787), caractérisant les végétaux d'après leur nombre de cotylédons, puis, au XIXe s., les adjectifs COTYLÉDONÉ, ÉE (1829), d'où DICOTYLÉDONÉ, ÉE adj. et n. m. pl. (1862).
L
COU n. m. est originellement (v. 1170) l'ancien cas régime (complément) pluriel de col*, cous. Le mot est issu du latin de même sens collus, devenu collum, peut-être par attraction du genre neutre de plusieurs noms désignant des parties du corps. Collus est lui-même issu de °kol-so-s qu'il faut, soit rattacher au groupe de la racine indoeuropéenne °kel- « en haut » (→ exceller), soit plus probablement à celui de °kwel- « tourner » (→ quenouille).
❏
La répartition des sens entre
cou et
col a conservé à
cou son sens anatomique, « partie du corps qui relie la tête au tronc (surtout chez l'homme) ». Il entre dans plusieurs locutions dont
jusqu'au cou (v. 1360) et, au figuré,
se jeter au cou de qqn (1644).
La bride sur le cou (av. 1650) concerne évidemment le cou du cheval. Par métonymie, le mot
cou, en français de Suisse, désigne la gorge
(avoir mal au cou, mal de cou). Cet emploi (v. 1830) vient des patois francoprovençaux et existe aussi en Savoie, dans la Vallée d'Aoste. Il est aussi connu en français du Liban, et en Afrique.
■
Au figuré le mot désigne la partie étroite et allongée d'une bouteille (1690), en concurrence avec col.
❏
Il entre comme premier élément dans quelques noms d'oiseaux composés, tels
COU-TORS (et
torcou, 1555) et
COU-ROUGE (1767), éliminés respectivement par
torcol* et
rouge-gorge*, ainsi que
COU COUPÉ (1829), composé qui désigne un petit oiseau (bengali) dont le mâle présente une bande rouge en travers du cou.
◆
Par analogie, il est utilisé, toujours à propos d'une partie du corps, dans
COU-DE-PIED (av. 1250 ; v. 1172,
col del pié).
◆
Cou fournit aussi le premier élément de noms de végétaux (
cou de chameau, 1732 ;
cou-de-cigogne, 1832). Tous les dérivés du mot sont formés sur
col*, pris en général avec son ancien sens de « cou ».
■
BRISE-COU n. m. (1690) « lieu dangereux » a été remplacé par casse*-cou.
■
LICOU n. m. → col (licol).
❏ voir
CASSER (CASSE-COU).
L +
COUCHER v., d'abord coulcher, couchier (1172), est l'aboutissement de colcer (v. 1050), culcer (1080), issu du latin collocare, de cum (→ co-) et locare (→ louer). Ce verbe latin, qui signifie généralement « placer, disposer », a pris tardivement, à partir du sens particulier de « placer horizontalement », le sens de « mettre au lit » et « se mettre au lit » (à la forme pronominale se collocare).
❏
Le mot est apparu à la forme pronominale se colcer avec « partager le lit de qqn » (1050), sans les connotations sexuelles que développera l'emploi familier de coucher avec (v. 1539), prolongées ultérieurement par l'emploi absolu de coucher.
◆
Dès 1080, se coucher est attesté avec le sens usuel de « se mettre au lit » et, en construction transitive, coucher qqn « mettre au lit ». Ce n'est qu'au XIXe s. qu'on trouve l'expression allez vous coucher ! (1835), employée par désinvolture pour « laissez-moi tranquille ».
◆
Dès 1080, le verbe est employé par métaphore en parlant du soleil qui disparaît à l'horizon (Cf. couchant) et, par extension, au sens d'« étendre » (« s'étendre » à la forme pronominale), parfois, dans le contexte d'un combat, « terrasser l'adversaire » (v. 1305).
◆
Le verbe, en ancien français, reçoit le sens figuré de « consigner par écrit » (v. 1283) qui annonce d'autres emplois à venir avec l'idée de « rapprocher de la position horizontale ». Celle-ci est réalisée dans la locution coucher un fusil en joue « le disposer horizontalement contre sa joue » d'où, par transfert de complément, coucher qqn en joue (1649) « le viser ». La même idée se retrouve dans les syntagmes coucher une plante (1538), coucher de l'argent au jeu (av. 1400) et, probablement d'après couche, coucher ses couleurs, en peinture (1573).
❏
Coucher a produit de très nombreux dérivés : lui-même a été substantivé dès le
XIIe s. sous la forme
couchier (v. 1165) au sens d'« action de coucher quelque part, d'assurer son gîte à qqn »
(le vivre et le coucher).
◆
C'est au
XIIIe s. que
1 COUCHER n. m. a pris son sens moderne de « moment de se mettre au lit » (par opposition à
lever) et au
XVIe s. qu'il a commencé à être appliqué au soleil, la locution
coucher de soleil étant appliquée également à une représentation picturale de ce motif. Par métonymie, l'accent porte parfois sur la façon dont on est couché (1694) ou ce sur quoi on couche.
■
Le féminin COUCHÉE (XIVe s.) lui sert quelquefois de variante régionale.
◈
Le déverbal
COUCHE n. f., d'abord
culche (v. 1170), a désigné le lit avant d'avoir au
XVIIe s. la réputation de mot burlesque (1680) ou poétique (1694).
◆
Au
XVIe s., on commence à parler de
la couche (des bébés) [1505,
coucque], emploi prolongé aujourd'hui par le pluriel
(les couches) et par le moderne
COUCHE-CULOTTE (1929). De cet emploi vient l'expression
être aux couches, d'un enfant qui ne contrôle pas encore ses sphincters, en français québécois.
■
Couche s'est spécialisé (1552) au sens d'« alitement de la femme qui accouche » dans les locutions être en couche (1552), surtout au pluriel les couches, par exemple dans relever de couches « se rétablir » et enfin fausse couche (1671) « avortement spontané » et, par une métonymie injurieuse, « avorton ».
■
Toujours au XVIe s., d'après un ancien sens technique, « assemblage de plusieurs objets réunis, couchés ensemble (draps, cuirs) » (1268), couche a pris en horticulture le sens de « carré de fumier mêlé à de la terre pour favoriser la croissance de certaines plantes » (1529 ; d'où champignons de couche, 1838).
◆
Par extension, il désigne une étendue uniforme de substance sur un espace donné (1580), spécialement en géologie (1580), où le mot s'emploie à propos d'un lit rocheux d'une surface importante et de composition homogène, résultant d'un processus sédimentaire distinct (couches calcaires). Le mot s'emploie aussi à propos de l'atmosphère, en climatologie (1783). En anatomie, il caractérise des surfaces histologiques. En physique nucléaire, on parle des couches électroniques pour les zones concentriques, autour du noyau, que peuvent occuper les électrons. Le mot est du langage courant à propos de peinture, de dépôts, sur une surface. De là l'expression en remettre une couche, « ajouter des arguments (redondants) ».
◆
Il a alors pour composé SOUS-COUCHE n. f. (1871 en géol. ; 1941 à propos de la neige ; mil. XXe s. en techn.).
◆
Pris avec une valeur figurée, il entre dans la locution populaire en avoir une couche (de bêtise) « être bête » (dep. 1883), et désigne un ensemble de personnes ayant des caractères communs dans les syntagmes couches sociales (1830), couche d'âge, etc.
◆
D'après le sens de couche en peinture, MONOCOUCHE adj. qualifie un revêtement, un enduit, une peinture dont une seule application peut suffire.
■
Le diminutif COUCHETTE n. f. (1374) se rattache uniquement à l'idée de « lit » : il désigne un petit lit et surtout un lit étroit dans un bateau (1882), puis un train (1908), d'où le composé AUTO-COUCHETTE n. f. (1965).
◆
En français d'Afrique, couchette peut désigner en général l'endroit où l'on couche.
◈
Le radical du verbe
coucher a aussi servi à former
COUCHEUR, EUSE n. (v. 1534), surtout dans le syntagme
mauvais coucheur (1823) « celui qui empêche ses compagnons de dormir » et, au figuré, « personne qui a mauvais caractère ». Le mot correspond aussi (1723) aux spécialisations techniques du verbe, notamment en papeterie (1752) et en broderie (1863).
◈
■
COUCHAGE n. m. (1657, puis 1838) désigne à la fois l'action de coucher et (1838) l'ensemble des objets servant à se coucher (sac de couchage est passé du contexte militaire à celui des loisirs). Aux XVIIIe et XIXe s., le mot a reçu des acceptions techniques (1723, en industrie textile ; 1808, en horticulture, également en papeterie et en imprimerie).
◆
Son usage populaire, au sens de « commerce sexuel » (v. 1931), en fait le synonyme de COUCHERIE n. f. (1760), dont c'est le sens dominant. Il vient du sens spécial de coucher avec qqn.
◆
Même valeur pour 2 COUCHER n. m. et 2 COUCHÉ n. m., spécialisé dans le langage de la prostitution (1864) pour « nuit entière passée avec un client » et aussi (1867) le client lui-même.
■
Aux XVIIe et XVIIIe s. sont apparus plusieurs dérivés techniques : COUCHOIR n. m. (1680), COUCHIS n. m. (1694), COUCHURE n. f. (1751) et 1 COUCHÉ n. m. en papeterie, par ellipse de papier couché, en concurrence avec glacé.
■
À la même époque (1628), le participe présent COUCHANT commence à être substantivé, elliptiquement pour soleil couchant (1155), en parlant du lieu où le soleil se couche et opposé à levant.
◈
À partir du début du
XIXe s., l'élément verbal
couche- fournit plusieurs composés : le technique
COUCHE-POINT n. m. (1808) et les familiers
COUCHE-TÔT (1870), auquel correspond
COUCHE-TARD n. attesté récemment (1971) et plus rarement
COUCHE-DEHORS (1881).
◈
Les préfixés verbaux de
coucher remontent à l'ancien français ; dès le
XIIe s.,
RECOUCHER v. tr., plus fréquent au pronominal
se recoucher.
◈
Avec le préfixe
a-, ACCOUCHER v. intr. (v. 1160) signifie d'abord « se coucher, s'aliter », encore au
XVIe siècle. Le sens moderne de ce verbe est issu de l'ancien sens spécialisé « s'aliter pour mettre un enfant au monde », puis « mettre un enfant au monde ».
Accoucher a ainsi supplanté l'ancien
gésir (
XIe s.) « être étendu », dans
gésir d'un enfant (
XIIe s.) et son composé
agésir (→ gésine, gésir). La construction transitive exprime l'idée d'aider (une femme) à accoucher (1671). Le verbe, dans sa double construction, réalise aussi le sens figuré de « produire par l'esprit » (1674).
■
ACCOUCHEMENT n. m. (v. 1190) a connu la même évolution : si, dès sa première attestation, il a son sens moderne (par lequel il évincera gésine), il est employé jusqu'au début du XVIIe s. au sens général d'« action de s'aliter » (1447).
■
Le nom d'agent est d'abord apparu au féminin ACCOUCHEUSE (1671), le masculin ACCOUCHEUR étant attesté peu après (1677).
■
Le participe passé a été adjectivé et substantivé au féminin, dans ACCOUCHÉE n. f. (1321).
◈
DÉCOUCHER v., apparu à la forme pronominale
soi descoucier (v. 1200), a signifié « se lever » et s'est employé dans la construction
découcher de qqn « dormir dans un autre lit que qqn » (1559), avant de devenir intransitif au sens de « dormir hors de chez soi », et aussi
découcher de quelque part (1694).
COUCI-COUÇA loc. adv. est, sous la forme retenue par l'usage moderne (1848), la déformation, sous l'influence de comme ci comme ça, de la forme traditionnelle couci-couci (1649), francisation de cosi-cosi (1619) aujourd'hui vieillie. La locution est empruntée à l'italien così così « à peu près » (déb. XVIe s., Machiavel), redoublement de così « ainsi, comme cela » qui est issu du latin vulgaire eccum sic (→ ainsi).
❏
La locution apparaît d'abord chargée d'une signification érotique (faire cosi-cosi). Elle la perd pour exprimer (XVIIe s.) l'idée d'approximation, équivalant à à peu près, ni bien ni mal.
L
COUCOU n. m. et interj. (1660), d'abord écrit couquou (1538), modification par assimilation de cucu (v. 1100) puis coquu (1557), cocou (1667), est issu du latin cuculus, mot expressif d'après le cri de l'oiseau. Le grec kokkux (→ coccyx), le vieux slave kukavica, le sanskrit kóka-, kokiláḥ, l'irlandais cuach sont de même type ; les formes romanes, dont le français, ont corrigé l'évolution phonétique en restaurant le second c et en assimilant les deux voyelles : ainsi, coucou a éliminé dans ce sens la variante cocu (XIIe-XVIIe s.). Le latin cuculus était aussi employé comme terme injurieux pour un amant adultère (d'après l'habitude de l'oiseau de pondre ses œufs dans un autre nid) et pour un amoureux transi. Il servait aussi à désigner une plante.
❏
Le premier sens est passé à
cocu*, tandis que
coucou, repris comme nom d'oiseau, est également devenu le nom de la primevère sauvage (1666 ; 1557,
coquu) et du narcisse des bois (1845), ces fleurs commençant à fleurir à l'époque où le coucou commence à chanter.
◆
Coucou désigne aussi, au
XIXe s., par ellipse de
pendule à coucou, une horloge dont la sonnerie est remplacée par un oiseau de bois imitant le cri du coucou (1832).
◆
Vers 1800, on a nommé
coucou une petite voiture publique qui conduisait les voyageurs dans les environs de Paris, soit pour sa couleur jaune (rappelant celle des primevères dites
coucous), soit pour son bruit saccadé, évoqué par l'onomatopée.
◆
Par extension, cette appellation est passée à divers véhicules en mauvais état, avion (1914) et petit train (1916).
■
Par analogie avec le cri de l'oiseau, coucou est employé comme onomatopée (1660) pour le cri des enfants jouant à cache-cache et, de là, pour le cri manifestant une présence inattendue (1887).
❏
Sur coucou est formé le verbe rare COUCOUER v. tr. ou COUCOULER (1838) « imiter le cri du coucou » (le latin avait déjà cuculare).
L
COUDE n. m., d'abord cute (v. 1121), cote (1165-1170), puis code (XIIIe s.) et enfin coude (1387-1391), est issu du latin cubitus « pliure du bras », d'où « courbure, inflexion » et « mesure de longueur ». Les Anciens établissaient un rapport avec cubare (→ couver), mais il peut s'agir d'une étymologie « populaire ». La forme grecque parallèle kubiton est sicilienne et soit empruntée au latin, soit de la même origine peut-être sud-italique.
❏
Le mot, d'abord attesté dans le sens métonymique de « longueur d'un coude », réservé depuis le XVIe s. au dérivé coudée, désigne (v. 1165, cote), l'articulation du bras et de l'avant-bras. Dès le moyen français, il a fourni plusieurs locutions dans lesquelles se côtoient sens propre et sens figuré : jusqu'au coude (XIVe s., au sens propre), jouer des coudes et coude à coude (av. 1755). Plier (XVIe s.), puis lever le coude (1752) signifient « bien boire, boire souvent (du vin, de l'alcool) ».
◆
Par métonymie (av. 1660), il désigne la partie du vêtement qui recouvre le coude (par la même figure que col, poignet). Par analogie de forme, il est employé techniquement (1611) à propos de la partie d'un outil qui forme un angle saillant, et plus généralement (1690) de tout angle obtus que fait un chemin, etc. Il désigne en particulier (1694) un bout du tuyau métallique permettant de changer la direction d'une conduite (coude de conduite).
❏
COUDÉE n. f., d'abord
cotee (1165-1170), puis
codee (v. 1250),
couldée (1530) et enfin
coudée, a supplanté l'ancien français
cute désignant la mesure de longueur en usage chez les Anciens, représentant environ 50 cm. Par métonymie, il a pris le sens d'« espace nécessaire pour remuer les coudes » dans la locution
avoir les coudées franches, attestée au figuré (1580) puis aussi au propre (1611).
◈
COUDIÈRE n. f. (1898) désigne une protection pour le coude (aussi appelée
protège-coude, ci-dessous).
◈
COUDER v. tr., d'abord
colder (1493) puis
couder (1601), réalise l'idée de « plier, courber en forme de coude », à l'origine à propos d'une opération de viticulture. Il est surtout d'usage technique (1680, comme terme de tailleur pour « faire le coude d'une manche »), de même que ses dérivés
COUDAGE n. m. et
COUDURE n. f.
◆
COUDÉ, ÉE adj. (1561) « qui forme un angle », est usuel.
◈
COUDOYER v. tr. (1595), « pousser du coude », s'est affaibli au sens de « toucher (qqn) du coude, être auprès de lui » (v. 1663) et a développé (1786) le sens figuré de « côtoyer, fréquenter » (
cotoyer restant toutefois plus usité) ; il a produit
COUDOIEMENT n. m. (1832).
◈
Par préfixation,
coude a produit
S'ACCOUDER v. pr. (déb.
XIIIe s.) et
ACCOUDER v. tr. (dès la fin du
XIIe s., comme participe passé,
accoudé) « s'appuyer sur le coude »
(→ accoter). Le verbe s'emploie aussi, comme
accoudement, dans une spécialisation militaire (1845).
■
Le dérivé ACCOUDOIR n. m. (XIVe s.), d'abord employé comme terme d'architecture, a influencé, sous sa forme ancienne acouldouer, le dérivé d'accoter, accotoir pour son sens d'« appui » (1560).
◆
Il est concurrencé par le composé APPUI-COUDE n. m.
■
Accouder a aussi pour dérivé ACCOUDEMENT n. m. (1412), d'abord au sens de « lieu où s'accouder » puis avec un sens, aujourd'hui vieilli, « action de s'appuyer sur le coude » (1611), spécialisé en termes militaires pour désigner la position au coude à coude des fantassins en rangs (1837).
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PROTÈGE-COUDE n. m. désigne un dispositif pour protéger les coudes des joueurs, dans certains sports violents. On a dit aussi coudière (ci-dessus).
❏ voir
CUBITUS.
L
COUDRE v. tr. est issu, sous la forme coldre (v. 1160), puis coudre, d'un latin populaire °cosere, réfection du classique consuere « coudre ensemble », de cum (→ co-) et suere « coudre » (→ suture), d'après l'emploi de °coso pour consuo à la première personne du présent.
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Le verbe, qui signifie « assembler au moyen d'un fil passé dans une aiguille », est entré dans les expressions bouche cousue (fin XVe s., d'après coudre au sens abstrait de « lier ») et cousu de fil blanc (1677), restées usuelles. La périphrase machine à coudre (1857), d'abord dénommée en anglais, est demeurée la seule désignation de l'objet. Le sens figuré de « assembler, joindre sans art » (1661, à propos des éléments d'une pièce de théâtre), a donné quelques emplois techniques en reliure, pêche et chirurgie.
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Le participe passé
COUSU, UE est adjectivé et substantivé familièrement au féminin (
cousue et surtout
une toute cousue, 1926) pour désigner la cigarette manufacturée (et non roulée à la main). L'expression
du cousu main (1947 dans Léo Malet ;
du cousu, 1930) signifie « d'un travail soigné ; parfaitement réussi ».
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Son radical a servi à former deux dérivés. COUSEUR, EUSE n. et adj. (av. 1300, couseres) « personne qui coud », est dit spécialement au féminin de l'ouvrière qui coud les cahiers des livres dans les ateliers de brochure (1803) ou de la machine (1863).
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COUSETTE n. f. (av. 1878) a désigné familièrement une jeune ouvrière de la couture et se dit encore quelquefois d'un petit étui à couture (1926).
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Par préfixation,
coudre a produit
RECOUDRE v. tr. (
XIIe s.) et
DÉCOUDRE v. tr. (1175) « défaire ce qui est cousu ». Ce verbe est usité spécialement en vénerie (1678) au sens de « déchirer le ventre d'un chien par une blessure en long » ; depuis le
XVIIe s. (1637), il est employé en construction intransitive (
découdre et surtout
en découdre) avec la valeur figurée de « se battre, en venir aux mains ».
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Le participe passé DÉCOUSU, UE (XIIIe s.) a pris (1577) le sens figuré de « qui est sans suite, sans logique ».
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Il a produit DÉCOUSURE n. f. (1611) « partie décousue d'une étoffe » et, spécialement en vénerie, « blessure faite par le cerf à un chien ».
❏ voir
ACCOUTRER, COUTURE, SUTURE.
L
COUDRIER n. m., d'abord couldrier (1503), puis coudrier (1555), est dérivé de l'ancien mot de même sens coldre (v. 1100), codre (1160-1170) puis coudre (v. 1179). Celui-ci, qualifié de « vieux » par les dictionnaires à partir du XIXe s., est issu du latin de la Gaule °colurus, transformation du latin classique corylus (graphie hellénisante pour corulus) sous l'influence du gaulois °collo, de °coslo, forme empruntée, correspondant à celle du latin.
❏
Le mot, qui désigne un arbre dont la variété cultivée est le noisetier, s'est seulement maintenu dans les dialectes septentrionaux de la France (où il est concurrencé par noisetier ou par d'autres dérivés) et dans quelques patois du nord de l'Italie et rhéto-romans. D'autres parlers utilisent un représentant du latin abellana « noisette cultivée », promu par le développement de cette culture.
❏
Les dérivés de coudre, COUDRAIE n. f., d'abord coldraie (1186), et son synonyme COUDRETTE n. f., d'abord écrit coudrete (XIIIe s.), sont dialectaux.