CRIME n. m., d'abord crimne (v. 1165), est emprunté au latin crimen, -inis. Celui-ci appartient au même groupe que cernere (→ cerner) et cribrum (→ crible) et il a dû signifier à l'origine « ce qui sert à trier, à décider », puis « décision » mais, en passant dans la langue juridique, il s'est spécialisé au sens de « décision judiciaire ». Par métonymie, il s'est appliqué à l'acte sur quoi se fonde cette décision, le grief, l'inculpation, souvent avec une valeur péjorative due au contexte pénal. L'accusation se confondant avec l'acte délictueux lui-même (scelus en latin), crime a fini par désigner dès l'époque classique l'action coupable, perdant ainsi tout rapport avec cernere.
❏  Le mot est apparu en français avec le sens large de « manquement grave à la morale, à la loi », avant d'être attesté avec son sens juridique plus restreint (1283). L'usage commun l'utilise couramment au sens de « meurtre, assassinat » et en fait un emploi hyperbolique (dans c'est un crime de) en parlant d'une faute inexcusable. La notion juridique de crime contre l'humanité est récente, mais l'expression est déjà en 1905 dans un discours d'Anatole France ; elle est devenue juridique, pour les crimes commis par un gouvernement ou des citoyens en violation des règles du droit international, sur des personnes et notamment des communautés minoritaires.
❏  CRIMINEL, ELLE adj. et n. est emprunté (v. 1080) au bas latin criminalis « criminel, par opposition à civil, en droit », spécialement « blâmable » dans les textes chrétiens, criminatia peccata désignant les péchés mortels. Le mot a été introduit dans la double acception, morale (en parlant d'une personne et, par métonymie, d'un acte, d'une chose) et juridique (1174-1178). ◆  Il est substantivé (1549) pour caractériser une personne accusée puis fortement coupable (1602) et, au masculin, en parlant de la juridiction criminelle (1648, au criminel). En France, le nom de la brigade criminelle, d'où la Criminelle, a été abrégé en la Crim' (ou la Crime) n. f. diffusé depuis les années 1950 par le cinéma et la télévision.
■  De criminel ont été dérivés CRIMINELLEMENT adv. (XIIIe s.), moins fréquent que CRIMINALITÉ n. f. (1539). ◆  Plus techniques, et issus d'expressions juridiques comme droit, procédure criminelle, sont CRIMINALISTE n. et adj. (1660) et CRIMINALISTIQUE n. f. emprunt (1907) à l'allemand Kriminalistik (Gross 1897) et CRIMINALISER v. tr. dont le sens juridique (1694) a évincé l'ancien sens d'« accuser » (1584) passé à incriminer*.
■  CRIMINOLOGIE n. f., emprunt (1888) à l'italien criminologia (1885, Garofalo) et ses dérivés CRIMINOLOGIQUE adj. (1893) et CRIMINOLOGISTE n. (1933), CRIMINOLOGUE n. (1957) sont formés savamment du radical de crimen, -inis et des éléments -logie, -logique, -logue*.
❏ voir DISCRIMINER, INCRIMINER, RÉCRIMINER.
L CRIN n. m. est issu (v. 1050, au pluriel) du latin crinis, mot qui aurait désigné à l'origine une coiffure féminine spéciale en forme de tresses, comme en témoigne l'expression crines capere « prendre les tresses », utilisée en parlant d'une fille qui se marie. Par extension, surtout au pluriel crines, il a désigné toute espèce de longue chevelure et, de là, tout objet y ressemblant (comme la queue d'une comète). À basse époque, il aurait pris le sens de « poil long et rude », auparavant réservé à seta (→ soie). Le seul rapport étymologique fondé paraît être avec le latin crista (→ crête), induisant à l'origine une forme °cris-ni-s.
❏  Le mot a été employé au pluriel pour les cheveux et au singulier pour la chevelure, sens qui s'est maintenu jusqu'au XVIIe s., se prêtant même à des emplois poétiques (crin d'Apollon) et imagés (en parlant du feuillage) ; cependant, en 1690, Furetière note qu'il ne s'applique à la chevelure humaine que par mépris, avec des connotations de rudesse, de grossièreté. ◆  Dès lors, le sens déjà ancien (v. 1160) de « poil d'un animal » (d'un cheval en particulier), est devenu dominant. Il a fourni la locution figurée à tous crins (1840) « complet, ardent » et « à toute épreuve », par allusion à un cheval auquel on a laissé tous ses crins (Cf. à trois poils). L'idée de « rudesse » transposée sur le plan figuré, motive la locution être comme des crins, un crin « revêche, de mauvaise humeur ». D'après l'usage de la soie animale dans la fabrication de certains instruments, le mot désigne (1680) un poil animal utilisé pour garnir des instruments (crin d'archet, de balai, de pinceau), remplacé parfois par un crin végétal ou synthétique.
❏  De crin sont dérivés CRINIÈRE n. f. (1556) « ensemble des crins qui garnissent le cou d'un animal », presque toujours d'un équidé ou d'un lion, parfois en langue littéraire (1579) « chevelure », et deux mots techniques : CRINIER n. m. (1680) « ouvrier travaillant le crin » et CRINELLE n. f. (XXe s.) « bas de ligne en acier » à la pêche.
■  CRIN-CRIN n. m. (1661), utilisé pour désigner un mauvais violon (1750), est probablement le redoublement expressif de crin (et une allusion aux crins de l'archet), le jouet d'enfant qu'il désigne à l'origine étant constitué d'un cylindre de carton attaché par un crin à un bâton autour duquel il tournait en faisant du bruit. Cependant, la variante du nom de jouet, cri-cri, fait aussi supposer une origine onomatopéique, ce jouet imitant le cri du grillon, puis une motivation secondaire par crin.
❏ voir CRINOLINE.
CRINOLINE n. f. est emprunté (1829) à l'italien crinolino n. m., composé de crino (→ crin) et de lino (→ lin), pour désigne une étoffe de crin et de lin et, par métonymie, un jupon bouffant fait de cette étoffe.
❏  Le mot, introduit en français comme nom d'étoffe, a pris le genre féminin d'autres noms de tissus en partie à cause de sa finale (popeline, mousseline). Par métonymie, il désigne (1848) un jupon bouffant servant à faire gonfler la jupe et l'armature légère qui le soutenait, dispositif à la mode, notamment sous le Second Empire, et qui succède aux paniers, vertugadins... Par analogie, il s'est spécialisé en marine (XXe s.) pour l'affût des pièces d'artillerie légère, la forme évasée de la sellette évoquant vaguement celle d'une crinoline.
CRIQUE n. f. fait partie des termes désignant un accident de la configuration côtière, que le français s'est appropriés par emprunt, le latin étant indigent en ce domaine (Cf. anse, baie, calanque, golfe). Il est originaire de Normandie, ce qui appuie l'hypothèse d'un emprunt (1336) à l'ancien nordique kriki « creux, cavité, anse, crique » auquel correspondent l'islandais kriki, le norvégien krikie « angle » et le moyen anglais crike, creke « anse, crique » (d'où creek en anglais).
❏  Le mot désigne un enfoncement du rivage en forme de petite baie.
CRIQUET n. m., d'abord criket (v. 1120), est issu de l'onomatopée krikk imitant le bruit strident fait par le grillon (d'où l'onomatopée cri-cri, 1559).
❏  Le mot désigne un insecte voisin de la sauterelle ; dans l'usage courant il se confond avec grillon, sauterelle, alors que dans la terminologie scientifique il s'applique seulement aux Acridiens, tel le criquet pèlerin, migrateur, vorace, de grande taille, appelé à tort sauterelle (nuages de sauterelles, etc.). ◆  Criquet a reçu quelques sens analogiques pour la plupart sortis d'usage. Il a désigné (1650) un petit cheval et (1828-1829) un homme malingre, deux sens à mettre en rapport, de façon obscure, avec le norvégien et le danois krikke, krik « cheval malingre ». ◆  Par extension de la notion de « maigreur » à celle de « faiblesse » et de « nullité », il a désigné aussi un mauvais petit vin (1863).
CRISE n. f., d'abord noté crisim (XIVe s.), est emprunté au latin impérial crisis (accusatif crisin, d'où français crisin) au sens de « phase décisive d'une maladie ». Le mot latin est emprunté au grec krisis « décision, jugement », dérivé de krinein « juger » (→ crible, critère), dans sa spécialisation médicale.
❏  Crise est donc à l'origine un terme médical, qui développera, par extension au domaine psychologique, le sens d'« accès avec manifestations violentes » (av. 1685, crises de passions ; 1825, crise de nerfs). Par transposition au domaine moral (1690), il se dit d'un moment critique, en parlant d'une intrigue, d'un procès (être dans la crise). ◆  De là, l'accent étant mis sur l'idée de trouble, de déséquilibre profond (1762), il se spécialise dans deux acceptions : une acception individuelle, à forte résonance psychologique (crise de l'adolescence) et une acception collective, sociale et économique : en ce sens, on parle depuis le début du XIXe s. de crise politique (1814), de crise financière (1823) et de crise commerciale (1837). Comme ces syntagmes, le concept peut être daté du XIXe s. : en effet, les difficultés de l'Ancien Régime n'étaient pas interprétées en termes de crises, ce type de problèmes aigus et cycliques se développant surtout après 1850 dans le cadre d'une économie industrielle capitaliste, notamment à partir de la crise de 1873. Le mécanisme en est illustré dans son paroxysme par celle de 1929, parfois désigné absolument par la crise. Depuis 1945, le vocabulaire économique tend à parler de récession, terme correspondant au remplacement du type de crise du système industriel par des paliers dans une courbe d'expansion ralentie ou localement descendante, mais non menacée dans son ensemble. ◆  Cependant, crise continue d'être employé couramment, notamment au sens abstrait plus général de « malaise » (crise des valeurs, de la civilisation). Parallèlement, l'accent est parfois mis sur l'idée d'enthousiasme subit, généralement passager (crise religieuse, crise d'ascétisme).
❏  Le mot n'a pas de dérivés en français de France en dehors du diminutif CRISETTE n. f. (v. 1946) aux sens économique et social de crise, et qui a eu une vogue passagère. ◆  Le verbe CRISER, intr. est dérivé en français de Suisse (1922) du sens de crise « explosion de colère », et s'emploie pour « faire une crise, enrager », notamment à propos des enfants qui « font une colère ». Un rapport avec crisser* n'est pas impossible. Le verbe est connu en France. Il a pour dérivé CRISEUX, EUSE adj. et n., pour « colérique, emporté » (attesté aussi en 1922).
CRISPER v. tr. est emprunté (1560) au latin crispare « rider (de l'eau) » et « friser (de la chevelure) », dérivé de crispus « ondulé » (→ 1 et 2 crêpe).
❏  Le verbe s'est progressivement détaché des sens de « onduler » (1560) et « contracter en ridant » (av. 1650), hérités du latin. Depuis 1798, il signifie concrètement « contracter (une partie du corps, mains, traits du visage) », notamment en emploi pronominal. ◆  Par transposition au plan psychologique, il a pris (1853) le sens d'« agacer, causer une vive impatience à qqn », après avoir été relevé en 1819 au sens de « vexer, tourmenter ».
❏  Crisper a produit CRISPATION n. f. (1743) dont l'usage au sens concret relève surtout du langage médical (1743, spécialement ; 1762, en général) et qui est usuel avec un sens psychologique (1835), ainsi que l'adjectif CRISPANT, ANTE (1845).
L'antonyme DÉCRISPER v. tr. (1790, répandu au XXe s. : attesté 1926) est utilisé dans le domaine de la psychosociologie humaine et, au figuré, dans le domaine des rapports sociaux.
■  Le nom qui lui correspond dans les deux sens, DÉCRISPATION n. f. (1946), a connu une certaine fortune dans le langage politique.
CRISSE interj. est l'altération orale de christ, en français du Canada, l'exclamation Christ ! ou Jesus Christ ! étant courante en anglais. Ce mot est l'un des sacres (jurons) traditionnels, à côté de calisse, tabernacle.
❏  Le dérivé 2 CRISSER v., oral et familier, a des emplois très voisins de calisser (→ calice), par exemple « mettre à la porte », « jeter, lancer » ; se crisser de qqch. correspond à s'en ficher, s'en foutre.
G 1 CRISSER v. intr. est d'abord attesté de manière incertaine par un composé soi regricier « se rebiffer » (XIIIe s.), avant d'être lui-même employé sous les formes crichier (1288, en picard), crikier, criquer et enfin crisser (1549). Malgré sa date relativement tardive, il est probablement issu du francique °kriskjan postulé par le moyen néerlandais crîscen « pousser un cri strident », crijsscen « grincer des dents », et par le moyen bas allemand krischen, krisken. °Kriskjan est lui-même un élargissement de °krisan qui, avec un suffixe roman, a donné l'ancien français crisner (fin XIIIe s.) « grincer » (→ grincer, grincher).
❏  Le verbe exprime l'idée d'un bruit aigu produit par le frottement (d'objets durs et lisses) ; son ancien emploi au sens de « grincer des dents » (1578) a été concurrencé et absorbé par grincer.
❏  En sont dérivés CRISSANT, ANTE, adjectivation du participe présent, et CRISSEMENT n. m. (1567).
CRISTAL, AUX n. m. est emprunté (1080) au latin crystallos, crystallus « cristal de roche » et, par métonymie, « objet en cristal », adaptation du grec krustallos, conservé en grec moderne, proprement « morceau de glace », d'où « cristal de roche ». Krustallos est dérivé de kruos « froid qui glace », mot dont la racine se retrouve dans le latin crusta (→ croûte) et dans certains verbes germaniques.
❏  Cristal a repris les sens du latin et, depuis le XIVe s., désigne aussi une variété de verre au plomb, remarquable par sa limpidité (cristal de Bohême). Il donne lieu à des emplois métaphoriques et figurés se référant à ses qualités de transparence et de sonorité. Par métonymie, les cristaux désignent les objets en cristal.
■  Les minéralogistes ont appelé cristaux les substances minérales limitées par des formes polyédriques plus ou moins parfaites (1690), définition qu'ils ont ensuite élargie en fondant l'hypothèse que cette forme était la conséquence d'un arrangement régulier périodique de la matière dans les solides. Le concept moderne de cristal se dégage au XVIIIe, puis au XIXe siècle. L'étude des cristaux s'est considérablement développée à cette époque et a été approfondie vers 1912 par la découverte du pouvoir de diffraction des rayons X par les cristaux ainsi que par celle des cristaux liquides, appellation attestée en 1913, traduite de l'allemand (Lehmann, 1900, après d'autres désignations qui correspondaient à « cristaux coulants », 1889, à « liquide cristallin », 1890). Elle est entrée dans l'usage général avec les applications des cristaux liquides (écran à cristaux liquides), vers 1970. Cette valeur scientifique est représentée par de nombreux dérivés et composés (ci-dessous). ◆  Le mot, toujours au pluriel, désigne aussi le carbonate de sodium cristallisé utilisé pour le nettoyage (1889-1901).
❏  Deux dérivés sont relatifs à la fabrication des objets en cristal : CRISTALLIER n. m. (v. 1260), nom d'ouvrier recréé vers 1820 au sens de « collection de cristaux », et CRISTALLERIE n. f. (1745).
■  Le dérivé verbal CRISTALLISER v. tr. (v. 1620 ; 1784, à la forme pronominale) « transformer en cristaux », a suivi son dérivé CRISTALLISATION n. f. (1620 ; « ensemble de cristaux » 1741), dans l'emploi figuré qui en est fait depuis Stendhal (1822, De l'amour) au sens de « réunion d'éléments pour former un sentiment ». ◆  Par ailleurs, tant en science qu'au figuré, cristalliser s'emploie aussi comme intransitif pour « passer à l'état de cristaux » et « s'organiser, se définir ». ◆  Le verbe a plusieurs dérivés. CRISTALLISÉ, ÉE adj., courant dans sucre cristallisé, et qui se dit par extension d'une préparation sucrée, en confiserie. Du cristallisé n. m. désigne en français mauricien une pâte de fruits sucrée. CRISTALLISABLE adj. (1836), apparemment précédé par INCRISTALLISABLE adj. (1762), signifiant « qui peut, ne peut pas être cristallisé ». CRISTALLISANT, ANTE adj. (1842 ; 1823 comme nom en chimie), CRISTALLISOIR n. m., nom d'un récipient plat, en chimie (1845) et CRISTALLISATEUR n. m. (1931), quelquefois employé en ce sens (1936), demeurent des termes techniques.
■  Les autres dérivés sont d'usage essentiellement concret et technique : son antonyme DÉCRISTALLISER v. tr. est attesté depuis 1856 et a produit DÉCRISTALLISATION n. f. (1893).
L'adjectif CRISTALLIN, INE (XIIIe s.) est emprunté au latin impérial crystallinus « qui a l'aspect du cristal » ; ses emplois correspondent à ceux du nom, évoquant notamment la transparence et un son clair comme celui que rend le cristal (voix cristalline). ◆  Il a été substantivé au sens de « milieu transparent de l'œil » (1680), entraînant la formation de CRISTALLINIEN, IENNE adj. (1855) et de CRISTALLINITÉ n. f. (1863).
Cristal est entré dans le composé CRISTALLIFÈRE adj. (1842) « qui produit des cristaux, est riche en cristaux (d'une roche, d'un minéral) ». ◆  Les premiers mots en cristallo- sont CRISTALLOÏDE adj. (1541), « semblable à un cristal », substantivé au féminin en anatomie (1707) « membrane enveloppant le cristallin » et au masculin en chimie (1906), et CRISTALLOMANCIE n. f., « divination par les cristaux » (1721). ◆  D'autres, liés au développement de la connaissance des structures cristallines, sont formés après 1750 : CRISTALLOGRAPHIE n. f. (1772), d'où CRISTALLOGRAPHE (1863) et CRISTALLOGRAPHIQUE adj. (1846) ; CRISTALLOMÉTRIE n. f. (1842) ; CRISTALLOGÉNIE n. f. (1846) d'où CRISTALLOGÉNIQUE adj. (1864) ; CRISTALLOPHYLLIEN, IENNE adj. (1863), du grec phullon « feuille », qualifiant une roche cristalline feuilletée, puis (1905) tous les terrains transformés par métamorphisme général. CRISTALLOGÈNE adj. (1918) et CRISTALLOGENÈSE, CRISTALLOCHIMIE n. f. (mil. XXe s.) et CRISTALLOCHIMIQUE adj. sont plus récents. ◆  CRISTALLITE n. f. est emprunté à l'allemand Kristallite (Vogelsang, 1875) et désigne un élément minéral cristallisé de très petite taille.
CRISTE-MARINE → CHRISTE-
CRITÈRE ou CRITERIUM, CRITÉRIUM n. m., d'abord criterium (1633 La Motte le Vayer) francisé en critère (1781), est emprunté au latin scolastique criterium attesté au Ve s. au sens de « jugement ». C'est un emprunt au grec kritêrion « capacité de juger », « tribunal » et « jugement », de kritêr « juge », l'un des nombreux dérivés de krinein « séparer, trier, trancher, décider » et « faire passer en jugement ». Ce verbe (demeuré dans le grec moderne au sens de « juger, estimer ») repose sur la racine indoeuropéenne krei- « séparer, cribler » (→ crise, critique, hypocrite).
❏  Critère ou, dans ses emplois didactiques, également critérium, est d'abord un terme de la langue philosophique désignant le caractère, le principe permettant de porter un jugement, de distinguer une chose. En ce sens, si la forme critère est la plus fréquente, critérium reste usité (on relève la forme critérion chez Guizot en 1828). ◆  En revanche, critère est la forme de loin la plus répandue au sens courant de « ce qui sert de base à un jugement d'appréciation » (1781), avec divers emplois particuliers, au singulier et au pluriel, en économie, mathématiques, sociologie et médecine.
■  La forme latine criterium a été reprise comme terme de sport au XIXe s., en hippisme (1859) à propos d'une course entre chevaux de même âge, servant à désigner le meilleur dans chaque catégorie (par opposition à omnium), et plus généralement (1876) pour une épreuve servant à classer et éliminer les concurrents.
❏  Du latin criterium est dérivé au XXe s. CRITÉRIOLOGIE n. f. (av. 1920), terme didactique pour la science des critères de la connaissance, dont est tiré CRITÉRIOLOGIQUE adj. (1914).
MULTICRITÈRE ou MULTICRITÈRES adj. (attesté en 1975) qualifie une recherche qui combine plusieurs critères de sélection, en informatique.
1 CRITIQUE adj. est emprunté (1372, cretique) au latin tardif criticus, souvent employé en contexte médical, associé à dies « jour ». Lui-même est un emprunt au grec kritikos « capable de juger, de décider » et tardivement, dans la langue médicale, « décisif, critique » (en parlant d'une phase de maladie). Kritikos est dérivé de krinein « juger » (→ crise, critère).
❏  Introduit dans la langue médicale pour qualifier ce qui est marqué par une crise, le mot ne s'est répandu qu'au XVIIIe s. (1748 en français du Canada, 1762 chez J.-J. Rousseau) dans l'usage courant au sens de « qui décide du sort de qqn ou de qqch., amène un changement ». ◆  Il a été repris spécialement en physique (1888) en parlant d'un seuil au-delà duquel se produit un changement, puis en physique nucléaire, dans masse critique.
❏  Le dénominatif CRITIQUER v. intr. (1546), « arriver à sa phase finale » en parlant d'une maladie, n'est plus guère enregistré après 1611, éliminé par son homonyme dérivé de 2 critique.
■  CRITICITÉ n. f. est un terme didactique récent (v. 1965) se référant à l'état d'un milieu ou d'un système critique (spécialement en physique nucléaire).
2 CRITIQUE n. et adj. est emprunté (1580) au latin criticus, seulement attesté — sans doute par le fait du hasard — comme substantif masculin. Le mot est lui-même un emprunt au grec kritikos « apte à juger », spécialement « qui juge les ouvrages de l'esprit », repris avec une spécialisation médicale par un doublet antérieur 1 critique*, et dérivé de krinein « juger » (→ crise, critère).
❏  En français, l'acte mental que désigne le mot est à l'origine d'essence esthétique, et non morale, comme celui de la censure. Le mot apparaît comme nom féminin (la critique) à propos de l'art de juger les ouvrages de l'esprit et, par métonymie, du jugement porté sur ces œuvres. ◆  Il connaît une grande expansion à l'époque classique, étendu, surtout au masculin, à la personne qui pratique l'art de juger des ouvrages littéraires (1674) et de juger en général (1635). ◆  Il est adjectivé, qualifiant ce qui est apte à porter un jugement intellectuel (1667, esprit critique), ce qui examine la valeur logique d'une assertion, l'authenticité d'un texte (édition critique). Parallèlement, nom et adjectif développent leur valeur péjorative courante de « (attitude) qui trouve à redire à tout » (fin XVIIe s.), laquelle tend à s'assimiler plus d'un des sens didactiques du mot.
■  Le nom féminin se spécialise en philosophie pour désigner (d'après l'allemand) la partie de la philosophie qui traite le problème, devenu classique depuis la Critique de la raison pure (1781) de Kant, de la valeur de la connaissance et, en particulier, de la valeur de la raison.
■  Un sens métonymique du nom féminin, pour « ensemble des personnes qui font métier de juger des œuvres d'art », est attesté depuis 1810 (Chateaubriand).
❏  Le dénominatif CRITIQUER v. tr. (1611) a éliminé l'ancien critiquer dérivé de l'adjectif 1 critique* d'usage médical. Apparu au sens de « porter un jugement », il a repris les différents sens réalisés par le nom, dont celui d'« analyser les ouvrages littéraires » (1674). Avec une valeur négative présente avant le XVIIe s. « analyser les défauts de », il a produit les dérivés familiers CRITIQUEUR, EUSE n. (1589 ; rare), CRITICAILLER v. tr. (av. 1908), péjoratif et méprisant. ◆  CRITIQUEUX, EUSE adj. et n. s'emploie en français du Québec pour « (personne) qui ne cesse de tout critiquer » (Cf. en France, rouspéteur, râleur). ◆  CRITIQUABLE adj. (1787) est devenu courant pour « qui mérite des critiques ; qui présente des défauts ».
■  Au XIXe s., est apparu le terme didactique CRITICITÉ n. f. (1827) qui a pris son sens philosophique (1838) pour traduire l'allemand Kritizismus, défini par Kant comme l'examen critique des fondements rationnels de la connaissance. On en a tiré CRITICISTE adj. (1838).
■  Toujours au XIXe s., sont apparus le dérivé de l'adjectif CRITIQUEMENT adv. (1863) et les préfixés ACRITIQUE adj. (1842), « qui n'a pas été analysé de façon critique », et AUTOCRITIQUE n. f. (1866, auto-critique). Ce dernier, d'abord utilisé en psychologie et en psychiatrie, a été repris vers 1930 dans le langage politique (Maurice Thorez) pour traduire le russe de même sens et de même formation samokritika (→ samizdat). ◆  Son dérivé S'AUTOCRITIQUER v. pron. (v. 1950) est d'usage familier.
■  HYPERCRITIQUE adj. est de loin le préfixé le plus ancien : il est attesté depuis 1638 comme nom masculin et depuis 1789 comme adjectif.
CROASSER v., graphie moderne de croescer (XVe s.), croacer (1567) et crouasser (av. 1573), est dérivé de l'onomatopée kro- exprimant le cri du corbeau (noté en français croa-croa). Le latin crocire, le grec krôzein, le slave krakati de même sens reposent sur le même type d'onomatopée.
❏  Le verbe concerne le cri du corbeau et de la corneille et, par extension, d'autres oiseaux ; une confusion le fait parfois employer en parlant de la grenouille (par exemple chez La Fontaine) au lieu de coasser. Par analogie, il s'applique à ce qui produit des sons discordants, instrument ou voix humaine (alors avec une connotation péjorative de « bavardage malveillant », liée à la représentation négative du corbeau).
❏  Il a pour dérivés CROASSEMENT n. m. (1549), CROASSEUR, EUSE adj. et n. (1611) et, tiré du participe présent, l'adjectif CROASSANT, ANTE (1836).
G + 1 CROC n. m. est issu (v. 1120) d'un francique °krok « crochet », correspondant à l'ancien norrois krókr (suédois krok, danois krog). Le mot francique a passé deux fois en roman pendant la longue période de bilinguisme des temps mérovingiens ; la première romanisation s'est produite assez tôt pour faire supprimer le k ; il en est resté ENCROUÉ, É adj. (1376), terme de sylviculture dérivé de l'ancien français encrouer « fixer, attacher à » (v. 1155), employé à propos d'un arbre qui s'est embarrassé en tombant dans les branches d'un autre arbre. Dans un contexte technique, la romanisation a eu lieu plus tard, ce qui explique la conservation du c final dans le latin médiéval croccus (XIe s.) comme en roman, puis en français.
❏  Le mot désigne un fer recourbé et pointu pour attraper ou retenir qqch. (croc de boucherie) et une perche terminée par un tel crochet, spécialement dans des domaines techniques (marine, agriculture, architecture). Le sens analogique de « dent pointue (de certains animaux) » (av. 1673) est usuel dans la locution montrer les crocs en parlant d'un chien et, au figuré, d'une personne menaçante. ◆  Avoir les crocs « avoir faim », emploi populaire, est d'abord attesté au Canada (1745), les crôs ; en France, on l'observe en 1824 au bagne de Brest ; c'est probablement un usage régional de marins, entré ensuite dans l'usage populaire (→ crochet, ci-dessous). ◆  Une autre analogie de forme sous-tend le sens de « moustache recourbée de chaque côté de la bouche » (moustaches en croc, elliptiquement crocs, XVIIe s.).
❏  Le dérivé CROCHU, UE adj. (v. 1160), « recourbé en forme de croc, de crochet », est courant dans nez crochu et s'emploie dans l'expression figurée atomes crochus, qui fait référence à Démocrite, philosophe grec de l'Antiquité qui décrit des atomes pouvant s'accrocher les uns aux autres et former des corps. Atomes crochus s'emploie au figuré pour affinités.
2 CROCHE adj., attesté au XVIe s. (1520 : nez croche), est tiré du féminin de croc, voir ci-dessous 1 croche. Il a été en concurrence avec crochu, plus ancien, et a vieilli en français central de France, se conservant dans plusieurs régions, notamment dans l'ouest du pays. De là, le mot est passé aux XVIIe et XVIIIe s. en français de Nouvelle-France. Il est aujourd'hui courant au Québec, avec plusieurs valeurs. Au concret, il vaut pour « recourbé, crochu » (jambes croches) ; avoir les yeux croches signifie « loucher ». Une planche, un mur croche s'emploient pour « qui n'est pas droit ». L'adjectif signifie aussi « de travers » (un tableau croche), « faussé » (une roue croche, « voilée »). De la qualification d'une voie, d'un chemin qui fait un détour, l'adjectif est substantivé dans faire un croche « un détour » (crochet en français de France). Il devient adverbe pour « de travers » (couper un tissu tout croche). ◆  Au figuré, croche a plusieurs valeurs : « malhonnête » (personnes, procédés ; Cf. tordu en France) ; « obstiné, entêté », dans c'est une tête croche ; enfin « mal agencé, préparé » (un projet croche). Comme adverbe, il correspond à « de travers » (raisonner tout croche). Enfin, être, se sentir croche correspond à « bizarre, mal à l'aise ».
Le diminutif de croc, CROCHET n. m., d'abord crokés (fin XIIe s., au pluriel), proprement « petit croc », empiète sur certains sens de croc : il désigne un instrument de fer recourbé pour saisir ou suspendre qqch. et s'applique aussi aux dents recourbées de certains animaux avec une répartition nette dans l'usage, par rapport à croc. Didactique en parlant de dents aiguës (crochets du serpent), il est courant en parlant de dents recourbées, voire familier à propos des dents humaines d'où, par métonymie, avoir les crochets « avoir faim », comme avoir les dents, les crocs. ◆  L'un de ses nombreux sens techniques (au singulier ou au pluriel) a inspiré la locution figurée vivre aux crochets de qqn (1694, vivre sur les crochets de).
■  Le sens que crochet a pris en couture (1835) s'est imposé comme l'un des plus courants (faire du crochet).
■  Par analogie de forme, le mot désigne un signe typographique (1741), une accolade (1690), puis une sorte de parenthèse anguleuse et, sur un plan spatial, décrit un brusque changement de direction (av. 1778, faire le crochet), idée qui lui a valu deux emplois spéciaux en sport : au football et au rugby, il se dit d'une feinte consistant en un brusque changement de direction de la part du joueur qui détient le ballon (1901). En boxe, il désigne un coup de poing lancé de l'extérieur vers l'intérieur (1907).
■  De crochet est dérivé CROCHETER v. tr. (1457), « faire agir grâce à un crochet » (crocheter une serrure), qui à son tour a produit les dérivés CROCHETAGE n. m. (1803) et CROCHETABLE adj. (1845), postérieur à INCROCHETABLE adj. (1808). ◆  1 CROCHETEUR n. m. (1440), « voleur avec effraction », montre que le verbe, dans ce sens, est plus ancien que son attestation connue. ◆  Il a pour homonyme un dérivé de crochet 2 CROCHETEUR n. m., ancien nom d'agent (1533) appliqué à celui qui portait les fardeaux avec des crochets, d'où les fameux crocheteurs du Port-au-Foin, dont Malherbe fait les témoins d'un usage spontané et sain de la langue. Pourtant, à ce portefaix s'attachait une réputation d'homme grossier dont témoigne la locution jurer comme un crocheteur.
CROCHER v. tr., d'abord crochier (1180-1190), a décliné au sens général de « saisir avec un crochet, suspendre avec un crochet », absorbé par le composé accrocher (ci-dessous), mais s'est maintenu en marine pour « passer le croc d'une poulie à l'endroit où il doit agir » et, intransitivement, dans crocher dans la toile « saisir la toile d'une voile avec les mains recourbées pour la ferler ».
■  Peut-être par les patois de la zone franco-provençale, ce verbe devenu archaïque (mais encore vivant localement) est passé en français de Suisse romande (1699), alors que croche est passé en français du Canada. Crocher se dit en Suisse pour « accrocher, suspendre, fixer », et par extension « agrafer, boutonner (un vêtement) », se crocher « s'accrocher » ainsi que croché, ée valant surtout pour « accroché accidentellement, retenu ». Crocher à qqch. s'emploie pour « être pris par... ». Au figuré, comme intransitif, le verbe signifie « tenir bon, s'accrocher, persévérer » et spécialement « travailler dur sans s'interrompre ». ◆  De là le dérivé CROCHEUR, EUSE adj. et n. « travailleur, travailleuse acharné(e) », attesté depuis 1922.
■  Le verbe, par l'usage régional de Français établis en Nouvelle-Calédonie, est devenu synonyme de « rencontrer, voir (qqn) », emploi qui vieillit, selon une enquête de 2005. Le fait que crocher se soit employé aussi pour « attraper (un poisson), pêcher », suggère que c'est à l'origine un mot de marins.
■  Une variante suffixale de crocher, d'origine dialectale (sans doute dans l'ouest de la France), CROCHIR v. intr. s'emploie en français du Québec pour « devenir croche, se déformer, se gondoler ». Il est aussi transitif pour « courber, gauchir » (crocher un clou en l'enfonçant).
1 CROCHE n. f. (fin XIIIe s.), féminin de croc, désigne un objet ayant pour fonction de saisir, mais ne s'emploie que dans le langage technique (pêche, forge).
■  Il ne se confond pas avec le terme de musique 3 CROCHE n. f. (1680), probablement issu par réduction du syntagme °note crochecroche est adjectif, comme l'induit un emploi antérieur de crochue (1611), féminin substantivé de l'adjectif crochu, au même sens.
■  Le syntagme croc de la jambe (1554) s'est lexicalisé en CROC-EN-JAMBE n. m. (1611) par l'intermédiaire des formes croc ingambe (1577), croche en jambe (1584) ; il est employé au propre et au figuré, avec une idée de « tour déloyal » dès 1575.
■  L'élément verbal croche est entré lui-même dans deux substantifs familiers synonymes du précédent : CROCHE-PIED n. m. (1835) et CROCHE-PATTE n. m. (XXe s.), synonymes familiers de croc-en-jambe.
ACCROCHER v. tr., d'abord acrocer (v. 1165) formé de a-, croc, croche et désinence verbale, signifie d'abord « retenir par une pointe », sens concret qui s'est perpétué avec la valeur active de « suspendre à un crochet », le sujet étant un nom de personne (XVIe s., Ronsard). Il s'est spécialisé en marine (XIVe s.) pour « aborder un navire avec le grappin ». ◆  Il s'emploie au figuré pour « arrêter comme en fixant » (1549), au XVIe s. en parlant d'un procès, sens sorti d'usage après le XVIIe s. alors que l'antonyme décrocher conserve l'idée de « dégager, ne plus immobiliser ». ◆  En revanche, l'emploi d'accrocher pour « arrêter par un choc », le complément désignant un véhicule ou une de ses parties (1660), est demeuré usuel. Le verbe pronominal s'accrocher s'emploie au concret pour « se retenir avec les mains » (1680) et aussi à l'abstrait (1684) pour « se retenir, se maintenir dans une situation », souvent péjorativement. Si le verbe, surtout au passif et participe passé ACCROCHÉ, ÉE, n'est pas usuel pour qualifier une personne passionnée par un sujet, ou attachée à une habitude, l'abréviation ACCRO adj. est fréquente dans la langue familière pour « passionné » (elle est accro au rap) ou « dépendant (d'une drogue) ». Cf. addict.
■  Le dérivé le plus ancien, ACCROCHEMENT n. m. (XIIIe s.), d'abord attesté au figuré, « fait d'empiéter sur les droits de qqn », puis concrètement pour « action d'accrocher » (1544), a vieilli.
■  Le déverbal ACCROC n. m. (1530) a d'abord eu le sens métonymique de « crochet » et le sens figuré de « ce qui retient, arrête, fixe » (fin XVIe s.), tous deux disparus. La valeur actuelle la plus usuelle, « déchirure faite par ce qui accroche », semble s'être dégagée à l'époque classique (1680) tout comme le sens figuré de « ce qui retarde, empêche » (1690), spécialement « infraction » (1763).
■  Le déverbal féminin ACCROCHE n. f. (XVIe s.) a lui aussi correspondu à « ce qui accroche, petit crochet », réalisant au figuré le sens de « difficulté, retard » (1690) ; il a été repris au XXe s. en publicité pour ce qui retient, accroche l'attention.
■  ACCROCHAGE n. m., « action d'accrocher ou de s'accrocher », semble disparaître au XVIIe s. Il est repris vers le milieu du XVIIIe s. en technique minière, puis au XIXe s. dans diverses techniques ; là, comme en emploi général, il se substitue à accrochement, se spécialisant pour un bref engagement militaire, une dispute et, en publicité (XXe s.), ce qui sert à accrocher, à attirer l'attention, concurrencé par accroche.
■  ACCROCHEUR, EUSE n. désigne d'abord au figuré la personne qui retarde, arrête un procès (1635) ; il est repris au XXe s. en sport à propos d'une personne combative (1922), alors aussi adjectivé, et, plus généralement, de ce qui attire l'attention.
■  Le composé ACCROCHE-CŒUR n. m. (1837, Vidocq) est d'abord argotique et désigne un favori en croc, puis une boucle de cheveux aguichante (1863, Gautier).
■  Le préfixé verbal d'accrocher, RACCROCHER v. tr. est d'abord attesté au pronominal (1310) pour « se rallier » puis comme transitif pour « rendre crochu » (1539). L'usage moderne date du XVIIe s. tant avec un sens itératif, « accrocher de nouveau » (1675), qu'avec le sens abstrait de « ressaisir, rattraper », d'abord « regagner un avantage perdu » (1662). Le sens d'« arrêter (qqn) pour le retenir » (1798) pourrait procéder de l'emploi pronominal pour « se cramponner » (1765) d'où vient au figuré celui de « prendre comme suprême point d'appui » (1835). ◆  Une spécialisation du sens concret pour « terminer une communication téléphonique » (1894, Almanach Hachette) vient du fait que l'on reposait l'écouteur sur un crochet qui, en s'abaissant, interrompait la ligne. De « pendre à un crochet (un vêtement, un accessoire) », on est passé à l'idée d'« abandonner », par exemple dans raccrocher les gants « s'arrêter de boxer » ; de là probablement l'emploi absolu de raccrocher pour « abandonner une activité ».
■  La dérivation est assez riche. RACCROC n. m. (1374), déverbal a vu son sens de « renouvellement d'une fête, d'un repas de noce », propre au moyen français et connu encore régionalement, céder la place à l'idée de « coup heureux » (1798), spécialement au billard. ◆  RACCROCHEUR, EUSE n. et adj. (1772), « personne qui raccroche ou se raccroche », est lui-même spécialisé au billard (1842). RACCROCHAGE n. m. (1845) et RACCROCHEMENT n. m. (1931) se répartissent des emplois du verbe.
DÉCROCHER v. tr., d'abord descrochier (v. 1200), exprime l'idée de « détacher (ce qui est accroché) » et, intransitivement, de « se détacher et tomber » (XIIIe s.). Au XIXe s., le verbe a développé deux sens figurés divergents : « obtenir après un effort » (1869), cohérent avec la locution figurée décrocher la timbale (1879), et « abandonner, laisser tomber » (av. 1869). Tous deux sont d'usage familier, le second étant aussi employé techniquement dans un contexte militaire et, avec un nom de chose pour sujet, en aéronautique et en électricité, avec l'idée d'une rupture de fonctionnement. Décrocher le récepteur (du téléphone) [1894] suppose au contraire qu'on le met en état de fonctionner. ◆  En français du Québec, décrocher, intr. s'emploie pour « abandonner ses études, quitter l'école, notamment avant d'avoir obtenu son diplôme », avec les dérivés décrochage (voir ci-dessous) et DÉCROCHEUR, EUSE n. « élève qui a quitté ses études avant d'avoir son diplôme ».
■  Le verbe a plusieurs dérivés. DÉCROCHEMENT n. m. (1635), « action de décrocher », est très vivant au sens métonymique de « position de ce qui est décroché, comme détaché », en architecture (1884), en marine et dans l'exploitation minière.
■  DÉCROCHAGE n. m., apparu en architecture (1872), empiète sur certains emplois du précédent, mais correspond, avec la valeur plus active du suffixe -age, aux emplois figurés (1884) et techniques du verbe.
■  DÉCROCHEUR, EUSE n. (1873) est appliqué à la personne qui décroche (au propre et au figuré) spécialement, en technique de l'alpinisme, à un appareil utilisé pour les descentes en rappel.
■  Le composé DÉCROCHEZ-MOI-ÇA n. m. inv., ancien terme populaire, a désigné un fripier (1842) puis, par métonymie, un vêtement d'occasion (1847, un chapeau pour femme ; 1877, tout vêtement) et la boutique du fripier.
❏ voir ANICROCHE, ESCROC, RECROQUEVILLER ; peut-être CROQUANT, CROQUET.
2 CROC interj. représente l'onomatopée exprimant le bruit que font certaines choses dures quand on les brise sous la dent (→ crac, cric, croquer). Son attestation écrite (1694) est sans grande pertinence, s'agissant d'un emploi certainement ancien dans l'usage oral.
CROCHE → CROC
CROCODILE n. m. est emprunté (v. 1131) au latin crocodilus dont on possède des attestations sous les formes altérées cocodrillus, (d'où l'espagnol cocodrillo), corcodillus, crocodrillus. Le mot latin est emprunté, par voie orale et populaire, au grec krokodilos qui désigne des lézards de toutes tailles. On peut suivre l'étymologie proposée par Hérodote selon laquelle krokodilos était le nom donné par les Ioniens aux lézards qui se trouvaient dans les clôtures de pierre, et qui fut appliqué par analogie aux crocodiles d'Égypte. Il serait alors composé de krokê « galet » et de drilos « ver » (avec dissimilation du second r) et signifierait proprement « ver de galet ». Krokê a été rapproché du sanskrit śárkarā- « galet, gravier » ; drilos, peu attesté seul, sinon au sens de « verge » dans un épigramme, est d'origine inconnue. ◆  La forme moderne crocodile (v. 1538), précédée par crocodelle (1517), a supplanté assez tard l'ancienne forme cocodrille, usuelle jusqu'au XVIe s., conservée parfois dans la langue populaire.
❏  Le mot, nom d'un reptile de grande taille vivant dans l'eau et sur terre, a fourni l'expression larmes de crocodile « larmes feintes » (1562), par allusion à une légende connue dès le moyen âge, selon laquelle le crocodile pleurait après avoir dévoré un être humain. Dans l'usage courant, il désigne tous les crocodiliens, alligator, caïman, etc. ; en zoologie, il en est distingué. ◆  Il est employé par métaphore en parlant d'une personne cruelle et coriace et désigne spécialement, dans le jargon sportif, un sportif ayant de remarquables qualités de ténacité, capable de gêner en fin d'épreuve les concurrents les plus brillants. ◆  Par métonymie, il désigne (1897) la peau de crocodile traitée, utilisée en peausserie, sens où il est familièrement abrégé en CROCO (XXe s. : attesté 1933). ◆  Par analogie de forme, crocodile sert à désigner la pièce horizontale que l'on place sur la voie ferrée pour actionner un signal au passage d'une locomotive (1881).
❏  La dérivation consiste en quelques termes de classification zoologique : CROCODILIENS n. m. pl. (1817 ; 1575, comme adj.), CROCODILIDÉS et CROCODILINÉS n. m. pl.
■  L'adjectif rare CROCODILESQUE (1886) qualifie au figuré un être à la conduite digne d'un crocodile (soit, au XIXe s., un usurier).
CROCUS n. m. est emprunté (1372) au latin crocus « safran », emprunté au grec de même sens krokos qui a produit plusieurs dérivés exprimant une notion de « couleur jaune ». Ce mot est à rapprocher des noms sémitiques du safran : l'akkadien kurkanû, l'hébreu karkōm, le sanskrit kuṅkuma (→ curcuma).
❏  Crocus, en français, désigne une fleur dont une des espèces est le safran.