1 CRAPET n. m. semble une métathèse de carpet, diminutif de carpe. Le mot, connu en français canadien depuis 1712, désigne un poisson des eaux douces d'Amérique du Nord, au corps plat, aux couleurs vives (une espèce, le crapet soleil, était aussi appelée perche soleil). Crapet jaune, crapet de roche.
CRAPOUILLOT → CRAPAUD
CRAPULE n. f. est emprunté (v. 1360) au latin crapula « excès de vin », peut-être emprunté au grec kraipalê « abus de boisson » et « mal de tête qui en résulte ». Ce terme, qui subsiste en grec moderne, est un mot populaire d'origine obscure : il se peut que le latin et le grec soient des emprunts indépendants à une langue non indoeuropéenne et désignent originellement la résine que l'on met dans le vin. L'hypothèse qui rattache kraipalê à kara, kra- « tête » (→ chère) — la boisson entraînant des maux de tête — ne semble pas fondée.
❏  Le mot est passé du sens d'« ivrognerie » à celui, plus général, de « débauche habituelle et excessive » (1754) et, de là par métonymie, s'est appliqué familièrement à ceux qui vivent dans cette débauche (1798). ◆  Ces valeurs ont disparu ; le passage au sens moderne d'« individu malhonnête » (1866 ; peut-être 1850) s'est fait par glissement du collectif à l'individuel, l'accent étant mis sur la bassesse morale. Le mot, comme plusieurs noms du même type (Cf. bandit, coquin, fripouille, etc.), est employé par antiphrase affective, par exemple à propos d'un enfant turbulent. ◆  En français d'Afrique, il est employé au masculin (faire le crapule) et comme adjectif, à propos d'un enfant turbulent, avec la valeur de « polisson ».
❏  CRAPULEUX, EUSE adj., peut-être formé (1495) d'après le bas latin crapulosus, a été employé comme nom pour la personne qui se complaît à boire et à manger avec excès. L'emploi adjectif (1578, vie crapuleuse) a suivi l'évolution de crapule, prenant au XIXe s. la valeur moderne d'« empreint de bassesse morale, de malhonnêteté sordide » (crime crapuleux, opposé par exemple à passionnel). ◆  CRAPULEUSEMENT adv. (1782) en est dérivé.
■  CRAPULER v. intr. (1519), passé de l'idée de « boire à l'excès » à « vivre dans la débauche » (1771), est tombé dans l'oubli.
■  CRAPULERIE n. f. (1854), apparu ultérieurement avec son sens moderne, s'est maintenu.
■  En ajoutant à crapule le suffixe -os, repris à certains noms de cigares espagnols (cigarillos), on a formé CRAPULOS n. m. (1873), terme ironique de la fin du XIXe s. désignant un cigare bon marché.
CRAQUELIN n. m. est emprunté (1265) au moyen néerlandais crakelinc (néerlandais crakeling) de même sens, dérivé de craken « craquer » (→ craquer) en raison du bruit sec que fait le gâteau sous la dent (Cf. cracker en anglais, croquant en français).
❏  Ce nom de gâteau sec est originaire du nord de la France (d'abord attesté à Douai).
❏  Le nom de métier CRAQUELINIER n. m. (av. 1902) demeure technique.
■  Le dérivé féminin CRAQUELINE n. f. désigne un bonbon enrobé de chocolat craquant (marque déposée par le confiseur Lalonde à Nancy en 1936).
CRAQUER v. intr. est dérivé (1544) de l'onomatopée crac*, représentée également dans des formes verbales de langues germaniques (allemand krachen, anglais to crack). Le mot latin de même sens crepare a donné crever* avec une autre spécialisation, et, sous sa forme fréquentative, crépiter*.
❏  Le verbe, apparu en parlant du bruit que fait l'oiseau avec son bec, exprime plus généralement l'émission d'un bruit sec (1546). À partir de la construction factitive faire craquer, on passe à la construction transitive avec la valeur de « faire se rompre avec un bruit » (1908), plus rarement « frotter avec un bruit » dans craquer une allumette (1908). ◆  Par extension, le mot signifie « se défaire, se briser » (1662) sans impliquer nécessairement l'idée d'un bruit sec ; il est employé par hyperbole dans l'expression usuelle plein à craquer « bondé ». ◆  En emploi figuré (1718), il exprime l'idée d'être ébranlé, menacer ruine, en particulier en référence à une réalité socio-économique, d'après l'anglais to crack, attesté depuis le XVIIe s. en ce sens.
■  Craquer s'applique à une personne qui défaille nerveusement, moralement (1847) et, dans l'usage familier contemporain (v. 1970), qui cède brusquement à un désir, à un besoin, emploi devenu très courant (→ craquant, ci-dessous).
■  Le sens technique de « raffiner un produit pétrolier » (1931) est emprunté à l'anglais to crack (1868). ◆  Son dérivé craquage (ci-dessous) peut remplacer l'anglicisme cracking.
❏  Dès le XVIe s., craquer a produit CRAQUEMENT n. m. (1553), spécialisé pour « bruit sec de ce qui craque », le diminutif CRAQUETER v. intr. (1538), employé notamment en parlant du cri de certains oiseaux (grue, cigogne) tout comme craquer, avec ses dérivés CRAQUETTEMENT n. m. (1568) et CRAQUETANT, ANTE adj. (XVIe s.).
■  CRAQÛRE n. f. (1883) est rare.
■  CRAQUERIE n. f. (1694), et CRAQUE n. f. (1744), qui expriment familièrement une idée de mensonge, de hâblerie, sont probablement dérivés d'un ancien sens de craquer « mentir » (1718), par allusion au bruit que font certains oiseaux (Cf. le même développement sémantique dans l'anglais to crack → crack). Cette valeur a vieilli, et seul craque est encore en usage, encore que désuet. ◆  Elle a aussi produit le nom d'agent CRAQUEUR, EUSE (1720). ◆  Craque ne conserve une valeur concrète, « fissure, fente » qu'en français du Canada (Québec, Acadie) provenant d'emplois régionaux français de l'Ouest.
■  Du sens de craquer « céder brusquement à un désir », vient CRAQUANT, ANTE adj. (1966), synonyme intensif de « irrésistible (par son charme) ». ◆  CRAQUÉE n. f. en français de Suisse (1867) s'est employé pour « craquement, bruit sec » et au figuré pour « grande quantité » (comme crachée, trâlée). Par une nouvelle dérivation sur le verbe, craquée se dit aussi pour « dépression (nerveuse, psychologique) ».
La langue érotique populaire a formé le dérivé CRAQUETTE n. f., peut-être du mot régional craque n. f. « fente » (ci-dessous). Combiné avec le verbe mouiller, ce radical a servi à former CRAMOUILLE n. f. « vulve » (1935).
Avec un autre suffixe, craquer a produit la série CRAQUELER v. tr. (1761, au participe passé ; attesté tardivement à l'actif, 1863), CRAQUELURE n. f. (1857), CRAQUELAGE n. m. (1863) et CRAQUELLEMENT n. m. (1882) ; elle est à rapprocher de l'anglais to crackle, antérieur à son attestation, tardive, en 1867 en parlant de la glaçure d'une porcelaine.
CRAQUAGE n. m. (1921) a été formé d'après l'anglais cracking, gérondif substantivé lui-même passé en français ; CRACKING n. m. (1922), désignant un procédé de raffinage du pétrole par distillation « fractionnée ».
CRASH n. m. est un emprunt (1956) à l'anglais crash, de to crash « écraser ».
❏  Le mot désigne le choc violent d'un véhicule (voiture, avion) qui le détruit.
❏  Son dérivé SE CRASHER v. pron. se dit d'un avion qui s'écrase, alors que CRASH-TEST n. m. s'applique à une expérience sur une voiture. ◆  Ces anglicismes sont très critiqués ; francisés graphiquement en crach-, ils évoquent cracher*.
L CRASSE n. f. est le féminin substantivé (XVe s. ; dès 1327, selon Bloch et Wartburg) de l'ancien adjectif cras (→ gras), lui-même issu (1176-1187) du latin crassus, mot d'origine expressive signifiant « épais, gras, grossier » et s'opposant à la fois à liquidus (→ liquide), tenuis (→ ténu) et macer (→ maigre).
❏  L'adjectif CRAS, CRASSE « épais, dense, gras » s'est maintenu jusqu'au XVIIe s., surtout employé au féminin (notamment, en médecine humeurs crasses). Il ne subsiste que dans quelques emplois lexicalisés, avec le sens figuré d'« ignoble, inadmissible » et dans ignorance (bêtise) crasse calque du latin chrétien crassa rusticitas où il signifie « épais ».
■  Le nom féminin CRASSE désigne originellement la partie la plus grossière de qqch. (crasse de son) et, de nos jours par spécialisation, une couche de saleté. Ses emplois figurés, « condition basse et misérable », « avarice sordide » (1666), sont sortis de l'usage.
■  Particularisé avec un article indéfini (une, des), il désigne techniquement les scories d'un métal en fusion (1611). ◆  L'emploi de une crasse pour désigner une chose sale, ou encore l'écume est régional. ◆  Le langage familier, renouant par delà plusieurs siècles avec les anciens sens figurés, l'emploie au sens figuré d'« indélicatesse, mauvais tour » (1826), notamment dans faire des crasses à qqn (1853).
❏  Le dérivé CRASSEUX, EUSE adj. (1500 ; XIIIe s., comme nom) exprime essentiellement l'idée de « sale », ses sens figurés correspondant à ceux de crasse étant sortis de l'usage, sauf dans un contexte moral péjoratif, où il peut remplacer l'ancien adjectif cras, crasse.
■  Au XXe s., une série de diminutifs familiers expressifs ont été formés sur la première syllabe de crasseux : CRACRA, CRADO (1935), d'où CRADE (1978), CRADINGUE (1953), et CRASPEC (1926), où -pec peut représenter pet, la graphie craspect (Queneau) manifestant l'influence de aspect (« aspect crasseux » ?). CRAPOTEUX, EUSE, de même sens (dans Céline, 1936) a pu être influencé par crapaud.
■  Les dérivés de crasse les plus anciens, CRASSITUDE et CRASSIDITÉ n. f., ont disparu.
■  Les dérivés encore usités sont apparus d'après le sens moderne du mot : il s'agit de CRASSERIE n. f. (1807), synonyme rare de crasse au figuré, employé chez certains auteurs de la fin du XIXe s. aux sens de « avarice sordide », « bassesse morale », puis comme synonyme de crasse, « indélicatesse » (1807) et du terme technique CRASSIER n. m. (1754) « amas de saletés provenant d'une usine métallurgique », toujours en usage.
Le verbe CRASSER v. (1832) est resté rare, à la différence des préfixés formés sur le nom.
■  DÉCRASSER v. tr. (1476) signifie « nettoyer de sa crasse », d'où au figuré (1680) « débarrasser (qqn) de son ignorance » et au XVIIe s. « de sa basse condition » (1690 ; sens disparu). ◆  Décrasser a produit DÉCRASSAGE n. m. (v. 1900), lequel a remplacé DÉCRASSEMENT n. m. (fin XVIIIe s.) et DÉCRASSOIR n. m. (1861) « peigne ; brosse ».
■  ENCRASSER v. tr. signifie d'abord (1580) « couvrir de crasse », puis au figuré « rendre grossier, vulgaire » (1740), d'après crasse et décrasser : cette valeur a disparu. Le verbe s'emploie surtout aujourd'hui concrètement et par extension pour « couvrir d'un dépôt (qui empêche un bon fonctionnement) », aussi au pronominal et participe passé adjectivé (moteur encrassé). C'est dans ce dernier sens que sont employés ENCRASSEMENT n. m. (1860), ENCRASSAGE n. m. (1906) et l'antonyme préfixé DÉSENCRASSER v. tr., qui semble récent.
-CRATE, -CRATIE → DÉMOCRATE
CRATÈRE n. m. est emprunté (av. 1502) au latin crater, transcription littéraire (à côté de la forme orale et populaire crateria) du grec kratêr « grand vase où l'on mélange le vin et l'eau (et où l'on puise avec des coupes) » et, par analogie, « cratère creusé dans le roc », « bassin de volcan ». Kratêr (Cf. le grec moderne krasi « vin ») est dérivé de kerannunai « verser », à rattacher à une racine indoeuropéenne °ker- ou °kr- suivie d'un appui vocalique.
❏  Le mot, introduit en antiquités gréco-romaines, prend dès le XVIe s. sa valeur moderne d'« orifice d'un volcan » (1570). Par d'autres analogies de forme, il est employé pour désigner les dépressions observées à la surface de la Lune ou causées par l'explosion d'une bombe. Il a acquis des emplois spéciaux en verrerie (1832, à propos de l'ouverture pratiquée à la partie supérieure de l'orifice d'un fourneau), en médecine et en électricité.
❏  Il n'a pas produit de dérivés, sinon l'adjectif didactique CRATÉRIFORME adj. (1846) « en forme de coupe ». ◆  CRATERELLE n. f. (1846) est l'adaptation du latin botanique craterella, littéralement « petit cratère », par allusion à la forme de ce champignon comestible.
❏ voir IDIOSYNCRASIE.
CRATTE n. f. est la francisation d'un mot patois d'origine germanique (radical kratte), attesté depuis 1825 en français de Suisse, enregistré dans le supplément du Littré (1877). Il désigne une petite corbeille d'osier (pour les fruits, les champignons...) et au figuré, une petite collation (prendre la cratte).
CRAVACHE n. f. est emprunté (1756 gravache, puis 1790) à l'allemand Karbatsche de même sens (d'abord Carabatschste, 1615), lui-même emprunté au polonais kar(a)bacz ou au russe karbač (karbatch) et ceux-ci, à leur tour, au turc qĭrbāč « fouet de cuir ».
❏  Le mot désigne une badine de cavalier et s'emploie par métonymie pour désigner le cavalier lui-même (1924, une fine cravache) et, par métaphore, pour l'autorité brutale (mener à la cravache).
❏  Son dérivé CRAVACHER v. tr. (1834) reçoit, lorsqu'il est employé absolument, le sens de « travailler d'arrache-pied » (1927), d'usage familier.
Le mot turc est lui-même à l'origine, par l'intermédiaire de l'arabe kurbāǧ, de COURBACHE n. f. (1848 ; 1838, courbag) et, au masculin, COURBACH (1854), dénomination spécifique d'un fouet à lanière de cuir dont une partie s'enroule autour du poignet, utilisé en Orient et en Afrique comme instrument de répression. Ce mot est technique et vieilli.
CRAVATE n. f. est dérivé (av. 1648) du même radical que croate : c'est le nom commun issu de Cravate, nom ethnique attesté depuis 1573 comme adjectif et depuis 1660 comme nom, sous la forme crabate, supplantée depuis par la forme parallèle croate. Cravate est une adaptation, soit du slave hrvat, soit de l'allemand dialectal krawat, tandis que croate (1648) est emprunté à l'allemand kroate.
❏  Le mot a été introduit dans un contexte militaire pour désigner un soldat (croate à l'origine) de la cavalerie légère, les cavaliers croates ayant constitué un régiment de mercenaires dès le règne de Louis XIII (d'où, sous Louis XIV, le Royal-Cravate, 1666). ◆  Par deux extensions différentes, il a servi à désigner un cheval robuste du type qu'utilisaient ces cavaliers (1678) et, d'autre part, a reçu vers 1650 le sens, devenu usuel, de « bande d'étoffe portée autour du cou » (telle que les cavaliers croates en portaient). Mais cet objet de parure masculine a beaucoup évolué. La cravate a remplacé le rabat vers 1670 ; on la tournait deux fois autour du cou et on en laissait pendre les extrémités ornées de dentelles. Après la bataille de Steinkerque (1692) où les officiers du maréchal de Luxembourg, dit-on, n'eurent pas le temps de nouer leur cravate, la mode fut de la porter « à la Steinkerque ». La cravate devint plus discrète au XVIIIe s. et au-delà, prenant vers 1907 sa forme actuelle, après l'intermède révolutionnaire qui mit à la mode les cravates volumineuses, et à côté de variantes aujourd'hui archaïques, comme la cravate Lavallière. On dit parfois cravate papillon pour nœud papillon*.
■  Plusieurs emplois argotiques et familiers réalisent l'idée de « pièce ou main autour du cou » ; le mot (1877) désigne un coup en lutte par lequel on essaie de faire subir une torsion au menton de son adversaire.
■  Par métonymie, cravate entre dans la dénomination d'oiseaux remarquables par le plumage coloré de leur cou (Cf. col, cou).
❏  Le dérivé CRAVATER v. tr. (1823), « mettre une cravate à qqn », a lui aussi reçu divers sens analogiques, spécialisés (sport, 1877), argotiques ou familiers (« attaquer [qqn] », « tromper, abuser [qqn] », « voler »). Le sens concret est rare en français d'Europe, mais courant en Afrique, où se cravater correspond aussi (Mali, Sénégal) à « s'habiller de manière formelle ». Cf. s'endimancher.
■  Le nom du fabricant de cravates, CRAVATIER n. m. attesté depuis 1866, est rare.
CRAWL n. m. est emprunté (1905) à l'anglais crawl, primitivement crawl-stroke (1903), proprement « mouvement par reptation », stroke « coup », correspondant ici à « temps (d'un mouvement complexe) ». Crawl représente le verbe to crawl « ramper » (v. 1300), mot rare en moyen anglais et apparemment limité au nord de l'Angleterre, d'origine nordique. Une comparaison s'impose avec le danois et le norvégien kravle de même sens, le suédois krafla « avancer à tâtons, ramper ».
❏  C'est un jeune nageur du nom de Cavill qui rapporta d'Australie la nage elle-même, d'origine polynésienne, et la créa pour la compétition, avec le nom anglais.
❏  Le français a tiré CRAWLER v. intr. (1931) et, à partir de celui-ci, CRAWLEUR, EUSE n. (1931) qui correspond à l'anglais crawler (1912, dans ce sens).
CRAYON → CRAIE
CRÉANCE n. f. est dérivé (v. 1050) du radical cre- des anciennes formes dites « fortes » de croire (notamment le participe présent créant) ou bien du latin tardif credentia (→ crédence).
❏  Le mot, qui s'employait à propos de la foi religieuse et (1160) de la confiance accordée à qqn, a été supplanté à la fois par croyance (au XVIIe s.) et par confiance. Il se maintient en vénerie en parlant de la confiance que l'on accorde à un chien de chasse (1573), dit lui-même créancé (ci-dessous). ◆  Il est surtout vivant dans le syntagme lettre de créance (fin XIIIe s.) « lettre accréditant celui qui la remet », à propos d'un diplomate puis (1611) dans un contexte commercial ; le mot s'est en effet maintenu comme terme de droit et de finance, désignant l'argent prêté à qqn (v. 1175 ; puis 1611), le droit que l'on possède d'exiger le paiement d'une dette. ◆  Par extension, il s'applique au figuré au sentiment de reconnaissance attendu de qqn à qui l'on a rendu service.
❏  CRÉANCIER, IÈRE n. et adj. (v. 1170), qui signifie proprement « celui à qui l'on doit de l'argent », est employé au figuré (1791) et quelquefois adjectivement (1920-1921, Barrès). ◆  Le verbe CRÉANCER v. tr. (XIIIe s.), « donner en gage », est sorti de l'usage, se maintenant seulement, surtout par son participe CRÉANCÉ, ÉE (1810) en vénerie, pour « développer et confirmer les meilleures qualités d'un chien ».
❏ voir CRÉDENCE.
? CRÉCELLE n. f., d'abord cresselle (av. 1350), est d'origine obscure : un étymon latin tardif °crepicella, dérivé de crepitacillum, de crepitaculum « crécelle, sistre » lui-même dérivé de crepitare (→ crépiter), fait difficulté d'un point de vue morphologique. L'hypothèse d'une dérivation d'un radical onomatopéique °krek- n'est pas à exclure.
❏  À l'origine, la crécelle, moulinet de bois qui produit un crépitement, est un objet religieux : les Romains en donnaient aux enfants à des fins conjuratoires (symbolisme commun aux jouets produisant du bruit, tels les crepundia et les crotala) et la liturgie catholique en utilise pour remplacer les cloches pendant les trois derniers jours de la semaine sainte. L'instrument était aussi l'attribut traditionnel des lépreux et des forains, avant de se voir banalisé en jouet d'enfant. L'expansion s'est faite vers l'idée de « bruit désagréable », dans des locutions comme voix de crécelle et des emplois figurés à propos d'une personne bavarde et criarde (av. 1866) et, en argot militaire, de la mitrailleuse (av. 1919).
❏ voir CRÉCERELLE.
CRÉCERELLE n. f., d'abord cresserele, crecerelle puis crécerelle (1560), est, à côté de la variante crestervelle (v. 1223), dérivé de crécelle* par élargissement de suffixe, le cri de l'oiseau rappelant le bruit de la crécelle. On relève en moyen français des interférences entre les sens des deux mots : crécerelle au sens de « crécelle » en 1560 et crécelle au sens de « crécerelle » à la fin du XIVe siècle.
❏  Le mot désigne un petit rapace diurne, espèce en péril. Il est plus connu en français mauricien qu'en Europe.
❏  CRÉCERELLETTE n. f. (1838), diminutif de crécerelle, désigne un petit rapace qui se distingue de la crécerelle par une taille plus faible et un habitat plus méridional.
G CRÈCHE n. f. est issu (v. 1120) du francique °krippia (germanique °kribjon) que l'on déduit à partir de l'allemand de même sens Krippe « crèche ». Le mot relève d'un groupe germanique (anglais crib, néerlandais krib, kribbe) apparenté à celui du moyen haut allemand krēbe « panier ».
❏  Crèche désigne originellement une mangeoire pour les bestiaux, sens avec lequel il est concurrencé par auge et mangeoire (dans les parlers septentrionaux). En français de Bretagne, le mot a pris (1829) le sens d'« étable », crèche à cochons pouvant désigner la porcherie. Le sens général est alors « tout bâtiment abritant les animaux de la ferme ». Le mot s'est spécialisé (v. 1223) pour désigner la mangeoire dans laquelle le Christ fut déposé à sa naissance dans l'étable de Bethléem, selon la tradition de Noël (en ce sens, généralement avec une majuscule). Ultérieurement (1803, Chateaubriand), il s'est mis à désigner, par métonymie, la représentation en trois dimensions que l'on fait de la Sainte Crèche dans les églises, entre Noël et l'Épiphanie. Par extension, certains auteurs (Chateaubriand, Proust) l'utilisent au sens de « berceau », avec une intention poétique. ◆  Par analogie avec le lieu de naissance du Christ, il a pris le sens d'« asile de nouveau-nés » (v. 1785, S. Mercier) puis (1887) d'« établissement où l'on met les enfants de moins de trois ans pour la journée ». ◆  D'après un autre sens analogique, « couche garnie d'une paillasse » (1793), il a pris le sens de « gîte misérable » (1905), d'usage familier, aujourd'hui vieilli.
❏  Ce dernier sens a produit le verbe familier CRÉCHER v. intr. (1921), « habiter, loger », qui, lui, est demeuré usuel et n'est plus péjoratif.
CRÉDENCE n. f. (1519), d'abord credance (v. 1474), est emprunté à l'italien credenza (apr. 1250) proprement « croyance » et « confiance ». Lui-même est emprunté, comme le moyen français de même sens crédence (1360, remplacé par créance*), au latin médiéval credentia, dérivé du latin credere (→ croire). Dès le XIVe s., l'italien credenza s'est spécialisé dans la locution fare la credenza « faire l'essai (des mets, des boissons, avant de les servir à table) pour s'assurer qu'il n'y a aucun poison » (v. 1336).
❏  Le mot, introduit dans la locution faire crédance, calquée de l'italien, a désigné le fait de goûter les aliments avant de les servir. Le développement métonymique vers le sens de « récipient servant à faire les essais du service de bouche » (1519) puis « meuble sur lequel on place la vaisselle » (v. 1575), est probablement repris à l'italien, qui l'a avant 1543. C'est Henri III qui a importé le meuble italien servant à faire les essais et qui, de simple table, était devenu un buffet surmonté d'étagères, proche du dressoir, une sorte de coffre sur pieds. ◆  Par analogie, le mot désigne d'autres types de meubles et, dans la liturgie catholique (1671), une tablette placée près de l'autel pour déposer les objets de la messe.
❏  Le dérivé CRÉDENCIER n. m., d'abord credentier (1552), a désigné la personne chargée de goûter les mets et les boissons à la table des princes, puis le préposé à la distribution des vivres dans un établissement religieux (1835).
❏ voir CRÉANCE.
CRÉDIBLE adj. est emprunté (v. 1425) au latin credibilis « qui peut être cru », de credere (→ croire).
❏  Le mot, usité jusqu'au XVIIe s., semble ensuite être tombé en désuétude. Il n'a été repris que récemment, sous l'influence de l'anglais credible, qui vient du même mot latin. Il est souvent employé en contexte restrictif ou négatif (à peine crédible, pas crédible...).
❏  CRÉDIBILITÉ n. f. (1651) est soit dérivé de crédible, soit emprunté au latin médiéval credibilitas (1252). Comme crédible, il doit son regain, au milieu du XXe s., à l'anglais, d'abord à propos de la certitude que fait éprouver une puissance à une autre qu'une menace sera exécutée, dans le contexte de la guerre froide, puis au sens général de « qualité de ce qui est croyable, possible ou vraisemblable ». Comme crédible, le mot est courant dans les affaires, la politique.
CRÉDIBILISER v. tr. (att. 1984), surtout employé au part. passé, a pour contraire DÉCRÉDIBILISER v. tr. (1980) ; ces mots sont usuels dans l'usage journalistique, par ex. en politique.
INCRÉDIBILITÉ n. f. (1520) est emprunté au latin incredibilitas, formé sur l'adjectif incredibilis ; le mot est didactique.
■  L'adjectif INCRÉDIBLE est peu usité ; on lui préfère l'euphémisme peu crédible et, aussi, incroyable.