L
COUENNE n. f., d'abord cöane (1210) puis coenne (v. 1223), est issu, par évolution phonétique, du latin populaire °cutinna, altération de °cutina, dérivé du latin classique cutis « peau » (→ cutané). La transformation de la terminaison -ina en -inna est probablement due à l'influence du suffixe gaulois -inna. °Cutina est représenté par le piémontais cuna, le catalan cotna, tandis que °cutinna vit en gallo-roman et dans le toscan cotenna.
❏
Le mot, repris au sens de « peau », s'est spécialisé pour « peau de porc raclée, utilisée en cuisine » (1271). Au XIXe s., il a des emplois analogiques en médecine (1803) et en argot (1808) où il renvoie à la peau humaine dans des locutions péjoratives : gratter la couenne, grosse couenne (Cf. peau, lard). Il renoue ainsi indirectement avec le sens médiéval et péjoratif de « peau (d'une femme) » (v. 1223).
◆
En français de Belgique et de Suisse, le mot s'emploie à propos de la croûte des fromages non crémeux. En français québécois, couenne, en langage rural, peut désigner la partie supérieure du sol. Au sens de « peau humaine », le mot est très vivant dans des locutions, au Québec, comme avoir la couenne dure, « être très résistant » ou se faire chauffer la couenne. Dans ces usages, le mot est prononcé kouène et non kouane.
❏
En est dérivé l'adjectif
COUENNEUX, EUSE, d'abord
coeneux (1611), « qui ressemble à la couenne », spécialement en médecine (1833) « couvert d'une membrane » ou « caractérisé par une membrane »
(angine couenneuse).
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COUENNEAU n. m., du même radical latin que
couenne, appliqué dans la zone francoprovençale à l'écorce, se dit, notamment en français de Suisse, d'une planche (dosse) dont la face bombée conserve son écorce. Les couenneaux, s'ils ne sont pas brûlés, servent de décor rustique et montagnard.
1 COUETTE n. f., d'abord keuete (XIIIe s.) puis queuëtte (1611), est le diminutif de l'ancien français coue (→ queue).
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Signifiant proprement « petite queue », le mot s'est surtout répandu à partir du XIXe s., au sens de « mèche de cheveux », en particulier en Normandie. Il était déjà usuel en français du Canada au XVIIIe siècle, à propos de la coiffure des Amérindiens (coite, 1747 ; couette, 1757). Le mot est donc antérieur dans les dialectes français de l'Ouest. Quoique familier, il semble la seule désignation d'un type de coiffure de fillettes et jeunes filles où une barrette retient une petite queue de cheveux.
◆
Le mot a au Québec la valeur élargie de « mèche de cheveux ».
L
2 COUETTE n. f., d'abord coute (1154-1173) et coilte (1160-1170), est issu du latin culcita « matelas, coussin », qui a subi un double traitement phonétique aboutissant, selon les régions, à coute ou coite. Le mot latin, également passé dans l'italien coltrice et l'espagnol colcedra, est peut-être apparenté au sanskrit kūrcaḥ « balle, ballon ».
❏
Le mot a désigné un lit de plumes recouvert d'un tissu précieux, un édredon piqué. Sorti d'usage en ce sens (ou dialectal) à partir de l'époque classique, il a conservé des sens techniques dérivés en mécanique (1676) et en marine (1694) avant d'être repris au XXe s. pour désigner un mode de couchage : un édredon recouvert d'une housse qui remplace à la fois le drap de dessus et les couvertures. Ce sens s'est répandu avec le succès récent de la chose, inspiré par les habitudes des pays à climat froid.
❏
L'ancienne forme coute a donné le dérivé COUTIL n. m. (1202, keutil), désignant un tissu, et le composé COURTEPOINTE n. f. (XIIe s.) issu, par croisement avec l'adjectif courte, de coite-pointe ou coute-pointe « couverture piquée » (pointe étant le participe passé de poindre*) ; on a dit aussi contre-pointe au XVIe s. (d'où, à la même époque, contre-pointer) ; ces altérations en courte- et contre- rendent compte de la petite taille des points de couture et du fait qu'ils piquent deux points opposés de la couverture.
COUFFIN n. m. est emprunté (1478) à l'ancien provençal coffin (v. 1225, couffin en provençal moderne), lui-même issu du latin impérial cophinus « corbeille, panier », emprunt du grec de même sens cophynos (→ coffre). Dès 1220, on relève coffin « panier », directement emprunté au latin mais abandonné dès le XVIIIe s. sauf dans certains dialectes ; il a été emprunté par l'anglais coffin (XIVe s.), spécialisé depuis le XVIe s. au sens moderne de « cercueil ». Dans certaines régions, coffin désignait naguère un étui pour la pierre à aiguiser du faucheur (enregistré, 1869), en concurrence avec queux (du latin cotem). On rencontre aussi couffe (v. 1665 ; 1633, cufe) « grand cabas », emprunté au provençal couffo (XVe s.), lui-même emprunté au bas latin cophinus par l'intermédiaire de l'arabe qŭffă.
❏
Ce mot, originaire du pourtour méditerranéen et de Provence, désigne un panier souple en osier, un cabas, et s'est répandu en français central au sens spécialisé de « panier du même type aménagé en petit lit de bébé ».
❏
Le composé PATIN COUFFIN évoque, dans l'usage des Français d'Algérie, sous la domination française, le bavardage (Cf. patati, patata).
COUFIQUE adj. et n. m., d'abord mot de voyageur (kiufi, 1672 ; coufite, cuphique, 1763, forme actuelle avant 1845), est dérivé du nom de la ville d'Irak Kufa, francisé en Coufa.
❏
Le mot qualifie et désigne un type d'écriture arabe employé jusqu'au IVe siècle de l'hégire, écriture décorative anguleuse ayant un rôle ornemental dans l'architecture.
COUFLE adj., attesté vers 1500 à Lyon, est une forme régionale de gonfle (→ gonfler), qui était encore vivante en français régional franco-provençal (Lyon, Dauphiné) et occitan (Auvergne, Languedoc) pour « repu après un fort repas » et aussi pour « ivre », par la métaphore habituelle sur « rempli » (bourré).
COUGUAR n. m. est emprunté (av. 1788, Buffon) au tupi suasuarana désignant un grand chat sauvage. Le mot a été introduit en français par l'intermédiaire de formes altérées, véhiculées par les récits de voyage au Brésil : portugais suçuarana (1587), cuguacuarana par perte de la cédille et confusion en s et c (1643). Buffon, qui écrit à la fois couguar, cougar et couguard, explique le nom français du félin « par contraction de son nom brésilien cuguacuara(h) que l'on prononce cougouacou-ara ».
❏
Le mot désigne un félin d'Amérique au pelage roux sans taches. Il est synonyme de puma.
COUIC est une onomatopée, lexicalisée et attestée par écrit à partir de 1801.
❏
Le mot représente un petit cri étranglé, et s'emploie pour évoquer une mort violente, l'étranglement, la fin subite de quelque chose. Faire couic : mourir subitement.
◆
N'y comprendre couic : rien, semble être l'altération de l'argot que pouic (variante que couic, 1914).
L
COUILLE n. f., d'abord coille (v. 1178, Renart), est issu d'un latin populaire °colea qui serait, soit le féminin du classique coleus, soit le pluriel pris comme féminin d'une forme neutre °coleum. Le mot latin est sans étymologie claire, bien qu'un rapprochement avec culleus « sac de cuir, outre » ait été envisagé ; il s'agit en tout cas d'un mot populaire d'usage trivial, le terme usuel étant testiculus (→ testicule).
❏
Le mot français, d'usage trivial et courant, compte plusieurs emplois en locutions figurées où il est parfois remplacé de manière euphémistique par un pronom (tu nous les casses...) ; dès 1594, il est employé injurieusement à l'adresse d'une personne lâche puis, dans l'usage moderne, dans couille molle (1847), d'après avoir des couilles « avoir du courage ». D'autres expressions concernent la sexualité virile (à couilles rabattues, 1920).
◆
À partir de la locution partir en couille « ne pas aboutir », il est employé argotiquement au sens d'« erreur, échec, ennui sérieux », peut-être par abréviation de couillonnade. On retrouve ces valeurs péjoratives dans c'est de la couille (en bâtons, 1894) ou ...de mes couilles (1913, de mes deux couilles), « c'est une chose sans valeur ».
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En revanche, dans se faire des couilles en or « gagner beaucoup d'argent » (années 1980) le mot est de nouveau valorisé.
◆
Ma couille, terme d'adresse, est plutôt amical. L'expression est courante en français de Nouvelle-Calédonie, où l'on dit figurément en fonction d'adjectif, les couilles à la main pour « ahuri, incapable de réaction ».
❏
Son dérivé
COUILLARD adj. et n. m. (
XIIe s.) qualifie populairement certains mâles d'animaux (le bélier notamment) qui ont de gros testicules. Par analogie de forme, il a été substantivé (v. 1400) avec divers sens techniques (1643, en marine ; 1866, en typographie).
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COUILLU, UE adj. a existé du XIIIe au XVIe s. pour « non châtré », en parlant d'un animal. Il a été repris dans les années 1980 pour qualifier au figuré un homme viril, courageux, puis s'est dit aussi des actions, du comportement, et s'applique même aux femmes, dont on peut dire familièrement, par démotivation, elle a des couilles.
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COUILLON n. m. (déb.
XIIe s.,
coillons) est hérité du bas latin
°coleonem, accusatif de
°coleo, forme altérée de
coleus. Le mot signifie proprement « testicule », mais n'est usité qu'avec le sens figuré qu'il a pris au
XVIe s. « sot, imbécile, niais » (1560), probablement d'après l'italien
coglione, attesté au sens figuré de « homme sot, balourd » avant 1550, aussi sous les formes
coion (1560),
coyon (1592), transcription de l'emprunt oral à l'italien. Le mot, aussi en appellatif, est une insulte modérée et plaisante, en français méridional de France.
■
Le mot, écrit aussi COUYON, désigne en Belgique, un jeu de cartes.
■
Ses dérivés COUILLONNADE n. f. (1592, coyonade) « acte de couard », puis (1791) « chose de peu » et (1856) « acte stupide », ainsi que COUILLONNER v. tr. (1564), surtout « duper, tromper » (1887), sont concurrencés par des formes coïonner, coïonnade (ou coyon-), encore répertoriées au XIXe siècle. Couillonnade est paradoxalement voisin par le sens de connerie.
COUINER v. intr., enregistré en 1867 dans un dictionnaire d'argot, est un terme dialectal (Ouest, Centre), formé sur la forme couin ou coin que l'on a dans coin-coin (1748), onomatopée relativement arbitraire pour évoquer le cri du porc (1858, Sand) et celui du canard.
❏
Le mot se dit d'un animal (lièvre, lapin, porc, souris) qui pousse des cris aigus et brefs. Il s'est répandu dans la langue familière au sens de « pleurer », « grincer », en parlant des humains.
❏
De couiner sont issus COUINEMENT n. m. (av. 1866, d'un animal ; 1859, d'une chose).
◆
Dans le domaine technique, on a baptisé COUINEUR n. m. (v. 1917) un appareil d'entraînement aux manipulations télégraphiques, ce nom fonctionnant aussi comme substantif d'agent de couiner et comme adjectif.
COULEMELLE n. f. est la francisation, d'abord en columelle (fin XVIe s.) puis coulemelle (v. 1600), du latin scientifique columella (1560). Ce dernier est emprunté au latin columella « petite colonne », diminutif de columna (→ colonne), en raison de la forme longue et renflée à la base du pied du champignon. Le type coulemelle fait supposer un autre diminutif °columnella. À côté de lui, on rencontre de nombreuses variantes comme coulmotte, coulemotte, coulmelle, couamelle et, avec une sonore, gomelle, golmotte.
❏
Le mot et ses variantes désignent un champignon comestible à chapeau ovoïde, pied grêle et renflé en bulbe à la base, muni d'un anneau mobile.
L +
COULER v. est issu (v. 1120) du latin colare « passer, filtrer, épurer », dérivé de colum « tamis, filtre, passoire ». Ce mot est un terme technique de la langue rustique, sans étymologie claire, souvent joint à quallus qui désigne un objet de même nature et de même forme.
❏
Apparu avec le sens transitif du verbe latin « filtrer (un liquide) » et, au figuré, « faire passer (de l'argent) »,
couler s'emploie aussi dès l'ancien français (1176) pour « verser un liquide, un métal fondu (plomb, notamment) dans qqch. », emploi technique en métallurgie
(couler le cuivre, l'étain) enregistré au
XVIIe s. (1680). En français des Antilles, continuant probablement un usage régional de France,
couler le café s'emploie pour « passer », « faire le café ».
◆
Dès le
XIIe s., un emploi intransitif correspond à « se déplacer naturellement », en parlant d'un liquide.
◆
Le pronominal
se couler s'emploie au figuré pour « se glisser » en parlant d'une personne (1153-1176) ; à la même époque, le transitif signifie aussi « insérer, faire passer dans » (1176), valeur où l'on relève aussi l'intransitif au sens de « s'insérer, entrer dans » (1178-1180). Par analogie, le sens de « se déplacer (d'un liquide) » s'applique au temps qui passe (v. 1460), avant de reculer au profit de
s'écouler, et à des objets pulvérulents (sable) ou pâteux. En arboriculture, il s'applique aux végétaux, arbres fruitiers ou vignes, qui avortent à la floraison
(Cf. coulure).
■
En parlant d'un navire ou d'un objet flottant, et aussi d'un être vivant, couler a pris en moyen français (fin XVIe s.) la valeur spéciale de « s'enfoncer dans l'eau », qui deviendra l'une des plus usuelles du verbe et donnera lieu à métaphore, à « aller à la ruine, se perdre » ; ce sens est assumé à son tour par la construction transitive pour « faire s'enfoncer dans l'eau (un navire) » (XVIIe s.) et métaphoriquement « ruiner (qqn) dans l'estime d'autrui » (1738).
■
À la valeur temporelle, « passer (du temps) », correspond un emploi transitif (fin XVe s.) pour « faire passer (un moment, un temps donné) », par exemple dans couler des jours heureux ; dans ce sens, l'expression familière se la couler douce succède à se la mener douce (1835).
■
Couler peut s'employer pour « fuir », à propos d'un tuyau, d'une conduite.
◆
Comme transitif, le verbe correspond, en français québécois, à « rater » (couler un examen).
❏
Le participe présent
COULANT, ANTE adj. signifie (
XIIe s.) « qui glisse » et se spécialise (1571) dans
nœud coulant, d'où la substantivation (
un coulant, 1689) pour « élément qui glisse le long d'un lien, d'une corde ». La valeur correspondant au sens propre du verbe, « qui coule facilement », a donné lieu aux sens figurés « facile » (choses) et « d'humeur accommodante » (personnes).
■
Le participe passé COULÉ, ÉE est substantivé depuis le XIIIe s. et réservé à divers emplois techniques (peinture, danse, escrime, natation).
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Son féminin COULÉE n. f. (1611) est le terme général pour « action de couler, résultat de cette action », notamment dans coulée de lave. Il est employé plus particulièrement avec un sens technique (1754) et, en vénerie, désigne le sentier par lequel le cerf gagne son réduit.
■
1 COULOIR n. m., relevé très tôt sous la forme coledoir (v. 1100), désigne un objet ou un conduit pour l'écoulement d'un liquide : faisselle, tamis pour filtrer le lait autrefois, canal d'excrétion en anatomie (1762). Il demeure rare, du fait de la fréquence de son homonyme (ci-dessous).
■
Le féminin COULOIRE n. f., attesté lui aussi dans les Gloses de Raschi sous la forme coledoire (v. 1100), assume les mêmes emplois courants ou techniques (métallurgie).
◈
L'adjectif masculin
COULIS (v. 1170) « qui glisse » a décliné au
XVIe s. pour se maintenir seulement dans
vent coulis (1552) et en emploi substantivé au masculin (1393 ;
XIIe s., selon Bloch et Wartburg,
couleïs), surtout en art culinaire, où il désigne une préparation liquide de fruit ou de légume.
◈
Son féminin
COULISSE n. f. a été substantivé en parlant d'une porte qui glisse (1289,
coulice) et, de là, a pris divers sens techniques dont le plus répandu, « partie du théâtre placée derrière ou à côté de la scène » (1718), est une métonymie du sens de « pièce de décoration qu'on fait avancer ou reculer lors des changements de scènes » (1694). Déjà détaché du verbe, le mot est alors complètement démotivé. Il est devenu courant, surtout au pluriel, comme désignation métaphorique du théâtre (1774) et au sens figuré d'« aspect dissimulé ou marginal d'un être, d'une collectivité » au cours du
XIXe siècle.
◆
À la Bourse, la
coulisse désigne un marché parallèle (att. 1825).
Voir ci-dessous coulissier. Cette évolution ne concerne pas le français du Canada, où
coulisse peut garder le sens étymologique et s'employer pour « trace de ce qui a coulé » (
coulure en français de France).
■
À son tour, il a produit COULISSER v. (1671) qui a pris ses sens modernes de « garnir de coulisses » vers 1890 et de « glisser le long d'une coulisse », plus courant, vers 1908.
◆
De celui-ci a été tiré COULISSAGE n. m. (1951).
■
Coulisse est également à l'origine du terme de Bourse d'abord péjoratif COULISSIER n. m. (1824) et du diminutif COULISSEAU n. m. (XVe-XVIe s.).
◈
COULURE n. f. (1331 ;
XIIIe s.,
coleüre) désigne le mouvement d'un liquide qui s'écoule et, depuis 1846, la traînée d'une matière qui a coulé ; il compte quelques sens plus techniques, et en horticulture correspond au sens de
couler « avorter ».
◈
COULINE n. f. se dit en marine d'un passage étroit entre des brisants et, dans l'océan Indien, d'une ligne corallière protégeant une côte ou un lagon.
◈
COULAGE n. m. (fin
XVIe s.), « action de fondre et couler un métal », a aussi et surtout (1837) le sens familier de « gaspillage » et de « petits larcins domestiques. »
◈
Doublet morphologique du nom du conduit, un autre dérivé de
couler, 2 COULOIR n. m. désigne un passage où l'on peut « se couler, se glisser ». Il est d'abord employé (1704) dans le contexte d'un navire puis (1755) étendu à une maison. Par analogie de forme et de fonction, il a pris quelques emplois spécialisés (météorologie, géologie, sport), recoupant parfois ceux de son synonyme
corridor. Le mot a quasiment éliminé ses homonymes
1 couloir et
couloire ; il est, comme
coulisse, complètement détaché du verbe dans la conscience des locuteurs.
◆
Une valeur figurée, où le mot a une valeur proche de celle de l'anglicisme
lobby, existe en français d'Afrique, où l'on parle des
couloirs pour les appuis, le « piston », avec les expressions
faire les couloirs, faire couloir « chercher à obtenir des appuis, des passe-droits ».
◈
Le déverbal
COULE n. f., le plus récent dérivé (1864), est d'usage populaire dans la locution
à la coule (1866) qui signifie « au courant, habile » et aussi « indulgent, de caractère facile ». La dérivation de
couler, avec l'idée de « courant », semble vraisemblable, bien que les étymologistes de l'argot fassent remonter l'expression à une abréviation de
à la couleur. L'argot emploie aussi
coule pour l'ensemble des petits larcins des domestiques d'une maison (1866), sens éliminé par l'emploi de
coulage.
◈
Couler a aussi servi à former des verbes préfixés.
ÉCOULER v. (v. 1160) est apparu à la forme pronominale
s'écouler avec le sens resté courant de « couler hors de », en parlant d'un liquide puis aussi, par métaphore, de la foule (1557), de marchandises (
XIXe s.). Il réalise la valeur de « couler jusqu'à l'épuisement » (1550) en parlant d'un liquide, sens disparu au profit du pronominal
s'écouler, devenu usuel comme le transitif,
écouler qqch., à propos de marchandises (1829).
■
En est dérivé ÉCOULEMENT n. m. (1539), lui aussi appliqué spécialement à des marchandises (1832).
◈
DÉCOULER v. intr., relevé une première fois au sens de « disparaître » (1080) puis pour « couler peu à peu » (1534), a disparu avec ces valeurs.
◆
Il s'est fixé avec le sens figuré de « s'ensuivre par voie de conséquence » (1690) en contexte abstrait.
■
RECOULER v. intr. tardif (1803), réalise la valeur itérative de « couler de nouveau » et n'est pas très courant.
❏ voir
PERCOLATEUR.
L
COULEUR n. f. est issu (v. 1050) du latin color, mot qui se rattache au groupe de celare « cacher » (→ celer), selon l'idée que la couleur est ce qui recouvre et cache la surface d'une chose. Color désignait aussi le teint de la peau et, en rhétorique, la caractéristique d'un style, d'après l'idée de caractère distinctif immédiat d'une chose ; il était pris également au sens péjoratif de « raison spécieuse, aspect feint », d'après l'idée que la couleur dissimule la nudité, la vérité de la chose.
❏
Couleur a d'abord les sens généraux de « teinte » et « teint », la locution
de couleur pouvant exprimer une idée de « teinte » ou de « coloration de la peau » en parlant de qqn de race non blanche (1791 ;
gens de couleur 1779).
◆
Au pluriel,
couleurs a reçu quelques acceptions particulières en fonction de la symbolique sociale des couleurs, en parlant d'un vêtement (1393 ; notamment en liturgie, 1732), des cartes à jouer (1694), du drapeau national, au pluriel (
les couleurs ; les trois couleurs, spécialement « drapeau français »). Par métonymie, il désigne le pigment qui colore (v. 1268), spécialement en peinture.
◆
Dans le même domaine, mais au sens initial, l'expression
couleur locale est à l'origine un terme de métier désignant (1699) la couleur particulière de chaque zone du tableau correspondant à chaque élément représenté. Comme
clair-obscur et
contraste, cette notion est employée surtout en parlant de détails caractéristiques et « pittoresques », de sorte que, dès la fin du
XVIIIe s., puis grâce aux préromantiques, elle désigne toute description ou représentation évocatrice des caractéristiques d'une époque, d'un pays.
Couleur y est alors compris au sens figuré d'« aspect attrayant, curieux, typique », et étend ses emplois hors du domaine artistique. Ce sens (
XIIIe s.), qui correspond à « apparence trompeuse », est resté usuel jusqu'au
XVIIe s. et s'est maintenu dans l'usage littéraire avec la locution
sous couleur de « sous prétexte de ». C'est à ce sémantisme qu'on rattache des expressions populaires comme
être à la couleur (au négatif, 1870) où on a voulu voir l'origine d'
être à la coule (→ couler).
◆
Le sens, lui aussi pris au latin, d'« aspect caractéristique » ou même « genre », conservé longtemps dans l'expression
de toutes les couleurs (
en faire voir de toutes les couleurs, 1866), qui n'est plus comprise, s'était spécialisé en rhétorique puis en politique dans
couleur politique (1794), avec la même valeur que
nuance, pour « caractère d'une opinion », mais tous les emplois postérieurs à la langue classique ne sont plus qu'une métaphore du sens premier de « teinte », donnant l'acception d'« aspect variable ».
En physique, couleur est, d'après l'anglais colour (color en anglais des États-Unis), un nom arbitraire donné à une caractéristique des particules formant les baryons (particules lourdes : protons, neutrons), considérées comme étant formées de trois quarks, et permettant de différencier les quarks de même type.
❏ voir
COLORIS (et COLORATURE, COLORIER), COLORER, COULEUVRE.
L
COULEUVRE n. f., d'abord culovre (v. 1121, Bestiaire de Ph. de Thaon), est issu du latin populaire °colobra, altération du latin classique colubra « couleuvre femelle », féminin de coluber « couleuvre » et « serpent », en général. Les formes romanes remontent toutes à la forme féminine, plus ancienne et attestée plus souvent. Le latin est peut-être emprunté au grec khélubros « serpent ou tortue », dérivé de khélus « tortue ». Ce mot est à rapprocher du slave °želū- ; l'absence d'autres correspondants pouvant s'expliquer par un tabou linguistique portant sur un animal souvent considéré comme maléfique.
❏
Dans les parlers gallo-romans, couleuvre est concurrencé par serpent (au féminin) dans la région poitevine, le Centre et la Suisse, et par le féminin ser ou serp dans les parlers méridionaux. L'expression figurée faire avaler des couleuvres à qqn (1667, Bussy-Rabutin, Lettres à Mme de Sévigné) « infliger des désagréments, des mensonges », continue l'ancien emploi figuré du mot comme insulte pour une personne perfide (1174-1200) ; il s'agirait d'un emploi où couleuvre symbolise ce qui est tortueux (XVIe s.) d'après la réputation diabolique des serpents, emploi probablement croisé avec le sens figuré de couleur* « fausse apparence » (courant du XVe au XVIIe s.). Par la suite (XVIIIe s.), l'expression a été comprise comme la métaphore de « manger des serpents ».
❏
De couleuvre sont issus COULEUVREAU n. m., nom du petit de l'animal (1572), et, par analogie de forme, d'une plante grimpante, COULEUVRÉE n. f. (1539), ainsi que COULEUVRINE n. f. (fin XIVe s., coulouvrine), nom d'un ancien canon au tube long et effilé, l'analogie de forme ne suffisant pas à expliquer cette valeur probablement liée à la symbolique des serpents et dragons cracheurs de feu.
❏ voir
COBRA.
COULOMB n. m. est l'emploi comme nom commun (1881) du nom du physicien français Coulomb (1736-1806) qui posa les bases théoriques et expérimentales du magnétisme et de l'électrostatique.
❏
Le mot désigne une unité de quantité d'électricité : celle qui est transportée en une seconde par un courant d'un ampère.
❏
COULOMBIEN, IENNE adj. (1956 dans les dictionnaires) qualifie une attraction, une répulsion, des champs, forces, interactions de type électrostatique, magnétique, gravitationnel, inversement proportionnels au carré de la distance (loi vérifiée par Coulomb en 1785). L'anglais atteste coulombian dès 1923.
COULON n. m., variante de colomb (IXe s.), du latin columbus (→ colombe), s'est employé jusqu'à la fin du XVe siècle. Il s'est conservé dans le français régional du nord de la France, surtout à propos du pigeon voyageur d'élevage.
❏
COULONNEUX, EUSE n. est l'équivalent spontané du terme savant colombophile.
L
COULPE n. f., aboutissement (v. 1460) de colpe (v. 881), culpe (1080), est issu du latin culpa « faute », probablement d'abord « état de faute », spécialement « négligence » dans le vocabulaire juridique. De même que causa (→ cause, chose) et multa « amende », le mot n'a pas d'étymologie établie. Il a conservé une graphie et une prononciation savantes sous l'influence du latin d'Église : dans le Confiteor, le prêtre prononce à haute voix les paroles mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa en se frappant la poitrine. Une forme populaire, coupe, ne s'est maintenue au sens général de « faute » que jusqu'au XVIIe s. (encore en 1665), alors que coupable* a gardé sa forme francisée en raison de sa fréquence dans l'usage courant.
❏
Le mot demeure un terme de théologie désignant la faute, le péché et, par métonymie, l'aveu du péché, le signe par lequel on se reconnaît pécheur. Il n'est employé que dans quelques locutions inspirées du Confiteor, comme battre sa coulpe (v. 1130), dire sa coulpe, faire sa coulpe, archaïques. L'expression latine mea culpa (1560, faire son mea culpa) s'est mieux répandue dans l'usage moderne.
❏ voir
COUPABLE, DISCULPER, INCULPER.