1 CRACK n. m. est emprunté (1854) à l'anglais crack « ce qui est digne d'éloge, exceptionnel », d'abord employé à propos d'un cheval (1637) puis d'un joueur. Lui-même est le déverbal de to crack up « faire l'éloge de qqn, le vanter », to crack signifiant proprement « faire du bruit en cassant, en craquant » (→ craquer), d'où spécialement au figuré « se vanter ».
❏
Le mot a été introduit en français avec le vocabulaire du turf et s'est étendu (1886) à une personne qui réussit particulièrement bien dans un domaine sportif et autre (Cf. as). Ce dernier sens est le plus courant mais tend à vieillir, alors que le mot est toujours vivant en turf.
2 CRACK n. m. est emprunté (1986) à l'anglo-américain crack « coup de fouet, excitation, impulsion », dérivé de l'adj. crack « fameux, extraordinaire » ou du verbe to crack « écraser, casser ».
❏
Le mot, comme son étymon, désigne une drogue, dérivé fumable de la cocaïne, très concentré et très toxique (fumer du crack).
CRACKER n. m. est emprunté (entre 1812 et 1846, selon Wartburg) au mot américain cracker « petit biscuit salé mince et croustillant » (1739), de to crack « craquer, croustiller » (→ craquer).
❏
Le mot, emprunt occasionnel d'abord réservé à des biscuits américains salés qui se mangent avec l'apéritif ou le fromage, s'est employé par snobisme publicitaire sans entrer dans l'usage courant ; au Canada, où le mot et la chose sont courants, on tente de lui substituer craquelin*, mot employé en français d'Europe pour des pâtisseries sucrées sans aucun rapport avec les crackers.
CRACKING n. m. → CRAQUAGE (sous craquer).
CRACRA, CRADO, etc. → CRASSEUX (sous crasse).
L
CRAIE n. f. est issu, par les formes creide (XIe s.), puis croie (1175), crée (déb. XIVe s.) et craie, du latin creta désignant la craie et diverses argiles blanches (précisées par un adjectif), également à l'origine de l'allemand Kreide. L'origine de creta est inconnue.
❏
Craie, « roche calcaire tendre, poreuse », donne lieu à des emplois comparatifs (exploitant la couleur ou la consistance) et à quelques emplois métonymiques concernant le sol formé par cette roche, le matériau de construction qu'on en tire et le calcaire blanc utilisé en peinture pour les esquisses (sous forme de bâton, dans les sanguines, dans craie rouge, 1538) ainsi que pour écrire, notamment dans le contexte de l'école, sur une ardoise ou un tableau noir. Un ancien emploi figuré comme symbole de la pureté est propre à l'ancien français.
◆
L'argot et la langue populaire l'utilisaient par métonymie (fin XIXe s.), de même qu'ardoise, comme synonyme d'« addition », au restaurant.
❏
CRAYEUX, EUSE adj., d'abord
creouse (au féminin), qualifie ce qui est constitué de craie ou (1823) en a l'aspect.
■
CRAYÈRE n. f., d'abord croière (1379) puis crayère (1408), a désigné un lieu où il y a de la craie et une cave à champagne creusée dans la craie.
◈
CRAYON n. m., d'abord
creon (1528), dérivé le plus usuel, procède de
craie au sens métonymique de « bâtonnet pour tracer, écrire ». L'ancien français avait déjà le diminutif
croion (1309) « petite craie » et
crayon est sans doute une spécialisation de sens de ce dernier, avec une évolution technique quant à sa nature (de la craie au graphite), mais en gardant — comme
plume — sa valeur fonctionnelle.
◆
Crayon est aujourd'hui complètement démotivé par rapport à
craie et subit la concurrence de noms d'instruments toujours plus nombreux,
porte-mine, marqueur, pointe Bic, etc. D'où l'apparition du syntagme
crayon à papier (années 1970 ?), pour repréciser l'objet formé d'une mine enrobée dans un bâtonnet. On a dit aussi
crayon noir, en opposition à l'expression courante
crayon de couleur. On trouve également la forme
crayon de papier, dans ce sens. Le même objet est aussi nommé
crayon de plomb au Québec,
crayon de bois à Madagascar, et
mine n. f. en Afrique,
crayon à mine désignant au Québec ce qui est dit
porte-mine en France.
Crayon à bille, en français d'Europe, est plus rare que
stylo à bille. Crayon-feutre a été remplacé par
feutre.
◆
En français de Madagascar,
crayon d'ardoise désigne la craie.
◆
Le mot a développé le sens analogique de « bâtonnet de matière médicamenteuse » (1833) et en maquillage, « bâtonnet de matière colorante »
(crayon de khôl).
◆
Dès le
XVIe s. apparaissent les sens métonymiques d'« esquisse, dessin » (1554) et, abstraitement (1580), « style, manière d'une description ». Les valeurs classiques de « description orale de personnes ou de choses » (1615) et « ébauche, projet d'une œuvre » (1615) sont aujourd'hui vieillies.
◆
Du sens figuré du pluriel « jambes » (1907), vient l'expression
s'emmêler les crayons « se tromper, être dans la confusion ».
■
De crayon sont issus deux noms composés d'instruments : TAILLE-CRAYON n. m. (1838) « petit dispositif muni d'une lame pour tailler le bois qui entoure la mine et épointer celle-ci » (portatif, ou, plus gros, fixé à la table et muni d'une manivelle — au Canada).
◆
PORTE-CRAYON n. m. a d'abord été le nom (1609) du tube protecteur d'une mine de crayon, d'un fusain, avant de désigner un dispositif pour protéger et présenter les crayons en bois.
■
CRAYONNER v. tr. (1584) « dessiner » et (1826) « faire des traits de crayon, griffonner sur » parfois, dans le style littéraire, « ébaucher, décrire à grands traits ».
◆
Quelques dérivés suffixés du verbe sont apparus au XVIIIe s. : CRAYONNAGE n. m. (1790) et CRAYONNEUR n. m. (1743) « personne qui dessine grossièrement » (Cf. barbouilleur).
◈
À la même époque, on a formé le terme scientifique
CRÉTACÉ, ÉE adj. (1735) d'après le latin
cretaceus « de la nature de la craie », dérivé de
creta. Celui-ci s'applique à la période géologique de la fin du secondaire au cours de laquelle se sont formés les terrains à craie ; il est aussi substantivé ; il a produit le composé
MÉSOCRÉTACÉ, ÉE adj. et n. m. (
XXe s.) avec l'élément
méso- (du grec
mesos « au milieu »).
L
CRAINDRE v. tr. est la réfection précoce en crendre (1080), puis craindre (1530) d'après les verbes en -aindre, du plus ancien criembre (1050 ; fin Xe s. par son participe présent crément). Ce verbe est issu du latin tremere « trembler » (→ trembler), et de là « trembler de peur », « redouter », qui a dû être altéré en °cremere en latin de Gaule par croisement avec un mot gaulois contenant le radical °crit- (postulé par l'irlandais crith « frisson »). Dans d'autres langues romanes, tremere a conservé le sens de « trembler » (italien tremare), tandis que l'idée de « craindre » est exprimée par un représentant du latin timere : italien temere, espagnol temer (→ timoré).
❏
Craindre, moins usuel que la locution avoir peur, mais plus courant que redouter, est d'abord employé absolument, puis aussi suivi de que et subjonctif avec ne discordantiel (v. 1050) ou du subjonctif seul (1120-1150) ou enfin, dans un style plus soutenu, de de et l'infinitif (v. 1175). Dans un contexte religieux, il est investi d'une valeur sacrée proche de « respecter humblement » (v. 1120).
◆
D'autres emplois, au contraire, affaiblissent son sens en « être sensible à l'action de, ne pas supporter » (1580). Dès le XVIe s., une locution du type ne pas craindre sa peine « ne pas ménager sa peine » (v. 1530) fait litote, de manière symétrique à ne pas avoir peur de « aimer, accepter ». Cette fonction se retrouve dans l'expression ça craint, de la langue parlée moderne, « c'est dangereux, pénible », voire « ridicule » (d'où craignos, ci-dessous).
❏
CRAINTE n. f. est la réfection (1280) de
crieme (v. 1120) et reprend les valeurs du verbe, « frayeur » et, en contexte religieux, « respect sacré » (v. 1180). Ce mot entre dans la locution conjonctive
de crainte que (1579) et dans les locutions prépositionnelles
par crainte de, de crainte de.
◆
Comme
craindre et l'adjectif récent (1967)
CRAIGNOS du langage parlé (suffixe populaire
-os, s prononcé), il a connu dans les années 1980 et 1990 une extension de vitalité comme mot hyperbolique dans le langage des jeunes
(c'est la crainte, j'ai la crainte). Craignos a déjà vieilli (début
XXIe s.). La variante
CRAIGNEUX, EUSE adj. est plus rare.
■
Crainte a pour dérivé CRAINTIF, IVE adj. (1393), d'abord craintis (1372), qui s'applique couramment aux personnes, aux animaux, au caractère, etc., d'où CRAINTIVEMENT adv. (XVe s.).
CRAM CRAM n. m., formation onomatopéique prise à une langue africaine, désigne en français d'Afrique une graminée du Sahel, dont les graines ont servi à l'alimentation humaine depuis l'Antiquité, et aussi les graminées dont les graines sont épineuses, s'accrochant aux tissus, aux poils des animaux, aux cheveux. Pluriel écrit : cram crams.
CRAMIQUE n. m. est emprunté (1831) au flamand kraammik, lequel se rattache au moyen néerlandais cramicke, cremicke, d'origine discutée. Il n'est pas exclu que le mot néerlandais soit lui-même emprunté à l'ancien français attesté sous la forme latine cremmicha (1218 à Nivelles) et par cramiche (1380 en Champagne). Ce mot, composé de crème* et de miche*, désignait un poids, une mesure, un objet pris comme référence, sens antérieur mais probablement issu par métonymie de celui de « pain pesant un certain poids » (1380), « pain blanc » (1389).
❏
Le mot, attesté pour la première fois en wallon, désigne un pain brioché aux raisins de Corinthe, consommé en Belgique. Il est demeuré usuel en français de Belgique.
CRAMIAS n. m. pl. est l'une des suffixations dialectales du radical de crémaillère*. Il se dit en Suisse romande pour « pissenlit » (salade de cramias). On écrit aussi cramiats.
CRAMOISI, IE adj. et n., d'abord cremosi (1298) puis cramoisi (1315), est emprunté, probablement par l'intermédiaire de l'espagnol carmesi ou de l'italien chermisi, cremisi (déb. XIVe s., adj.), à l'arabe qirmizī « de la couleur de la cochenille », dérivé de qirmiz « cochenille » (→ carmin ; kermès). Le vocalisme moderne s'expliquerait par le passage, fréquent dès l'ancien français, de è ouvert à [wa] au contact d'une labiale précédente (Cf. armoire). La forme cramoisin, relevée en moyen français, est due à une contamination par le suffixe -in (du latin -inus).
❏
Cramoisi, « rouge foncé », est substantivé pour désigner un tissu de cette couleur, et plus généralement (1547) la couleur rouge foncé (du teint congestionné, de la peau). L'usage ancien le rapportait parfois à l'éclat, au sens de « brillant, éclatant », plutôt qu'à la couleur (qui recouvre d'ailleurs des nuances de rouge, de brun et de violet) : Rabelais parle ainsi de velours bleu cramoisi. L'adjectif réalisait alors le sens figuré de « magnifique » (l'étoffe cramoisie étant symbole de pouvoir) et la locution adverbiale en cramoisi signifiait « de façon parfaite, au plus haut point » ; ces valeurs et emplois ont disparu au XVIe siècle.
❏
CRAMOISIR v. (v. 1550, rare av. 1869), « devenir ou rendre cramoisi », est employé dans le style littéraire ou par plaisanterie.
G
CRAMPE n. f., d'abord cranpe (v. 1100) puis crampe (v. 1250), est issu du francique °krampa, nom féminin reconstruit à partir du moyen néerlandais crampe (aujourd'hui cramp) et du moyen bas allemand krampe (aujourd'hui allemand Krampf) de même sens. L'ancien emploi de crampe comme adjectif (dans goutte crampe ; 1223, mains crampes) est lui-même issu du francique °kramp « courbé », déduit de l'ancien haut allemand kramph « recourbé » et de l'ancien norrois krappr « étroit, grêle ».
❏
Le mot désigne une contraction musculaire et, par extension, toute douleur de type spasmodique. Ultérieurement, il a pris en argot le sens d'« érection » (1747, crampe d'amour ; d'où tirer sa crampe, 1872 [d'abord, « s'enfuir »]).
◆
Par ailleurs, il a eu le sens figuré et familier de « personne ennuyeuse, importune », sorti d'usage. Il semble que le sens initial « courbe », d'où l'idée de « crochet », ait peu à peu cédé la place à celui de « s'accrocher », réalisé aussi par crampon.
❏
Les seuls dérivés directs de
crampe sont, en français de France, les désignations argotiques de l'érection,
CRAMPETTE n. f. et
CRAMPÉE n. f. (1936, Céline), ce dernier moins usuel.
◆
Cependant
CRAMPER v. tr. en français québécois s'emploie pour « donner des crampes de rire », par exemple
être crampé, crampé de rire. CRAMPANT, ANTE adj. correspond à « drôle, marrant ».
◈
CRAMPON n. m. est issu (1268) du francique
°kramp (ci-dessus) et peut-être d'un substantif masculin
°krampo, « crochet », postulé d'après l'anglo-saxon
krampo et l'ancien haut allemand
krampfo.
■
Il désigne un crochet servant à attacher, sens où il a éliminé crampe, et spécialement ce qui sert à fixer un fer à cheval (1611), un dispositif adapté à une semelle de chaussure (1906 ; dès 1772 dans le vocabulaire de l'alpinisme). Par analogie, il sert à désigner, en botanique, une racine adventive de fixation (1835).
◆
Son sens figuré et familier, « personne importune et tenace » (1858), redouble celui de crampe auquel il a survécu dans ce sens. Il est alors aussi adjectif, invariable en genre (ce qu'elle est crampon !).
■
Il a produit CRAMPONNER v. tr. (1428), d'usage technique et figuré, surtout à la forme pronominale se cramponner (1616-1620) « se tenir, s'accrocher avec force », également employé depuis 1950 en alpinisme, en construction intransitive.
◆
En sont issus CRAMPONNEMENT n. m. (1873) et le terme d'alpinisme CRAMPONNAGE n. m. (v. 1950) qui correspond aussi au sens figuré de crampon.
■
CRAMPONNET n. m. (1611) est spécialisé en serrurerie pour la pièce de fer dans laquelle s'engage un verrou.
❏ voir
AGRAFER, CRAPAUD.
L
CRAN n. m., d'abord crens (v. 1100), cren (XIIIe s.) puis cran (fin XIIIe s.), est le déverbal de l'ancien verbe technique créner (XIe s.) « entailler », attesté dans les dialectes lorrain, picard et conservé en français au sens spécial d'« évider la partie d'une lettre qui déborde le corps » (1754) en imprimerie. Celui-ci est issu d'un verbe latin populaire °crinare représenté par différentes formes romanes du nord de l'Italie et de l'Espagne et en Allemagne du Sud ; ce °crinare semble d'origine gauloise, comme permet de le postuler l'ancien irlandais ar-a-chrinim « disparaître, se casser en tombant » ; il se rattacherait à un radical du type °kr̥nô « briser, séparer ». L'étymon latin crena, mal assuré, ne peut être retenu.
❏
Le mot, qui signifie, « entaille, encoche », est surtout d'usage technique et correspond à deux destinations : arrêter, accrocher une chose (une arme, une ceinture) et marquer un repère
(cran de mire).
◆
Par allusion à l'entaille délimitant les dents d'une pièce dentelée (1672), il est entré, avec le sens figuré de « degré », dans les expressions
baisser d'un cran (1672),
monter d'un cran (1676).
■
D'après des emplois où il exprime l'aptitude à un état de tension (tel serrer d'un cran), il a pris le sens figuré et familier de « haut degré d'endurance, d'énergie » (1900, avoir du cran), dont le sens a évolué vers « courage, audace » ; l'expression être à cran (1880), par une autre métaphore, correspond à « irrité, prêt à se mettre en colère », quelquefois avec la valeur de « haut degré d'énervement » (mettre qqn à cran).
■
Par analogie, il désigne ce qui forme comme une entaille, notamment en géologie et en coiffure.
◆
L'argot des casernes, peut-être d'après un jeu de mot sur cran d'arrêt, l'utilise au sens de « retenue » (1879), sens où il a vieilli.
❏
Le mot a peu de dérivés. Il a cependant produit le verbe transitif
CRANER (1845) supplanté par
CRANTER (1908), formé avec une consonne d'appui. Celui-ci, attesté au sens de « punir », a également pris le sens technique de « pratiquer des crans » (1929), anciennement attribué à
créner.
◆
On en a tiré
CRANTAGE n. m. (1939).
◈
L'ancienne forme de
cran, cren subsiste dans le dérivé diminutif
CRÉNEAU n. m., d'abord
kernels (1155) et
crenel (1154-1173) d'où, au cas régime pluriel,
creneaus (1154-1173) et, au singulier,
créneau (av. 1585).
◆
Le mot désigne une entaille pratiquée au sommet d'un mur, d'un parapet dans un but défensif, d'où, par extension, une ouverture pratiquée dans un mur ou une tranchée et servant à tirer à couvert sur l'assaillant
(Cf. meurtrière) ; de là la locution figurée moderne
monter au créneau, fréquente en politique.
◆
Par analogie de forme sont apparus quelques sens techniques modernes, où
cran réalise l'idée d'une protubérance ou d'une dépression entre deux saillies. Au
XXe s., il a pris le sens figuré d'« espace entre deux lieux occupés »,
faire un créneau se disant d'un conducteur qui gare sa voiture entre deux autres. Il signifie aussi abstraitement « temps disponible ». Le vocabulaire de la publicité (et, à sa suite, le langage à la mode) s'en est récemment emparé au sens de « place à prendre sur un marché ».
■
Créneau (crénel) a produit anciennement CRÉNELER v. tr. (v. 1160), d'où CRÉNELURE n. f. (XIVe s.) « découpure en forme de créneau » et CRÉNELAGE n. m. (1723), à propos d'une pièce de monnaie. Le composé ancien encrener (1508) suggère des interférences entre cran et grain dans engrener, d'où engrenage.
1 CRÂNE n. m., réfection (1370, crane) de cran (1314), est emprunté au latin médiéval cranium, du grec kranion « boîte cranienne » et parfois « tête » en parlant des animaux (le mot latin de même sens calvaria ayant donné calvaire). Kranion est lui-même dérivé d'une forme °kranon (attestée comme second élément de mots composés). Kranion et son origine se rattachent à une racine ker-, servant à nommer l'extrémité supérieure d'un corps animal ou humain, la tête, éventuellement une corne, keras, que l'on retrouve en latin avec cornu et cervus (« le cornu »). °Ker- pour « tête » est à l'origine du latin cerebrum (formé en °ker-as-rom) « cerveau ».
❏
Crâne (écrit ainsi depuis 1740), « squelette de la tête », désigne aussi la tête, en particulier son sommet. Par métonymie (1679), il se dit du cerveau comme siège de l'intelligence, dans des locutions du type
bourrage de crâne, recoupant ainsi certains emplois figurés de
tête, mais avec une connotation différente.
■
2 Crâne, nom (1757) et adjectif (1784) d'usage familier pour « hardi », est probablement une spécialisation ultérieurement démotivée du sens propre, à cause de la manière d'avancer le front qu'ont les personnes qui vont de l'avant (on relève de la même façon l'espagnol calavera, du latin calvaria, « crâne » et « écervelé, mauvaise tête »). Le mot tend à vieillir au sens de « audacieux, brave » et de « fanfaron ».
❏
CRÂNEMENT adv. (1833) « courageusement », aujourd'hui vieilli, s'est utilisé en intensif, « tout à fait, entièrement ».
CRÂNER v. intr. (1845), « se comporter avec arrogance, vanité », est toujours péjoratif de même que son dérivé
CRÂNEUR, EUSE adj. et n. (1862), qui est resté en usage plus longtemps que
crâne, crânerie et même
crâner. Ces mots ont vieilli au profit d'autres, comme
la ramener et
ramenard, frimer et
frimeur. Crâneur, en français d'Afrique, se dit d'un homme (jeune) qui fréquente les bars et les filles.
◆
CRÂNERIE n. f. (1784), mot de la même série, mais non péjoratif, est quasiment sorti de l'usage.
◈
Au
XIXe s., sont apparus le terme d'anatomie
CRÂNIEN, IENNE adj. (1824) et les termes scientifiques composés sur l'élément
CRANIO- tiré du grec
kranion ; on notera que ceux-ci (tel
craniographie, craniométrie, XXe s.) s'écrivent sans accent circonflexe.
G
CRAPAUD n. m., réfection suffixale de crapot (1185), crapaut (fin XIIe s.), est issu d'un germanique °krappa « crochet » (→ agrafer, crampe, crampon), le développement du sens faisant allusion aux pattes du crapaud. L'ancien français a eu grape, crape (XIe s.) « rafle, grappe de raisin » et (1213) « grapin, crampon » (→ grapin, grappe). L'hypothèse concurrente d'une dérivation du moyen français crape « écaille, pellicule, crasse » (1393) fait difficulté.
❏
Le mot désigne un amphibien anoure (sans queue) à peau verrruqueuse, carnivore (il détruit les insectes, les vers, les limaces), qui vit sur terre sauf au moment de la reproduction. Le nom peut être qualifié pour spécifier une espèce, par exemple dans
crapaud buffle, qui vit dans les zones chaudes, et qui a un coassement puissant. Ce nom d'un animal souvent associé à la grenouille (support d'une toute autre symbolique) a pris de nombreux emplois métaphoriques exploitant les caractères négatifs appliqués à l'animal, qui est dans la culture européenne un symbole de laideur et parfois de saleté : ainsi, il sert à désigner (1541) un homme laid physiquement ou moralement. L'opposition
crapaud-colombe est utilisée dans l'expression devenue plaisante qui stigmatise la calomnie :
la bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe. Historiquement, on a donné par dénigrement l'appellation
crapauds du marais aux Conventionnels qui se plaçaient dans la partie la moins élevée de la salle et votaient généralement en faveur du gouvernement.
Crapaud de mer se rapporte à un poisson difforme (1611), en particulier, au Québec, la baudroie.
■
Le mot a connu également quelques extensions analogiques servant à désigner en artillerie un mortier (1400), puis un affût de mortier plat (1829) et, plus couramment, une sorte de fauteuil (1790), appelé fauteuil crapaud, un piano à queue plus petit que le demi-queue (aussi appelé piano crapaud). Crapaud se dit aussi d'un défaut dans une pierre précieuse (1845).
◆
Au XIXe s., on appelait également crapaud la petite bourse de soie dans laquelle les hommes enfermaient leurs cheveux sur la nuque.
❏
2 CRAPET n. m., variante régionale de l'ouest de la France (aussi
crapette), s'est employé en français du Québec (attesté par écrit en 1887) pour « petit enfant turbulent », et, péjorativement, pour « idiot, personne qu'on méprise », aussi dans
ce crapet de X. Le mot était encore usuel au milieu du
XXe siècle.
◈
1 CRAPAUDINE n. f. (1235) désigne une pierre précieuse que l'on croyait provenir de la tête du crapaud et qui est en réalité la dent pétrifiée d'un squale.
■
CRAPAUDIÈRE n. f. (1394, grapaudere), « lieu où pullulent les crapauds », est employé par métaphore (1841) et, par extension, au sens de « lieu humide et sale » (1743).
■
2 CRAPAUDINE n. f. a été reformé (1393) avec divers sens techniques (technologie, gastronomie, mécanique, serrurerie) par analogie avec la forme ramassée ou l'attitude du crapaud. En cuisine, l'expression à la crapaudine désigne une manière de couper et d'ouvrir un oiseau, une volaille, avant de les cuire.
■
Le radical de crapaud a servi à former CRAPOUSSIN n. m. (1752) « petit crapaud » et « homme trapu », « homme de peu de valeur », ainsi que CRAPOUILLOT n. m., dérivé de crapaud en artillerie (av. 1794), spécialisé dans l'argot militaire pour désigner un petit mortier de tranchée utilisé sous la Première Guerre mondiale et, par métonymie, le projectile lancé par ce mortier. Ce mot a servi de nom à une célèbre revue satirique.
◆
Il a produit à son tour CRAPOUILLER (1915) ou CRAPOUILLOTER v. tr. (1916) : « bombarder par crapouillot », et leurs dérivés en -eur n. m. (1915) et en -age (1919), série formée dans l'argot des poilus et qui ne s'est pas maintenue après 1918.
◈
Le verbe
CRAPAHUTER v. intr., apparu dans l'argot militaire au sens de « progresser par sauts et reptations en terrain difficile » (1939, à l'école d'officiers de Saint-Cyr), se rattache à
crapaud déformé par jeu en
CRAPAHUT (avec diérèse) « trapèze » (1898) et (1939) « marche en terrain difficile ». Ce procédé de formation a été actif dans l'argot des grandes écoles (
trou prononcé
troü, etc.).