CRÉDIT n. m., attesté vers la fin du XVe s., n'est probablement pas un emprunt direct au latin creditum, formé sur le supin de credere (→ croire), avec le sens limité de « dette, emprunt ». Il serait plutôt emprunté à l'italien credito, lui-même issu du latin (XIVe s.), et signifiant « dette, emprunt », « confiance » (Dante) et (XVe s.) « influence, considération ».
❏
Le mot se trouve chez Commynes avec ce dernier sens, aujourd'hui limité à quelques emplois (avoir du crédit, jouir d'un certain crédit) où l'accent est mis depuis le XVIe s. sur la confiance inspirée par la personne (1539).
◆
Il s'est surtout spécialisé en parlant de la confiance dans la solvabilité de qqn (1481), sens qui émerge dans les coutumiers au début du XVIe siècle. Cette acception est réalisée dans les locutions à crédit (v. 1508) et (lettre) de crédit (1563) [Cf. créance]. La langue classique a employé à crédit avec des valeurs figurées, « en pure perte », « gratuitement », ruinant ironiquement l'idée de « confiance » ; elles ne se sont pas implantées.
◆
Le mot a continué à se développer en finance, désignant l'opération par laquelle une personne met une somme d'argent à la disposition d'une autre, et, par métonymie (1819) cette somme elle-même ainsi que l'établissement de crédit (1852, date de création du Crédit Foncier). Depuis 1845, crédits, au pluriel, désigne particulièrement les sommes allouées par un budget pour un usage déterminé. Son usage en comptabilité (qui l'oppose à débit) est attesté depuis 1675.
◆
L'emploi du mot pour une unité de valeur dans l'enseignement universitaire, calque de l'anglais de même sens credit, est courant dans le français des pays en contact avec l'anglais, comme le Canada, l'île Maurice.
❏
Le dénominatif
CRÉDITER v. tr. (1671) est utilisé en comptabilité au sens de « rendre (qqn) créancier d'une somme portée au crédit de son compte » (par opposition à
débiter) et au sens moral de « reconnaître, accorder à (qqn) », dans la construction d'usage soutenu
créditer qqn de qqch.
◈
ACCRÉDITER v. tr. est emprunté (1553) à l'espagnol
acreditar, de
credito issu, comme le français
crédit, du latin
creditum. Le verbe signifie « donner du crédit, de la confiance à (qqn) », sens sorti d'usage, puis « donner l'autorité nécessaire », sens développé en droit international. Il s'emploie aussi depuis le milieu du
XVIIe s. (1671) pour « rendre croyable, plausible (qqch.) ».
◆
L'emploi en contexte financier est relativement moins courant, mais a donné naissance aux dérivés
ACCRÉDITEUR n. m. (1846),
ACCRÉDITIF, IVE adj. rare, substantivé
(n. m.) pour « lettre d'ouverture de crédit » et « pièce qui accrédite un journaliste ».
◆
Du sens en droit international viennent
ACCRÉDITATION n. f. (1853) et
ACCRÉDITANT, ANTE n., qui s'oppose à
ACCRÉDITAIRE n.
◈
DISCRÉDITER v. tr. est formé (1572) sur
dis- et
crédit ; il a été précédé par le moyen français
désaccréditer (1553), emprunt tôt sorti d'usage à l'espagnol
desacreditar (
XVe s.), préfixé antonyme de
acreditar, emprunté sous la forme
accréditer (ci-dessus). Une variante
décréditer v. tr. (1572) est elle aussi sortie d'usage.
◆
Discréditer signifie « faire diminuer ou disparaître la valeur, le crédit de (qqch.) », puis au
XVIIe s. « porter atteinte au crédit, à la réputation de (qqn) ». Ce sens, très vivant, est aussi réalisé au pronominal (1750) et au participe passé
DISCRÉDITÉ, ÉE adj.
■
Le déverbal DISCRÉDIT n. m. (1719) s'emploie pour « perte du crédit (pour une valeur monétaire et financière) » puis, plus couramment, « perte de réputation » et « mauvaise réputation » (tomber en discrédit).
◈
MICROCRÉDIT n. m. (années 1990) désigne un prêt, un système de prêts, de crédits de faibles montants accordés à des personnes démunies, pour financer des projets générateurs de revenus, notamment dans les pays en voie de développement.
CREDO n. m. est l'emprunt (v. 1190) du latin credo « je crois », première personne de l'indicatif présent de credere (→ croire), employé à l'époque chrétienne comme premier mot du symbole des Apôtres et (VIIIe s.) au sens de « foi, croyance ».
❏
Le mot a été introduit dans sa spécialisation religieuse de « symbole des Apôtres contenant les articles fondamentaux de la foi catholique ». Il a eu la même extension figurée que l'expression équivalente profession de foi vers le sens laïc de « principes sur lesquels on fonde une opinion », en philosophie (1771, credo philosophique) et en politique (1794).
◆
Son emploi comme terme de finances, constaté en moyen français et jusqu'au XVIIe s. dans les locutions familières faire credo (1611 qui fait credo, charge son dos), payer d'un credo « prendre à crédit » (1660, « vulgaire ») a été évincé par crédit.
CRÉDULE adj. est emprunté (1393) au latin credulus « qui croit trop facilement », de credere (→ croire).
❏
Le mot a conservé le sens de l'étymon latin.
❏
On en a tiré
CRÉDULEMENT adv. (1544), d'usage rare.
■
Le nom correspondant, CRÉDULITÉ n. f., d'abord creduliteit (fin XIIe s.), d'après le génitif latin crudelitatis, est emprunté au dérivé latin credulitas « fait, état de celui qui croit trop facilement ». De même que le mot latin, il est en outre employé dans le style littéraire avec la valeur ponctuelle de « ce qui exprime cette trop grande facilité à croire » (une, des crédulités).
◈
Les antonymes
INCRÉDULE adj. (
XIVe s.) et
INCRÉDULITÉ n. f. (1328 ; dès le
Xe s., sous la forme
encredulitet) sont empruntés aux mots latins
incredulus et
incredulitas. D'abord employés dans un contexte religieux, ils ont pris par extension une valeur générale.
CREEK n. m., prononcé cric, est un anglicisme du XIXe s. pour « petit ruisseau, dans un pays où l'on parle anglais », employé aussi en français de Nouvelle-Calédonie. Crevette de creek, « crevette d'eau douce » (appelée chevrette à Tahiti).
CRÉER v. tr., d'abord crier (v. 1119), puis creer (v. 1155), est emprunté au latin creare. Celui-ci est à l'origine un terme de la langue rustique, issu de la même racine que crescere (→ croître), qui signifie « faire pousser, faire grandir, produire ». Il est ensuite passé dans l'usage courant au sens de « faire naître » (au propre et au figuré), avec des spécialisations juridique (« nommer ») et religieuse (« tirer du néant », pour traduire le grec ktizein).
❏
Le mot a été introduit avec une valeur religieuse, « tirer du néant, le sujet désignant Dieu », et dans certains emplois assimilant l'acte de création poétique à l'acte du démiurge.
◆
Il s'est rapidement répandu en parlant de la personne qui donne l'existence à un être (1130-1140), et s'est spécialisé au sens juridique de « nommer, instituer (qqn) dans une fonction » (v. 1350). Par extension, il recouvre l'idée de « susciter, fonder, établir » (1611) dans le domaine des institutions et, dans un contexte technique, « être l'inventeur de » (1690).
◆
Une spécialisation fréquente est créer un rôle (1776) « interpréter pour la première fois », et créer un spectacle (1811) « monter pour la première fois ».
❏
En dehors de
CRÉÉ, ÉE adj., assez usuel comme son antonyme
incréé (ci-dessous), et de
RECRÉER v. tr. (1457) « créer de nouveau, créer une seconde fois » puis « reconstituer (ce qui était détruit) », « réinventer », la dérivation française n'a formé que des mots rares, tels que
CRÉABLE adj. (1845) et
CRÉEUR n. m. (1893), doublet « populaire » mais quasi inusité de
créateur. Le dérivé de
recréer, RECRÉATION n. f. (1845), est lui aussi peu usité.
◈
En revanche, les dérivés latins ont donné en français des emprunts usuels.
■
CRÉATURE n. f. est emprunté (v. 1050) au latin chrétien creatura, d'abord « acte de la création » puis, par métonymie, « ce qui est créé, spécialement l'homme ». Le mot est employé dans un contexte religieux à propos de l'être humain (v. 1050) considéré en particulier dans son opposition au Créateur (v. 1135). Il s'applique aussi à un être non humain considéré comme analogue à l'homme, généralement diabolique ou étrange (la créature de Frankenstein) et, de manière plus neutre, aux animaux.
◆
Au XVIe s., il s'est en quelque sorte laïcisé, prenant le sens péjoratif de « personne qui doit sa situation à qqn et se fait son agent », sens vieilli sous la concurrence de protégé (plus neutre).
◆
Le sens particulier, également péjoratif, de « femme dont on parle sans considération » (av. 1696), a lui aussi vieilli, mais créature continue de s'appliquer à une femme (avec un adjectif), aussi en emploi laudatif (une créature de rêve).
◈
CRÉATEUR, TRICE n. et adj., d'abord
creatur (v. 1119), est emprunté au dérivé latin classique
creator « celui qui crée », appliqué à Dieu en latin chrétien. Apparu en ce sens, il a pris relativement tard le sens artistique d'« auteur d'une chose nouvelle » (1761), adjectivé dans
génie créateur (1762).
◈
CRÉATION n. f. est emprunté (v. 1220) au dérivé latin
creatio, très rare, qui prend à basse époque le sens de « procréation » et devient usuel en latin chrétien au sens actif puis métonymique de « créature ».
■
D'abord employé en parlant de la création divine (création du monde), il s'est laïcisé au sens d'« action d'établir une chose pour la première fois » au XIVe s. et, à la fin du XVIIIe s., a développé les valeurs métonymiques « ensemble des êtres et choses créés » et « chose créée » (1790).
◆
Puis, après créateur, il est passé en art au sens d'« action de créer » et « œuvre créée » (1801), particulièrement dans le domaine poétique (1810) au sein du débat qui l'oppose à imitation, et dans le domaine théâtral (1843, d'un rôle interprété pour la première fois).
◆
Il a lui-même produit les termes didactiques CRÉATIONNISME n. m. (av. 1890) et CRÉATIONNISTE adj. (1869), relatifs à la doctrine qui admet la création de l'univers par Dieu ex nihilo, ce dernier aussi substantivé.
■
Son radical a servi récemment à la formation de CRÉATIQUE n. f. (1973), formé avec le suffixe d'informatique, télématique, etc., appliqué à l'ensemble des techniques de stimulation de la créativité. Bien que cette activité vienne des États-Unis, il ne semble pas que le mot soit un anglicisme ; il a produit le nom d'agent CRÉATICIEN, IENNE après 1980.
◈
CRÉATIF, IVE adj. (
XVe s.) est l'adaptation du latin médiéval
creativus (apr. 1300), dérivé du supin
creatum de
creare. Il réalise d'abord le sens de « qui produit qqch. » dans le domaine médical.
◆
Avec sa valeur moderne, où il qualifie ce qui présente une tendance notable à la création imaginative, il semble avoir été recréé vers 1860 sous l'influence de l'anglais
creative et de l'italien
creativo. Bien que les puristes l'accusent de doubler inutilement
créateur, le mot s'est diffusé sous l'action des sociologues et psychologues, qui ont besoin d'un terme spécifique se démarquant du terme courant. Il a été récemment substantivé au masculin pour désigner les responsables de l'invention dans le domaine de la publicité, des arts audiovisuels.
■
Son dérivé CRÉATIVITÉ n. f. (1946) se ressent probablement de l'influence de l'anglo-américain creativity. Ce sont les socio-psychologues qui l'ont introduit dans leur vocabulaire, relayés plus tard par les linguistes (notamment avec la traduction des travaux de Noam Chomsky).
◈
INCRÉÉ, ÉE adj. et n. m. (1458), l'antonyme de
créé, participe passé adjectivé de
créer, est un terme d'usage didactique en religion, qui traduit le latin ecclésiastique
increatus. Aussi substantivé (1769,
n. m.), il s'emploie (
XXe s.) quelquefois en contexte non religieux
(une œuvre encore incréée).
❏ voir
CRÉOLE, PROCRÉER, RÉCRÉER. Voir aussi RECRÉER (ci-dessus).
CRÉMAILLÈRE n. f., réfection du XVIe s. (1549) de carmeillière [sic] (XIIIe s.), puis cramailliere (1445), est dérivé, avec suffixe -ière, de l'ancien français craimail (v. 1220, sous la forme latine cremalia au pluriel), terme demeuré en usage dans les dialectes de l'Est. Ce mot est issu du bas latin cramaculus, cremaculus, altération d'un °cremasculus qui est à l'origine des formes bourguignonne, franco-provençale et provençale du type comacle (cumascle, 1157, dans le Vaucluse). Le latin est adapté du grec tardif kremastêr, proprement « qui suspend », nom de certains muscles (voir ci-dessous) et d'une perche où l'on accroche des grappes, de kremannunai « suspendre », verbe d'origine inconnue.
❏
Avec son sens hérité, « tige dentée où l'on suspend la marmite », crémaillère est entré dans la locution métonymique pendre la crémaillère « célébrer par une fête l'installation dans un nouveau logement » (in Académie, 1694).
◆
Le mot a reçu, par analogie de forme ou de fonction, quelques sens techniques, désignant notamment une pièce munie de crans pour faire bouger une partie mobile (1680), par exemple dans la locution à crémaillère (cric, pupitre puis chemin de fer, etc.).
❏
CRÉMASTER n. m. a été directement emprunté (1546) au grec en anatomie, pour désigner le muscle suspenseur du testicule.
❏ voir
CRAMIAS.
CRÉMATION n. f. est emprunté (XIIIe s.) au latin impérial crematio « action de brûler », du supin de cremare « brûler » et, en particulier, « incinérer les morts », pratique qui semble avoir été introduite en Italie par les envahisseurs qui y ont apporté le latin et l'osco-ombrien. Le verbe latin est peut-être issu, par un élargissement en -em-, d'une racine indoeuropéenne attestée par le vieil islandais hyrr « feu », le gotique hauri « charbon », le lituanien kuriù, kùrti « faire du feu » et à laquelle se rattacherait aussi carbo (→ charbon).
❏
Crémation, rare en parlant d'une chose qui se consume, reste, comme le latin, réservé à l'incinération des morts (avec rites religieux ou non) ; peu employé en ancien français, il est repris au XIXe s. (1823).
❏
Ce regain de vitalité au
XIXe s. se marque par la formation de
CRÉMATOIRE adj. (1879,
four crématoire), dérivé savamment du radical du latin
crematum, supin de
cremare. Le syntagme
four crématoire évoquant presque toujours, depuis la Seconde Guerre mondiale, les camps d'extermination nazis, on a recours pour les emplois rituels au terme savant
CREMATORIUM 1882, didactique et affectivement neutre.
■
Les substantifs CRÉMATEUR (1885) et CRÉMATISTE (1960), quasi synonymes, sont d'usage rare et didactique.
◈
Par ailleurs, le latin
cremare est à l'origine du verbe rare
CRÉMER (v. 1200) « incinérer » et, par voie populaire, du verbe dialectal
CRAMER v. tr. « brûler légèrement » (Centre), passé au
XXe s. dans le langage familier ou argotique au sens de « brûler ».
◈
CRAMINE n. f., francisation d'un mot dialectal de Suisse (1861), s'emploie dans plusieurs cantons pour « froid intense (qui brûle, crame la peau) ».
L
CRÈME n. f., d'abord noté craime (v. 1190) puis cresme (1261), est issu du bas latin crama (VIe s.) mot d'origine gauloise, croisé de bonne heure avec le terme ecclésiastique chrisma, d'origine grecque, passé dans chrême* « huile consacrée ». Crama a supplanté la désignation usuelle latine pour la crème du lait, cremor (lacti), littéralement « bouillie (du lait) », peut-être apparenté à cremare (→ crémation).
❏
Le mot est apparu en français avec son sens originel, réalisé ultérieurement dans
café crème (1898), contraction de
café à la crème (1822), même si celui-ci est souvent en fait un café au lait. Plusieurs syntagmes spécifiant l'état naturel de la crème (
crème fraîche, crème aigre, appelée au Québec, d'après l'anglais
sour cream, crème sure) et des préparations comme
crème fouettée, crème chantilly. Par extension, le mot a pris le sens figuré de « partie la meilleure d'une chose » (v. 1580) et plusieurs valeurs analogiques reposant sur une ressemblance de consistance.
C'est la crème des hommes correspond à « le meilleur des hommes ».
◆
Ces analogies sont nombreuses dans le domaine alimentaire où
crème désigne une liqueur crémeuse (1760), un entremets de lait et d'œufs (v. 1802), un potage velouté lié, alors souvent dans des syntagmes
(crème à, de...) et aussi une liqueur sucrée et crémeuse (1823). Ces deux derniers sens donnent lieu à des syntagmes nombreux :
crème renversée, crème au caramel, crème brûlée (à surface caramélisée, recette originaire de Catalogne :
crème catalane), pour l'entremets ;
crème de banane, et d'autres fruits, pour la liqueur. En cosmétique et pharmacie, le mot désigne un type de préparation crémeuse (1818).
■
On en a tiré un adjectif de couleur (1882).
◆
La désignation de ce qu'on nomme glace en français de France et dans d'autres régions francophones comporte souvent le mot crème : en français de Belgique, crème-glace ou crème à la glace ; en français du Québec, crème glacée (s'opposant à crème douce) ou crème à glace, crème-soda. L'influence de l'anglais ice cream se joint à l'ambiguïté du mot glace en français de France pour diffuser ces emplois.
◆
En français des Antilles, d'Haïti, crème peut désigner un glaçon de sirop de fruit.
❏
Nombre de dérivés en dehors de
CRÉMEUX, EUSE adj. (1572) se rapportent au moins partiellement au traitement du lait (pour la fabrication du beurre, du fromage).
◆
Tel est le cas de
CRÉMER v. (1580) au sens intransitif de « se couvrir de crème » (en parlant du lait), parfois employé transitivement pour « donner une couleur crème », de
CRÉMOIR n. m. (1885), nom d'ustensile, et de
CRÉMIER, IÈRE n. (1762), nom du commerçant qui vend des produits laitiers (surtout beurre et fromages) ainsi que des œufs.
◆
Le verbe
crémer, en français d'Acadie, s'applique au figuré, comme intransitif, à la glace qui commence à se former ; de là
CRÉMIS n. m.
■
Le radical de crémier a servi à former CRÉMERIE n. f. (1845) « commerce de produits laitiers », parfois (1866) « local où l'on fait crémer le lait », qui a aussi désigné (1867) un petit restaurant bon marché (lequel servait originellement des produits laitiers). C'est probablement à ce sens ou à la valeur populaire de « lieu où l'on habite » que fait allusion l'expression figurée changer de crémerie « aller voir ailleurs » (1920).
◈
CRÉMAGE n. m., en français québécois, s'emploie à propos d'une préparation sucrée dont on recouvre certains gâteaux.
◈
Le préfixé
ÉCRÉMER v. tr., d'abord
escramer (
XVe s.), exprime l'idée de « retirer la crème du lait », d'où au figuré « dépouiller des meilleurs éléments » (1690) ; il est employé techniquement (1765) en parlant du métal en fusion ou du verre.
■
Son dérivé ÉCRÉMAGE n. m. est apparu (v. 1765) comme terme technique avant d'être utilisé aussi en parlant du lait (1838) et d'acquérir un sens figuré, « prélèvement des meilleurs éléments d'un groupe humain » (1867).
■
Le nom d'ustensile ÉCRÉMOIR n. m., anciennement escramoire n. f. a étendu son emploi du domaine de la crémerie à d'autres domaines techniques (1802, pour l'écrémage du verre en fusion).
❏ voir
CRAMIQUE.
CRÉMONE n. f., mot attesté sous la Révolution (1790), est identique au nom de la ville italienne, mais pourrait être lié au radical de crémaillère.
❏
Le terme désigne une tige mobile servant à fermer les fenêtres, au moyen d'une poignée mobile autour d'un axe.
CRÉOLE n. et adj., d'abord attesté sous les formes hispanisantes crollo (1598), criollo (1643), puis francisé en créole (1670), est emprunté à l'espagnol criollo (1590), lui-même emprunté au portugais crioulo, seulement attesté en 1632 au sens de « métis noir né au Brésil » mais dont le sens originel a dû être celui de « serviteur élevé dans la maison de son maître » (XVIIe s.). Ce mot est dérivé, avec un suffixe mal éclairci, de cria, dérivé régressif de criar « élever » (espagnol criar), issu du latin creare (→ créer).
❏
Le mot, d'abord appliqué à un Espagnol né aux colonies, désigne une personne de « race » blanche née aux Îles (1670), mais à l'île Maurice s'applique au contraire à une personne de couleur, et ailleurs à des métis.
Créole-chinois se dit dans l'île Maurice d'un métis de créole (noir) et de chinois. En effet, le mot a des usages assez différents de ceux du français d'Europe dans certaines zones de la francophonie avec des désignations spécifiques (par exemple
béké, blanc-créole, aux Antilles). En Louisiane,
créole fait allusion aux Blancs d'origine française ou espagnole, dans le passé. Dans l'océan Indien, le mot s'applique à tout métis.
◆
Comme adjectif,
créole est courant en français des Antilles, en Louisiane, dans l'océan Indien (Réunion, Maurice), en Polynésie
(case créole, verger créole). Mais
cuisine, riz créole (ou
à la créole) se disent partout en francophonie, y compris en français d'Europe.
■
L'expression langue créole (1688), reprise au XIXe s., est probablement un emprunt direct au portugais, à en juger par la localisation de la première attestation relative au créole portugais alors parlé au Sénégal. Les créoles n'ont cependant été reconnus comme de véritables langues qu'à une date récente : jusqu'à la fin du XIXe s., ils étaient considérés comme une simple altération du français, de l'anglais, du néerlandais, du portugais ou de l'espagnol (ce qui n'est vrai que de leurs lexiques). V. Hugo, dans Bug Jargal (1826), parle de jargon et de patois créole. En linguistique, les études créoles datent du XXe siècle. Il en résulte que les créoles sont de véritables langues et non pas des sabirs, puisqu'elles sont transmises en tant que langues maternelles à structure stable. Leur apparition est liée à l'esclavage, réunissant des locuteurs de nombreuses langues africaines (les esclaves) et ceux d'une langue européenne, d'ailleurs souvent dialectalisée : d'où l'élaboration d'un idiome de communication, à syntaxe originale, marquée par des traits communs aux langues africaines, et au lexique en majeure partie emprunté à la langue européenne concernée. En français créole, sans précision, désigne un créole français ; celui-ci, langue nationale aux Seychelles, à Maurice ou en Haïti, est la langue maternelle de la grande majorité des Antillais.
■
Une créole n. f. désigne un anneau assez grand, porté en boucle d'oreille. Cet emploi est probablement limité au français de France.
❏
CRÉOLISER v. tr. (1838, au pronominal) signifie rendre créole, faire adopter le mode de vie des créoles.
◆
CRÉOLITÉ n. f. mot et concept proposés par Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, dans le sillage de l'
antillanité (Édouard Glissant), désigne l'appartenance à un groupe humain dont la langue maternelle est un créole, et la culture syncrétique d'un tel groupe.
◈
CRÉOLISANT, ANTE adj. et n. se dit d'une personne partisane de l'usage d'une langue créole et des défenseurs de la créolité.
CRÉOLISTE n. désigne en général un ou une linguiste spécialiste des créoles, d'un créole et aussi, en français de la Réunion, un partisan de l'emploi du créole. Comme adjectif, il qualifie les créolisants (ci-dessus).
◈
Sur le plan linguistique,
CRÉOLISME n. m. se dit d'une particularité d'une langue créole.
CRÉOLISER et
DÉCRÉOLISER v. tr., surtout au pronominal et participe passé, caractérisent un discours (en français, espagnol, anglais...) plus ou moins marqué par l'influence de son créole et (pour
décréoliser) un discours en créole sous l'influence de la langue correspondante.
CRÉOLOPHONE adj. et n. correspond à « qui parle un créole, et, spécialt, (en français) un créole français ».
1 CRÊPE n. m. est le masculin substantivé (1285, au pluriel) de l'ancien adjectif cresp, crespe « ondulé, frisé » dont le féminin a donné crêpe*. Cet adjectif est issu du latin crispus, appliqué à la chevelure puis à tout objet dont le dessin rappelle une chevelure frisée (→ crêper). Le mot latin est issu avec métathèse d'un type °krispsos qui se retrouve seulement en celtique, dans le gallois crych « frisé » et le nom propre gaulois Cryxos, à rapprocher du nom propre latin Crispus. Il est à l'origine de l'anglais crisp « bouclé » puis « croustillant ».
❏
Apparu au sens métonymique ancien d'« ornement pour la tête » (au pluriel), le mot désigne un tissu de laine ou de soie plus ou moins ondulé dont il existe plusieurs sortes (1827,
crêpe de Chine). Dès le
XVIe s., on relève une preuve de l'utilisation de ce tissu comme signe de deuil (av. 1549,
crêpe noir), symbolisme qui donne lieu à des emplois métonymiques et (en poésie) métaphoriques.
■
Par analogie, le mot désigne (1929) un latex de caoutchouc à l'aspect gaufré servant à faire des semelles de chaussures.
❏
À la différence des dérivés de
crêpe n. f., les mots du même groupe s'écrivent avec un accent aigu.
■
CRÉPINE n. f. (1245) est dérivé de l'adjectif cresp, comme terme de passementerie, puis (1383) de boucherie et, en parlant d'un filtre métallique placé à l'extrémité d'un tuyau d'aspiration (1866).
■
Il a produit le diminutif CRÉPINETTE n. f. (v. 1269, « petit ornement de crêpe ») qui s'est maintenu comme terme culinaire pour une petite saucisse enveloppée dans une crépine (1740) et comme nom régional de la plante dit aussi renouée (1597).
◈
CRÉPON n. m. (1409) est dérivé de l'ancien adjectif au sens ancien de « crépi (d'un mur) », puis (1552) de « boucle de cheveux ». Il doit le sens courant d'« étoffe frisée comme le crêpe » (1660) au nom de tissu
crêpe.
◈
Cresp survit partiellement dans
CRÉPU, UE adj. (1175), en parlant de la chevelure, notamment de celle des Noirs, et, par analogie, en botanique.
❏ voir
2 CRÊPE, CRÊPER, CRÉPIR, CRISPER.
2 CRÊPE n. f., d'abord crispe (v. 1285) puis crepe (1380), est le féminin substantivé de l'ancien adjectif cresp, crespe « frisé, ondulé » (dont le masculin a donné 1 crêpe*), par allusion à l'aspect que prend la crêpe en cuisant.
❏
Le mot désigne une mince couche de pâte cuite à la poêle ou sur une plaque de fonte, traditionnellement associée à la Chandeleur et très populaire, notamment en Bretagne, d'où le syntagme crêpes bretonnes, englobant aussi ce qui est appelé galette. Le mot entre dans plusieurs locutions comparatives d'usage familier, par référence au mode de cuisson des crêpes (aplatir, retourner, laisser tomber comme une crêpe), au propre et au figuré. Ce qui a pu donner au mot la valeur populaire d'« imbécile » (1908) aussi adjectif.
◆
En français du Québec, l'expression figurée toute une crêpe correspond à « toute une affaire » (à propos d'un accident).
❏
En sont dérivés CRÊPIER, IÈRE n. (1863) « marchand de crêpes » et (XXe s.) « appareil à plaques pour faire des crêpes », et CRÊPERIE n. f. (1929), dont le sens s'est étendu à « restaurant à référence bretonne servant notamment des crêpes ».
CRÊPER v., sans doute antérieur à son attestation connue (1523), si l'on en juge par son dérivé crespeure (v. 1377), est probablement dérivé de l'ancien adjectif cresp, crespe « ondulé, frisé » (→ 1 et 2 crêpe). En effet, il paraît trop tardif pour continuer le latin crispare (→ crisper).
❏
Essentiellement employé en parlant des cheveux, en construction transitive et intransitive, le verbe entre dans la locution figurée (XIXe s.) se crêper le chignon « se quereller » (pour des femmes).
◆
Il a reçu une valeur technique, « apprêter une étoffe en tordant fortement ses fils pour lui donner un aspect grenu » en rapport avec le nom d'étoffe crêpe.
❏
CRÊPELER v. tr. (1513), surtout pronominal (1530), exprime le fait de couvrir d'ondulations légères et serrées.
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Il a donné CRÊPELÉ, ÉE (dès 1513), CRÊPELURE n. f. (XVIe s.) et CRÊPELAGE n. m. (1877), tous relatifs à la chevelure (Cf. crépu).
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CRÊPAGE n. m. (1729) se partage entre un emploi technique en draperie et un emploi courant en coiffure d'où crêpage de chignon au figuré (1877) de crêper le chignon.
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DÉCRÊPER v. tr. (1842), d'où DÉCRÊPAGE n. m. (1960) et DÉCRÊPELER v. tr. (1930) s'appliquent à la coiffure.
CRÉPIR v. tr., d'abord crespir (v. 1170), est dérivé de l'ancien adjectif cresp-, crespe « frisé, ondulé » (→ 1 et 2 crêpe).
❏
Le sens de « friser les cheveux » a été abandonné à crêper. Le mot s'est spécialisé en peausserie pour « se froncer, devenir grenu » (v. 1170), transitivement « rendre grenu », et surtout en maçonnerie (1528) « enduire (un mur) d'une couche de mortier sans la lisser ».
❏
Son participe passé
CRÉPI, IE a été adjectivé, puis substantivé au masculin (1528) en maçonnerie ; sa forme initiale
crespis fait supposer un dérivé latin en
-icium du radical de
crispus d'où un
°crespeiz réduit à
crespis et assimilé ensuite au participe passé de
crépir.
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Le verbe a produit deux noms d'action CRÉPISSURE n. f. (XIVe s.), rare, et CRÉPISSAGE n. m. (1611) ainsi qu'un nom d'instrument, CRÉPISSOIR n. m. (1869).
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Par préfixation,
crépir a donné
RECRÉPIR v. tr. (1549), d'où
RECRÉPISSAGE n. m. (1832) et
DÉCRÉPIR v. tr. (1857). Ce dernier, rare en emploi concret, est employé par métaphore au sens de « provoquer la déchéance physique de (qqn) » (1879), par attraction de
décrépit.
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Il a pour dérivé
DÉCRÉPISSAGE n. m. (1857) et l'adjectif
DÉCRÉPI, IE issu du participe passé. Celui-ci, utilisé en maçonnerie, tend à être confondu avec
décrépit (→ décrépit, d'où décrépitude) à la faveur de l'homonymie, et par figure sémantique, de l'idée du mur qui a perdu son crépi et qui évoque l'usure, la vieillesse, correspond à l'idée de « vieux, usé ».
CRÉPITER v. intr. est emprunté (1820 ; virtuel au XVIe s., où crépitant est attesté) au latin crepitare, forme fréquentative de crepare « rendre un bruit sec, craquer », lui-même éliminé en ce sens par craquer, à l'origine de crever*.
❏
Le mot signifie « faire entendre une succession de bruits secs ».
❏
CRÉPITANT, ANTE adj., tiré du participe présent et attesté au
XVIe s. (1502,
flamme crépitante), est sorti d'usage et repris au début du
XIXe s. avec le verbe.
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Ce dernier a servi à former le substantif d'action
CRÉPITEMENT n. m. (1866), qui est venu concurrencer tardivement
CRÉPITATION n. f. (1564), emprunt au dérivé bas latin
crepitatio « bruit sec » à propos du bruit que l'on éprouve à la palpation de certains troubles osseux. Les deux noms sont en concurrence au sens général et au sens médical, mais
crépitement reste perçu comme le terme général.
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Le préfixé DÉCRÉPITER v. (av. 1660) est employé transitivement en chimie au sens particulier de « calciner (du sel) jusqu'à ce qu'il ne crépite plus sous l'action du feu ». En emploi intransitif, il signifie « pétiller » (1742) et devient synonyme de crépiter.
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Son dérivé DÉCRÉPITATION n. f. (1641) est utilisé avec les deux sens.
❏ voir
DÉCRÉPIT.
CRÉPUSCULE n. m. est emprunté (apr. 1250) au latin crepusculum dérivé, sur le modèle de dilusculum « petit jour », de l'adjectif rare et archaïque creper « obscur » et « incertain, douteux », lui-même substantivé au neutre au sens de « moment où le jour tombe ». L'origine en est obscure (Varron la dit sabine).
❏
Le mot, après une attestation isolée où il désigne le début du jour, est repris au XVIe s. (v. 1586) avec son sens usuel de « pénombre suivant le coucher du soleil ». Il continue toutefois à se dire aussi du moment qui précède le lever du soleil, dans l'usage littéraire (le crépuscule du matin). Dans la seconde moitié du XVIIIe s. (1778), il a pris le sens figuré de « déclin » (de la vie) développé au XIXe s., notamment dans les idéologies du déclin de la civilisation.
❏
CRÉPUSCULAIRE adj. (1754 ; 1705, selon Bloch et Wartburg) qualifie ce qui a rapport au crépuscule et, au figuré, ce qui est obscur, trouble (av. 1847, Ballanche, histoire crépusculaire, emploi disparu).